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Chapitre A-3 : Du suicide simple à l’euthanasie volontaire (1ière partie) - Euthanasie : De la discussion jaillit la lumière

Chapitre A-3 : Du suicide simple à l’euthanasie volontaire (1ière partie)


le suicide

     Derrière le suicide assisté, et derrière son pendant particulier, l’euthanasie volontaire — ou « aide médicale à mourir » — se trouve le fait cru du suicide simple.

     Que peut-on en dire ?

Dans chaque cas particulier, la motivation suicidaire demeure un mystère subjectif. Le nouveau terme « suicide rationnel » comporte, alors, un caractère fondamentalement oxymoronique, car l’essence de la rationalité, c’est-à-dire un accord obligé parmi des gens « raisonnables » n’existe pas : dans des circonstances identiques, deux personnes, également « rationnelles » choisirait différemment face au suicide, sans qu’on puisse expliquer pourquoi.

     Pour la personne suicidaire il y a, peut-être l’attrait d’une porte de sortie. Pour la collectivité, cependant, de sortie il n’y en aura point. Quelles que soient les conditions préalables au suicide – quelles que soient les malaises, les drames, les pots cassés — la vie continue, et doit continuer dans l’absence du décédé.

     L’absence…

     Des enfants sans parent. Des parents qui plaignent la perte d’une enfant. Rare sont les cas de suicide où il n’y aurait pas de séquelles dramatiques — émotives, psychologiques, et souvent financières — suite à cet arraché soudain, et inaltérable, de la fleur de la vie.

– deux réactions sociales au fait de suicide : tradition et choix

     De manière peut-être un peu simpliste, nous pouvons surtout dénombrer deux réponses philosophiques, adaptées au défi constant du suicide :

    Premièrement, à partir de notre histoire, et de nos traditions gagnées dans l’évolution organique de notre espèce, nous avions développé un système de moralité objective. Ce qui voulait dire, surtout, que les gestes considérés odieux par l’ensemble des gens ordinaires furent condamnés, prohibés, et habituellement, punis ; la dérogation personnelle aux règles communes n’était pas permise.

   Évidemment, jadis, le suicide pouvait avoir des effets très nocives dans un environnement évolutionnaire, des plus rudes, ou la survie du groupe dépendait, avant tout, de la persévérance inconditionnelle de chaque membre. Rien d’étonnant, alors, que le suicide se serait trouvé dans cette catégorie de gestes proscrits.  Le sacrifice de soi, pour le bien du groupe, fut une chose noble et admirée, certes ; mais le simple abandon, devant la vie et ses responsabilités, ne le fut aucunement. Et c’est ainsi que les gens disaient « Le suicide est mal », de la même façon qu’ils auraient pu dire « le ciel est bleu ». Pour eux, il s’agissait d’un fait objectif.

    En conséquence, les tentatives de suicide étaient illégales et punissables ; les suicides réussis furent punis avec la profanation des dépouilles et la confiscation des biens. Et devant le fait imminent, nous nous efforcions, non seulement à raisonner avec l’individu hésitant, qui menaçait de se projeter en bas du pont, mais aussi à empêcher son geste de force ; tandis que l’assistance au suicide, elle, fut catégoriquement exclu, légalement défini en homicide.

    Par contre, il y a une deuxième souche philosophique, qui championne, en toute circonstance, la volonté subjective de l’individu. Et vu son importance dans les transformations sociales que nous connaissons (incluant dans notre matière choisie de suicide assisté) je détaillerai quelque peu, dans la suite du texte, la nature de cette moralité de choix, avec référence aux épisodes pertinentes dans notre histoire récente, telle la défaite de la Prohibition, le refus du service militaire, le divorce, l’avortement, l’homosexualité non-dissimulée, et aussi, l’usage plus ou moins ouvert de drogues récréatives. Il serait, à mon avis, impossible de surestimer l’influence de cette idée, tant radicale, voulant que l’individu, seul, soit l’unique juge, légitime, de la moralité de ses comportements personnelles, ou, comme chantaient avec tant d’entrain les Animals  (1965, Roger Atkins et Carl D’Errico) « It’s my life and I’ll do what I want ».

– la décriminalisation du suicide

    C’était dans cet esprit que le suicide fut décriminalisé, au Canada (1972). Il fut également postulé que la décriminalisation puisse sécuriser les survivants de suicides ratés ; les encourager à s’identifier, et à chercher l’assistance nécessaire ; ce qui pourrait, possiblement, réduire l’ampleur du problème. À partir de cette date, donc, il n’y avait plus de pénalité criminelle ni pour la tentative, ni pour le fait.

    Cette décision fut coïncidente, d’ailleurs, avec un plus grand mouvement vers la « désinstitutionalisation  » par laquelle les malades mentaux furent libérés, ou (selon les préjugés du témoin), simplement éjectés du system d’asile. Ces gens n’étaient plus protégés de force ; mais furent renvoyés dans la population générale, pour y faire, essentiellement, à leur tête. Devant ces faits, on pouvait soutenir la thèse libertaire : que la dignité humaine et l’autonomie personnelle des malades furent respectées ; que la séquestration — parfois dans des conditions de cruauté inquiétantes — fut évitée ; et que des ressources publiques importantes furent épargnées. Mais on pouvait également prétendre que la société eût failli dans son devoir de fournir des solutions modernes, scientifiques et humanitaires, aux défis de la maladie mentale ; qu’on eût refusé d’y accorder des ressources proportionnelles à l’importance du phénomène ; qu’on eût contribué, ainsi, à la continuation de la souffrance et de la mortalité — autant évitable que largement répandue — parmi les souffrants des maladies mentaux. Ces deux arguments coexistaient à l’époque ; et ces deux arguments coexiste toujours.

    Toujours est-il, que cette décriminalisation du suicide simple puisse servir d’exemple édifiant sur l’opération de la morale subjective franchement appliquée (à l’encontre directe de ce que nous observons aujourd’hui dans la mise en place confuse de l’euthanasie) : car selon la forme retenue à l’époque, ni les citoyens individuels, ni l’État, ne se trouvaient moralement compromis dans la validation du geste mortel (outre le fait d’accepter passivement son accomplissement). Au contraire, les individus — et l’État — conservaient, en vertu d’un choix subjectif diffèrent mais également légitime, tout leur droit de désapprouver et de combattre le fléau du suicide (lutte à laquelle grand nombre se sont montrés effectivement d’accord, par la suite, pour y consacrer des ressources considérables).  Cependant, à travers la logique subjective –en vertu d’un respect envers d’autrui, et même d’un respect dans le différend –le droit au suicide fut admis. Désormais, tout certitude d’opinion à ce sujet relèverait de la préférence personnelle. Et c’est ainsi qu’au sein de la société canadienne, aujourd’hui, le suicide ne soit ni bien, ni mal ; ou au moins, pas de la même manière que le ciel soit bleu : le suicide serait bien ou mal, au choix, selon les préjugés de la personne avec laquelle nous nous entretenons.

    Pourtant, cette situation ouvrit des questions pointues, de discrimination et de justice, à l’égard des personnes qui auraient bien voulu se suicider mais qui n’en fussent pas capable, physiquement (ou peut-être psychologiquement) d’accomplir, sans aide, leurs desseins fatals

    Qu’en est-il, alors, de ces personnes ? Que fait-on de leur droit de faire ce qu’elles veulent bien faire ? En somme : s’il fallait accepter le suicide simple, qu’en serait-il du suicide assisté ?

poursuivre la lecture du texte en séquence linéaire…

2 réflexions au sujet de “Chapitre A-3 : Du suicide simple à l’euthanasie volontaire (1ière partie)”

  1. “Le nouveau terme « suicide rationnel » comporte, alors, un caractère fondamentalement oxymoronique, car l’essence de la rationalité, c’est-à-dire un accord obligé parmi des gens « raisonnables » n’existe pas : dans des circonstances identiques, deux personnes, également « rationnelles » choisirait différemment face au suicide, sans qu’on puisse expliquer pourquoi.”

    Un des problèmes de fond décrivant la rationalité comme devant être caractérisé comme un accord obligé entre gens “raisonnables” est que cela fait de la rationalité quelque chose dont le critère de validité est socialement construit. C’est problématique pour un certain nombre de raisons.

    Le véritable débat que soulève cette perspective est la distinction entre l’internalisme et l’externalisme quand il s’agit de caractériser ce qui est rationnel ou pas. Voici une introduction au sujet et une description sur Wikipedia:

    https://en.wikipedia.org/wiki/Internalism_and_externalism

    Et cela a des conséquences quand on cherche à appliquer la rationalité aux questions morales.

    À mon avis, une large part de la discussion de cet article peut s’analyser ou plutôt s’éclairer à la lumière de ces deux vidéos.

  2. Cher F68.10

    Vous avez, effectivement, mis le doit sur le point central de tout ma réflexion à l’égard de l’euthanasie.

    Je commence avec une distinction entre le subjectif et l’objectif, ce que je crois être des termes de langage commun, qui correspond assez bien avec les termes utilisés dans vos sources, soit : interne and externe.
    (La problème avec des vocabulaires spécialisées qui change à tous les dix ans réside dans le fait que trop de personnes en soient exclues des discussions. Je cherche, donc, un compromis linguistique qui serait à la fois abordable et raisonnablement rigoureux.

    Cela étant dit, pour ce qu’il y a de mon éducation personnelle, je suis positivement friand des nouveautés, et je suis heureux d’en prendre compte dans les commentaires subséquents aux textes principaux du « Livre en Devenir »)

    Or, le débat sur l’euthanasie se résume, souvent, à une conteste livrée entre « internalistes » et « externalistes », qui porte, à la fin, sur les mérites de ces deux perspectives : les internalistes revendique la légitimité de la motivation subjective pour justifier le droit de suicide assisté et euthanasie volontaire ; tandis que les externalistes se fient aux démonstrations des torts sociaux plus larges, en particulier la fragilisation du statut vitale des personnes handicapées-malades-chroniques, non-suicidaires, qui soit produit par la normalisation de l’euthanasie des gens exactement comme eux.

    Le « Livre en Devenir » part sur la prémisse que l’euthanasie soit légale et que nous pouvions anticiper qu’elle en restera ainsi pour le futur prévisible. J’accord, donc, la victoire pragmatique aux internalistes.

    Cependant, les problèmes objectifs (et sociétales) de l’euthanasie sont très réelles. Le choix de privilégier la logique internaliste ne fait pas disparaitre celles-ci ; au contraire, s’encombrer, délibérément, de inconvénients graves grâce à un choix binaire aux conséquences graves, nous incomberait de chercher, avec le plus grand sérieux, toute méthode possible d’en atténuer les effets redoutés.

    Comme vous verrez (au cas où vous choisiriez de continuer la lecture des chapitres subséquents) j’identifie comme principale source de palliation des maux appréhendés : que la distinction soit faite avec un maximum de clarté, précisément, entre les justifications « internes » et « externes », « subjectif » et objectif ».

    Essentiellement, je prétendrais que la personne non-suicidaire (qui présente le profil de clientèle visée) ne peut être protégée (contre les méfaits des perceptions découlant d’euthanasie à l’endroit de personnes présentant les mêmes diagnostiques et prognoses, qu’elle) sans insister, dans la compréhension populaire, sur la notion que la motivation des suicidaires soit purement internaliste, et absolument non-objective. Que (pour adopter la vocabulaire commune) le suicidaire n’a aucunement « raison » (du perspective externe) pour ce faire, mais seulement le droit.

    Malheureusement, au Canada, nous avons permis des enfreints extrêmement sérieux à ce principe de clarté cohérente. Il est important, par exemple, au suicidaire de se sentir justifié (absolument) dans son choix. Il en découle des formulations comme « mort dans la dignité » qui sont indissociables de la suggestion que certaines vies sont effectivement « indignes ». Il est également très important pour le médecin de croire qu’il « agit pour le bien » (absolument). Mais de définir l’euthanasie, scientifiquement (objectivement) comme un soin médicale adapté à tel ou tel indication, crée un danger monstrueux pour tous ceux qui présentent ces indications.

    Ce que je propose, ici, c’est d’implémenter une liberté — de choisir le moment et la manière de sa mort — qui soit justifié uniquement par une logique subjective (internaliste), autant de la part du patient que de celle du médecin.

    Mais, dans cette entreprise, il existe la problème que l’externalisme soit présumé, d’habitude, par tout le monde, et que la premier tache que je doit accomplir, c’est de soulever l’existence même d’une autre perspective. Car (pour aborder un sujet abordé dans le vidéo) le monde veulent souvent agir selon un raisonnement internaliste, mais ils essaient, aussi, de présenter leur choix comme étant un que se justifie externalement ! (Et tel serait la problématique essentielle de l’euthanasie)

    Maintenant, pour adresser le point de départ spécifique de votre critique, je vois que je peut difficilement utilises le mot « raisonnable » comme j’aurais fait, puisque je commets le faut de présumer l’externalisme de ce qui soit « raisonnable » et je ne tiens pas compte de ce qui soit la raison « internaliste ».
    Alors, comment trouverez-vous la formulation suivante :

    Le nouveau terme « suicide rationnel » comporte, alors, un caractère fondamentalement oxymoronique, car l’essence de la « rationalité », considérée dans sa sens de langage commun (qui conforme par défaut à la souche « externaliste » de la raison) c’est-à-dire un accord obligé parmi des gens « raisonnables », n’existe pas : car dans des circonstances identiques, deux personnes, également « rationnelles » choisiraient différemment face au suicide, sans qu’on puisse expliquer pourquoi (à moins d’analyser des facteurs qui découlent, non de la nature du choix, lui-même, mais plutôt de la nature de celui qui choisit).

    J’attends vos conseils,

    Gordon Friesen, Montreal
    http://hopeandfree.com/

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