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décembre 2018 - Euthanasie : De la discussion jaillit la lumière

la regarde des bien-portants : différence de perception fondée dans la différence expérientielle ; nature changeante de l’opinion publique


 Marathon de l’Espoir : 12 Avril au 1 Septembre, 1980 ; 143 jours ;
5,373 kilomètres

     Pour la plupart, les gens bien-portants – incluant les professionnels de la santé — ne possèdent pas, encore, les expériences requises pour faire de jugements personnels — fondés dans la profondeur du vécu direct – ni de la maladie, ni de la souffrance, ni des déficits physiques. Ils sont, donc, susceptibles d’épouser les opinions de ceux qui en possèdent, et qui présentent, aussi, des histoires personnelles plus saisissantes ; ceux dont le sort et les gestes font vibrer les émotions et évoquent l’admiration.

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métiers traditionnellement associés à la mort : le bourreau

exécution de Milady de Winter, Les Trois Mousquetaires,
Alexandre Dumas, 1844

Une première possibilité de comparaison existerait, bien sûr, avec le bourreau traditionnel, qui œuvrait, à travers les siècles, dans l’élimination systématique des éléments criminels et subversifs de la société ; mais les tabous et le rejet social entourant ce métier, de nos jours, rendrait une étude rationnelle de la psychologie du bourreau difficile, ou impossible. Elle retiendrait, pourtant, un certain intérêt pour nous, dans la mesure qu’elle puisse illustrer la répugnance première — la méfiance, voire l’horreur à peine contrôlée — que les gens ordinaires ressentent, tout naturellement, dans la présence de personnes qu’ils savent être des homicides.

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Chapitre A-3 : Du suicide simple à l’euthanasie volontaire (1ière partie)


le suicide

     Derrière le suicide assisté, et derrière son pendant particulier, l’euthanasie volontaire — ou « aide médicale à mourir » — se trouve le fait cru du suicide simple.

     Que peut-on en dire ?

Dans chaque cas particulier, la motivation suicidaire demeure un mystère subjectif. Le nouveau terme « suicide rationnel » comporte, alors, un caractère fondamentalement oxymoronique, car l’essence de la rationalité, c’est-à-dire un accord obligé parmi des gens « raisonnables » n’existe pas : dans des circonstances identiques, deux personnes, également « rationnelles » choisirait différemment face au suicide, sans qu’on puisse expliquer pourquoi.

     Pour la personne suicidaire il y a, peut-être l’attrait d’une porte de sortie. Pour la collectivité, cependant, de sortie il n’y en aura point. Quelles que soient les conditions préalables au suicide – quelles que soient les malaises, les drames, les pots cassés — la vie continue, et doit continuer dans l’absence du décédé.

     L’absence…

     Des enfants sans parent. Des parents qui plaignent la perte d’une enfant. Rare sont les cas de suicide où il n’y aurait pas de séquelles dramatiques — émotives, psychologiques, et souvent financières — suite à cet arraché soudain, et inaltérable, de la fleur de la vie.

– deux réactions sociales au fait de suicide : tradition et choix

     De manière peut-être un peu simpliste, nous pouvons surtout dénombrer deux réponses philosophiques, adaptées au défi constant du suicide :

    Premièrement, à partir de notre histoire, et de nos traditions gagnées dans l’évolution organique de notre espèce, nous avions développé un système de moralité objective. Ce qui voulait dire, surtout, que les gestes considérés odieux par l’ensemble des gens ordinaires furent condamnés, prohibés, et habituellement, punis ; la dérogation personnelle aux règles communes n’était pas permise.

   Évidemment, jadis, le suicide pouvait avoir des effets très nocives dans un environnement évolutionnaire, des plus rudes, ou la survie du groupe dépendait, avant tout, de la persévérance inconditionnelle de chaque membre. Rien d’étonnant, alors, que le suicide se serait trouvé dans cette catégorie de gestes proscrits.  Le sacrifice de soi, pour le bien du groupe, fut une chose noble et admirée, certes ; mais le simple abandon, devant la vie et ses responsabilités, ne le fut aucunement. Et c’est ainsi que les gens disaient « Le suicide est mal », de la même façon qu’ils auraient pu dire « le ciel est bleu ». Pour eux, il s’agissait d’un fait objectif.

    En conséquence, les tentatives de suicide étaient illégales et punissables ; les suicides réussis furent punis avec la profanation des dépouilles et la confiscation des biens. Et devant le fait imminent, nous nous efforcions, non seulement à raisonner avec l’individu hésitant, qui menaçait de se projeter en bas du pont, mais aussi à empêcher son geste de force ; tandis que l’assistance au suicide, elle, fut catégoriquement exclu, légalement défini en homicide.

    Par contre, il y a une deuxième souche philosophique, qui championne, en toute circonstance, la volonté subjective de l’individu. Et vu son importance dans les transformations sociales que nous connaissons (incluant dans notre matière choisie de suicide assisté) je détaillerai quelque peu, dans la suite du texte, la nature de cette moralité de choix, avec référence aux épisodes pertinentes dans notre histoire récente, telle la défaite de la Prohibition, le refus du service militaire, le divorce, l’avortement, l’homosexualité non-dissimulée, et aussi, l’usage plus ou moins ouvert de drogues récréatives. Il serait, à mon avis, impossible de surestimer l’influence de cette idée, tant radicale, voulant que l’individu, seul, soit l’unique juge, légitime, de la moralité de ses comportements personnelles, ou, comme chantaient avec tant d’entrain les Animals  (1965, Roger Atkins et Carl D’Errico) « It’s my life and I’ll do what I want ».

– la décriminalisation du suicide

    C’était dans cet esprit que le suicide fut décriminalisé, au Canada (1972). Il fut également postulé que la décriminalisation puisse sécuriser les survivants de suicides ratés ; les encourager à s’identifier, et à chercher l’assistance nécessaire ; ce qui pourrait, possiblement, réduire l’ampleur du problème. À partir de cette date, donc, il n’y avait plus de pénalité criminelle ni pour la tentative, ni pour le fait.

    Cette décision fut coïncidente, d’ailleurs, avec un plus grand mouvement vers la « désinstitutionalisation  » par laquelle les malades mentaux furent libérés, ou (selon les préjugés du témoin), simplement éjectés du system d’asile. Ces gens n’étaient plus protégés de force ; mais furent renvoyés dans la population générale, pour y faire, essentiellement, à leur tête. Devant ces faits, on pouvait soutenir la thèse libertaire : que la dignité humaine et l’autonomie personnelle des malades furent respectées ; que la séquestration — parfois dans des conditions de cruauté inquiétantes — fut évitée ; et que des ressources publiques importantes furent épargnées. Mais on pouvait également prétendre que la société eût failli dans son devoir de fournir des solutions modernes, scientifiques et humanitaires, aux défis de la maladie mentale ; qu’on eût refusé d’y accorder des ressources proportionnelles à l’importance du phénomène ; qu’on eût contribué, ainsi, à la continuation de la souffrance et de la mortalité — autant évitable que largement répandue — parmi les souffrants des maladies mentaux. Ces deux arguments coexistaient à l’époque ; et ces deux arguments coexiste toujours.

    Toujours est-il, que cette décriminalisation du suicide simple puisse servir d’exemple édifiant sur l’opération de la morale subjective franchement appliquée (à l’encontre directe de ce que nous observons aujourd’hui dans la mise en place confuse de l’euthanasie) : car selon la forme retenue à l’époque, ni les citoyens individuels, ni l’État, ne se trouvaient moralement compromis dans la validation du geste mortel (outre le fait d’accepter passivement son accomplissement). Au contraire, les individus — et l’État — conservaient, en vertu d’un choix subjectif diffèrent mais également légitime, tout leur droit de désapprouver et de combattre le fléau du suicide (lutte à laquelle grand nombre se sont montrés effectivement d’accord, par la suite, pour y consacrer des ressources considérables).  Cependant, à travers la logique subjective –en vertu d’un respect envers d’autrui, et même d’un respect dans le différend –le droit au suicide fut admis. Désormais, tout certitude d’opinion à ce sujet relèverait de la préférence personnelle. Et c’est ainsi qu’au sein de la société canadienne, aujourd’hui, le suicide ne soit ni bien, ni mal ; ou au moins, pas de la même manière que le ciel soit bleu : le suicide serait bien ou mal, au choix, selon les préjugés de la personne avec laquelle nous nous entretenons.

    Pourtant, cette situation ouvrit des questions pointues, de discrimination et de justice, à l’égard des personnes qui auraient bien voulu se suicider mais qui n’en fussent pas capable, physiquement (ou peut-être psychologiquement) d’accomplir, sans aide, leurs desseins fatals

    Qu’en est-il, alors, de ces personnes ? Que fait-on de leur droit de faire ce qu’elles veulent bien faire ? En somme : s’il fallait accepter le suicide simple, qu’en serait-il du suicide assisté ?

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Pourquoi privilégier la discussion de l’euthanasie en langue française ?


François Rabelais  1483 (ou 1494 ?) – 1553

    1. Les pays du monde vivent actuellement des situations très différentes face à l’euthanasie. Pour la plupart, l’euthanasie et le suicide assisté sont proscrits. Tel est également le cas dans la diaspora Britannique (Royaume Uni, Australie, Nouvelle Zélande), ou ils’agit, encore, de pratiquer (ou de prévenir) une première brèche dans l’interdit. Les discours offerts à ce niveau pour opposer ces pratiques sont catégoriques (tel qu’illustré par cet article paru dernièrement dans le journal de l’Association Médicale Mondiale, 2018, Numéro 3, page 17), et donc d’un intérêt très limité dans un pays comme le nôtre ou nous devons, déjà, composer avec la réalité de l’euthanasie transformée en intervention routinière.

     2. Aux États-Unis, il n’y a que sept états qui permettent des formes diverses d’assistance au suicide. Pour la majorité des états (comprenant 82 % de la population), la dynamique ressemble à celle décrite ailleurs : une opposition (ou promotion) première, tactique et contextuel, mal-adaptée, donc, aux exigences de la légalisation. De plus, dans les états permissifs, il n’y a qu’une utilisation très marginale des autorisations d’assistance au suicide, qui se produit dans un environnement médical de choix, fondé dans un libre marché, et où les problèmes soulevés par l’introduction de l’euthanasie dans une panoplie de soins universellement garantis, par un monopole d’état, ne se posent pas.

     Pourtant, malgré ces faits, le débat nord-américain (en langue anglaise), est actuellement dominé par les débats et les enjeux américains, qui ne reflètent que les contextes et les discours pré-légalisation, ce qui tend à empêcher l’expression de réflexions et d’analyses mieux adaptées aux conditions canadiennes actuelles.

     3. Les pays ayant le plus d’expérience avec l’euthanasie sont la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg (Bénélux). Celui avec le plus d’expérience du suicide assisté est la Suisse. Or, cette zone d’Europe exhibe une forte concentration de population et de scolarisation francophone. L’usage du Français, donc, faciliterait la participation souhaitable des intervenants de ces pays, c’est-a-dire : de ceux dont le vécu aurait le plus à nous enseigner.

     4. Ce n’est pas un hasard, que — sur la scène nord-américaine — l’euthanasie soit arrivée au Québec en première instance.  Ce fut l’effet naturel des liens entretenus par les intellectuels québécois avec leurs pairs outre-Atlantique ; et la langue préférée des intellectuels québécois demeure le Français.

     Pour toutes ces raisons, je crois, fermement,qu’il serait de la plus grande utilité, au Canada, que la voix et l’expertise québécoise, en matière d’euthanasie, ne se fasse pas diluée à l’intérieure de la conversation générale nord-américaine. Rien n’empêche la propagation (traduction) ultérieure de cette voix distincte, mais pour ce faire, il faudrait d’abord qu’elle existe. Et c’est ainsi que, malgré les difficultés évidentes que j’éprouve personnellement dans cet environnement linguistique, je me serais résolu à utiliser cette langue, poétique, précise, et exigeante.