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Le contexte de crise nihiliste où le suicide et l'euthanasie ont trouvé leur essor - Euthanasie : De la discussion jaillit la lumière

Le contexte de crise nihiliste où le suicide et l’euthanasie ont trouvé leur essor

(Tome Deuxième : Sous l’ombre de l’euthanasie — Partie D : L’euthanasie et la société — Section I (T2-D-I): Dans quelle mesure est-il possible d’intégrer un « droit de mourir » sans abandonner nos principes humanitaires? — Chapitre: Le contexte de crise nihiliste où le suicide et l’euthanasie ont trouvé leur essor)

–L’impossibilité post-moderne de chercher une solution partagée d’origine “morale”

À travers ces pages, nous avons cru nécessaire d’esquisser les grandes lignes de la crise civilisationnelle qui perturbe, depuis plusieurs générations déjà, la société occidentale: cette crise de fondation morale qui nous empêche, apparemment, d’affirmer la nature (ou l’existence même) du “bien” dans l’absolu.

En tentant d’argumenter le “bien” de l’euthanasie, par exemple, il s’est constamment posée la question préalable, à savoir: le “bien” selon qui ? Car, en ce moment, il n’existe pas de système moral suffisamment universel pour que les conclusions pratiques en soient généralement acceptées.

Jadis, bien sûr, la proposition était unanimement admise que la vie humaine possèdent une valeur “intrinsèque” ou “sacrée”; et en conséquence: que la vie de chacun dut (idéalement) être protégée contre tous, et au besoin, même contre soi. Selon cette doctrine, le suicide assisté enfreint l’interdiction du suicide, et l’euthanasie enfreint celle de l’homicide. Tous deux demeuraient, donc, des impossibilités sociales.

Comme résultat pratique de la crise moderne, cependant, nous nous trouvons privés de certitudes semblables.

–La perte de certitude morale comme résultat de l’abandon religieux; la compétition armée des substituts idéologiques

C’était le génie de Friedrich Nietzsche (1844 -1900) de comprendre que la morale Chrétienne ne pouvait survivre sans son Dieu. Et donc: que l’abandon de ce Dieux (par une fraction de plus en plus importante parmi l’intelligentsia) signifia, aussi, la fin de cet ensemble moral. Plusieurs intellectuels aussi divers et influents que François-Marie Arouet (Voltaire,1694 -1778), Benjamin Franklin (1706 – 1790) et Ernest Renan (1823 – 1892) n’arrivèrent pas, eux, à faire cette connexion, croyant qu’une notion non-spécifique de “Providence” pouvait aussi bien appuyer ce qui leur semblaient des préceptes moraux “naturels” (et donc à l’abri de critique).

Et pourtant ! Il y avait déjà des principes moraux fortement disputés à l’époque, tel l’état marital exclusif (renié par les révolutionnaires français dans leur revendication du divorce et de “l’union libre”). Or, si ces règles n’était que le fait de l’Église Catholique, (disait certains incluant Voltaire lui-même), la déconfiture de cette Église (et le rejet de son Dieux) représenterait une opportunité de s’en affranchir (et selon les vœux des philosophes dominants: de se rapprocher de vérités morales supérieures et améliorées).

Soit. Il y avait grand nombre de personnes pour applaudir cette nouvelle liberté d’autodétermination morale. La génération de Helen Keller (1880 – 1968) en particulier, s’enthousiasma pour inventer des principes profonds et nouveaux, que ces membres imaginaient, sincèrement, être choisis en accord avec la “nature” essentielle du monde.

Sauf que… Sans une source universellement réputée infaillible (voire divine), il n’y a rien pour trancher entre des propositions en compétition, dont les conclusions s’opposent de manière pratique et importante.

Voila comment et pourquoi nous assistâmes à des luttes idéologiques du vingtième siècle dont la destruction dépassa tout des guerres de religion les ayant précédé! Car il peut éventuellement sembler rationnel, entre les fidèles de cultes divergents (et épuisés par les pertes et par les misères d’un conflit sans issue), de s’accorder mutuellement un droit de vivre et de pratiquer leurs religions à leur guise. Mais entre le Totalitarisme et la Liberté, entre Bolchevik, Fasciste et Capitaliste, il ne peut y avoir de “vivre et laisser vivre”! Au-delà des compromis démocratiques, il ne reste que le tranchant des armes.

–Une mécompréhension toujours importante de l’ampleur de ce changement

Tout ces conflits ne semblaient concerner, pourtant, que la nature du “bien” comme tel, car ils furent entrepris par des personnes qui n’en doutèrent pas de la réalité absolue de celui-ci; des personnes qui avaient été élevées dans la tradition de bien immuable; et des personnes qui se donnèrent volontiers en sacrifice dans son nom. Même les Marxistes à cet égard, ayant répudié le Dieu des Chrétiens, se consolaient toujours avec la notion “d’inévitabilité historique”, qui n’est d’autre chose (selon des philosophes de la trempe d’un Bertrand Russell, 1872 – 1970) que l’idée plus ancienne de “volonté divine”, présentée sous un nom nouveau.

L’idée encore plus radicale, que de volonté divine, de providence, d’intention historique, (voire de “bien” immuable dans l’absolu) il n’y en a pas –d’aucun genre– n’avait pénétré la conscience collective que très imparfaitement à l’époque (à part quelques esprits particulièrement originaux comme Nietzsche lui-même). Car pour tout dire: cette idée a toujours parue, au plus grand nombre, comme une conclusion intuitivement irrecevable.

Mais n’empêche! Telle est, au fond, la signification finale de l’interprétation matérielle suggérée par l’œuvre scientifique depuis le temps d’Isaac Newton (1643 – 1727) et dont toutes les innovations subséquentes sont les fruits: que les forces physiques, perceptibles, suffisent pour expliquer toutes les actions de l’univers (à partir du “big bang” jusqu’au fonctionnement du cerveau humain); qu’il n’y a aucune nécessité d’invoquer d’autres facteurs, ni d’intention, ni de dessin. Car selon cette interprétation: tout se passe de façon rigidement mécanique; les êtres humains ne possèdent aucun attribut “spirituel”; la mort est finale; et l’oubli (parmi les vivants) signifie l’oubli absolu.

À la plus grande échelle, la disparition d’une planète entière (comme notre Terre) –avec toute son histoire, et avec tous ses habitants– ne porterait aucun signification. Et ainsi serait-il pour la disparition de notre Univers au complet. Car comment un phénomène peut-il se vouloir “significatif” au cas où personne n’en serait consciente ?

Sans conscience transcendantale, alors, de signification il n’y en a pas. Et sans signification, de moralité il ne peut y en avoir non plus. Les gestes humaines, donc, ne portent aucune importance au-delà de celle accordée par les personnes responsables ou affectées; et le jugement d’aucun de ces individus ne peut réclamer de primauté sur celui d’aucun autre.

Voilà les conséquences inconfortables de l’interprétation matérialiste (aujourd’hui dite “mécanique”), qui n’étaient saisies (que très confusément) par les martyres des idéologies modernes; martyres qui se donnèrent dans leurs milliers (et dans leurs millions) pour défendre leurs visions du “bien” supérieur, avec tout autant d’enthousiasme que leurs ancêtres religieux d’antan.

–Une analyse plus rigoureuse (et plus courageuse): Jack London

Nous avons examiné, plus avant, le cas extraordinaire du penseur autodidacte Jack London (1876 – 1916) qui cherchait, lui, à travers tout le savoir connu de la race humaine, autant occidental que oriental, sans pouvoir trouver un antidote au pessimisme matérialiste; sans pouvoir trouver un sens profond à la vie qui eut été suffisant pour lui permettre –sinon à guérir– au moins à démentir la validité de sa dépression chronique (appelée par lui “la longue maladie”), ainsi que la voix hyper-lucide de ses transports alcooliques (nommée “la logique blanche”).

Tristement, ceux qui se contentent à blâmer uniquement la dépression (ou l’alcoolisme) pour la dissolution et la mort de Jack London, ne saisissent pas (peut-être) l’importance unique de cette vie, et de cette œuvre, soit: le fait d’avoir prouvé (selon les repaires scientifiques et philosophiques qui lui furent disponibles au début du vingtième siècle) que ce soit le nihilisme total (et non l’espoir, ni la confiance, naïfs ou savants) qui est objectivement validé face à la vie humaine, autant face à la vie individuelle que devant celle de la race au complet.

Aussi, le drame essentiel du temps post-moderne demeure dans ce fait déroutant: que personne, encore, n’ait pu vraiment réussir à démentir cette vision accablante.

Car si les prémisses matérialistes sont devenues de véritables articles de foi pour la classe gérante, il ne s’est trouvé que très peu de confort dans la considération sérieuse des conclusions conséquentes.

Or, voilà l’arrière-fond de philosophie sociétale devant lequel il nous a fallu expliquer l’approbation progressive, au Canada, du suicide (1972), et du suicide assisté (2016).

À suivre...

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