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juillet 2019 - Euthanasie : De la discussion jaillit la lumière

– le divorce : un exemple de contradictions philosophiques, et légales

Le 10 décembre 1936 le roi Édouard VIII renonce au trône afin de pouvoir épouser Wallis Simpson, une américaine quadragénaire, divorcée

     Tout comme dans le cas du suicide, il existait jusqu’à tout récemment un interdit absolu à l’égard du divorce. Il y avait, surtout, un état de mariage généralement accepté, qui trouvait ses origines dans un évolution sociale, complexe et de longue date, qui prétendait encadrer, harmonieusement, les relations de la reproduction humaine. Or, l’un des axiomes à la base de cette institution fut le notion (encore vérifiable à l’observation empirique) que l’accouplement humaine se fait, habituellement, pour la vie. Traditionnellement, alors, tous les jugements subséquents, au sujet des devoirs des époux, se faisaient en considération de cette attente d’accouplement « normal » ; même si ce préjugé pouvait aboutir dans des situations, évidentes, de malheur particulier.

    Éventuellement, en Europe comme en Amérique, la conduite personnelle des élites, conjuguée avec le travail de certains romanciers (Le Lys dans la vallée, 1836, Honoré de Balzac 1799 – 1850) aurait réussi à convaincre le grand public mondain qu’il y avait des cas de mariage littéralement invivable (une proposition, soit dit en passant, très similaire à la notion actuelle de conditions médicales insupportables). Mais ce qu’il faut constater, c’est qu’en arrière de ces assauts littéraires sur les dérapages maritaux, il y avait toujours un ouvrage plus clair, plus honnête — et surtout plus cohérent — des penseurs philosophes qui s’attaquaient, depuis belle lurette, à la base des principes du mariage traditionnel.

— Évolution des lois : de La Révolution au présent

     Déjà, en 1792, dans les premiers enthousiasmes de la Révolution Française, fut légalisé le droit à la rupture légale du mariage civil, étant donné que les formes traditionnelles de la famille furent identifiées, dans la pensée radicale, comme des mécanismes de l’oppression sociale. Pourtant, le grand monde n’était pas prêt à adopter, toute de suite, ce régime d’unions libres révolutionnaire, et le droit de divorce fut de nouveau supprimé pendant presque soixante-dix ans, à partir de 1816, jusqu’en 1884 quand une brèche d’exception fut finalement admise pour les cas d’infidélité, de cruauté etc. — des exceptions qui furent exploités, par la suite, pour couvrir le plus grand nombre de cas possibles.

     Cependant, l’interdit existaient toujours : conditionnellement en France (pas de divorce par la simple consentement mutuelle) ; et de manière absolue dans beaucoup d’autres pays. En Espagne, par exemple, le divorce demeurait interdit jusqu’en 1981 ; en Irlande jusqu’en 1995 ; et même au Canada, aussi récemment que 1968, un acte dite « réformateur » fut promulgué, mais qui interdisait toujours la « collusion » entre les deux époux, ce qui signifia, non seulement que deux personnes n’aient pas pu dissoudre leur union par consentement mutuelle, mais aussi, agissait hors la loi les époux qui tenteraient de coopérer, ensemble, pour produire les conditions requis par la loi ! Seulement à partir de 1985, alors, pouvait-on obtenir, au Canada, un divorce qui eut été fondé sur le seul fait de séparation pendant un an, sans obligation de fixer une faute particulière sur l’un des deux.

     Toutefois, je peux affirmer, d’expérience personnelle, que le divorce (raisonnablement amical) fut possible avant 1985, même si un certain dégrée de « collusion » fut inévitable (ainsi que le besoin humiliant pour l’un ou l’autre d’admettre des torts spécifiques, tels l’adultère, l’addiction, l’emprisonnement, la désertion, etc.). Il y aurait, alors, deux constats à faire au sujet du divorce au Canada pendant cette période : premièrement, l’évolution de la liberté sous la bannière de « l’amour libre », et deuxièmement le maintien théorique de l’interdit, qui imposait (et qui impose toujours) des dangers potentiels – surtout de nature financier — dans une procédure qui devient, pour plusieurs, une expérience semblable à la traversé d’un champ de mines.

     La situation sociale se complique, aussi, du fait qu’un grand nombre de personnes (et une franche majorité chez les Québécois) ne se marient plus du tout, de nos jours ; et que, devant un tel vide d’encadrement pratique, l’État se serait senti obligé d’élaboré des statuts plus larges, au sujet des responsabilités mutuelles dans les « unions libres », ainsi que le partage financier à la dissolution, et les obligations de support auprès des enfants.

     Dans les faits, alors, nous vivons aujourd’hui dans un régime ou l’interdit de divorce existe toujours, conditionnellement, quoique toutes les unions sont « libres » du fait qu’ils peuvent être dissouts à volonté, tandis que personne ne peut s’échapper à certaines obligations, qu’elle soit mariée, ou non.

     Et pour signaler le fardeau de l’incohérence dans ce système — ou les principes philosophiques, contradictoires, de liberté et de contraint s’affront de manière si confuse — il faudrait remarquer que différentes personnes, dans des situations essentiellement identiques, peuvent se trouver dans de circonstances de vie radicalement différentes, dépendant seulement des stratégies légales adoptées par les unes et par les autres.

     Pourtant, du point de vue pragmatique, et en dépit des conditions et des exigences de l’interdit théorique — ou le caprice administratif des supplices imposées — le divorce serait clairement devenu possible, de nos jours, selon la seule volonté de l’un des deux partenaires. Dans d’autres mots : d’exception en exception, nous sommes arrivés à un état de liberté personnelle quasi-complète dans cette matière. Et si cet exemple doit nous informer sur le futur de la pratique du suicide assisté et de l’euthanasie volontaire, nous nous devions de nous préparer à une libéralisation similaire.

     De plus, l’histoire de la libéralisation du divorce nous présente avec des inquiétudes, certaines, concernant les effets néfastes de la cohabitation du vieux avec du neuf : c’est-à-dire, les problèmes qui résulte de la légalisation d’un droit à mourir personnel (subjectif) qui soit articulé, malencontreusement, dans les termes traditionnels (objectives) de la médecine et de l’euthanasie.

     Mais, toujours est-il, que à l’intérieure de notre étude actuelle, ce serait plutôt l’avortement dont l’histoire nous fournirait l’exemple qui nous soit le plus édifiant.

Poursuivre la lecture du texte en séquence linéaire… (L’avortement : un exemple particulièrement instructif pour comprendre l’évolution future de l’euthanasie)

Chapitre : La Prohibition (II) : une histoire complexe revisitée dans sa dimension humaine

— Le piège confortable de la rétrospection

     Il serait facile, bien-sûr, et intellectuellement rassurant pour nous — du haut de notre perspective artificielle, et avec la distance qui nous en sépare des faits — de prétendre pouvoir discerner des nécessités économiques, sociologiques ou même anthropologiques, qui nous indiqueraient une véritable inévitabilité dans les circonstances que nous cherchons à expliquer : dans la défaite de la Prohibition, et dans l’acceptation finale de la vente des vins et des spiritueux.

     Ce serait l’esprit usuel qui habitent les descriptions de cette période ; et ce fut à l’intérieure de ce cadre conventionnel que j’en aurait offert, d’abord, le récit sommaire. De plus, les gens qui connaissaient cette période, de première expérience, sont presque tous morts aujourd’hui ; et le regard de notre propre époque — si non officiellement hédoniste, au moins résolument permissive – s’incline souvent vers une attitude d’indulgence humoristique à l’égard des convictions morales de nos parents et de nos (arrière-) grands-parents.

     Pourtant, malgré l’image négative qui s’est développée, aujourd’hui, au sujet de nos aïeuls (identifiés tour à tour, comme étant, soit ridicules, soit criminels), et malgré les lacunes personnelles ou collectives qu’ils auraient pu réellement illustrer (ainsi que les épisodes regrettables qui en aient pu résulter), il serait toujours instructif de nous rappeler : que ce furent ces gens qui abolirent le fléau, jusqu’alors universel, de l’esclavage (non dans un révolte des opprimés, mais bien dans une guerre fratricide de la race privilégiée) ; qui affrontèrent, par principe, les monstres successives de l’autoritarisme : Autocratiques, Fascistes, et Communistes ; qui eurent produit la société qui fut, à la fois, la plus prospère, et la plus libre, jamais connu sur terre : une société qu’ils eurent inventé ; qu’ils eurent défendu, et qu’ils auraient transmis, enfin et malgré tout, intacte, à leur progéniture. Tels furent les personnes qui avaient l’ambition morale, et l’audace progressiste, de provoquer — de risquer — et de perdre, la bataille de la Prohibition.

    Or, de se complaire dans la superficialité de l’explication facile et standard, trahirait, je soumets, une mécompréhension profonde de la nature dynamique et indéterminée des évènements qui forment, réellement, la trame de notre histoire sociale ; il trahirait, aussi, un mépris irrespectueux à l’égard des passions de l’époque, et par extension, un manque de respect à l’égard des gens qui étaient, jadis, animés par ces passions. Surtout, nous en perdrions, j’en ai bien peur, le fruit convoité de toute enquête historique :  un sens de l’importance des échos de ces passions dans notre présent, et de leur signification pour nous. 

    Pour ces raisons, j’aimerais — avec l’indulgence du lecteur — essayer de donner, ici, un peu plus voix aux croyances des gens de l’époque — nos ancêtres immédiates — et de représenter, dans l’imperfection de mes souvenirs, les émotions et les principes qui les motivèrent, de part et d’autre, dans cette affrontement pivotale de l’évolution de notre civilisation. J’aimerais reconnaitre, au moins en passant, que les enjeux de ce conflit importèrent, pour eux, véritablement et viscéralement. J’aimerais, enfin, témoigner devant ces personnes le respect de chercher à comprendre non seulement ce qu’ils firent, mais aussi, ce qu’ils eurent pensé faire. Car agir autrement constituerait, je crois, un délit au compte de l’auteur, qui se complairait dans l’analyse abstrait au point d’oublier la véritable histoire.

— Le principe en jeux

     Pour rappeler brièvement les faits : Ce fut peut-être la lutte politique et législative la plus originale et la plus influente de la première moitié du vingtième siècle ; une bataille épique autour de la « légalité » (conçue ici comme étant essentiellement identique à la « moralité ») de la vente des boissons alcoolisés à travers l’ensemble des États-Unis (et avec quelques différences dans les détails circonstanciels, à travers le Canada aussi) ; elle aurait fini par dominer l’agenda politique pendant toutes les années vingt (et une bonne partie des années trente) — un épisode houleux,  sur fond d’effondrement économique, ponctué par la répression et la violence civile.

     Elle nous intéresse particulièrement, ici, parce qu’elle marque, aussi, le début des « guerres culturelles » du vingtième siècle, et qu’elle en illustre admirablement, la dynamique de celles-ci, « guerres » idéologiques, qui auraient éventuellement abouti à la discussion du droit à mourir qui nous préoccupe dans ces pages.

     Le principe en était simple : puisque l’abus de l’alcool produisait des torts jugés inacceptables pour la société, l’État aurait le devoir de rendre cet abus aussi difficile que possible ; et pour ce faire, il prohiba la fabrication, le transport, et le vente des boissons alcoolisées — avec certaines exceptions pour la production domestique de produits à faible teneur d’alcool – mais, contrairement à la « guerre aux drogues » (connue plus tard), il n’y en aurait jamais été question de criminaliser, ni la consommation, ni la possession simple.

— Les forces en présence

     D’un côté de ce différend, se rangeaient tous les visionnaires de l’intervention sociale : pour une fois, les Suffragettes-Féministes et les Socialistes-Progressistes furent alliées avec les champions traditionnels de la Moralité Puritaine issus des Églises Protestantes, et appuyées par toutes les forces de l’État, c’est-à-dire, par les croisés officiels de la moralité publique qui se battaient sous la bannière de la répression policière. ( voir le récit véridique — devenu légendaire — de l’agent Eliot Ness et de ses « Intouchables », employés du Bureau de la Prohibition).

     De plus, la cause prohibitionniste comptait la force militante, non négligeable, des cinq millions de membres actifs du Ku Klux Klan : qui se reconstitua au vingtième siècle en organisation ouverte et légale ; qui trouva son centre de gravité distribué également entre les états du nord, et ceux du sud ; qui établissait son état-major à Washington, DC. ; qui fut devenu, en fait, (souvenir tant déplaisant de nos jours) un véritable mouvement de masse d’intention patriotique, presqu’universellement patronné par la classe politique.

Poursuivre la lecture du texte en séquence linéaire… (Les Adversaires du projet Prohibitionniste)

Chapitre : un portrait quantitatif des choix exprimés devant le suicide assisté et l’euthanasie, parmi la clientèle visée

Judy Garland (née 1922) : suite à plusieurs tentatives de suicide ; fut morte d’une surdose accidentelle de barbituriques, le 22 juin 1969 ; âgée de 47 ans

— Un survol général de l’écart qui sépare la perception des suicides médiatisés, et les faits observés

     Devant les récits des journaux, et plus particulièrement devant notre exemple d’amoureux vedettes, il serait normal de présumer que nous nous trouvions devant un choix binaire ou les deux cornes du dilemme sont de poids égal. On pourrait même, à la limite, me reprocher mon parti-pris personnel, qui se serait manifesté dans le fait que j’aurais présenté deux survivants, Terry et Gerald, pour une seule suicidaire, Pauline.

     Or, les faits ne confirment pas cette hypothèse. En fait, les suicidaires sont, de beaucoup, surreprésentés dans les nouvelles, là où les préjugés du publique trouvent leur source. De l’autre côté, nous trouvons, bien sûr, les héros, tels Terry Fox, Gerald Godin, Christophe Reeves (Superman), ou Michael J. Fox ; mais parmi les personnes atteintes de maladies sérieuses, ils en existent de beaucoup plus nombreuses qui ne font que dissimuler leur infirmité le plus longtemps possible, et qui s’éclipsent doucement, dans la vie privée, par la suite.

     Et, aussi célèbre que puissent paraitre nos vedettes dans les jours de leur gloire, en vieillissant, personne n’y songe pendant de longues années, et ce ne sont que les plus ainés parmi nous qui s’en souvient, avec surprise, à la nouvelle du décès inévitable ; tandis que les plus jeunes, d’habitude, ne placeraient même pas le nom du défunt, ignorant totalement de qui il s’agit.

     Des suicides, par contre, de personnes célèbres et célébrées dont la présence demeure encore actuelle, ce sont des nouvelles de grand intérêt qui seront répandues à l’échelle planétaire ; et il en résulte une distorsion, inévitable, dans la perception de l’importance quantitative du phénomène.

     De plus, ces suicides sont le fait de personnes intensément aimées par leur public. Il en résulte un désir naturel de les comprendre ; de sympathiser avec leur sort ; de les donner raison ; de s’identifier en solidarité avec leurs choix ; et, dans les journaux : d’employer un ton et un vocabulaire d’admiration qui aurait l’effet regrettable d’idéaliser, dans les esprits plus réceptives et vulnérables, des gestes qui restent, somme tout, assez marginaux et atypiques, dont il serait plus à propos, je crois, d’exprimer notre tristesse et notre déception, plutôt que de nous en féliciter

     Toujours est-il, pour reprendre la seule perspective quantitative : il y en aurait, toujours — et trop souvent — de ces disparus tragiques et publiquement regrettés ; mais les personnes impliquées, dans ces épisodes iconiques, sont de beaucoup moins nombreuses que celles qui persévèrent, tranquillement, à la retraite.

– La normalité de la persévérance vitale

     Or, ces gens qui acceptent le dépérissement du temps et du sort, humblement, avec philosophie et persévérance, se trouvent partout autour de nous. Nous les connaissons tous : ils sont nos parents ; nos amis ; nos collègues de travail. L’entêtement publique  de Terry Fox, à rester debout quel que soit la souffrance encourue, trouvent son reflet discret, mais parfaitement fidèle, chez cette vaste masse de personnes ordinaires pour lesquelles chaque journée active est, aussi, une marathon : cette serveuse aux chevilles enflées ; ce mécanicien aux genoux pourris et aux maux de dos chroniques ; tous ceux avec la pression élevées ou le sucre bas ; ceux qui consomment des quantités phénoménales de préparations anti-douleurs ; ceux, enfin, qui  — le mercredi soir venu, quand les voisins bien-portants repartent pour profiter des activités en soirée –ne pense qu’à se coucher, dans l’espoir de pouvoir, encore demain — peut-être — relever le même défi exténuant. Tel, pour vraie dire, serait le destin naturel de tout être humain en vieillissant : un destin accommodé, avec plus ou moins de sérénité, par presque tous, incluant aussi, ceux qui se trouvent dans les catégories ciblées, pour lesquelles le suicide médicalisé soit aujourd’hui proposé en option privilégiée.

     Ce sont ces personnes, enfin, qui se trouvent mal servies par la médiatisation spectaculaire et tendancieuse des questions entourant le droit à mourir, caractérisée, le plus souvent, par un vocabulaire et un parti-pris dans le ton, qui minent la confiance personnelle — et qui contaminent la perception publique — de ces « héros du quotidien » qui sont, pour répéter l’essentielle : largement majoritaire.

     Mais encore là, avec de tels propos généraux je risque de me faire reprocher un manque de rigueur dans l’argument, alors dans ma défense, je fournirai, ici, quelques chiffres « durs ».

Poursuivre la lecture du texte en séquence linéaire… (Les vrais chiffes : faible pourcentage de souffrants qui acceptent de mourir par euthanasie)

Chapitre : Offuscation dans la clarté de l’information, et fausse représentation de la liberté de choix : l’octroi d’un mandat général, versus le recrutement éthique d’assistants au suicide.

Glasgow High School for Girls, circa 1894 : Est-ce que les étudiant(e)s futurs des sciences appliquées seront réellement averti(e)s, des implications multiples du mandat homicide, avant de se diriger vers une carrière médicale ?

— La suppression des informations essentielles aux choix éclairés

     Considérons d’abord la question de clarté : Au cours d’une démarche éthique de recrutement à l’intention d’un métier simple d’assistance au suicide, et tel que relaté précédemment, on ne pourrait faire autrement que de demander, immédiatement, si le candidat se croirait capable de vivre avec le fait de tuer ; et même, devant une réponse affirmative, de procéder à des évaluations secondaires pour s’en assurer du bien-fondé de celle-ci.

     Mais qui, parmi les conseillères de la jeunesse, serait prêt à employer cette méthode avec ceux et celles qui songent, tout jeune, à orienter leurs études vers la médecine ? Au contraire, n’aurait-on pas tendance –et intérêt–, à noyer le poisson, en insistant d’abord sur les éléments valorisants de la profession médicale, tel que cette profession se présenta (et se présente largement encore dans l’esprit populaire), avant l’imposition de cette exigence de tuer des patients au besoin ?

     Jamais au sein du régime actuel, je l’oserais affirmer, cette nouvelle réalité ne sera accordée la considération sérieuse qu’elle requiert dans le recrutement des futurs médecins, et qu’elle commanderait impérativement –et certainement–, dans le recrutement de simples techniciens à l’assistance au suicide.

– Une fausse liberté de choix

     Mais qu’importe ? dirait-t-on : le législateur ne fait qu’autoriser l’euthanasie, selon le jugement des médecins, et la volonté des patients, personne ne serait contrainte de pratiquer (ou subir) de telles interventions.

     Tristement, encore une fois, une telle affirmation relève plutôt de l’astuce que de la raison : car, au-delà de la question de clarté exposée dans le point précédent, il serait plutôt évident que le principe de décision libre et volontaire soit également offusqué dans les eaux brouillées de la médicalisation du suicide.

     D’abord, il existerait toujours une confusion, voulue ou non, dans les esprits un peu moins rigoureux (ou simplement moins méfiants), –et une confusion qu’il serait dans l’intérêt administratif de favoriser– entre la contrainte individuelle et la contrainte collective. L’apparence peut être projetée, ainsi, à l’effet que chaque médecin puisse choisir, ou non, de participer librement au programme d’euthanasie. Mais cela ne demeure qu’une apparence, car si l’ensemble du corps médical se trouve contraint par un mandat collectivement imposé, –de fournir de l’euthanasie essentiellement sur demande–, la liberté de chaque médecin, en particulier, se trouve aussi compromis, en principe, — et souvent en pratique — devant les nouvelles réalités de son milieu de travail.

     Déjà, devant les exigences actuelles, de fournir de l ’information auprès du patient concernant l’aide médicale à mourir (que celui-ci n’en demande ou non), ainsi que les références « efficaces » (vers un professionnel complaisant au cas où le patient exigerait cette procédure contre l’avis du médecin traitant), nous pouvions constater que tout médecin soit effectivement contraint de collaborer à cette pratique, comme condition d’exercer sa profession au Canada.

     De façon évidente, aussi, en médecine interne, en gérontologie, en oncologie, et dans les autres spécialités où le taux de décès des patients est plus élevé et plus présent, la pratique normale se voit largement et rapidement modifiée en remplaçant l’attente passive du décès — traditionnellement préférée — par de plus en plus d’interventions actives, c’est à dire, d’euthanasies.

     Or, j’imagine qu’il peut y avoir de jeunes gens aujourd’hui, fortement motivés à travailler dans la lutte contre le cancer, et qui pense éventuellement pouvoir éviter la responsabilité des gestes mortelles qui seront certainement demandés d’eux, tout comme il y avait sûrement, un demi-siècle plus tôt, des gens qui pensaient pouvoir mettre au monde des bébés sans pratiquer des avortements. Mais, en réalité, quel pourcentage des gynécologues, aujourd’hui, peuvent travailler, ou même se qualifier, sans avoir jamais pratiqué (ou au moins assisté à la pratique), d’un seul avortement ? La réponse est plutôt évidente : la chose peut être possible en principe, mais celui qui en ferait le choix se trouvent marginalisé d’emblée dans ses options professionnelles, et il devient, alors, impossible de parler honnêtement d’un choix libre.

     Surtout, avec cet exemple à l’esprit, je crois que nous nous devions d’avouer lucidement, dès maintenant, qu’il en soit également ainsi pour l’euthanasie et pour les médecins dont les études les amèneraient vers la connaissance des spécialités citées plus haut ; et cela, malgré le fait que ce soient précisément les spécialistes œuvrant dans ces domaines qui aient traditionnellement enregistré les plus forts taux d’opposition à la pratique de l’euthanasie.

     Et même  (comble de l’ironie), dans le cas des candidats à la spécialité des Soins Palliatifs, –là où tout l’effort fut dirigé précédemment vers un état perfectionné de soins qui écarterait, idéalement, toute motivation suicidaire (et dont la quasi-totalité des praticiens furent personnellement opposés à l’assistance au suicide), il me semble fonctionnellement  impossible, dans une ambiance ou ces pratiques sont légales et  généralisées, d’acquérir les compétences voulus dans les spécialités connexes — et encore moins de travailler dans ce domaine — sans côtoyer (voir participer), dans des cas aboutissants à l’euthanasie. Nous avons pleinement le droit, alors, de nous questionner sur la réalité d’un choix libre et éclairé, quand ce choix serait représenté, en partant, comme hypothétique et facultatif, mais deviendrait, dans moult cas, de plus en plus inéluctable et pressant, avec le cheminement professionnel.

— D’autres spécialités et la Médicine Générale

     Or, cet engrenage n’affecterait pas uniquement les praticiens des spécialités reconnues pour leur fort taux de morbidité.  Imaginons, à ce chef, une jeune étudiante qui ne s’est jamais vue en assistante au suicide, qui aurait suivi ses études en écartant passivement cette question, et qui s’est vouée, plutôt, à la pratique familiale en région, là où elle aurait espéré réparer des bras cassés et mettre au monde des bébés.

     Eh bien, éventuellement, il se tisse des liens de confiance, intenses, de loyauté envers des patients suivis à travers de longues années, dont certains peuvent éventuellement devenir désireux de se prévaloir de l’option suicidaire, et qui se fieraient tout naturellement à leur médecin de confiance pour fournir l’assistance requise. Pouvions-nous, toujours — dans ce scénario de loyauté et de confiance intime — réellement représenter le choix du médecin en choix libre de contraintes ? Franchement, cette question se répond d’elle-même.

     En fait, le seul vrai choix s’exerce au moment où le candidat se fixe sur une spécialité médicale, ou encore sur la carrière médicale tout court.  Mais est-ce que nous aurions, collectivement, –et ce dès la première orientation de l’élève vers les sciences de la vie– l’honnêteté de représenter clairement, dans les termes les plus crus, et l’inévitabilité de l’engrenage qui conduit vers de telles circonstances dramatiques, et la signification psychologique pour celui qui s’y trouve pris ?

     Permettez-moi d’en douter. Car la pénurie actuelle, dans le recrutement des médecins, militerait sûrement dans le sens d’une représentation plus vague, et moins pressante de la réalité qui attendent le candidat éventuel : c’est à dire d’une représentation fondamentalement moins honnête, moins responsable, et alors, d’autant plus dangereuse pour celui-ci.

     Je ne peux, alors, faire autrement que de retenir un portrait plutôt sombre des circonstances dans laquelle le mandat homicide s’est introduit dans notre industrie médicale, et en particulier, je ressent le plus grand inconfort face à la manière honteuse avec laquelle nous nous défilons, actuellement, devant les deux responsabilités que nous avions immédiatement constaté en considérant l’hypothèse de candidats postulants pour un simple métier d’assistante au suicide, c’est-à-dire  : de nous assurer que leur choix soit réellement volontaire, et que ce choix soit véritablement informé.

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Chapitre A – 6 : Aide médicale à mourir : un aperçu de la voie devant

Francine Lalonde (1946 – 2019), députée du Bloc Québécois et architecte du projet de loi C – 384 (droit de mourir dignement) présenté en 2005, 2008, 2009 ; rejeté par le Parlement Canadien, 228 voix contre 59, le 21 Avril 2010

 – la nouvelle donne

       Voici, donc, en peu de mots, la tombée successive des dominos théoriques et légales qui nous eut amené au statut quo — toujours manifestement en état de flux —  que l’on connait actuellement :

     Sous l’impulsion de la tendance moderne vers une liberté personnelle toujours plus grande, un nouveau droit fut revendiqué, en vertu d’un exercice de volonté subjective, arbitraire et souverain, concernant la détermination autonome — pour chaque individu — du moment, et de la manière, de sa mort.  

     Cependant, malgré le fait que le peuple s’est montré sympathique à l’égard du choix personnel, il s’est manifesté, aussi, une résistance face à l’octroi d’une liberté aussi large, jugée potentiellement porteur de risques trop importants pour les tiers.

     Il en résultat un compromis, par lequel le droit de mourir fut balisé avec l’adoption de critères qualifiants objectifs (ex. « souffrances insoutenables ») ; et pour plus de sureté, l’assistance au suicide se pratiquerait uniquement sous la responsabilité médicale.

     Tragiquement, cependant — accessoirement et comme conséquence directe de cette suite logique — une nouvelle respectabilité fut accordée aux arguments favorables à l’euthanasie simple, longtemps discrédités — voir effectivement tabous – depuis la fin de la Deuxième Guerre Mondiale.

     Car à la base du système de justification objective des morts, ainsi réalisées, se trouvent la notion qu’il existe des indications médicales pour lesquelles la mort s’impose en traitement approprié ; qu’il existe — pour adopter un vocabulaire longtemps supprimé — des vies qui ne valent pas la peine d’être vécues, ou même (de constat objectif toujours) : qui ne méritent pas de vivre ; et que ce soit le devoir des médecins d’identifier et de mettre terme à celles-ci.

     Or, ce serait vain de nous nous rappeler que telle ne fut pas l’intention au départ (que la volonté du suicidaire était, originalement, notre seul souci) mais cette problématique surgit, inéluctablement, avec la logique hybride de l’aide médicale à mourir.

     Tel serait, sans détour, le fort prix exigé par la justification médicale propre à l’euthanasie, qu’elle soit volontaire ou non.

– effets collatéraux

     Dans la caprice du réelle – c’est-à-dire, selon le jeu contextuel de la politique et loin d’une rigueur théorique idéelle — ce discours, double et incompatible (de suicide-subjectif et d’euthanasie-objective) fut tour à tour : rejeté par la Cour (1992) ; rejeté par le Parlement Canadien (2010) ; adopté par l’Assemblée Nationale de la Province du Québec (2015) ; ordonné par la Cour Supreme du Canada (2015), et, — largement à contre cœur — endossé par le Parlement Canadien (2016).

     Ces faits seront accueillis avec enthousiasme, certes, par ceux dont la première préoccupation demeure l’autonomie volontaire devant la mort. Pourtant, ils nous imposent, aussi, un certain nombre d’inconvénients sérieux qui peuvent se résumer rapidement ainsi :

     1) Il existe un corollaire — très sinistre celui-ci — à la prétention que l’euthanasie soit médicalement « bien » : c’est-à-dire, la suggestion rationnellement inévitable, que les patients « non-volontaires » auraient objectivement tort de s’obstiner à vivre.

     2) À l’égard de la communauté médicale, les torts sont multiples : en définissant l’euthanasie en soin médical, le pouvoir politique aurait utilisé sa puissance de payeur unique pour outrepassé les limites des compromis historiques ; le statut antérieure de la médecine, en profession autonome et auto-régulé, se trouve sérieusement atteint ; les médecins, collectivement, se trouvent non seulement autorisés, mais bien contraints, à fournir un service homicide ; et les médecins, individuellement, se trouvent contraints d’y collaborer.

     3) Socialement, nous subissons la perte, collective, du droit d’opposition morale devant le fait de « l’aide médicale à mourir »  — à la différence de toute autre forme de suicide – puisque ce suicide, par définition (d’état), serait objectivement, c’est-à-dire médicalement « bien ».

     4) En consommateurs et consommatrices des services de santé, la majorité non-suicidaire aurait perdu la sécurité et le lien de confiance dont elle jouissait auparavant, face au médecin traitant, en foi du serment juré de ce dernier que « je ne remettrai à personne une drogue mortelle si on me la demande, ni ne prendrai l’initiative d’une telle suggestion », principe fondamental qui eut régi le comportement médical pendant deux millénaires et demi.

     Ajoutons, donc, à notre liste de taures accessoires à la démarche de l’aide médicale à mourir — à notre liste d’ « œufs cassés » : l’association fortuite et involontaire — des mourants, des handicapés et des malades chroniques non-suicidaires — à ce groupe spécialement catégorisé comme « apte à mourir » ;  la collaboration obligée — également fortuite et largement involontaire – des membres de la profession médicale, collectivement conscrits en exécutants du mandat homicide ; et ce dernier taure des plus significatives :  l’acceptation législative et juridique de certains principes à la base de l’euthanasie — au sujet de la légitimité objective de la mise à mort administrative, fondé sur une classement des vies dans des catégories de valeur inégales  — principes qui dépassent, de loin, la cadre du suicide assisté.

     Au plus simple, ce nouveau phénomène d’homicide étatique, se positionne en contre-courant explicit au cheminement évolutionnaire de notre société moderne : car au Canada, depuis un bon demi-siècle, nous ne tuons plus personne au nom de l’état (et cela même devant les circonstances criminelles les plus sordides). Il serait à craindre, donc, avec candeur et lucidité, que l’ouverture d’une nouvelle porte vers de telles pratiques puisse nous promettre des effets sociétaux, aussi importants qu’imprévisibles.

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– Quand le révolutionnaire s’improvise en autorité moral

(Partie B : l’euthanasie et la clientèle — Section II : la morale et la loi — Sous-Section II a): La morale dite « catégorique », « objective », « universelle », ou « absolue » — Chapitre : influence incontournable de l’ethos traditionnel dans la vie contemporaine — Quand le révolutionnaire s’improvise en autorité moral)

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Les derniers jours des Romanovs : l’assassinat de Nicolas II et de sa famille, le 17 juillet 1918 à Iekaterinbourg

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     Le plus souvent, les révolutionnaires des temps modernes s’en seraient agressivement attaqués, aux règles sociales de leurs adversaires, en dénonçant le « moralisme » atavique, et en proposant une liberté accrue pour la personne humaine. Mais une fois la révolution réalisée (dans presque toutes les circonstances historiques que l’on connait), ils auraient rapidement établi, aussi, une conformité de comportement, et de pensée, souvent plus contraignante que celle qui fut répudiée, et ce, avec une violence qui dépassa, largement, celle des tyrans déconfits.

     Vladimir Illich Lenine (1870 – 1924), pour illustrer cette dynamique, fut prisonnier politique sous le Czar Nicholas II ; mais il survécut à la captivité, et à la bannissement (comme beaucoup de prisonniers politiques de sa génération) et s’est éventuellement rentré chez lui, avec l’assistance des autorités allemandes, pour prendre la direction suprême de la Révolution Russe (1917). Mais ironiquement, aussi, dans la première année de son ascendance, fut orchestré le meurtre du Czar captif (de sa famille aussi, et de ses partisans familiers), c’est-à-dire précisément l’homme dont les sentiments modérés, envers la politique coercitive, nous expliquerait la survie et la réussite de ses bourreaux acharnés !

     Par soin de comparaison, enfin : à peu près personne ne « revenait », de l’incarcération politique pratiquée pendant au moins les trente premières années du régime Bolchevik dont Lénine fut l’esprit et le fondateur (voir L’archipel Gulag, Aleksandr Solzhenitsyn, 1973).

     En exemple extrême, encore, nous pouvions aussi citer le bon mot de Nicholas Chamfort (1741-1794), qui fut secrétaire du Club des Jacobins à Paris (et parmi les tout premiers qui forcèrent leur entrée dans la Bastille, le 14 juillet, 1789). Choqué plus tard par les excès de ses contemporains, tels Marat et Robespierre (dont il fut lui-même la victime), Chamfort prétendait que le véritable sens de la célèbre devise « Fraternité ou la mort ! » fut perverti dans la réalité de la Terreur (1793), pour devenir : « Soyez mon frère ou je te tue ! » (Chamfort – Maximes, Pensées, Caractères et Anecdotes, 1796)

     Il serait utile de signaler, d’ailleurs, que ces exemples de contraint radicale dans la politique post-révolutionnaire — d’une reflexe de restreindre la liberté promise dans un carcan parodique du passé — ne peuvent être imputés entièrement à l’hypocrisie des dirigeantes. Car ils en existent aussi d’exemples frappants oû la libéralité du chef fut contrainte, à contrecœur, par le conservatisme de ses adhérents ; et telle fut la situation conceptuelle du tout premier parmi les révolutionnaires européens, le feu Oliver Cromwell (chef des forces Parlementaires britanniques après la défaite et l’exécution du roi Charles I d’Angleterre, en 1649).

     Dans ce moment de victoire, les lieutenants du célèbre révolutionnaire régicide offraient, à lui comme de droit, la couronne Anglo-Saxon. Mais quand il rejeta cette proposition, avec une fermeté inébranlable accompagnée d’arguments détaillés de principe (ayant combattu à travers de longues années, précisément, dans le but d’abolir les formes politiques de la monarchie), la réponse de ses partisans en fut navrant dans son simplisme : « Eh bien, Monsieur, dans ce cas, qui sera Roi ? ».

     Et ainsi serait-il des réflexes populaires au sujet du bien objectif.

– La morale catégorique : Résilience, dans la perception populaire ; rationalisation, chez les philosophes ; la nécessité d’en tenir compte

        Or, de la même manière que les Anglais d’antan ne pouvaient s’imaginer sans roi ou équivalent (car Cromwell, lui-même, fut finalement désigné « Lord Protecteur » plénipotentiaire en 1653) il semblerait, au moins pour le présent, que les êtres humains croient toujours intuitivement — au sujet de la moralité humaine  — qu’il y a des choses  vraiment « bien » (ou « mal »), et cela, même s’ils ne peuvent pas toujours s’accorder pour désigner lesquelles. Il s’agirait, de toute évidence, de réflexes si profondément enracinées dans notre esprit qu’il soit pratiquement impossible de chasser leurs effets — même si nous nous y sommes opposés en théorie ; et que nous demeurions encore très loin de la capacité intellectuelle, voir intuitive (et même possiblement biologique) d’assimiler les ramifications de telles questions.

     Et c’est ainsi que même ceux qui n’y croient pas, y croient toujours en quelque sorte ; et pour ceux-ci, il s’en serait même développé une doctrine philosophique plus humble, dit « pragmatique », qui affirme l’existence d’avantages suprêmement importants dans la présentation d’une description de la société qui s’accorde avec les inclinaisons naturelles de notre espèce — quel que soit la nature véritable de la réalité profonde. C’est-à-dire, que l’adhérence populaire aux idéaux moraux partagés soit plus important que les détails — ou même la validité réelle de ceux-ci !

     (Et n’oublions pas à la fin, ceux parmi nos « penseurs », qui acceptent personnellement ces indices (et les traditions apostoliques de leurs aïeux), comme les preuves suffisantes de la réalité d’une morale objective ; pour qui existe, toujours, l’attrait enivrant de ce but tant élevé, de comprendre, enfin et complètement, le secret d’une société moralement accordée avec le Bien Humaine, avec la Nature, ou encore avec la Volonté Divine ; et qui ne désespèrent aucunement d’en faire éventuellement la démonstration.)

     Il devient, alors, facilement possible de répondre à la question précédemment posée, sur le pourquoi de notre intérêt à l’égard du modèle traditionnel de moral catégorique (ce modèle tant malmené de nos jours) : c’est parce que nous ne pouvions tout simplement pas y échapper ! Car ce serait selon ce paradigme, que la vaste majorité (enfin la quasi-totalité) des gens, interprètent la réalité sociale à jour le jour ; qu’ils analysent la valeur, sinon de leurs propres gestes, au moins ceux des autres ; et qu’ils auront tendance à assimiler tout changement dans les lois.

     Que l’on veuille ou non : Ce qui est légale sera toujours intuitivement perçu en bien, et la perception du bien demeure critique dans les choix de comportements.

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Bénéfice — pour les patients, et pour les médecins — de faire valoir l’argument économique implicite dans la révolution Hippocratique

(Tome Premier : L’euthanasie et le choix — Partie C : l’euthanasie et la médecine — Section II: Hippocrate : tradition et histoire de la profession médicale — Chapitre : la division du marché médical au bénéfice de l’idéal hippocratique — Bénéfice — pour les patients, et pour les médecins — de faire valoir l’argument économique implicite dans la révolution Hippocratique)

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Les lois universelles « de l’offre et de la demande » : échange de bétail au pays de Galles

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     De nos jours, au Canada, la légitimité de la médecine hippocratique se trouve fortement contestée, non seulement comme standard universel, mais bien comme choix personnel. Pourtant, la majorité non-suicidaire des patients auraient toujours – et tout autant — besoin de professionnels qui soient fidèles à cette tradition.

     Or, selon l’opinion présentée dans ces pages, la meilleure manière de promouvoir les droits de ces patients (et de ces médecins), passe par l’analyse économique classique, de l’offre, et de la demande, dans l’octroi de services.

     Le plus souvent, les médecins hippocratiques des temps récentes, habitués à l’autorité — millénaire et jamais contestée — de leur interprétation de l’éthique médicale, se seraient contentés de représenter les torts appréhendés de l’euthanasie comme étant inacceptables, selon la doctrine dominante, sans plus  ; mais une fois la décriminalisation réalisée, et devant une redéfinition radicale du rôle du médecin (telle que promulguée, au Canada, par l’État), ces médecins de souche traditionnelle se trouverent, eux-mêmes, les objets d’une forte pression vers une collaboration obligatoire avec la nouvelle pratique. Apparemment, elles ne pouvaient plus, à la fin, revendiquer le droit de s’abstenir de l’euthanasie, autrement, qu’en invoquant leurs propres droits de conscience professionnelle, et à défaut de ceux-ci, leur droit ultime de conscience morale et personnelle, voir religieuse.

     Cependant, une telle logique (quoique parfaitement justifiée en soi) présentait aux adversaires l’opportunité de représenter les préjugés personnels du médecin comme une barrière, potentielle, qui empêcherait l’ensemble des patients d’avoir accès aux soins (services publiques) dont ils en ont besoin, et auxquels ils en auraient droit. Dans d’autres mots, l’opportunité se présenta, ainsi, pour évoquer un conflit de droits, entre médecin et patient, qui devrait, normalement, se résoudre au bénéfice de ce dernier. Aussi longtemps, donc, que ce différend se disputait sur le terrain moral et éthique des droits individuels, les objecteurs de conscience se trouvaient désavantagés en partant, et — devant les décisions légales qui leur furent hostiles — restaient effectivement sans recours.

     Pourtant, tel que nous l’aurions déjà intimé, il existe aussi, dans le cas présent, un facteur important qui soit extérieur au débat moral ; qui favorise fortement l’idéal hippocratique : qui ne serait nul autre que la force économique, tant formidable, de la demande consommatrice majoritaire.

     Il s’agirait, à cet effet, de faire valoir ce fait objectif, déjà soulevé dans la Partie B de ce livre (« L’euthanasie et la Clientèle ») : que la grande majorité des patients ne désirent pas l’euthanasie ; que ces patients ont toujours besoin de médecins qui soient – eux aussi — opposés en principe à l’euthanasie ; et qu’en conséquence, la défense, par le médecin, de son droit personnel de refus, devient, objectivement, identique à la défense des intérêts collectifs des patients (dans leur majorité) et non un affront à l’égard de celles-ci.

     Qu’on ne s’y trompe guère : il y en aurait grande occasion, dans ces faits, pour les adhérents aux traditions vie-centriques, de la médecine hippocratique et moderne, à en réjouir. Car cet apport de circonstance, objectif et pragmatique — de la force neutre, brute et irrépressible de l’économie — s’exerce sans relâche, et mémé à l’insu des « intervenants » : bref, la demande consommatrice dans une économie libre est une force primaire de la nature comparable à l’avancement irrésistible de laves volcaniques.

     Dans un schéma rigoureusement économique, alors, l’accommodation de la minorité ne se pratiquerait pas sur un plan exalté de droits adjugés entre médecins et patients, idéalisés dans l’abstrait, mais plutôt dans une simple spécialisation pragmatique de marché, dans laquelle les médecins aptes à soigner la majorité non-suicidaire n’auraient aucunement affaire au groupe suicidaire, et vice versus. Les détails du partage de l’espace actif se préciserait, organiquement, selon l’importance réelle des demandes exprimées, et les médecins hippocratiques — loin d’être fustigés pour leur inflexibilité — seraient loués pour l’authenticité de leur spécialisation.

     En somme, l’analyse économique semblerait fournir — à ceux, et à celles, qui se veuillent prêts et capables d’en exploiter les opportunités offertes — un véritable espoir, et même une confiance mesurée, que la décision de l’histoire se déclarera dans cette instance, toujours et encore, du côté des praticiens d’inspiration hippocratique.

    (Et même pour ceux, parmi les champions de la vie, qui insisterait toujours sur la primauté du débat morale, il resterait néanmoins cette satisfaction tant substantielle : qu’au sujet de l’euthanasie, l’économique semblerait confirmer la justice de leurs conclusions antérieures).

     Aussi, en ce qui concerne les patients (citoyens) désireux de s’en prévaloir de leur droit de mourir, selon le nouveau paradigme de soin médical (service publique) : l’offre du service s’ajusterait, selon la demande, dans un volume dont les limites se fixerait pragmatiquement avec l’usage. Les indices actuels nous permettent, d’ailleurs, à présager, sans craint, un nombre de médecins collaboratrices qui soit pleinement suffisant pour combler les attentes de la clientèle, présente, et à venir.

     Le problème reste, cependant, devant les faits énumérés ici, à savoir pourquoi les politiciens et les bureaucrates de la médicine canadienne, auraient commis l’erreur – autant élémentaire dans l’occurrence que significative dans les séquelles : de privilégier la demande minoritaire aux dépens des besoins de la majorité non-suicidaire, en sautant, si âprement, de la simple décriminalisation du suicide assisté, à la normalisation universelle de l’euthanasie.

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