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janvier 2022 - Euthanasie : De la discussion jaillit la lumière

–Helen Keller et le Pacifisme: une tactique ponctuelle des révolutionnaires internationalistes

(Tome Deuxième : Sous l’ombre de l’euthanasie — Partie C : L’euthanasie et l’idéologie — Section II : Une description des sources idéologiques de l’euthanasie en Occident — Chapitre: Un personnage politique tout à fait extraordinaire : Féministe, Marxiste, et Eugéniste — Helen Keller et le Pacifisme: une tactique ponctuelle des révolutionnaires internationalistes)

Il serait impossible de deviner, d’après cette photo (1899), que Helen Keller (à gauche) ne voit pas. Annie Sullivan, son enseignante (1866 – 1936) avait elle-même une vision très limitée. Puisque Helen était sourde, également, leur communication se fit par code tactile.

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Il semblerait, en effet, que Mlle. Keller ait partagé plus du caractère de ses contemporains martiaux (d’un Ludendorf, par exemple, ou d’un Hindenberg) que nous ne serions facilement portés à vouloir croire, peut-être, sans plus d’explications. Car tout en exploitant le vocabulaire de la paix dans sa lutte stratégique, contre ce qu’elle comprenait comme les intérêts des grands industriels capitalistes, Helen Keller n’était pas du tout Pacifiste par principe :

“Je ne m’oppose pas à la guerre pour des raisons sentimentales. Le sang d’ancêtres guerriers me coule dans les veines. C’ est avec joie que je regarderais nos jeunes hommes partir pour livrer bataille, si je pensais que cette lutte en était une pour la liberté véritable.” –Helen Keller, extrait d’une lettre privée, Novembre 1917

Or, pour comprendre cet extrait, il faudrait préciser que pour Mlle Keller « la liberté véritable » serait nul autre que la “dictature du prolétariat” postulée par Karl Marx un demi-siècle plus tôt. Dans d’autres mots: Helen Keller militait pour la paix, mais seulement pour une paix post-révolutionnaire. Ou, encore plus précisément, elle militait pour empêcher l’entrée des États Unis dans le conflit en cours, dans l’espoir d’un refus global de toute la classe ouvrière.

Pourtant, après longue réflexion, elle s’est abstenue de participer au voyage de la célèbre « navire de la paix », organisée par Henry Ford (1917). Car autant une paix Européenne aurait pu permettre, aux élites capitalistes, de survivre et de continuer leur dominance: autant elle en était opposée.

Ultimement, donc, comme tant d’autres Marxistes internationalistes autour du monde, elle en était venue à rêver d’un dénouement ou l’épuisement des économies capitalistes, dans les efforts extrêmes de la guerre, ouvrirait la voie vers une mutinerie générale des classes opprimées, des ouvriers et des soldats, suivie de cette lutte interne finale, dans chaque pays du monde (telle que promise par les prophéties marxistes –“d’Inévitabilité Historique”); qui produirait, enfin, cette Dictature tant espérée: où le soleil brillerait; où les oiseaux chanteraient; où tous et chacun vivraient désormais l’harmonie du bonheur final; et où il n’y aurait plus de bien que le bien commun.

Même la possibilité d’une victoire absolue des Allemands (résultant au pire dans un empire mondial Teuton) n’ébranlait pas la confiance sereine de sa foi. Car, dans ses propres mots: une telle concentration de pouvoir capitaliste ne ferait qu’ouvrir l’opportunité, aux révolutionnaires socialistes, de «gagner d’un seul coup » !

Alors dans la mesure où elle appelait au refus du soldat d’exécuter les volontés belliqueuses de ses maîtres, elle préparait (ou essayait de préparer) ce cataclysme subséquent, si ardemment désiré par tout révolutionnaire conséquent. Et dans aucun cas, la révolutionnaire convaincue qu’était Helen Keller, ne reculerait –pour une seule question de sang et de sacrifice– devant l’opportunité de remporter cette lutte ultime des classes.

— Se réconcilier à la réalité du caractère

Or, c’est à la lumière de ces faits, et bien malgré moi, que je suis arrivé à cette conclusion surprenante: qu’en dépit des apparences –et malgré les artifices de l’oratrice– Helen Keller faisait, aussi, partie de cette petite élite de personnes psychologiquement adaptées au temps d’exception, sanguinaire, où se situait l’année 1915; incluant dans sa capacité conceptuelle, et émotive, d’accepter (et même d’embrasser âprement) les pertes massives de vie qui seraient exigées, de toute évidence, par les idéologies de son époque. Et ce fut cette conclusion, aussi, qui m’aurait permis de me réconcilier, un tant soit peu, à l’idée que cette personne –si positive, si admirable, et si engageante– ait pu également, avec son candeur simple et sans apologie, avancer la suggestion d’un mécanisme général, et obligatoire, d’infanticide sélectif; et cela: sans pour un instant se préoccuper de la nature extraordinaire, et potentiellement monstrueuse, de sa proposition.

— À son escient? Ou à son insu?

Il serait facile peut-être (et je crois de beaucoup trop facile) d’imaginer que la portée de ses mots échappait tout simplement à la compréhension de cette demoiselle célèbre.

Telle était, en effet, la prétention de plusieurs de ses détracteurs. Mais pour en juger de la pertinence de cette allégation, et avant de regarder, plus en profondeur, son plan d’infanticide comme tel, je vous offre ici dans ses mots propres, un avertissement livré directement –en termes gentiment moqueurs mais non moins fermes– vers ceux (très nombreux de ces contemporains) qui faisaient précisément cette erreur : de mésestimer, sur la force des plus superficielles apparences, la véritable trempe du personnage qui nous parle.

Voici un extrait tiré d’une allocution prononcée, par Helen Keller, contre la politique de « préparation » militaire américaine. Ce discours fut intitulé « Strike Against War » (En grève contre la guerre), et fut livré sous la bannière du Women’s Peace Party (Parti des femmes pour la paix) et celle du Labor Forum (Forum du travail) à Carnegie Hall, New York, 1916:

“Tout d’abord, j’ai un mot à dire pour mes bons amis, les éditeurs et autres, qui sont mus par pitié à mon endroit.

Certaines personnes s’attristent en imaginant que je me trouve entre les mains de gens sans scrupules: qui m’induisent en erreur; qui me persuadent à épouser des causes impopulaires; et qui font de moi le porte-parole de leur propagande.

Eh bien, qu’il soit compris, une fois pour toutes, que je ne veut pas de leur pitié; je ne changerais pas de place avec eux.

Je sais de quoi je parle. Mes sources d’informations sont aussi bonnes, et aussi fiables, que celles de n’importe qui. J’ai des journaux, et des revues –de l’Angleterre, de la France, de l’Allemagne, et de l’Autriche– que je suis capable de lire moi-même. Ce n’est pas tous les éditeurs de ma connaissance qui peuvent en faire autant. Grand nombre de parmi eux doivent prendre leur Français, et leur Allemand, à main seconde.

Non. Je ne dénigrerai pas les éditeurs. Ils sont une classe surmenée et mal-comprise. Qu’ils se souviennent, pourtant: qu’autant je suis incapable de voir le feu au bout de leurs cigarettes, autant ils sont incapables d’enfiler une aiguille dans l’obscurité.

Tout ce que je demande, Messieurs, c’est un champ égal et aucune faveur. Je suis entrée dans la lutte contre l’état de préparation (prepardedness), et contre le système économique sous lequel nous vivons. Ce sera une lutte pour en finir, et je ne demande aucun quartier.” — Helen Keller, le 5 janvier 1916

— Une déclaration d’intention sans la moindre ambiguïté

Mais quelle déclaration extraordinaire! On croirait voir Bambi, sortir des rangs, pour défier King Kong!

Ce serait très difficile, je soumets, d’imaginer un meilleur avertissement, servi à la fois à ses amis, et à ses adversaires: qu’elle n’accepterait pas une place de figurante symbolique, invitée seulement pour associer sa célébrité émotive à la cause en cours.

Considérons, d’abord, le vocabulaire utilisé: “je suis entrée dans la lutte” (“I have entered the fight”), et encore: “ce sera une lutte pour en finir” (“It is to be a fight to the finish”). Ce serait impossible, dans le contexte décrit (de l’année 1916), que ces mots aient été interprétés en simple artifice de rhétorique. Car au moment exact où Mlle Keller prononçait ces paroles, des activistes progressistes (quelque fois les amis et les correspondants intimes de Helen elle-même) se trouvaient déjà emprisonnés aux États-Unis (et sommairement exécutés, au berceau des pensées révolutionnaires, en Russie, et en Allemagne) et cela, pour précisément le genre d’activités anti-militaristes qu’elle encouragea: de grève, d’agitation, voire: de sabotage). Alors la lutte dont elle parle, ce serait bel et bien un vrai combat; et bel et bien une “lutte pour en finir“.

Très évidemment, alors, Helen Keller, ne faisait aucunement partie des dupes, ni des acteurs tragiques accidentels. Au contraire: elle se voulait l’un des esprits moteurs des événements de son époque. Elle connaissait déjà la douleur de la perte des proches; elle était étudiante assidue des révolutions précédentes; elle comprenait l’enfer dans lequel le monde était déjà embarqué; et elle comprenait parfaitement bien, aussi, que sa préférence personnelle –d’un chemin de sortie révolutionnaire– prolongerait de beaucoup cette période de désordre, et (selon l’exemple subséquent des Russes), traverserait inévitablement des horreurs humaines encore plus vastes, avant d’aboutir (selon la foi prophétique) à sa conception de la Terre Promise.

En somme, trente ans après l’énoncé Nietzschéen, du surhomme moderne (dit “Übermensch”) –matérialiste, agissant “au-delà du bien et du mal”– Helen Keller s’est déclarée lucidement prête, elle aussi, à « dépenser » les vies humaines nécessaires à la réalisation de sa vision sociale et politique.

Or cette vision incluait, notamment, la poursuite du projet eugénique d’amélioration génétique de notre espèce, ainsi que l’instauration d’une économie dirigée, d’extraction Marxiste –utilitaire et collective– qui assumerait résolument son devoir de maintenir les corps (et les esprits) du peuple, dans un état de “solidité et d’efficacité” (encore selon son discours du 5 janvier, 1916) même en supprimant, systématiquement, les nouveau-nés “défectueux”.

À suivre …

Le début du miracle: Anne Sullivan entreprit l’éducation d’Helen Keller quand elles avaient 7 et 20 ans respectivement. Ensemble, ces deux personnes transformèrent, par leur exemple, tout le champ d’éducation des sourdes et des aveugles.

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Poursuivre la lecture du texte en séquence linéaire… (Tome Deuxième : Sous l’ombre de l’euthanasie — Partie C : L’euthanasie et l’idéologie — Section II : Une description des sources idéologiques de l’euthanasie en Occident — Chapitre: H.K. : La conclusion d’une introduction)

Collectivisme utilitaire: les raisons économiques pour suggérer l’euthanasie des enfants handicapés

(Tome Deuxième : Sous l’ombre de l’euthanasie — Partie C : L’euthanasie et l’idéologie — Section IV :La proposition d’infanticide, avancée par Helen Keller, 1915 — Chapitre: Collectivisme utilitaire: les raisons économiques pour suggérer l’euthanasie des enfants handicapés)

— Le “pourquoi” de l’infanticide sélectif

Notre tâche présente comprend la description de la proposition d’infanticide systématique présentée par Helen Keller en 1915, mais aussi, l’analyse des mobiles qui recommanda cette proposition, si favorablement, à tant de personnes de son époque

Or, commençons par la fin: À mon avis, le pourquoi du programme d’euthanasie utilitaire découle, tout simplement (autant en 1915 que de nos jours), du désir de maximiser la productivité du corps social, tout en délestant cette collectivité des éléments dépendants non-productifs; ou plus simplement dit: d’éliminer les bouches inutiles.

L’attrait de l’euthanasie, donc, serait économique.

Il est très important de garder ce constat simple à l’esprit, d’ailleurs, car même si les conclusions de Mme. Keller s’inscrivait (dans sa propre conscience) comme les conséquences rigoureuses de ses croyances Eugéniques et Socialistes, il ne faudrait pas tomber dans le piège de trop lier nos conclusions à la seule critique de ces systèmes. Car, au contraire, les forces économiques (tout comme les lois physiques) agissent de façon impersonnelle, dont la meilleure description tient de l’impartialité mathématique, et non des passions de l’idéologie. Et pour tout dire: dans la mesure que l’euthanasie puisse épargner de l’argent, son attrait serait universel.

Cependant, il faut toujours suivre la pensée de Helen Keller dans la forme qu’elle ait choisi pour l’articuler: une forme qui se soit moulée aux modes intellectuelles de sa génération. Dans ce qui suit, alors, je tenterai de découvrir avec transparence la logique des socialistes (et autres collectivistes utilitaires), pour lesquelles l’argument moralement neutre de l’économie se place toujours au centre des préoccupations.

— La santé publique, et personnelle, selon la vision collectiviste

Pour l’État Providence tel qu’il fut imaginé par Mlle Keller, toute politique devient ultimement une question de gestion de ressources.

Pour clarifier ce point, considérons d’abord sa compréhension des principes d’intervention de l’État providence (toujours à son époque un rêve du futur projeté) succinctement exprimée lors d’un discours prononcé devant le Labor Forum, à New York, dans le même mois que la publication de ses opinions concernant l’infanticide :

“L’État doit gouverner tout département de l’industrie, de la santé, et de l’éducation, de telle manière que les corps et les esprits, du peuple, soient maintenus dans un état de solidité et d’efficacité (italique de l’éditeur)”

Voici l’affirmation directe, et dans peu d’espace, des principes essentiels au collectivisme économique, présentés dans une forme idéologique qui occupe, dans quelque sort, la même place charnière que ce célèbre « chaînon manquant » de l’évolution humain (qui fut si ardûment recherché à la mème époque): car elle révèle la souche commune du collectivisme futur, avant sa bifurcation dans les deux grandes branches, Fasciste et Socialiste, de droit et de gauche, pratiquée quelques années plus tard. Voici, donc, l’essentiel de ce que toutes les ramifications de cette grande famille idéologique partagent en commun : L’État doit gouverner tous les aspects de la vie humaine, et ce, non pour le bénéfice des individus (quoique la protection publique de la santé des individus productifs en soit le sous-produit indéniable), mais plutôt: pour maintenir l’efficacité des individus dans le service de l’État, organisme collectif supérieur.

Beaucoup de cela, d’ailleurs, se recommanda très favorablement dans le nouveau environnement intellectuel d’affectation scientifique. Cependant, entre l’exhortation vers une gérance rationnelle de ressources communes, et une proposition franche de supprimer les effectifs humains improductifs, il se trouvent un gouffre éthique des plus profonds.

— Les réticences morales et les méthodes utilisées pour tenter de contourner celles-ci

Parmi l’auditoire-type de l’an 1900 il y avait, toujours, une majorité imposante de gens pour lesquelles la morale dominante fut celle de la compassion pour autrui, centrale pour la religion chrétienne, par laquelle nous sommes exhortés à respecter la subjectivité de l’autre, en nous référant à notre subjectivité propre ( “Tu aimeras ton prochain comme toi-même”, Marc 12:31)

Très évidemment, l’intérêt de l’individu serait de survivre, aussi dépendant fut-il. Or, jadis, selon l’ethos d’une valeur inhérente à la vie humaine (suffisante dans sa subjectivité en relation personnelle avec un ordre supérieur), il fut largement présumé que la protection des personnes dépendantes ait constitué un but idéal, permanent, vers lequel les énergies collectives devaient se diriger avec constance (et avec patience) selon les seules limites des possibilités réelles. En conséquence: même si elle pouvait être intuitivement attrayante, la notion d’évacuer les êtres dépendants dans le seul but d’éviter les dépenses inséparables de leur entretien semblait (pour plusieurs) simplement irrecevable.

Et c’est ainsi, je crois, que Mlle Keller (saisie de la nécessité de procéder avec subtilité en introduisant la nouveauté de son ethos collectif), aurait pris l’habitude Socratique de tenter, en premier lieu, d’amener son auditoire à admettre la nécessité logique de sa proposition, avant de la nommer avec précision. Elle ne nous dit pas, par exemple (au moins pas dans sa lettre d’appui au Dr Haiselden) que dans son univers moral, les intérêts de l’individu doivent, de façon axiomatique, être assujettis aux intérêts de la collectivité. Par contre, elle n’hésite pas à affirmer son corollaire pratique — que les coûts, pour les familles et pour la société, à maintenir l’existence des enfants handicapés, soient intolérables.

Surtout, elle commence par tenter de contourner le problème moral entièrement, en adoptant le vocabulaire des réticents: en faisant la redéfinition, en corrompant le sens, et très particulièrement: en pervertissant la notion de valeur “sacrée” (de la vie humaine).

— Recours à l’enthousiasme eugéniste

En se faisant la championne d’une nouvelle conception du “sacré” dans la vie humaine, Helen Keller s’en prévalait fortement de l’enthousiasme ambiante qui se manifestait, au même moment, à l’endroit de l’eugénisme.

Tout comme le fascisme et le socialisme, l’eugénisme projette des principes se voulant des plus “nobles”, qui se présentent en axiomes moraux, en compétition directe avec leurs contreparties traditionnelles. Pour l’eugénisme, encore, cela signifie une révérence pour l’amélioration biologique de l’être humain, par voie de purification génétique; et comme corollaire réciproque: un rejet vertueux de tout ce qui soit imparfait.

Mais il existe, toujours, des différences importantes entre l’eugénisme et les buts économiques, tout simples, de l’euthanasie utilitaire. Car les objectifs de l’eugénisme se résument seulement à favoriser la formation d’unions génétiquement désirable, et d’empêcher la transmission de traits nocifs. Une fois l’individu indésirable génétiquement neutralisé (avec la stérilisation, par exemple) il ne serait plus logiquement nécessaire d’évacuer cet individu personnellement. L’euthanasie strictement utilitaire, par contre (telle que suggérée par le proto-collectivisme de Mlle. Keller) relève d’une logique plus clairement ponctuelle et budgétaire: car il s’agit tout bonnement d’épargner (à la collectivité) les frais de l’engagement social reliés à l’entretien des déficients à long terme, sans autre mobile.

Or, par chance ou par dessin, les caractéristiques choisies par Mlle. Keller pour représenter la vie “sacrée” (“intelligence” et “pouvoir”) sont parfaitement adaptées pour soutenir le programme utilitaire. Car d’après cette analyse, la valeur de la vie individuelle est simplement redéfinie pour coïncider exactement avec son utilité pour l’État; et contrairement: le manque d’utilité à l’État, c’est-à-dire l’ absence d’intelligence ou de puissance physique –et la dépendance matérielle qui en soit le résultat– sont redéfinis pour signifier une exclusion du statut (protégé) de vie sacrée-humaine-utile.

— La généralisation, de la logique de l’infanticide utilitaire, pour annoncer l’évacuation éventuelle de tout être dépendant

Remarquons surtout, que l’existence d’une telle liste serait toujours plus importante que les éléments qu’elle contient, car pendant que nous nous amusions à considérer de la pertinence de tel ou tel élément, nous sommes en réalité amenés par l’auteur à accepté, sans critique, sa proposition centrale, soit : qu’il existe des caractéristiques dont la présence serait nécessaire pour estimer la vie; et son corollaire conséquent: qu’il existe des vies sans valeur; des vies que nous pouvons –ou plutôt que nous devions (par devoir sacrée)– éteindre.

De plus, cette définition des attributs positifs s’attaque non seulement aux enfants handicapés, mais potentiellement à la dépendance plus généralement, à tout être imparfait, que ce soit de façon intellectuelle (intelligence) ou physique (pouvoir), incluant toutes les lacunes possibles: de la folie à l’infirmité de l’âge. En admettant, donc, qu’Helen Keller ait su imposer son argument pour l’évacuation des nouveau-nés handicapés, la porte serait resté grande ouverte, au futur, pour bâtir sur le précédent ainsi gagné.

Par contre, le choix restreint des personnes directement ciblées dans la première instance, s’explique aussi par ce que ces personnes (les nouveau-nés handicapés), sont, de toutes, les plus vulnérables et les moins soutenues. Elles ne possèdent, très évidemment, aucun pouvoir pour se défendre personnellement; et elles bénéficient de très peu d’appuis extérieurs, du fait qu’elles n’auraient pas encore eu le temps nécessaire pour tisser des liens sociaux profonds avec les personnes autour (à la différence, par exemple, d’un enfant handicapé plus vieux, d’un camarade de longue date subitement devenu infirme, ou encore d’un parent vieillissant bien-aimé).

De manière plus générale, l’introduction progressive de la morale collective (voulant que les intérêts de l’individu –même les intérêts vitaux– soient subordonnés à ceux de la collectivité de façon axiomatique) non-seulement dans le contexte eugénique, mais aussi dans d’autres applications encore plus rudement disputées de la collectivisation économique (tel la confiscation projetée des biens personnels) ne pourrait pas se faire sans heurt. Or, dans ce contexte large, l’identification des nouveau-nés handicapés, comme une première cible relativement peu dangereuse, se recommanda très naturellement à l’esprit des stratèges.

Alors pour répéter l’essentiel: la proposition utilitaire d’Helen Keller est motivée, d’abord (selon l’analyse présente), par l’intérêt collectif économique (défini dans ses dimensions ethiques et quasi-religieuses les plus larges); et outre les calculs stratégiques qui limiterait son application initiale aux personnes les plus vulnérables, elle s’applique, potentiellement, à tout être humain chroniquement dépendant, quelles que soient les circonstances.

Poursuivre la lecture du texte en séquence linéaire : (Tome Deuxième : Sous l’ombre de l’euthanasie — Partie C : L’euthanasie et l’idéologie — Section IV : La proposition d’infanticide, avancée par Helen Keller, 1915 — Chapitre: “Bonheur”, “Intelligence”, et “Pouvoir” versus “Espoir”, “Foi”, et “Amour”: une fausse représentation de la satisfaction véritable, autant dans la vie “normale” que dans celle des personnes handicapées)

Les demandes (directives) anticipées d’aide médicale à mourir

(Tome Deuxième : Sous l’ombre de l’euthanasie — Partie D : L’euthanasie et la société — Section : Recommandations spécifiques — Chapitre: Les demandes (directives) anticipées d’aide médicale à mourir)

— Une obligation d’implémentation judicieuse

En décembre 2021, fut publié, au Québec, le Rapport de la Commission spéciale sur l’évolution de la loi concernant les soins de fin de vie: soit une Commission formée par l’Assemblée nationale du Québec pour étudier des changements possibles à la Loi 52, adoptée en juin 2014. (À voire: témoignage de l’auteur devant la Commission, vidéo du 19 août 2021; mémoire préalablement déposé, format pdf)

L’une des conclusions principales de cette Commission fut une recommandation d’accepter les demandes d’aide médicale à mourir (euthanasie) formulées par des personnes présentement inéligibles, en prévision d’un futur où l’inaptitude décisionnelle pouvait les empêcher de présenter une demande recevable.

Selon l’analyse faite dans ces pages (au sujet de la primauté de la liberté personnelle dans l’évolution sociétale au cours du dernier siècle), il serait difficile (ou impossible) de prétendre que cette liberté de choisir la mort, en prévision des éventualités futures, ait pu être refusée à ce moment, au Canada, et encore moins au Québec. Pourtant, cette innovation implique des changements majeurs dans la culture, clinique et institutionnelle, dont nous avons un devoir de bien gérer les effets: sur l’ensemble du personnel; et sur l’ensemble de la clientèle.

— Le choix érigé en principe premier, pour les uns, comme pour les autres

En premier lieu, le recours aux demandes d’euthanasie anticipées relève d’un choix. Nous avons, donc, la responsabilité de fournir des soins appropriés, autant à ceux qui choisissent cette option, qu’à ceux qui la refusent. Or, à travers les propositions de modalités d’implémentation retenues jusqu’à présent, nous nous apercevons d’un désir d’équilibrer ces intérêts divergents, surtout, de sorte qu’un accès facile et efficace soit offert (aux uns), sans indûment créer un risque de consentement accidentel (pour les autres).

Derrière cette approche se trouve la présomption, largement partagée de nos jours (et généralement présentée en évidence simple), que rien ne soit changé dans l’expérience clinique du patient-type, non-suicidaire, en autant que les formalités exigées (pour accéder à l’euthanasie) puissent nous assurer que les demandes acceptées sont de nature véritablement informée, et volontaire.

Pourtant (je soumets), rien n’est moins certain.

— Une méthodologie qui ne satisfait pas, adéquatement, les choix majoritaires

Imaginons, à cet effet, un patient hébergé en soins de longue durée, ayant reçu un diagnostic de maladie neurodégénérative et ayant choisi de faire une demande anticipée d’euthanasie (aide médicale à mourir); imaginons que cette demande ait été dûment présentée, acceptée, inscrite au registre des directives médicales anticipées, et figure, même, à l’endos de la carte d’assurance médicale dudit patient; imaginons, encore, que les symptômes du patient se rapprochent, de plus en plus, aux définitions préalablement envisagées pour actualiser la demande. Or (selon les formalités actuellement proposées), une requête de procéder avec l’euthanasie, comme telle, serait éventuellement présentée: soit par une personne de confiance nommée par le patient lui-même; ou (à défaut d’un tel signalement) par un membre de l’équipe soignante.

Remémorons maintenant ce fait essentiel, que selon les prévisions de la loi 52 (concernant les soins de fin de vie), toutes les institutions permettent la pratique de l’euthanasie. Il est donc présumé que le personnel de chacun de ces institutions soit favorablement disposé à l’égard de l’euthanasie (même si certains individus déjà en place ait pu s’en soustraire grâce aux exemptions de conscience). Par contre, avec l’ajout des demandes anticipées (conformément à l’exemple présenté ci-haut), il transpire qu’une nouvelle obligation ait été effectivement créée, soit: de suivre la condition du patient demandeur, en permanence, en évaluant constamment l’opportunité d’euthanasier celui-ci (en harmonie avec ses directives) un peu à la manière du jardinier attentionné qui surveille soigneusement le stade de maturité des différents fruits du verger dans le but de cueillir chacun au moment opportun.

Admettons, sans réserves, que telle situation répond parfaitement aux désirs exprimés par les patients ayant choisi de se prévaloir des demandes par anticipation. Admettons, aussi, que cela coïncide (également avec une concordance parfaite) à la vision de certains professionnels, ayant définitivement franchi le seuil d’une nouvelle interprétation de l’euthanasie: en véritable soin médical, utilisé pour répondre à des indices objectivement vérifiables, et non (en premier lieu) aux simples volontés du patient.

Pourtant, qu’en est-il des médecins qui croient que l’euthanasie n’ait aucun lien avec la médecine proprement dite (mais relève, à la rigueur, d’une revendication plus large de “droit-à-mourir”)? Que la demande d’euthanasie représente (logiquement) un refus de soins médicaux, qui requerrait (idéalement) un recours vers des professionnels procédant d’un mandat entièrement distinct ? Et qu’en est-il, enfin, de la majorité des patients, non-suicidaires:qui ne consentiront jamais à l’euthanasie; et qui ne peuvent, aucunement, se sentir en sécurité avec des professionnels qui croient, sincèrement, que la mort, pour eux, soit le “traitement” optimal?

Tout cela pour dire: qu’en créant un environnement clinique, qui réponde exactement aux désirs de certains patients (et certains professionnels), que –du même coup– nous en créons un qui soit parfaitement hostile aux autres.

— Des précisions numériques sur la répartition des choix exprimés

Il existe aussi une dimension quantitative à cette question, qui reflète celle de la popularité générale de l’euthanasie. Car, en dépit de toute attente (dans les premiers enthousiasmes suscités par l’événement de l’euthanasie), il parait clairement que l’instinct naturel rendra le choix de cette option fortement minoritaire, non seulement au Canada, mais partout ailleurs, et non seulement maintenant, mais (probablement) à tout jamais. Jusqu’à présent, par exemple, le plus fort taux d’euthanasie s’est manifesté parmi les patients cancéreux (de pronostic terminal) au Pays Bas, soit: 10% du total, (comparativement à 4% de l’ensemble des décès dans ce pays). Or, le point saillant qui ressort de ces faits consiste dans un constat, lucide, que les demandes anticipées d’euthanasie ne pourront que très difficilement dépasser ce taux de 10% (observé parmi les patients les plus éprouvés dans le pays qui en possède la plus grande expérience), et donc: que les patients éligibles pour l’euthanasie (par demande anticipée ou autrement) poursuivront toujours leur chemin vers la mort naturelle (chez nous) dans une proportion d’au moins 90%.

Voila, alors, qui militerait fortement pour une normalisation, institutionnelle, de la satisfaction du choix non-suicidaire.

— Une proposition méthodologique qui soit fondée, non dans le compromis, mais dans la satisfaction intégrale de besoins distincts

Selon l’opinion présente, la clé pour formuler une politique harmonieuse d’euthanasie, en milieu institutionnel, se trouve dans un constat franc de la division du marché médical: à la fois du côté des patients (les clientes); et de celui des professionnels médicaux (les fournisseurs de services).

Étant donné qu’il existent des patients qui désirent l’euthanasie (et d’autres qui n’en désirent pas), ainsi que des professionnels médicaux qui supportent l’utilisation médicale de l’euthanasie (et d’autres qui ne la supportent pas), il est évidente qu’il puisse exister d’occasions où clients et fournisseurs sont mal-assortis: que des patients désirant l’euthanasie puisse se sentir contrés, dans leur choix, par des professionnels non-sympathiques à cette pratique; et que des patients qui désirent vivre (malgré les circonstances) puissent se sentir en situation d’insécurité dans la présence de professionnels qui croient, sincèrement, que ce prolongement de vie soit inutile. Au mieux, je soumets, il serait désirable de faire soigner chaque patient par des professionnels avec lesquels les opinions à ce sujet, seront compatibles.

— Une recommandation de taches et de responsabilités, adaptée aux circonstances, et aux personnes

Pour favoriser l’apparition organique de cette distinction salutaire, je suggère que l’équipe soignante n’ait aucun rôle à jouer –ni dans l’évaluation, ni dans la réalisation– des euthanasies accomplies par demande anticipée; que toute responsabilité reliée aux volontés enregistrées reviennent, en exclusivité, à des professionnels spécialistes, servants du registre: pour faire des visites de constat périodiques auprès de la clientèle inscrite, et au besoin, pour exécuter les termes des directives en vigueur; et finalement, que tout signalement pertinent d’état, emmenant de l’entourage du patient, soit fait auprès des instances chargées à cette fin, et non auprès des soignants en devoir.

— Les effets positifs escomptés

D’après ce système, la réalisation des volontés (exprimées par le patient), seraient fidèlement exécutée –non par les agissements aléatoires de proches (ou de soignants cliniques impliqués dans cette responsabilité de maniéré accessoire)– mais par des professionnels spécialisés, dont les décisions relèvent d’une standardisation de pratique gagnée dans un contexte d’expérience routinière.

Le seul inconvénient, potentiel (pour le patient inscrit au registre), serait la possibilité d’une survie temporaire au-delà des limites contractées (dépendant du rythme des visites d’évaluation choisi par l’État). En contrepartie de cet inconvénient, cependant, se pose une garantie, certaine, de l’exécution des volontés enregistrées, impersonnellement, et à l’abri de toute ingérence (ou obstruction) emmenant de tiers (agissants –ou s’abstenant d’agir) sous l’effet de considérations personnelles, ou d’émotions résultant de leur familiarité avec le patient concerné.

La clientèle typique pour leur part, bénéficierait, ainsi, d’un gage supplémentaire de sécurité –pour eux et pour leurs familles– de recevoir des soins optimaux, offerts sans arrière pensée par une équipe soignante inconditionnellement vouée à soutenir la vie de chaque patient; et ce, sans considération de la gravité de son état, ni du degré de dépendance exhibé; un standard de soins, d’ailleurs, dont bénéficierait, également, le demandeur d’euthanasie par anticipation, aussi longtemps que cela lui soit convenable.

Pour les professionnels soignants, enfin, le chemin serait ouvert, de nouveau, pour cultiver une certitude partagée dans la nature de la mission thérapeutique: pour favoriser le maintien d’une culture clinique sans ambiguïté, uniquement informée –jusqu’à l’intervention ponctuelle d’autres choix, d’autres mandats, et d’autres professionnels– par les valeurs traditionnelles de la médecine hippocratique.

En somme, il est possible pour tous –patients et professionnels– de trouver satisfaction dans l’exercice de leurs choix individuels: tout en respectant la diversité actuelle du marché médical.

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Poursuivre la lecture du texte en séquence linéaire : (Tome Deuxième : Sous l’ombre de l’euthanasie — Partie D : L’euthanasie et la société — Section : Recommandations spécifiques — Chapitre: Une proposition d’accréditation, facultative et obligatoire, à l’intention des praticiens de l’euthanasie)