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mai 2021 - Euthanasie : De la discussion jaillit la lumière

Le triage médical : un outil d’exception employé dorénavant de façon ordinaire

(Tome Deuxième : Sous l’ombre de l’euthanasie — Partie B : L’euthanasie et l’économie — Section II : Le régime de santé publique — Chapitre : Le triage médical : un outil d’exception employé dorénavant de façon ordinaire)

— À la rencontre de responsabilités nouvelles, les médecins se rabattent sur une tradition ancienne

Les médecins, de nos jours, ne sont pas chargés uniquement des soins auprès des patients. Car au sein du système canadien de médecine sociale, ces professionnels doivent également agir en régisseurs, et en intendants, à l’égard des ressources allouées. Au point de contact avec la clientèle, donc, ce sont les médecins qui décident de l’accès au soins pour chacun.

Pourtant les médecins ne sont pas des comptables, ni des gestionnaires. Leur relation à l’économie est à la fois plus pratique, et plus immédiate. Cette relation procède d’une conception du devoir qui enjoint le médecin à faire le mieux pour ses patients, dans les limites de ses capacités propres (et des moyens qui lui seront accordés). Or, au moment que ces capacités, et ces ressources, ne suffiront plus pour soigner tous les patients qui sollicitent son aide, le médecin se repliera sur une pratique depuis longtemps conceptualisée, articulée, et discutée, sous un nom connu de tous: le triage.

Traditionnellement, le triage médical est surtout associé aux circonstances d’une gravité exceptionnelle, tels les désastres naturels –les épidémies, les écroulements, les feux, les actions de guerre– où il se produit subitement un nombre de malades, ou de blessés, trop important pour être soignés par les effectifs médicaux en présence. Bien sûr, dans notre modernité et dans notre opulence, nous nous attendons à ce que les ressources se trouvent ; que les médecins arrivent ; ou que les patients se fassent transporter ailleurs. Mais un moment de réflexion nous convaincra qu’il peut toujours arriver des malheurs qui débordent des limites de nos possibilités d’adaptation ; et c’est alors que se produit le calvaire médical du triage catastrophique.

Dans ces moments critiques, il n’existe ni le temps, ni les professionnels, ni le matériel requis pour sauver tout le monde. Il faut faire le tri ; il faut décider qui serait aidé en premier, et qui attendrait: il faut tenter de maximiser la vie protégée ; et il faut minimiser la vie perdu.

— Le tri confortable

En temps normal, ce procédé semblerait bénin, raisonnable, même rassurant, car elle s’opère avec un souci unique de prioriser les interventions, de sorte que tout le monde soit optimalement soigné. Tel, par exemple, serait le tri que nous sommes habitués à rencontrer dans les salles d’urgence typiques ; où l’on ferait attendre une personne souffrant d’un poignet cassé, pendant que les médecins en présence s’occupent des soins d’une autre aux prises avec les séquelles d’une fracture au crâne. Le but, bien sûre, seraient de faire patienter les cas moins pressants, pour passer en priorité ceux comportant des risques de décès plus immédiats.

Mais dans le triage d’urgence catastrophique, au contraire, cette même logique, de protection maximale de la vie, s’opère en faisant passer les cas (relativement) plus légers au détriment des cas plus lourds. Car l’on ne voudrait pas voir cinq mourir pendant que l’on s’obstine à bouger mer et terre dans l’espoir d’en sauver un seul. Il s’agit, alors, non seulement de faire le tri, dans le sens d’un classement académique des malades en présence, mais de choisir parmi eux les gagnants et les perdants, de fixer le sort des morts et des vivants.

— Le tri catastrophique

Pour illustrer ce dilemme, dans tout son ampleur, il suffit de consulter les récits intimes qui nous sont parvenus du personnel des hôpitaux temporaires des théâtres de guerres encore récentes. Rappelons-nous que ces installations, à l’occasion des actions importantes — telle la Bataille de la Somme, avec presque 60,000 hommes morts ou blessés (parmi les seules armées britanniques) dans la première journée de cette offensive (le 1ier juillet, 1916) — se trouvaient subitement inondées par une succession de blessés apparemment sans fin.

Dans les tentes bondées, des interventions chirurgicales se poursuivaient sans arrêt, et sans repos ; à l’entrée, une file de blessés interminable attendait le tri ; en arrière, à l’écart, dans des longues rangées, couchés à mème le sol sous le ciel ouvert — peut-être dans la neige, ou encore sous la pluie — se trouvait la vaste superflue de ceux, rejetés par le tri, qui périssaient tranquillement : délaissés dans leur délire solitaire (ou lucidité sublime) pour mourir dans l’abandon absolu.

Telle est la gravité ultime du triage médical.

— Un portrait personnalisé

Clairement, pour la profession médicale, l’obligation toujours appréhendée de rencontrer ces responsabilités fatidiques — de faire ces choix monstrueux — aurait profondément marqué les traditions collectives, ainsi que l’imaginaire et le vécu individuels.

J’aurais eu, autrefois, le privilège d’assister à une conversation à ce sujet entre un médecin d’expérience et un autre, tout jeune, qui pensait possiblement faire une carrière d’Urgentologue. Évidemment, il était tout de suite question du stress élevé d’un métier ou chaque instant peut présenter des exigences de vie et de mort, tandis que la moindre erreur de jugement risquerait d’entraîner des regrets de culpabilité importants. Pourtant le jeune docteur, d’un caractère réfléchi et sérieux, se disait prêt, et même empressé, à se mesurer contre cette responsabilité.

Notre homme mûr, cependant (ayant connu les réalités de guerre, et de pestilence), persista : qu’en serait-il du drame du triage ? Non pas, voulait-il dire par la, la simple responsabilité d’une intervention urgente réussie ou ratée ; où le médecin pourrait se consoler de s’être entièrement donné à la tache immédiate, quitte à en assumer le résultat ; mais cette autre responsabilité : celle d’avoir délibérément décidé de la mort d’une ou de plusieurs personnes — patients qu’il se serait connu parfaitement capable de soigner dans des circonstances normales — personnes qu’il ait choisi, sciemment, d’abandonner à la mort (selon la logique impitoyable du tri) ?

— Un fort changement de circonstance, entre les générations

Outre la fenêtre fascinante que cette anecdote ouvre sur la psychologie de la réflexion éthique dans la culture médicale (et dans sa transmission initiatique), nous pouvons constater, je crois, des différences importantes dans les attentes et dans les expectations des médecins d’il y a cinquante ans (quand la conversation rapportée eut eu lieu), et les exigences de la profession d’aujourd’hui.

Même que ce serait ici, je crois, que nous puissions trouver, enfin, un élément de la pratique médicale — parmi toutes les réussites et améliorations — qui est objectivement pire pour la génération actuelle.

Car à ce moment, au tout début de la médecine sociale au Canada, il n’existait pas encore une perception de pénurie dans l’offre de services. Au contraire, les médecins n’eurent que très récemment perdu l’habitude de se concurrencer, en offrant des rabais compétitifs sur les honoraires réclamées. Il existait, donc, une présomption (partagée par nos deux interlocuteurs), qu’un médecin normal, dans des circonstances normales, pouvait raisonnablement se croire exempt des épreuves psychologiques et morales du triage catastrophique.

Mais qu’en est-il de nos jours ?

Poursuivre la lecture du texte en séquence linéaire… (Tome Deuxième : Sous l’ombre de l’euthanasie — Partie B : L’euthanasie et l’économie — Section II : Le régime de santé publique — Chapitre : Le triage médical : un outil d’exception employé dorénavant de façon ordinaire — La normalisation du triage extraordinaire)

L’exemple de l’avortement : exiger un régime commercial cohérent, mème dans l’absence d’une concorde d’origine morale

(Tome Premier : L’euthanasie et le choix — Partie C : l’euthanasie et la médecine — Section IV : Hippocrate bis : l’avortement — Chapitre : À défaut d’un consensus moral, la cohabitation pragmatique : comment la médecine hippocratique accommoda l’avortement discrétionnaire ; les leçons pour l’euthanasie — L’exemple de l’avortement : exiger un régime commercial cohérent, mème dans l’absence d’une concorde d’origine morale)

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Les leçons essentielles de la décriminalisation de l’avortement — pour nous qui doivent naviguer un parcours similaire à l’égard de l’euthanasie — concernent, surtout, une évaluation adéquate de l’importance relative des justifications (voire: des motivations) d’ordre moral, et commercial, qui furent avancées à l’appui de cette décriminalisation. Car si beaucoup plus d’ardeur fut consacrée à la défense des positions morales, ce furent plutôt les forces commerciales (économiques) qui eurent réellement remporté la victoire pratique.

Et puisque d’entente morale il n’y aura jamais à ce sujet, mieux vaut insister sur les conditions commerciales de la mise en œuvre de l’euthanasie : que celles-ci soient, au moins, conformes aux exigences objectives de la science économique ; qu’il existe, ainsi, une rapport rationnelle entre la nature (et la volume) des services demandés, et celles du service réellement fourni.

— Un modèle amoral de satisfaction, des attentes consommatrices

À l’encontre du paradigme de moralité fixe, la spécialisation commerciale admet la satisfaction de choix consommateurs, divers et contradictoires.

Même le fait que telle ou telle pratique soit considérée immorale — ou même franchement illégale — ne réduit en rien son importance à cet égard. Telle fut, par exemple, la force des « mouillés », qui désiraient boire coûte que coûte, dans les années de la Prohibition (1919 – 1933) ; et telle fut, aussi, la force des femmes qui achetèrent des services d’avortement illégaux dans les années cinquante et soixante.

Bref, accommoder socialement — tant bien que mal — un marché commercial devenu trop important pour permettre sa suppression intégrale (sans recours à une répression jugée démocratiquement inacceptable), telle fut l’intention finale de la décriminalisation : et de la boisson ; et de l’avortement.

J’en conviens que sur le coup cette logique fut restée largement opaque. La dynamique de guerre culturelle, il y a cinquante ans, encore, se caractérisait par une « majorité morale » soucieuse d’imposer sa vision traditionnelle sur l’ensemble de la société. Soit. Cette hégémonie, cette autorité, cependant, ne fut pas remplacée par une nouvelle conception partagée. Au contraire : la liberté de l’avortement fut la victoire du choix ; mais non celle d’un choix particulier.

Or, la tendance de croire autrement, de voire ces changements principalement à partir d’une perspective de morale universelle, est une tendance très naturelle chez l’être humain. Et cette erreur n’a cessé de produire des effets néfastes, surtout maintenant, et surtout face à l’euthanasie : en masquant la réalité des forces économiques — beaucoup plus influentes, à l’heure actuelle, et beaucoup plus accessibles — dont la compréhension rigoureuse doit informer nos politiques futures.

— Satisfaire aux attentes minoritaires ne signifie pas une déchéance de la majorité

Très simplement : ce n’est pas uniquement la minorité insoumise qui bénéficie d’une force commerciale suffisante pour contraindre l’accommodation, pragmatique et amorale, de ses désirs. Car à condition d’accepter lucidement le nouveau paradigme de choix, il faudrait aussi accorder, d’emblée, des ressources proportionnelles à la satisfaction des choix majoritaires.

Dans cette nouvelle environnement moral, d’ailleurs, il ne peut exister, non plus, une seule version de l’éthique médicale (puisque l’unanimité médicale, face à l’euthanasie ou face à l’avortement, présupposerait toujours une unanimité morale, plus générale, qui nous fait manifestement défaut). L’éthique convenable, au contraire, s’affirme simplement en fonction des désirs du patient. Mais puisqu’il serait déraisonnable d’exiger que chaque médecin puisse changer son ethos personnel avec une telle facilité : ce choix devient logiquement l’affaire, et du médecin, et du patient ; de sorte que le médecin puisse pratiquer selon ses préférences éthiques ; et qu’en considération de la communication de ces préférences, le patient puisse trouver un médecin qui lui soit compatible. Dans un mot : la nature de la pratique médicale devient, non monolithique, mais multiple.

La médecine hippocratique perd ainsi son autorité universelle, certes, mais contrairement à une perception populairement répandue : elle ne perd pas avec ça son importance comme école dominante dans la compétition commerciale qui doit décider, ultimement, de la répartition des ressources affectées à l’épanouissement clinique des diverses visions en présence.

— L’avortement, et le retour du principe commercial : une spécialisation des services proposés aux femmes enceintes

Souvenons-nous, d’abord, qu’à l’intérieur d’un marché libre, les clients et les fournisseurs se retrouvent, avec une précision véritablement miraculeuse ; et ce, à la satisfaction maximale de tous.

Mais même là ou la force commerciale est ignorée (comme la force de l’eau peut être ignorée par des constructeurs imprévoyants), cette force ne cesse d’agir : aveuglement ; implacablement. Il s’ensuit que même à l’intérieur du système monolithe de la santé canadien, et même sous l’influence d’une illusion qu’il puisse y exister une éthique médicale universelle : il s’est quand-mème pratiqué un cloisonnement de fait, à l’intérieur des services obstétriques, de sort que les choix des médecins — et des patients — aient pu s’exprimer devant la pratique de l’avortement, et cela, sans que la poursuite de ces choix soient embarrassée par la présence de patients (ou de médecins) mal assortis aux climats éthiques, spécialisés, qui sont sous-entendus.

Il serait très naturel, par exemple, de présumer qu’une femme puisse se sentir plus en confiance (au cas où elle serait désireuse de porter son enfant à terme), en confiant son bébé à naître aux soins d’un médecin qui se soit ouvertement proclamé incapable de pratiquer l’avortement discrétionnaire. Très certainement, aussi, aucune mère potentielle, émerveillée devant le prospect de porter la vie, ne voudrait se voir importuner par un docteur qui soit révélé enthousiaste de l’avortement (et possiblement franchement malthusien) — un docteur qui comprendrait son devoir, ainsi, dans l’exposition exhaustive des risques et des inconvénients de la maternité, tant personnels que collectifs ! Et il en irait tout autant, je soumets, des femmes qui désirent éviter les fruits de leur grossesse.

Quelle agression psychique, en fait, que de se trouver assise dans une salle d’attente entourée de futures mamans heureuses et rayonnantes ; face aux images murales enfantines peintes à la célébration de la maternité ! Quelle agression (insistons-y encore) que de se voir accueillir par une équipe soignante dont les efforts bien intentionnés, mais tant maladroites, ne suffiraient jamais pour cacher son penchant favorable à la grossesse intégrale !

Très évidement il y aurait motif naturel pour ces deux visions de s’éviter. Et il en serait réellement résulté que les deux marchés se soient écartés dans les faits ; se chevauchant uniquement, aujourd’hui, au besoin des urgences (ou des caprices des agencements bureaucratiques).

— La résilience manifestée par la médecine hippocratique

Or, c’est en décrivant ces réalités que nous constatons, du même coup, à quel point la pratique médicale traditionnelle, de souche hippocratique, se fut montrée flexible, résiliente et enfin : toujours dominante.

Car même si la majorité des médecins avaient éventuellement reconnu la nécessité d’accommoder l’avortement dit « thérapeutique » (par une simple opération de modernisation des principes traditionnels) ; et s’ils avaient également admis la nécessité d’encadrer la pratique des avortements discrétionnaires (par souci de sécurité) ; il n’en demeure pas moins que la véritable pratique de ces avortements ait toujours resté le fait d’une petite minorité parmi les obstétriciens (pas plus de vingt pourcents, auteurs des avortements complexes), ainsi que d’un groupe encore plus restreint de généralistes, devenus ceux-ci, les vrais « spécialistes » de l’avortement typique et discrétionnaire.

— Une dynamique similaire, à l’intérieur de la chirurgie esthétique

Notons également, en passant, que ce ne soit pas seulement l’avortement qui présente ce visage dans la pratique médicale : car il y aurait également la chirurgie esthétique. Là, aussi, nous constatons un certain nombre d’interventions indiscutablement thérapeutiques (qui concernent la réparation et la reconstruction de membres et de visages, abîmés par accident, ou par malformation génétique) ; mais comme au sein de la pratique avorteuse, nous trouvons, aussi, un nombre beaucoup plus élevé de cas purement discrétionnaires. Et ces cas discrétionnaires sont justifiés surtout, à l’instar des avortements, non par la santé, mais par le “bien-être” du patient, défini dans ses dimensions les plus larges, psychologiques et mêmes sociales.

Pourtant, dans beaucoup de cas : ces interventions n’amènent aucunement la satisfaction recherchée, et ne font, en fait, qu’alimenter une obsession malsaine chez le patient — souvent une véritable addiction — qui n’amènent, à la fin, que des déceptions à répétition. Or, dans de telles circonstances, je crois, nous pourrions qualifier l’attitude, du chirurgien en cause, non seulement comme non-hippocratique, mais de franchement prédatrice ! Et dans ce cas, l’écart entre une certaine pratique de la chirurgie esthétique et le principe premier de la médecine hippocratique (« en premier lieu ne fais pas de tort »), paraîtrait encore plus important (au moins dans l’intention) que celui qui sépare ce dernier de la pratique de l’avortement.

En conséquence, les interventions esthétiques se pratiquent surtout (et tout comme les avortements typiques) en clinique spécialisée ; tandis que la société plus large ait clairement exprimé ses priorités, en limitant l’allocation de fonds publics à ces fins.

— Un regard, proactif, vers l’application de ces principes au marché de l’euthanasie

Au mieux, grâce à la logique de marchés spécialisés, ces évidences peuvent nous engendrer une certaine confiance que les nouvelles pratiques de l’euthanasie seront éventuellement, à leur tour : soit effectivement expulsées du corps médical ; soit étroitement cloisonnées à l’intérieur de celui-ci, selon le paradigme de multiplicité médicale, déjà acquis à l’endroit de l’avortement et de la chirurgie esthétique.

Mais pourquoi attendre passivement une telle évolution inconsciente, suivant des pressions économiques qui s’ignorent ? Ne faudrait-il pas, plutôt, reconnaître explicitement la nature distincte des écoles médicales en présence ; et leur permettre, ainsi, la possibilité de s’optimaliser — activement — dans le but de satisfaire leurs tranches respectives du marché-santé ?

Or, en ce moment, la réponse à cette question reste plutôt décevante pour la clientèle majoritaire : car cette multiplicité éthique n’est pas franchement admise par le pouvoir administratif ; car la population (tout en demandant l’exaucement de désires contradictoires), ne semble pas vouloir renoncer à la fiction d’une morale partagée.

Face à l’euthanasie, pour être exacte, beaucoup de personnes se bernent à croire que le statut “bien” de cette pratique ait maintenant été reconnu en fait objectif (suite aux énoncés législatifs et juridiques). Et en harmonie avec cette fiction, nos administrateurs se sont lancés, visiblement, sur une piste politique de normalisation et de maximisation, qui implique l’imposition artificielle de cette pratique à l’intention de tout le monde, et dans tous les recoins de l’édifice médical d’état !

Pourtant, en termes économiques : cela représente l’imposition d’un environnement clinic unique ; à l’intention d’une clientèle aux goûts divergents ; et qui ne répondrait aucunement aux choix majoritaires.

Décidément (et même regardée d’une perspective qui se veuille des plus charitables) : cette politique enfreint les principes élémentaires qui doivent informer l’allocation des ressources au sein de notre système public ; elle procède en sens inverse aux faits observés ; et elle agit en opposition aux leçons qui nous furent acquises, suite à cinquante ans d’expérience pratique avec les services d’avortement.

Poursuivre la lecture du texte en séquence linéaire… (Tome Premier : L’euthanasie et le choix — Section IV : Hippocrate bis — Sous-section IV b) La médecine perçue de la coté obscur)

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La rencontre des cultures, américaine et continentale, occasionnée par la rassemblement des armées alliées sur le sol français (1914 – 1918)

(Tome Premier : L’euthanasie et le choix — Partie C : l’euthanasie et la médecine — Section III : Une société en rupture — Chapitre : La rencontre des cultures, américaine et continentale, occasionnée par la rassemblement des armées alliées sur le sol français, 1914 – 1918)

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La femme perçue en idéel de beauté et de bonté transcendantales : Ellen Louisa Emerson (née Tucker) 1811 – 1831. Portrait miniature d’artiste inconnu, circa 1829. Dernières paroles attribuées : “Je n’ai pas oublié la paix et la joie”.

La mort de cette dame de vingt ans, avait fortement ébranlé Ralph Waldo Emerson (1803 – 1882), spiritualiste, abolitionniste, et parrain de Henry David Thoreau (1817 – 1862). Il avoua même avoir ouvert la tombe de son épouse lors d’une visite une année après sa mort.

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Il arrive dans la vie d’un homme qu’une catastrophe ponctuelle peut faire flancher, fatalement, sa confiance dans des certitudes jusqu’alors acceptées sans question. Tel fut le cas, par exemple, de Ralph Waldo Emerson (1803 – 1882)), célèbre Pasteur Unitarien et propagandiste anti-esclavage, qui renia tristement sa foi dans le Dieu personnelle des Chrétiens (sans pour autant abandonner tout espoir d’un bien transcendant) suite au décès tragique, et pour lui inexplicable, de sa première femme, Ellen Louisa Tucker agée de seulement vingt ans (1831).

Par analogie, ainsi, entre la vie individuelle, et la vie sociale collective, je me serais permis de suggérer une explication similaire, de trauma psychologique — bâtie sur la violence extrême de la Première Guère — pour analyser la dislocation civilisationnelle qui s’est produite dans la suite du vingtième siècle ; la conséquence, postulée (selon cette analyse), d’une perte de confiance générale dans la rationalité du paradigme de compétition nationale, et de justification évolutionnaire.

Mais quelle que soit la justesse de cette explication, le phénomène décrit demeure indéniable.

— Le développement d’une culture propre à la Amérique

Depuis les débuts de la colonisation, très évidemment, le Nouveau Monde dépendaient du Vieux Continent pour alimenter ses repères culturels. Tranquillement, cependant, avec la formation d’une économie autosuffisante et la perception d’intérêts collectifs distincts de ceux des Puissances Européennes, de nouvelles consciences nationales, et culturelles, émergèrent en Amérique : par nécessité, d’abord, chez les colons de la Nouvelle France, abandonnés dans les défaites du roi Louis XV (dit le Bien-aimé, 1710 – 1774) ; mais surtout par choix, au sein des Treize Colonies britanniques qui s’étalaient sur la côte atlantique, de la Massachusetts à la Géorgie, et dont l’identité propre fut consacrée par la Guerre d’Indépendance (ou Révolutionnaire) Américaine : débutée en 1775, déclarée en 1776, et gagnée au prix de grands sacrifices, en 1783.

Pendant le siècle suivant, notamment suite à l’expansion explosive à travers le centre et l’Ouest du continent — avec la défaite déterminante de l’esclavage, et avec la victoire du capitalisme industriel — un nouveaux caractère national émergea, consommé par la révélation d’une série de nouveaux dialectes distincts, dont la représentation littéraire iconique demeure typisée dans l’œuvre de Samuel Clemmens, alias Mark Twain (1835 – 1910)

En harmonie avec cette histoire rude de développement improvisé, réalisé par des individus et des familles établis, très souvent, en position d’isolement extrême, le caractère dominant était marqué (au mieux) d’une confiance indépendante, d’un courage personnel, et d’une éthique de travail tout à fait extraordinaires, secondés par une foi religieuse sciemment cultivée dans le but de renforcer ces traits. Il s’ensuivit, alors, que le caractère culturel du Nouveau Monde, fondé dans la certitude et dans la discipline de la réussite, se trouvait très, très, éloigné de sa contrepartie européenne, prise elle, entre le drame inachevé d’une civilisation autocratique en décomposition, et l’émergence trouble d’alternatives aux contours incertains.

Nous pourrions possiblement affirmer, à cet égard, que le culte du progrès signalé en France par Alexandre Dumas (entre autres), fut d’autant plus puissant en Amérique pour deux raisons : premièrement, que la réalisation du progrès, matériel et social, se dessinait sur l’équivalent historique d’une toile blanche où tout pouvait se réinventer en neuf, utilisant des ressources apparemment illimitées, et sans heurter aux structures du passé ; deuxièmement aussi, parce que la perte de foi dans l’intention providentielle (et l’athéisme plus généralement) progressait moins rapidement parmi les Chrétiens du Nouveau Monde, du fait que l’abjuration de la foi religieuse ne se confondait pas, chez eux, avec un simple anticléricalisme spécifiquement hostile à l’église catholique, perçue en institution imposée, tel que ce phénomène se présentait en France.

Il en sortit, de ces faits, la perception d’une Amérique proprement affranchie des erreurs de l’ancien continent, et bénit ainsi, d’un progrès qui semblait partout positif. Cette conviction, d’ailleurs, d’un lien direct entre l’intention providentielle (essentiellement entendue comme la volonté divine) et le développement de l’état américain, fut ouvertement proclamée par plusieurs, à partir de 1845, dans la doctrine expansionniste de “Destinée Manifeste”

Avec l’impossibilité de rester indifférente, cependant, devant les enjeux de la Première Guerre, c’est à dire, devant l’impossibilité pratique de maintenir une position de neutralité “isolationniste” face aux intrigues de l’Ancien Monde, l’Amérique se trouva bien contrainte, malgré elle et de par une obligation incontournable, de renouer avec des courants historiques, et politiques, dont ses habitants s’étaient crus heureusement débarrassés. Surtout, les Américains de cette époque prenaient subitement conscience de la réalité implacable — sur une échelle globale — de la force de destruction industrielle mise, désormais, à la disposition de multiples protagonistes nationaux : un danger apparemment sans résolution, ni imminente, ni heureuse ; un danger constant et existentiel (tel que décrit par Winston Churchill) où “la Guerre était entrée dans son royaume” ; un danger qui menaçait tous sans exception — Américains inclus — malgré leur puissance potentielle, et malgré leur éloignement.

Mais s’impliquer dans les drames européens signifia, également, s’exposer aux courants culturels, et philosophiques, qui existaient pour alimenter et pour expliquer ces drames.

— La culture française du dix-neuvième en singularité iconique

Or, la culture dominante du continent européen avait longtemps été la culture française ; et la culture française avait été marquée dans le dernier siècle par une forte tendance désabusée et même cynique, découlant, celle-ci, autant des attitudes fatalistes de l’Ancien Régime, que des déceptions amères associées aux emportements de la Révolution, et de l’Empire, qui furent éventuellement soldés par la relégation de ce pays au deuxième rang impérial : suite d’abord à la défaite de Napoléon I, en 1815 ; et confirmée par celle de son petit-fils, Napoléon III, devant les « hordes » Prussiennes en 1870.

Mais comme dans l’Art, aussi dans la vie ! Et tandis qu’un récit de sucés facile ne peut aucunement soutenir une narration digne d’intérêt, les obstacles et les échecs rencontrés sollicitent toujours le meilleur, autant des caractères fictifs que des vivants.

À la fin, cette perte de dominance impériale, par une population française intensément politisée, et imbue d’une perception de vivre toujours à l’avant-garde des transformations sociales, produisit une culture fortement introspective, susceptible autant aux regrets, pessimistes, qu’aux élans passionnés vers un futur glorieux de rédemption nationale (dont les paramétrés demeuraient, cependant, sujets aux polémiques ardentes). Il en sortit surtout (et pourtant) l’une de ces effervescences humaines extraordinaires, semblables à la Florence de Laurent de Médicis (et l’Athènes de Périclès), où dans l’espace d’une seule génération, un petit nombre de personnes, surtout à Paris, produisit une regarde sur la condition humaine qui colorie profondément, encore, la perception actuelle ; et dont les traces physiques, telles les toiles peintes, commandent régulièrement des prix plus forts que celles de toute autre période.

Ce fut, aussi, pour retourner aux discours direct : un mélange à la fois complexe, attirant, mais rébutant, aussi, pour des intelligences américaines habituées à des représentations plus absolues de la réalité.

— Degas, et Flaubert, face à Nathaniel Hawthorne : des points de départ très éloignés qui se rapprochent quelque peu dans les conclusions.

En particulier, les représentations littéraires réalistes des mœurs domestiques et mondaines, avancées en France avec le mémé refus de la pudeur qui motivait Edgar Degas (1834 – 1917) à peindre les femmes dans leurs bains, alimenta une perception de la société française comme étant fondamentalement scandaleuse (et même obscène) parmi des esprits littéraires qui tachaient, au Nouveau Monde, de produire une description du vécu qui identifierait, rigoureusement, le bien et le mal parmi (et à l’intérieur) des caractères dépeints ; un désir de clarté morale qui n’admettrait même pas les prémisses des situations développées, à la même époque, dans la littérature française.

Pour illustrer cette affirmation je signalerait l’écart énorme qui subsiste entre le ton sérieux avec lequel le thème de l’adultère fut exploré par Nathaniel Hawthorne (1804 – 1864) dans sa romance populaire “La lettre écarlate” (1850), et les espiègleries ridicules de Jacques Arnoux et de Rosanette (dite “la Maréchale”) dans “L’éducation sentimentale”, parue sous la plume de Gustave Flaubert (1869). Dans le premier livre, pour une indiscrétion jamais clairement élucidée, plusieurs personnes vivent un véritable calvaire, composé des passions de la culpabilité pénitente, et de la revanche acharnée, sur fond de sanctions sociales des plus sévères, et qui terminent seulement avec la mort. Dans le deuxième, le jeune Frédéric participe aux bêtises d’Arnoux, dans sa double vie illicite, tout en lui dérobant les attentions, et de la femme : Mme Arnoux ; et de la maîtresse : Rosanette. Or, grâce au caractère essentiellement critique de cette littérature, furent exposés, par le Parisien : l’insatisfaction inséparable de la frivolité des mœurs ; et par l’Américain : l’excès intransigeant du puritanisme.

— L’échec éventuel de la suffisance Victorienne et de son auto-censure conventionnelle

Aussi, cette tendance prévalait à travers toute la diaspora Anglo-saxon, incluant en premier lieu la Grande-Bretagne elle-même, où la victoire nationale dans les guerres coloniales, et Napoléoniennes, avait nourri un mépris pour la décadence continentale, qu’ils assimilaient non à la “sophistication” des français, mais plutôt (selon l’explication allemand aussi) comme le signe d’une dégradation raciale, à la fois cause et résultat des défaites géopolitiques à répétition. Il s’ensuivit, en conséquence, que le produit littéraire français avait été longtemps banni (en version intégrale) dans les véhicules culturels dits « biens » tout au long de la période Victorienne, autant en Amérique, qu’en Grande-Bretagne.

Les lecteurs curieux trouveront les traces de cette pratique, surtout, dans les textes incomplets de divers éditions anglaises de l’époque (et non des œuvres françaises uniquement), mais incluant, aussi, des classiques gréco-romains “abrégés” à l’intention de la jeunesse, et parfois même : des œuvres tronquées d’ancienne source anglaise, telles certaines passages parmi les plus épicés de Geoffrey Chaucer (1343 -1400). Cette censure sélective (et presque omniprésente à l’époque) produisait des sauts capricieux dans le texte dont il en résultait des éditions non seulement moins intéressantes, mais parfois, tout à fait incompréhensibles ; le tout selon un raisonnement pudique voulant qu’il ait pu demeurer possible de transmettre l’import “essentiel” d’un œuvre, tout en supprimant ses détails caractéristiques ; de la même manière que des générations précédentes aient cru rendre “convenables” des images et des statues, classiques, en y appliquant des draperies et des feuillages.

Mais quelle erreur ! Non seulement nous ne pourrions jamais “améliorer” les toiles du dix-neuvième en y collant des feuilles stratégiques : le sens mème de la réflexion artistique à cette époque se trouva dans la décision consciente d’enlever ces feuilles, à la fois physiques et conceptuelles, pour percevoir le réel avec franchise.

Apparemment, cependant, les membres de la diaspora Teuton-anglo-saxon se sentaient suffisamment confiants dans la jouissance de leur dominance ponctuelle, pour pouvoir supprimer, tout bonnement, les réalités qu’ils eussent voulu éviter. Mais à ce chef, remémorons seulement ce fait essentiel : que contrairement à l’expérience de leurs cousins français, ces populations n’avaient pas acquis (encore) le bénéfice de ce recul artistique qui tempère les certitudes confortables ; né dans la déception, et dans le doute existentiel.

Or, cet isolement volontaire, pratiqué par la culture Anglo-saxonne devant la “décadence” européenne, fut effectivement balayé avec le retour des soldats alliés du front occidental de la Grande Guerre — par millier, et par million — en 1919.

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Edgar Degas (1834 – 1917) La sortie du bain (no. 1)

La femme comme sujet d’étude réaliste, observée dans l’intimité de ses gestes quotidien
s

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Poursuivre la lecture du texte en séquence linéaire… (Tome Premier : L’euthanasie et le choix — Partie C : l’euthanasie et la médecine — Section III : Une société en rupture — Chapitre : La rencontre des cultures, américaine et continentale, occasionnée par la rassemblent des armées alliées sur le sol français, 1914 – 1918) — À la rassemblement des Alliés : un choc de cultures)

Le choix de mourir converti en obligation présumée

(Tome Deuxième : Sous l’ombre de l’euthanasie — Section II (T2-C-II) : Une description des sources idéologiques de l’euthanasie en Occident — Chapitre : L’euthanasie en soi — Le choix de mourir converti en obligation présumée)

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Annie Besant (1847 – 1933) nous offre un bon portrait du climat intellectuel et idéologique de son époque. Socialiste, Malthusienne, Athéiste et anti-chrétien elle avait pourtant un fort penchant spirituel et participa avec énergie dans le culte Théosophe.

Sa position sur la mort volontaire présentait cette subtilité qu’elle s’opposa à l’euthanasie (ne croyant pas bien de céder devant la souffrance, qualifiée par elle comme source potentielle d’expérience et de sagesse), mais elle épousa toujours la notion de “suicide rationnel” (un mort de sacrifice utilitaire choisie en opposition à la décrépitude). Les deux concepts se confondant facilement dans l’hypothèse de circonstances particulières, il semblerait que cette distinction, comme d’autres tirées par Mme. Besant, d’ailleurs, se trouve difficile d’explication précise. Photo circa 1885

À la fin du dix-neuvième siècle, outre la répugnance morale, directe, ressentie devant le fait homicide, les objections soulevées par l’euthanasie concernaient, tout comme aujourd’hui, les abus appréhendés à l’endroit des personnes dites « vulnérables ». En contre-partie, il se présentait une notion idéalisée du « suicide rationnel » qui serait le droit et le devoir des âmes de nature supérieure.

Voici cette idée exprimée par l’auteur Théosophe influente, Annie Besant (1847 – 1933) socialiste, proto-féministe et spiritualiste typique de l’époque.

“…quand il nous restera plus rien à donner ; quand la force se dissipe et la vie échoue ; quand la douleur tourmentera notre corps, et que nos esprits affaiblis seront torturés avec la perception de nos êtres chères, souffrant dans notre agonie ; quand le seul service que nous pouvions rendre à l’Homme, serait de lui libérer d’un fardeau inutile et désagréable … nous demandons que nous puissions mourir volontairement, sans douleur, et couronner, ainsi, une noble vie, avec le laurier d’une mort sacrificielle.”

Et voici, en revanche, comment l’article précédemment cité (du Popular Science Monthly, mai,1873) répond à ces sentiments :

« …(ces idées) nous amènerait vers une disposition de regarder en « égoïstes » les personnes qui continuent en poids à la charge des autres sans aucune possibilité rapprochée de trouver la restauration complète de leurs capacités propres.

Supposons qu’il soit permis, avec l’opinion de deux ou trois médecins que le cas soit sans espoir, qu’un homme puisse choisir, si cela lui convient, de mourir ; et que le sentiment populaire en soit venu à sanctionner ce choix comme le bon. N’est-ce pas parfaitement claire que dans l’absence de parenté à laquelle de tels patients seraient encore chers (et qui prendrait encore plaisir dans la prolongation de leurs vies), qu’il en jaillirait un sentiment habituel de contrariété et d’irritation à l’égard de tous ceux qui choisiraient de continuer à imposer des peines inutiles aux autres ; et aussi, que très bientôt : le standard pour déterminer ce qui constituent la « peine inutile » descendrait inévitablement de plus en plus bas, de sorte que toute la charité organisée qui s’exprime à travers notre système d’hôpitaux subirait un changement graduel mais complet, pour devenir une sorte de pression morale sur les pauvres invalides — ceux qui exhiberaient le moindre potentiel de vivre une dépendance de longue durée — pour demander le droit de libérer le monde de leur présence ?

Nous affirmons que ce soit dans cet effet de réflexe, dans ce nouveau code des sentiments face à la maladie, dans cette transformation certaine de la pitié pure vers quelque chose de semblable à l’irritation et à la reproche : que nous voyions au plus claire, le danger d’analyser ce genre de question uniquement en fonction de considérations superficielles, au sujet de la balance de souffrance et de plaisir dans des cas individuels. »

Et puis, ce texte expose l’idée sociétale plus large : que les instincts moraux de l’homme sont le fruit durement gagné de millénaires d’expérience, et,

« qu’une rupture subite de ces acquis – aussi spéculativement excellente que ce soit – ne pourra se pratiquer sans produire des effets maladives. Car trop de sentiments humains seraient perdus. »

— Les acquis ancestraux ; l’adoucissement volontaire des comportements

Il serait impossible, je soumets, de trouver un texte plus significatif de nos jours, car l’essentiel s’y trouve exposé avec une clarté accessible à tous. Par comparaison, les discours actuels, au sujet de la discrimination soufferte par les personnes malades et handicapées (le« capacitisme » comme on dit, ou « ableism » en anglais) nous apportent des idées intéressantes, certes, au niveau théorique ; mais ils donnent prétexte, aussi, pour voiler (dans un intellectualisme neutre), deux phénomènes parfaitement évidents, et intuitivement compréhensibles pour tout le monde, soit : les mécanismes évolutifs involontaires qui nous font reculer devant la maladie, et la difformité, avec la mémé urgence inconsciente que nous fuyons les odeurs de la mort ou de l’excrément ; et deuxièmement : le mépris et la violence proférés depuis toujours par les plus forts, à l’endroit des plus faibles.

Dans l’un cas, comme dans l’autre, le seul remède pour ces défauts dans le caractère humain réside dans une maîtrise philosophique de soi, gagnée dans une vision de bien supérieur. Car au fond, la seule véritable mesure de l’évolution morale d’une société se trouve dans le degré auquel ses membres les plus forts se montrent désireux de se restreindre, volontairement, dans la jouissance (et dans l’abus) de leur position dominante.

— Une puissante icône culturale : Le culte du « Gentilhomme »

Grâce au contexte féroce de notre évolution biologique, et grâce aux formes sociales d’aristocratie guerrière partout résultant, la représentation universelle du pouvoir s’est encapsulée, depuis toujours, dans une image héroïque de force brute et d’adresse physique, tandis que la dimension morale de cette mythologie collective s’est articulée autour des actions, et des réflexions, des personnes éminemment imbues de telles avantages ; articulée, surtout, autour du portrait élogieux de celui qui ne craigne la violence de personne (et dont les comportements n’admettent, de ce fait, aucun contraint involontaire), mais qui tempère néanmoins les pulsions de ses désirs — et même de ses intérêts — à l’avantage des autres ; qui choisit à la fin (de par son pleine gré philosophique où pieux) de se comporter dignement, généreusement, et respectueusement à l’égard d’autrui ; qui choisit de se présenter, alors, non en tourmenteur — mais en protecteur — à l’égard de ceux qui se trouvent incapables de se protéger seuls.

Voilà dans peu de mots, une évocation du culte immémorial du « gentilhomme » qui a trouva son apogée récent dans la culture romanesque bâtie autour des contes chevaleresques de la nostalgie moyenâgeuse (d’Artur, de Roland, de Tristan et descendant dans l’esprit jusqu’aux héros Grecs ; reflétés, également, dans les traditions orientales). Décidément, autant que cette vision fut vénérée par les romantiques (et par la jeunesse guerrière de tout temps) ; autant elle s’est fait dépréciée, aussi, et même ridiculisée (à la maniéré délicieuse, par exemple, d’un Miguel de Cervantès Saavedra, mort 1616, dans son portrait parodique de Don Quichotte). Car il ne manquait pas de personnes désabusées et sardoniques, pour nous rappeler les vrais comportements, des vrais chevaliers — des vrais “nobles” — qui furent souvent tout ce qu’il a pu en avoir du plus capricieux et du plus brutal.

Pourtant, cette opinion méprisante se trouve exprimée (le plus souvent), par des personnes qui n’avaient jamais, elles-mêmes, confronté consciemment cette question de moralité personnelle, indissociable du maniement arbitraire du pouvoir.

Les plaintes et les démonstrations vertueuses des « faibles », d’ailleurs, (ou ceux qui se représentent ainsi) ne portent, très tristement, que peu de poids. Car d’une part, les faibles ne peuvent aucunement contraindre les comportements des forts ; et de l’autre : la supériorité morale de ceux qui se trouvent contextuellement faibles demeure toujours suspecte dans ce fait qu’une fois arrivées dans une position dominante, ces mêmes personnes (très souvent) se révèlent autant, où encore plus abusives que leurs paires. Ou, pour répéter cet évidence autrement : ce serait impossible pour quelqu’un de se prétendre « bon » en autant qu’il n’eusse jamais possédé le pouvoir nécessaire pour se montrer méchant !

Le culte du « gentilhomme », par contre, fut (et est encore) le résultat des luttes internes, et des meilleures intuitions (voire des regrets aigus) de ceux, véritablement nantis de tels pouvoirs, qui aspiraient pourtant, non à l’assouvissement illimité de leurs appétits immédiats, mais plutôt, à la satisfaction plus substantielle qui consiste à vivre dignement. Ce ne fut jamais une affirmation de réalité, ni parmi l’aristocratie lointaine, ni parmi leurs émulateurs littéraires modernes. Ce fut, au contraire, l’affirmation d’un idéal : toujours à poursuivre ; toujours imparfait.

Sa recherche, cependant, sincère et active, par tant de personnes puissantes, pendant tant de siècles, a réellement fourni l’énergie essentielle qui eût continuellement nourri la longue progression humaine vers une vie plus morale et plus « douce ». Et peut-être plus important encore, fut l’effet cumulatif de cet idéal, adopté à distance par tant de personnes qui désiraient en émuler les modèles.

Car le problème moral de l’homme n’en est pas un, seulement, d’un petit cercle de « méchants » puissants. En réalité, la dominance se distribue uniformément dans la vie courante, à travers un continuum où toute personne (à peu près) trouvera des occasions propices pour s’avantager (relativement) au dépens d’autres. La véritable force et la véritable promesse du culte du gentilhomme demeurent, alors dans l’archétype appliqué au sort commun : dans sa démocratisation, et dans sa généralisation progressive.

— Un plaidoyer, plus que centenaire, pour “l’adoucissement de la force”

Voilà donc, pour la dynamique globale. Mais cette hiérarchie de torts s’opère de maniéré encore plus significative face à notre matière première de l’euthanasie, puisque la notion du « plus fort » comprend (dans ce cas précis) presque tout le monde à l’exception des seules victimes désignées ; et le « capacitisme » se démarque, ainsi, de tout autre gage de la discrimination (tels le sexisme ou le racisme) par ce fait que les personnes malades et handicapés se trouvent — au niveau premier de la sécurité physique et des besoins essentiels — littéralement à la merci de tous.

Les personnes qui sont en plein possession de facultés supérieures, autant physiques que mentales, sont favorablement placées, non seulement pour définir les conditions de leurs existences personnelles, mais encore, pour en décider du sort des autres. Celles qui possèdent des facultés ordinaires sont bien accueillies, également, sur le crédit d’une contribution habituellement positive à l’ensemble. Mais ceux qui exhibent des déficits fonctionnels demandent, au contraire, des attentions et des ressources équivalentes, prodiguées habituellement aux frais des tiers.

Très évidemment, alors, la collectivité désirent payer le moins possible pour soutenir ces besoins, et il s’ensuit que les soins nécessaires seront fournis, soit par des proches en devoir bénévole, soit par des employés aux salaires minimes. Mais dans les deux cas, les chances seront bonnes que les personnes aidantes se trouvent, elles-mêmes, assez bas sur l’échelle sociale et puissent nourrir des rancunes certaines en conséquence. Pourtant, la sécurité des malades et des handicapées dépend, entièrement, de la protection (voire, de la bonté) de ces dernières.

Or, dans ces circonstances, un sens rubuste de devoir moral, ressenti par les gens (relativement) forts à l’endroit des gens (relativement) plus faibles, accompagné par une importante volonté des uns de se porter à l’aide des autres, serait à la fois la condition nécessaire et le résultat béni de toute évolution humanitaire ; il n’y a rien, je soumets, de plus essentiel pour l’humain, que l’adoption volontaire de ce paradigme moral.

Et c’est ainsi que notre texte instructif finit avec un avertissement sévère concernant l’importance (et la fragilité) de ces acquis.

Manifestement (selon les auteurs) les avantages escomptés, de rationalité et d’utilité devant la mort, ne pourrait jamais justifier la perte civilisationnelle qui résulterait d’une nouvelle permission accordée aux plus forts de tuer les plus faibles ; et ce, pour quelque raison que ce soit.

« Ce n’est pas du tout claire que même le vrai philosophe puisse épouser un tel idéal de devoir (d’une mort volontaire offerte en sacrifice devant les intérêts collectifs). Pour la plupart des hommes, les instincts moraux supprimés ne seront remplacés que par l’égoïsme et par la cruauté à l’égard de la faiblesse. L’adoucissement de la force serait sacrifié, sans réaliser le moindre bénéfice comparable sous le signe de cette nouvelle proposition idéelle »

Poursuivre la lecture du texte en séquence linéaire… (Tome Deuxième : Sous l’ombre de l’euthanasie — Partie C : L’euthanasie et l’idéologie — Section II : Une description des sources idéologiques de l’euthanasie en Occident — Chapitre : L’euthanasie en soi — Au delà du volontaire subjectif : aucune concorde générale)

La religion en conservateur des valeurs sociales

(Tome Deuxième : Sous l’ombre de l’euthanasie — Partie C : L’euthanasie et l’idéologie — Section III : Le patrimoine philosophique ancestral : le caractère sacré de la vie ; la valeur intrinsèque de l’individu humain ; les origines divines de « l’égalité » politique — Chapitre : La religion en conservateur des valeurs sociales)

— Délimiter notre sujet

La religion est un sujet tellement vaste que nous nous devions, ici, de nous limiter aux seuls aspects qui peuvent impacter directement sur notre sujet premier de l’euthanasie.

À ce chef, les controverses que nous connaissons s’articulent, d’abord, autour de la moralité de cette pratique. C’est à dire : est-ce « bien » (ou non) de permettre l’euthanasie ? Or, l’exploration de la moralité s’est surtout pratiquée par la voie de la spéculation religieuse. Ce sera, donc, dans sa capacité de véhicule et de repositoire de valeurs morales qu’il sera ici question de la tradition religieuse.

— L’insuffisance de la science pour traiter de l’expérience humaine

J’anticipe, naturellement, l’objection qu’il soit inadmissible, dans notre présent post-moderne, que d’utiliser les mots « morale » ou « moralité » ; et que nous nous devions de rester à l’intérieur des notions scientifiques, et des analyses sociales qui prétendent y prendre leur source. Mais voilà précisément la difficulté actuelle ! Car la simple question évoquée, comprise dans son sens commun (« est-ce bien ? ») demeure entièrement opaque et imperméable aux méthodes scientifiques. Et encore, la philosophie (amoureux « philos », et savoir « sophos ») — positionnée précisément entre la religion et la science — partage, malheureusement, les limitations des deux.

La « philosophie  naturelle » par exemple (précurseur de la science proprement dite) était fondamentalement distincte de la « philosophie morale » ; et tandis que la première fleurit au point que tous les « philosophes » auraient voulu en adopter les méthodes, la seconde, justement due à l’impossibilité d’y appliquer un véritable programme empirique, se fana progressivement — et avec elle son pendant de la philosophie « éthique » — pour devenir essentiellement, de nos jours, un autre de ces cadavres intellectuels, vivre-morts, qui habitent inquiètement le sépulcre des spéculations maintenant bannies, dites « métaphasiques », c’est à dire : tout ce qui soit empiriquement invérifiable.

Pourtant, notre petite question « est-ce bien ? » demeure pour nous inévitable. Elle se pose constamment, dans des variations innombrables, à travers la vie courante : « est-ce bien ce projet ; cette fréquentation ; cette carrière ; ce mariage ; cette déplacement ; cette stratégie ; ce choix culinaire ? ». Et toutes les tentatives de rationaliser le problème ne font que révéler d’avantage sa nature intraitable. Car le choix scientifique, du bon chemin à suivre, ne peut se faire qu’une fois décidée la destination désirée. Et pour arrêter cette décision préalable, la science n’a strictement rien à nous offrir !

(Ce qui explique pourquoi tant d’« amoureux de la sagesse », encore aujourd’hui, s’obstinent à pénétrer dans le cimetière proscrite — avec un espoir toujours renouvelé — pour y réveiller doucement les morts.)

— La religion, l’art et l’idéologie : au diapason de l’intuition et du subconscient

La religion n’est pas seule, d’ailleurs, à porter ce défaut (si défaut il y en a). Car les vérités de l’Art (incluant littérature, musique, peinture, cinéma, sculpture, architecture et autre), ainsi que toute vision d’un futur idéal poursuivie sous l’étendard de l’Idéologie, sont absolument exemptes, elles-aussi, des exigences d’une justification empirique… et tout aussi incapables d’en fournir une.

Pourtant personne, aujourd’hui, ne milite pour une suppression globale de l’Art ; et outre les protestations des adeptes respectifs, les frontières entre l’idéologie et la religion demeurent incertaines, au mieux. Plus lucide, peut-être, serait la suspicion que les idéologies modernes ne font que poursuivre une lutte fratricide, contre une forme frère ayant ces racines plantées dans une culture et un vocabulaire plus anciens, peut-être, mais aucunement moins légitimes quand regardés d’une perspective « scientifique ».

La force de l’art, par exemple, ne dépend pas d’une démonstration empirique ; elle dépend, plutôt, d’une résonance entre la nature et l’expérience, de l’artiste, avec celles de l’auditeur ; résonance qui touche à des niveaux psychologiques, structurels, biologiques et évolutifs, qui ne sont pleinement compris — ou même accessibles — ni à l’un, ni à l’autre. Et ainsi soit-il, également, des idéologies et des religions qui instrumentalisent la force de l’art pour se propager. Or, regardé dans cette lumière face aux systèmes idéologiques, le crédit de la franchise se porte avantageusement du côté des religions, qui admettent et qui valorisent, sans ambages, l’opération d’une mystère qui demeurent incompréhensible pour l’intelligence humaine.

Cela étant dit, la religion et la science sont très similaires dans leur opération. Car toutes les deux, elles évoluent avec le temps, et cherchent à s’auto-corriger devant l’expérience. Les religieux, les artistes, et les idéologues ne sont pas moins sincèrement épris de la « vérité » que leur collègues scientifiques, seulement, le terrain de leurs recherches — qui comprend presque toute matière humainement significative (comme la notion du  «bien » elle-même) — se trouve à l’extérieur de ce que la science peut examiner.

— Une dynamique d’évolution et de continuité

Voilà, alors, un portrait de la recherche assidue du  «bien » (et de son proche cousin le  «beau »), qui se fait sous le sigle de la religion (ou de la politique, ou de l’art) et qui dépend ultimement sur des éléments qui dépassent non seulement les rigueurs scientifiques, mais bien l’entendement tout court. Elle se pratique, cependant, par des véhicules qui nous sont les plus familiers et les moins remarqués dans l’expérience sociale, soit : les idées et les préjugés reçus, exprimés par des expressions et par des dictons acceptés en vérités, sans plus, et sans justification aucune ; mais qui, selon l’opération mystérieuse de résonance psychique mentionnée ci-haut : s’ajoutent, s’abandonnent, ou se modifient subtilement sans se perdre, pour s’accorder avec  «l’esprit du temps ».

Jadis, ce processus progressa, comme l’évolution biologique elle-même, à la cadence temporelle des glaciers ; et il demeure de tendance extrêmement conservatrice. Voilà, aussi, qui agace sérieusement les apôtres de changement social rapide, mais qui fournit, dans l’ensemble, une stabilité souhaitable pour le tout. Cette dynamique permet, d’ailleurs, non seulement la survie de la sagesse du passé, mais également (ce qui est nécessaire pour toute prise de décision conséquente au quotidien) : elle permet la contemplation simultanée de tendances divergentes, et même franchement opposées.

Et il s’en dégage ainsi, je soumets, un critère simple pour évaluer le mérite purement sociale de tout système proposé dans ce genre : qui varie en relation directe avec ses capacités d’accommoder le désaccord présent ; d’assimiler le changement ; et de protéger les connaissances du passé.

— Un système chrétien aux axiomes multiples et complémentaires : admirablement adapté pour se propager en partant, et pour endurer par la suite

À titre d’exemple, d’un système à la fois transformationnel et conservateur, j’indiquerais ici le credo chrétien « du Père, du Fils, et du Saint Esprit » ; car nous y trouvons clairement inclues, et soigneusement préservées à tout jamais, les principales conceptions du divin, issues des divers doctrines dominantes à l’arrivée de celle-ci, soit : le Dieu paternel de la tradition Abrahamique ; le Fils bien-aimé, divin-et-humain, idéalisation préhistorique de la jeunesse masculine qui périt toujours au service des siens (mais qui accède, aussi, à l’immortalité en ce faisant) ; et troisièmement, cette substance indéfinissable de divinité non-spécifique, omniprésente et universelle, qui habitait les méditations contemporains des Hindous et des Taoïstes.

Aussi, sans inclusion directe au sein du panthéon trinitaire (et en dépit de la prédominance paternelle évidente), la tradition chrétienne réserve, également, une place privilégiée pour le culte immémorial et ubique de la Mère, incarnée dans cette instance par Marie, mère immaculée du Christ.

Sans rentrer aucunement, alors, dans les détails doctrinaux des mystères chrétiens, et restant scrupuleusement au niveau des seules suppositions primaires, nous pouvons néanmoins constater qu’en embrassant les courants contemporains et passés, en sortant explicitement des limites tribales de ses origines, et en offrant des balises familières a tant de membres de l’humanité — dispersés dans un espace géographique aussi vaste — que cette doctrine s’est assurée d’un maximum de ressources pour se répandre.

Et pour ce qu’il y a des prétentions à « la vérité », disons seulement que ces qualités répertoriées — de la mère féconde, source et soutien de la vie ; du père prévoyant, responsable du bien commun ; du fils sciemment préparé pour le sacrifice de soi ; et la certitude inébranlable d’une intention bienveillante, partout visible dans l’univers — furent, et demeurent, les éléments communs à la réussite, et à la progression de la société humaine.

Or, ce serait dans cette réussite, je crois, et dans cette universalité même — sans validation rigoureusement empirique, peut-être, mais toujours affirmées par une résonance évidente avec nos origines et avec notre expérience — que se situent les véritables raisons pour la virulence implacable avec laquelle certains acteurs actuels, qui ne s’y reconnaissent pas, cherchent à chasser cette représentation de l’humain — indirectement d’abord, en attaquant son véhicule, religieux, de transmission.

Poursuivre la lecture du texte en séquence linéaire… (Tome Deuxième : Sous l’ombre de l’euthanasie — Partie C : L’euthanasie et l’idéologie — Section III : Le patrimoine philosophique ancestral : le caractère sacré de la vie ; la valeur intrinsèque de l’individu humain ; les origines divines de « l’égalité » politique — Chapitre : La religion en conservateur des valeurs sociales — Un corpus de sagesse collective, conservé et transmis en forme de récits ancestraux)