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février 2021 - Euthanasie : De la discussion jaillit la lumière

La pente spéculative, et la réalité manifeste : fin d’une illusion confortable

(Tome Premier : L’euthanasie et le choix — Partie B : L’euthanasie et la clientèle — Section III : La « Pente Glissante » — Chapitre : La pente spéculative ; et la réalité manifeste : la fin d’une illusion confortable)

— La justification, objective, de désirs subjectifs : une contradiction insurmontable

Il y a, un dictum familier dans la communauté légale, à l’effet que « les mauvaises causes font de la mauvaise loi ». Et ce proverbe ne fut jamais plus vrai que dans le cas présent : car la mode sociale (et philosophique), d’où la revendication de l’accès au suicide assisté prend sa source (et le principe au cœur des causes « Rodriguez » et « Carter »), en est une de liberté personnelle, justifiée par la seule volonté subjective ; mais les lois qui ont pris naissance, dans cette mouvance, furent malencontreusement élaborées dans une réaffirmation de l’interdit existant, assorti d’exceptions « objectivement » justifiées par des critères médicaux.

Ce sont, comme l’analyse nous eut fortement suggéré, des méthodes morales aussi distinctes que contradictoires, et ces contradictions se sont propagées, avec une influence équivalente, à travers le nouveau régime instauré.

La raison pour ces gymnastiques conceptuelles, je soumets, se trouve dans ce fait que notre société n’était pas (et n’est probablement pas, toujours) confortable avec l’idée simple d’un droit universel de mourir. Mais, en proie à des sentiments opposés, elle ne veut pas, non plus, y renoncer tout à fait.

La légalisation du suicide simple, par exemple, s’est produite aussi tôt que 1972. Mais devant l’obligation d’assister le suicide (c’est-à-dire d’assumer le fardeau de responsabilité inséparable du fait de collaborer dans des gestes homicides), il s’est manifesté une peur, trop importante, des effets accessoires : pour les personnes malades et handicapées ; pour la médecine ; et pour la société dans son ensemble.

Et c’est ainsi, que la société refusa de cautionner cette liberté, au Canada, pendant quarante ans encore. Car très naturellement, nous voulions nous assurer du bienfondé objectif des désirs suicidaires ; nous ne voulions participer que dans les seuls suicides « biens ». Mais, comment espèrer, se disait-on, que la justification du suicide soit non seulement subjective, mais objective, aussi ?

— La médicalisation radicale du suicide, employée comme tactique ponctuelle

Le dénuement de cette impasse fut éventuellement facilité par la médicalisation, étroite, de la mort assistée ; et enfin : par la transformation conceptuelle du suicide, lui-même, en intervention médicale — l’euthanasie.

Comme nous l’avions constaté, bien sûr, l’opinion des premiers concernés divergea radicalement de cette tendance. Car des le procès Rodriguez (1993) les intellectuels représentatifs de la communauté des personnes handicapées avaient signalé que la liberté de mourir eut dû se voir accepter (ou rejeter), sur ses mérites propres ; et en particulier : que toute médicalisation serait catastrophique pour leurs confrères.

Depuis cette date, aussi, ces personnes se sont rangées, dans leur grande majorité, en opposition aux formules légales retenues (une opposition fortement ironique, soit dit en passant, puisque ces gens sont les bénéficiaires présumés de toute cette démarche !).

Pratiquement, cependant (et cela, même si la pétition de Mme Rodriguez fut formellement rejetée), l’opinion publique se rejoignit, à cette occasion, sur l’opportunité de permettre le suicide assisté, au moins dans certaines circonstances médicales de gravité extrême, dont les exemples imaginaires furent caractérisés, d’habitude : par une souffrance atroce sans soulagement possible ; et (pour plusieurs) aussi, par le fait de se trouver déjà à l’article de la mort.

Les détails restaient vagues, peut-être, mais l’idée se précisait progressivement : que des balises objectives de provenance médicales aient pu, à la fois, justifier et limiter un recours légitime à la mort assistée.

— La signification originale de la « pente glissante »

Ceux qui s’opposaient toujours à la mort assistée, après l’épisode Rodriguez, comprenaient très bien que la bataille fut effectivement perdue sur le principe. Pourtant, les dommages potentiels demeuraient très réels ; et la crainte subsistait que l’usage de l’euthanasie ne pouvait se contenir, ultimement, dans les limites postulées. Et alors, l’argument de la « pente » était employé dans le but de convaincre les électeurs hésitants qu’il en était de leur devoir de refuser tout compromis de départ, c’est-à-dire : de refuser toute percée initiale de l’interdit qui ait pu subséquemment servir de précédent, pour nous entrainer plus loin.

Cet espoir s’est montré mal fondé, pourtant, car dans les dernières rondes de contestations et de décisions, l’argument de la Pente glissante ne fut pas autant débattu, que complaisamment ignoré, ou encore, neutralisé par la ridicule. Et ce traitement exposa, très clairement, je soumets, le climat du moment. Car il nous indique surtout — non que cet argument ne soit ni faux ni discrédité – mais que dans leur fort intérieur, grand nombre de personnes se sentaient prêtes, déjà, à s’embarquer délibérément sur ce terrain incertain — quitte à accepter sciemment les dérapages attendus.

Apparemment, alors, l’attrait principal de la médicalisation du suicide se trouva dans son utilité tactique ; dans la croyance populaire que les critères objectifs de la science médicale eût pu restreindre le recours (et les abus) de cette autorisation de mort assistée. Et comme les évènements subséquents nous ont démontré, l’opinion publique s’est effectivement ralliée à cette thèse : de la liberté subjective, balisée par l’objectivité de la médecine.

— La leçon présente de la « pente » ; l’inutilité du fardeau médical

Il apparaitrait, de ces faits, que l’idée de la « pente » ne soit aucunement dépassée à l’heure actuelle. Au contraire, c’est dès maintenant que les promesses du passé deviennent exigibles ! Et si les balises médicales (qui eussent rendu cette légalisation possible) n’empêchaient pas l’expansion du « droit de mourir », nous nous trouverions dans la position fâcheuse de nous avoir encombré avec les préjudices de la médicalisation, sans rien limiter du tout. Or, pour mettre le bienfondé de ces prévisions à l’épreuve, nous avions analysé, plus avant, le potentiel réel de limiter, ainsi, l’euthanasie, et son influence.

J’avoue, volontiers, que ce fut une analyse plutôt spéculative en partant. Mais avec le seul temps qui soit écoulé entre la légalisation de l’euthanasie et la publication en cours : les évènements réels ont largement confirmé les craintes du départ.

Et c’est ainsi que toute la belle logique de « sauvegardes » s’est collapsée dans ce tas d’incohérences légales que nous connaissions aujourd’hui :

Car les critères « objectifs » se sont vite révélés comme des simples feuilles de vigne formelles : sans signification fixe ; infiniment flexible comme les variables algébriques ; destinés seulement à masquer les volontés subjectives du patient (ou encore : celles du médecin conseiller). À la fin, alors, il semblerait que nous ayons accueilli subtilement, par derrière, ce que nous prétendions toujours refuser, franchement, par devant !

Plus encore, non seulement les critères médicaux n’ont rien fait pour limiter la mort volontaire ; ils établissent des précédents irrésistibles pour justifier l’euthanasie involontaire : des incapables d’abord ; puis progressivement (en harmonie avec cette nouvelle tendance funeste vers l’évacuation « médicale » de tout ce qui paraitrait imparfait) l’euthanasie se recommande, aussi — avec une insistance institutionnellement formidable — à l’intention des patients capables et « récalcitrants » !

— La liberté de mourir ? Ou l’euthanasie médicale ? Laquelle des deux serait plus à craindre ?

Mais enfin : arrivés fatalement devant ce choix, de quel malheur devons-nous surtout nous plaindre ? Du manque de courage implicit dans l’utilisation de ces fantaisies conceptuelles pour faciliter l’octroi d’un droit dont nous avions toujours instinctivement peur ? Ou encore, des couts réels, économiques et moraux, des modalités choisies pour l’entérinement légal et institutionnel de ces mêmes fantaisies ?

Permettez-moi, s’il vous plait, d’opter pour ce dernier tort, c’est-à-dire : le tort du réel ! Car nous avions regardé, en quelque détail, les protestations émanant de la clientèle des personnes malades et handicapées. Très clairement, cette étude nous a révélé non seulement l’existence de dangers mortels (indissociables de l’invalidation de l’interdit), mais encore : de l’existence de torts résultant de la manière choisie de concevoir et d’implémenter cette innovation) : des torts qui seront encore plus nuisibles à l’égard de ce groupe spécifique, que la légalisation en soi.

Et grâce à ce constat — contre tout attente intuitive — nous nous en sommes finalement arrivés à cette conclusion, étonnante : qu’une simple légalisation du suicide assisté, sans balises médicales aucunes, ait pu s’avérer moins dommageable, pour notre société, que le régime d’euthanasie actuel ; que les personnes handicapées et les professionnels de la médecine aient servies d’offrandes sacrificielles, inutilement ; et que la perte de l’intégrité de notre système universel de soins-santé (devant son devoir premier à l’endroit de la majorité non-suicidaire) ait constitué un prix totalement inacceptable : que ce soit pour avancer — ou pour freiner — l’octroi d’un droit qui se voit, déjà, pragmatiquement acquis.

Or, de quels moyens disposons-nous pour corriger ces faits ?

Poursuivre la lecture du texte en séquence linéaire… (Tome Premier : L’euthanasie et le choix — Partie B : l’euthanasie et la clientèle — Section III : La « Pente Glissante » — Chapitre : De retour à la liberté)

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Chapitre : Le faible pouvoir du patient dans la répartition des ressources : Le conflit d’intérêt des médecins (pris entre l’État-employeur et le patient-bénéficiaire)

(Le livre en devenir — Tome Deuxième : Sous l’ombre de l’euthanasie — Partie B : L’euthanasie et l’économie — Section II : Le régime de santé publique — Chapitre : Le faible pouvoir du patient dans la répartition des ressources : Le conflit d’intérêt des médecins (pris entre l’État-employeur et le patient-bénéficiaire))

— La perspective du patient

     Dans ce qui ait précédé, nous avons adéquatement démontré, je crois, l’importance (ainsi que la qualité quelque peu irrationnelle) de la demande en matière de soins-santé ; et constaté, également, que la société canadienne s’y soit pleinement investie, sans en avoir pu prodiguer la satisfaction.

     Maintenant, faudrait-il regarder cette relation, et cet échec, à partir de la perspective du patient, et cela, pour apprécier l’équation commerciale dans son rapport « consommateur ».

       Or, le patient-type voudrait tout simplement se faire soigner, de manière efficace, et dans un délai raisonnable ; de la même manière qu’il entrerait dans une boutique pour acheter ce dont il avait besoin. Malheureusement, pourtant, grâce à la nature spéciale de la « marchandise » médicale, la satisfaction de ces exigences modestes nous échappe toujours.

     Collectivement, donc, les contribuables (en patients réels et potentiels), se montrent insatisfait du service qui leur soit prodigué. Surtout, auraient-ils le sentiment de manquer de connexion tangible, entre leurs désirs propres et les formes proposées, de livraison et de services ; le sentiment que les sens — métaphoriques et pratiques du mot « patient » — ne se rencontre, pour eux, dans une réalité de dépendance impuissante, à la merci des dictats institutionnels et administratifs, dont les intérêts peuvent se montrer très différents des leurs.   

     Et, objectivement, je crois, ils n’auront pas tort.

— Le modèle plus simple d’une autre époque

     Dans un monde (ou dans une économie) idéal, les intérêts du fournisseur des soins médicaux seraient identiques avec la satisfaction des désirs exprimés par la clientèle ; ou au moins : ces intérêts se rencontreraient parfaitement dans le désir de l’un à satisfaire aux désirs de l’autre.

     Et dans un marché plus naturel, aussi, les médecins (ainsi que les cliniques, les hôpitaux et les résidences de soins de longue durée) ne serait assujettis qu’aux seules pressions mercantiles (qui se résument à réduire les coûts, et à maximiser les profits) ; quittes à proposer des solutions différentes pour des clients possédant des portefeuilles de poids dissimilaires.

     En principe, encore (pour prendre un exemple courant) : le médecin, tout comme le garagiste du coin, serait fortement intéressé à fournir les meilleures réparations au meilleur cout ; ce qui répondrait parfaitement aux besoins de sa clientèle. Et en retour, cette stratégie lui prodiguerait l’avantage concurrentiel requis pour grossir son entreprise.

     Or, selon ce modèle (à l’image de toute industrie où le marché est alimenté directement par les déboursés des consommateurs), très probablement, la médecine répondrait plus immédiatement aux désirs de ces derniers.

     Et du fait, c’est exactement cette logique de concurrence qui ait joué avec tant d’effet au cours des derniers deux milles ans, en faveur de la dominance de l’éthique Hippocratique, tel que nous l’eussions raconté au cours d’une section précédente (« Tome premier ; Partie C ; l’Euthanasie et la médecine »). Brièvement : Les patients (pour la plupart) ne voulaient pas mourir ; et ils choisissaient, en conséquence (majoritairement) des médecins ayant pris serment qu’ils ne pratiqueraient, ni ne conseilleraient, la mort de leurs patients.

     Pourtant, ce résultat présupposerait certains caractéristiques optimales associées à un marché, à la fois libre, et exhibant une balance acceptable entre l’offre et la demande ; de sorte que le client puisse, de par l’exercice judicieux des choix consommateurs : récompenser ou punir, de façon significative, les entrepreneurs (médecins) qui se compétitionneraient activement pour le privilège de lui prodiguer leurs services.

     Or, dans cette industrie très particulière, qui soit celle des soins-santé, ces caractéristiques commerciales tant souhaitables — l’équilibre et la liberté — nous en font, tous deux, défaut.

— Un équilibre qui manque, une balance commerciale qui penche contre les intérêts du patient

     Malheureusement, nous constatons à ce sujet, que les grands hôpitaux sont habituellement bondés de patients, souvent à la limite de leurs capacités nominales ; les départements d’urgence débordent sous le poids des patients en attente ; nombreux sont ceux trop malades pour congédier mais pour lesquels il n’y a aucun lit disponible ; et enfin, on voit régulièrement des patients entreposés à même les couloirs. Mais si les urgences sont bondées, dit-on, ce serait faut de lits réguliers dans les institutions de première ligne ; et si ces lits sont occupés, c’est par des gens qui ne peuvent pas être congédier, faut de lits disponibles dans des établissements de soins de longue durée. Et pour augmenter cette congestion d’avantage : les gens encore nominalement autonomes (quand ils éprouvent le besoin d’aide médicale) ne peuvent éviter l’engrenage des institutions, faut de soins disponibles à domicile.

      Car, tel que nous l’eussions constaté, la science médicale semblerait être la victime, aujourd’hui, de sa propre réussite : les traitements possibles ne cessent de se multiplier, et alors, le nombre de patients potentiels, c’est à dire le nombre de tous ceux qui pourraient possiblement bénéficier, se multiplie dans la même mesure.  Pourtant, il existe une limite pratique à l’expansion constante du secteur médical, exprimé comme une fraction de l’activité totale de notre société ; et cette limite, de toute évidence, serait essentiellement atteinte. Pour tout dire, en autant que les soins de pointe sont prodigués par l’État, le rationnement de ces soins les rend extrêmement difficile d’accès ; et là où ces soins seront offerts en marché libre, le prix, pour l’ensemble des gens, se trouve souvent au-dessus de la capacité de payer.

     À titre illustratif, précisons, qu’au moment d’écrire ces lignes (été 2020) : le temps d’attente nominal pour un citoyen, d’avoir la chance de rencontrer un médecin — totalement au hasard et sans informations comparatives aucunes — (non sur une base d’urgence ponctuelle, bien sûr, mais pour faire la connaissance d’un véritable « médecin de famille » pouvant consentir à faire la suivie personnelle du patient) est de 180 jours ! Voilà, la force marchande, actuelle, de la demande devant l’offre ; la force commerciale dont jouit le client/citoyen, aujourd’hui, dans la Province canadienne du Québec.

— La liberté très limitée du marché de la médecine

     Aussi, la satisfaction loyale de la demande consommatrice dépend, d’abord, sur la liberté du consommateur, de choisir, lui-même, parmi les fournisseurs disponibles. Or, pour la vaste majorité des personnes, le marché médical n’est pas libre. Le Canada, par exemple, impose un monopole presque complet dont les détails du fonctionnement dépendent de chaque province.

    À partir d’un system naturel dans ce pays, jadis, (où n’importe quel client entrait en contact avec n’importe quel professionnel — ou institution — selon sa perception de ses besoins propres) le system a évolué tranquillement, au cours d’un demi-siècle, pour imposer un accès plus structuré, ayant un schéma de ressources, géographiquement limitées, et de référence hiérarchique ; le premier contact se faisant, normalement, en clinique d’accueil (ou en urgence hospitalier), après quoi le patient serait dirigé (ou non) vers des ressources spécialisées.

     Certaines personnes, enthousiastes de la planification centralisée, se réjouirait de « l’efficacité rationnelle » de ce modèle ; d’autres, plus friandes des principes de liberté dans l’activité économique, prétendrait qu’aucun « plan » ne peut satisfaire aux demandes consommatrices avec une précision comparable à celle d’une interaction libre entre acheteur et vendeur. Clairement, cependant, le choix pratique entre ces deux alternatifs ne s’est aucunement fait en vertu de leurs prétentions relatives « d’efficacité » : une planification centrale fut nécessaire pour remplacer les mécanismes naturels, de limitation de la demande, qui furent forcément perdus avec l’adoption d’une politique d’accès universel aux services.

     Il n’est aucunement mon intention d’attaquer le fond de ce désaccord, sauf pour souligner la responsabilité constante des gérants : de corriger continuellement les vices dans le « plan » (c’est à dire les « bugs » dans l’algorithme). Il suffira simplement à dire, pour le discours présent : qu’il soit possible, aujourd’hui, au Canada, pour un client (patient) de savoir exactement de quel service il aurait besoin, mais de passer des mois, et possiblement des années, en négociant le chemin obligé pour y arriver ; et que la preuve soit abondamment fait, ainsi, du manque de liberté subi par le patient-consommateur dans le marché de soins-santé canadien.

      Signalons, aussi, par souci de franchise, que tout effort pour pallier aux problèmes éthiques identifiés — d’accès général aux soins — produirait des inconvénients similaires (dans une plus, ou une moins, grande mesure) car même dans les pays qui sont les plus agressivement attachés aux principes des marchés libres, les choix des patients sont, typiquement, fortement limités par les termes de leurs assurances médicales (privées) ; et toujours, pour une fraction importante de la population — soit indigente, soit volontairement non- (ou sous-) assurée  — tous les pays (prospères et démocratiques) — sont obligés à fournir un soutien public aux soins de dernier recours.

    Et dans tous ces cas, le patient exerce, au mieux très peu, et au pire, aucun, choix de fournisseur des soins.

— La perte quasi-complète, de pouvoir économique, chez les consommateurs-patients

      Force est de constater, alors, que la compétition (au-delà du choix initial d’un régime d’assurance particulier, là où ce choix est possible) ne joue aucunement en faveur du consommateur ; que la demande dépasse, et de loin, l’offre des services ; que la possibilité de choisir librement parmi les ressources disponibles n’existe pas (ou existe dans une mesure très limitée) ; et qu’il n’y aurait, ainsi, peu, ou pas, de possibilités, pour la clientèle d’exiger des meilleurs soins de santé : ni avec la menace traditionnelle de réduire le volume d’affaires des uns à l’avantage des autres ; ni avec l’appât positif d’un plus grand profit pour les fournisseurs.

    À la fin, il transpercerait ce fait sobre : que les clients/patients typiques (et bien davantage ceux qui se présentent en cas plus lourds), peuvent se compter chanceux de trouver des soins appropriés, tout simplement, sans avoir la moindre possibilité de marchander sur la qualité de ceux-ci.

— Les trois pattes du nouveau tabouret médical : le système ; le patient-bénéficiaire ; et le docteur

      Au fond, le problème vécu surgit d’une entorse capitale aux mécanismes élémentaires de l’économie, soit : que les consommateurs (patients) n’exercent pas (directement) leur pouvoir d’achat, auprès des fournisseurs ; et en conséquence : ce ne sont pas les consommateurs, eux-mêmes, qui déterminent l’allocation des ressources dans cette industrie.

      Théoriquement, bien sûr, ce pouvoir demeure toujours celui du patient dans son rôle de citoyen-contribuable ; mais pratiquement, ce pouvoir serait géré par les autorités administratives, qui sont, elles, responsables aussi pour la livraison des soins. Et c’est ainsi que nous arrivions à cette contradiction, tant maladive : que ce soit le fournisseur qui détermine seul, à la fois : la nature (et la quantité) des services disponibles ; les conditions d’accès à ces services ; et les prix exigibles.

     Pour tout dire, le système combine en lui-même les rôles et les intérêts : du client et du fournisseur ; du consommateur et du producteur ; d’acheteur et du vendeur ! Et en conséquence : il n’y a plus de relation commerciale, entre le patient et le médecin (à l’image précédente du propriétaire d’automobile devant son garagiste).

      Le patient ne mérite plus les puissantes appellations ni de « consommateur », ni « d’acheteur », ni de « client ». Au contraire, une nomenclature actualisée lui accorde, de nos jours, le nom de « bénéficiaire » ; ce qui signifie une sorte d’être passif, pour lequel certains services sont accordés, par discrétion de la collectivité. Car il n’y a pas de lien, direct, tiré entre le bénéficiaire et le contribuable (des caractères pas toujours co-existants) ; et tandis que le dernier aurait, très certainement, le droit de formuler des exigences : le premier, non.

     Voilà, alors, la description sommaire d’un système, évolué dans le but de faciliter un accès « équitable » aux soins de santé, mais qui, par le fait même, aurait dépossédé le patient de son pouvoir de déterminer — en fonction classique du pouvoir d’achat — l’allocation des ressources dans l’industrie médicale. Car le système lui aurait effectivement ôté ce pouvoir, en s’appropriant du carburant économique (c’est à dire, de l’argent) du patient-contribuable, par voie de taxation.

     Voilà, aussi, les deux premières pattes de notre tabouret médical. Reste toujours le médecin. Or, celui-ci, en agent (ou représentant) du système, doit épouser les intérêts de ce dernier : à la fois d’acheteur et du vendeur.

     Mais pour demeurer juste : toute la raison d’être, du système de santé, réside dans la satisfaction des besoins de cette nouvelle créature artificielle — explicitement dénuée de tout pouvoir direct — qui soit le « bénéficiaire » ; et le docteur, en agent du système, doit aussi (même qu’il y aurait certainement beaucoup pour crier : « doit surtout ») se faire le champion des intérêts de ce dernier.

     Et c’est ainsi que le docteur porte, nécessairement, le poids d’un conflit, partout évident dans la poursuite de ses fonctions professionnelles : entre les intérêts du patient (qu’il soigne), et les intérêts du system (qu’il représente) ; et que ce conflit soit d’autant plus significatif, en considération de la nouvelle impuissance effective du patient-bénéficiaire.

Poursuivre la lecture du texte en séquence linéaire : (Tome Deuxième : Sous l’ombre de l’euthanasie — Partie B : L’euthanasie et l’économie — Section II : Le régime de santé publique — Chapitre : Le faible pouvoir du patient dans la répartition des ressources : Le conflit d’intérêt des médecins (pris entre l’État-employeur et le patient-bénéficiaire) — La fonction cruciale d’allocation des ressources qui incombe aujourd’hui aux médecins)

Lettre ouverte à l’Honorable Chantal Petitclerc, Sénatrice

Étant la communication d’une personne handicapée à l’intention d’une autre, à l’occasion de la révision sénatoriale du projet de loi C-7, modifiant les conditions d’accès à l’euthanasie volontaire (aide médicale à mourir)

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     Acceptez, Madame, en autant que cela vous soit agréable, l’expression de ma plus sincère admiration :  pour votre personne, pour votre caractère, et pour vos nombreuses réalisations, tant privées que publiques. Poursuivre la lecture

  • Salutations ; et entrée en matière accéder
  • Une proposition égalitaire, avancée, jadis, par la communauté des personnes handicapées accéder
  •  L’euthanasie volontaire (AMM) : une hyper-médicalisation du suicide assisté, en opposition nette avec la théorie non-discriminatoire accéder
  • Quelle différence cela fait-il ? accéder
    • 1)  Le tort conceptuel : la nature double de cet hybride instable qui soit « l’Aide médicale à mourir » accéder
    • 2) Le tort pratique : La mise en œuvre institutionnelle et la transformation des corps professionnels accéder
    • 3) Le tort souffert par ceux qui désirent vivre accéder
  • Ce que nous pouvions faire pour améliorer ces faits accéder
  • Conclusion accéder

Gordon Friesen, le 1 février, 2021