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L'art rhétorique de manipuler son auditoire - Euthanasie : De la discussion jaillit la lumière

L’art rhétorique de manipuler son auditoire

(Tome Deuxième : Sous l’ombre de l’euthanasie — Partie C : L’euthanasie et l’idéologie — Section IV: La proposition d’infanticide, avancée par Helen Keller, 1915 — Chapitre: L’art rhétorique de manipuler son auditoire)

–Convaincre par les sentiments troubles, la où des appels à la raison –ou à la vertu– ne suffisent plus

Les règles de la rhétorique pratique sont très différentes des règles pures de la logique. Car si, dans ce dernier cas, le but du logicien serait de faire la démonstration rigoureuse de sa thèse (c’est-à-dire, au mieux, d’en faire une preuve véritable), dans le premier, le rhétoricien n’essaie que de persuader son auditoire.

La logique joue un rôle important, certes, dans la rhétorique pragmatique (tant lamentée par Aristote au quatrième siècle av. J.-C, dans son manuel dédié à l’exercice idéal de cet Art); mais en réalité ce rôle demeure accessoire aux effets des préjugés, et des instincts irrationnels, excités délibérément par le rhétoricien dans la passion primaire.

Car, le rhétoricien n’hésite pas, dans son but persuasif, à employer des appels à toutes les forces, et à toutes les faiblesses, de l’esprit humaine –ses peurs, ses convoitises, et sa lâcheté autant que sa générosité et son courage– en exploitant l’ensemble des mobiles secrets du cœur humain, tant criminels que vertueux.

Dans le cas qui nous concerne ici, en présentant sa justification économique pour l’évacuation des nouveau-nés défectueux (glissée minimalement dans le texte avec deux ou trois mots ici et là), Helen Keller avait vite fait d’avoir épuisé son argument direct.

Admettons, que c’est un argument puissant; un argument sournois qui se recommande à tout le monde de manière instinctive; un argument, dans son application générale, qui permettrait bientôt la mise en marche de révolutions profondes à travers le monde. Aussi, les personnes qui épousaient cette vision éthique étaient gagnées d’emblée, facilement et définitivement. Mais c’était aussi, dans l’Amérique des années 1900, un argument minoritaire.

Car Helen Keller faisait toujours face à un consensus moral puissant, issu de l’Ère chrétienne, voulant que la vie humaine soit catégoriquement “sacrée” (considérée dans le général); et que les plus faibles demandent une protection charitable impérative (dans le particulier). Telle était l’opposition naturelle des traditionalistes, pour lesquels le meurtre d’un enfant handicapé (et plus encore, dans le seul but d’épargner de l’argent), devait être immédiatement répudié en crime honteuse.

Décidément, pour réussir dans ces conditions, la rhétorique de Mlle Keller devait prendre une forme plus complexe, plus émotive et moralement plus ambiguë.

–Dénaturer la Règle d’or, de sorte que “secours” signifie “destruction”

La tâche qui attendait ici notre auteure serait apparemment très difficile,

En premier lieu, la motivation de ses adversaires traditionnels se fixait dans un désir sincère d’agir pour le bien, non seulement de façon collective, mais dans une perspective de compassion individuelle; qui les demandait d’accorder la même importance à la subjectivité, de l’autre, qu’ils aient voulu accorder à leur subjectivité propre (« Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le de même pour eux »—Matthieu 7 :12)

Pour justifier la mort des enfants handicapés, il aurait fallu qu’Helen Keller ait pu parvenir à susciter, chez son auditeur, le sentiment sincère que celui-ci souhaiterait lui-même mourir, au cas où il se trouverait dans les mêmes circonstances que la victime désignée.

Essentiellement, il s’agirait de peindre le sort des souffrants dans les couleurs les plus noires possibles dans le but de susciter chez le lecteur un maximum d’émotions primaires –peur, dégoût, pitié, répugnance –tous confondus dans une volonté aussi vague qu’impérative d’échapper au supplice d’horreur ainsi projetée, par toutes les manières possible, et même au besoin (dans les fantasmes imaginaires fomentés par les polémistes de la trempe de notre héroïne): par le mort.

–Cette même stratégie poursuivie face à l’euthanasie volontaire

De nos jours, nous avons une grande familiarité avec cette stratégie appliquée au sujet du suicide assisté, et de l’euthanasie. Car dans ce contexte, les apologistes de la mort salutaire agitent, avec grande énergie, l’épouvantail caricatural du mourant mythique dont les souffrances sont, à la fois, d’une atrocité incompréhensible, et totalement incoercibles. Vous aussi (dit-on par inférence) pouvez être ainsi affligés. Et vous aussi, choisiriez le mort.

Le but immédiat, bien sur, n’est que l’avancement politique du programme euthanasique. Mais les armes rhétoriques, autant que les armes physiques, sont porteuses de dommages collatéraux. Et dans cette instance, les effets secondaires ont été d’ordre bien plus large, se manifestant dans une sorte d’hystérie collective, terrorisée devant l’inévitabilité de la mortalité et de la souffrance qui puisse l’accompagner.

Peu importe si la grande majorité des mourants (aussi souffrants soient-ils) ne craignent que la mort elle-même; et peu importe, aussi, si les protocoles de contrôle de la douleur soient incomparablement plus avancés que jamais auparavant: les champions modernes de l’euthanasie n’hésitent pas à propager une véritable psychose de peur imaginaire, d’autant plus extrême qu’elle ne soit éloignée de la réalité.

Or, étant de nature spéculative, au sujet de souffrances purement hypothétiques, les arguments de la peur anticipée peuvent frapper à très grande distance du mal appréhendé. Il en résulte que la mort assistée soit proposée, de nos jours, auprès de gens dont la souffrance est surtout psychologique; atteintes peut-être de conditions sérieuses, mais sans en avoir encore éprouvé les véritables effets; et surtout: sans avoir eu la possibilité d’expérimenter, personnellement, les pouvoirs formidables d’adaptation humaine qui se manifeste devant de tels épreuves.

Constatons, alors, que mème chez les patients proprement suicidaires (et pour la grande majorité ils ne le sont pas) l’inconfort réellement vécu concerne, surtout, une peur spéculative articulée autour de l’inconnu: le désarroi naturel d’un diagnostic sérieux, décuplé par des préjugés aussi féroces que prématurés.

Voilà les séquelles pratiques de toute cette littérature culte de la souffrance (parfois presque pornographique dans son attrait et dans son intensité) qui s’est déployé inlassablement dans l’espace publique, dans le seul but de valider les choix suicidaires d’une petite minorité.

Mais que fait-on des autres ? Que fait-on des non-suicidaires ?

–Culpabilité par association: le danger pour les souffrants non-suicidaires

Tragiquement, à mon avis, il serait impossible à décrire, adéquatement, le tort ainsi fait –dans l’estime personnelle autant que dans le regard publique– à l’ensemble d’individus (très majoritaires ceux-ci) qui ne désirent que de partager, encore, ce miracle qui soit la vie: aussi longue, aussi exigeante, ou aussi éphémère qu’elle puisse l’être.

Et pourtant, telle est l’implication incontournable dans l’argument des euthanasistes: que ce soit une miséricorde éthiquement louable, que de tuer ces personnes. Telle est l’impression, indélébile, créée par cette rhétorique.

Alors nous pouvons bien en regretter l’irresponsabilité de poursuivre cette piste d’argument (ainsi que les torts subits en conséquence par toute une classe de personnes déjà des plus éprouvées). Mais les faits restent: dans les débats politiques, on choisit son camp, et on chauffe à tout bois.

–L’avantage stratégique de s’attaquer, d’abord, aux jeunes enfants

Tout comme aujourd’hui, les enthousiastes du début du vingtième siècle proposaient un modèle de “euthanasie volontaire” pour les mourants matures (et éventuellement pour les infirmes non-mourant aussi). Mais l’argument voulant que la Règle d’or nous enjointe à tuer ces personnes (puisque dans une situation similaire nous choisirions de mourir nous-même), n’est pas si facilement gagné. Car, parmi les personnes matures et volontaires il en existe grande nombre capables de s’exprimer sur leurs propres volontés vitales; et très peu de gens désirent mourir.

Voilà, donc, qui recommanda le choix des enfants nouveau-nés pour pratiquer une première brèche dans la perception d’un besoin sociétal, catégorique, de protéger l’idéal de vie “sacrée”. Car les apologistes comme Helen Keller pouvaient vigoureusement affirmer (sans autre démonstration) que la personne liquidée en était réellement le premier bénéficiaire, et donc, qu’une stricte application de la Règle d’or nous obligerait à la tuer.

Et au contraire des souffrants adultes: les nouveau-nés ne sont pas capables de formuler des avis contraires.

À suivre…

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