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février 2019 - Euthanasie : De la discussion jaillit la lumière

Section II : Hippocrate : tradition et histoire de la profession médicale

(Tome Premier : L’euthanasie et le choix — Partie C : l’euthanasie et la médecine — Section II : Hippocrate : tradition et histoire de la profession médicale)

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Tète d’Hippocrate, père de la médecine, Musée Nationale de l’Archéologie, Athènes

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Chapitre : Hippocrate

– introduction à la pratique hippocratique au sein de l’antiquité hellénique.

     Dans ce qui suit, je ne ferai qu’un survol de la dimension éthique de la pratique hippocratique telle qu’elle fut exprimée dans le Serment original ; les détails cliniques de cette pratique échappent aux limites de ce livre, et ne sont pas, d’ailleurs, d’un grand intérêt dans cette discussion de l’euthanasie, outre peut-être, le fait que la pratique hippocratique comporte un penchant fortement palliatif.

     Il faudrait également mentionner, en passant, les tentatives de discréditer la pensée hippocratique, aujourd’hui, sous prétexte que les détails de son origine soient plutôt « obscurs » — au point même de disputer l’existence historique d’un tel personnage — ou encore, que certaines formulations de la doctrine comme « Primum non nocere » (en premier lieu ne fais pas de tort) soient d’invention récente. Eh bien, en toute franchise, qu’est-ce que cela peut bien faire ? Il s’agit toujours du courant dominant dans la philosophie de la médicine ; et il demeure tout autant impossible de comprendre l’évolution de cette profession sans s’y attarder.

     Pire encore, nous trouvons de simples affirmations — accompagnées de sourires moqueurs et suffisants — que Hippocrate soit « dépassé » ! Mais autant qu’il y aurait ceux qui aimeraient se simplifier la tâche polémique en discréditant tous les vestiges de la civilisation occidentale, sous prétexte que ceux-ci ne soient que des reliques inopérantes d’un « paradigme » caduque, il existerait toujours ceux, comme l’auteur présent, qui défendrons la sagesse, plutôt, de refuser de jeter l’enfant avec l’eau du bain. Car pour ma part, il me semblerait toujours plus intelligent de chercher des pistes positives de développement, parmi les embranchements encore vivants qui nous sont légués par plus de deux milles ans de pensée collective écrite, que de recommencer tout, à l’improviste, sans balises expérientielles.

     Cela étant dit, le premier constat que j’aimerais faire à ce sujet, c’est que — contrairement à l’interdiction traditionnelle du suicide et de l’euthanasie — la philosophie de la pratique médicale n’est pas ancrée dans un système de morale absolue à l’image du régime Chrétienne. En fait, le personnage central de la philosophie médicale, celui à qui nous créditons l’émergence de la médecine en tant que profession distincte — c’est à dire Hippocrate de Cos — vivait 400 cents ans avant l’ère Chrétien, et fut issu d’une tradition Hellénique qui servait sciemment de la multiplicité païenne, de dieux et de déesses, pour éviter les jugements moraux strictes, et pour permettre, ainsi, la coexistence pragmatique de conclusions morales contradictoires.

(Voir la romantisation médiévale de cette dynamique dans « Le conte du chevalier » Geoffry Chaucer, 1343-1400, dans lequel : deux hommes contestent la main d’une femme ; la veille de leur combat ordonné, l’un prie a Venus, au nom de l’amour, pour qu’elle lui accorde possession de la femme ; le deuxième prie à Mars, au nom du courage, pour que lui soit accordé la victoire en bataille ; la femme, pour sa part, prie à Diane pour rester vierge dans l’absence d’un véritable amour ; chaque vœux représente une vision différente de la moralité ; reste enfin la perception publique de la justice : que la légitimité des demandes avancées par les deux hommes puisse être tranchée équitablement, sous l’autorité Jovien, par un recours aux armes. En tout, nous en cataloguons quatre divinités et quatre interprétations éthiques.)

     Certes, il existait de forts tabous contre l’homicide ; mais Il n’en demeure pas moins qu’il soit très facile de trouver, chez ces païens de la période Classique — autant dans la littérature Grecque que dans celle de leurs successeurs Romains — des récits qui glorifient le suicide et le meurtre, incluant le meurtre de dépendants, femmes et enfants ; et que ces gestes furent souvent, à l’opposé des sensibilités modernes, cités en exemple de comportements nobles et vertueux.

  Nous pouvons citer, en exemple, le geste du Centurion Romain Lucius Virginius, qui, selon la description fournie par l’historien Titus Livius (64 av. J-C. – 17 A.D.) assassinat sa fille, Virginie, dans l’année 451 av. J-C. , en plein séance de tribunal juridique, pour empêcher que l’autorité légale sur la personne de cette jeune femme n’ait passé aux mains du Décemvir, Appius Claudius.

   Bien sûr, le prospect, d’une vie d’esclavage auprès de Claudius, ne souriait guère pour la jeune Virginie, mais telle ne fut pas la signifiance première de ce récit. L’esclavage faisait partie intégrale de la vie romaine, et Virginie, personnellement, n’est ni plainte, ni regretté, outre-mesure. Ce qui assure, à cette histoire, sa place parmi les mythes fondateurs de la République Romaine, concerne son caractère d’exemple, victorieux et triomphal, de l’esprit indomptable du Citoyen, Lucius Virginius, dans cet exercice, éclatant, de ses droits de père (un droit de vie et de mort, sur ses dépendants, esclaves et enfants), qui préfère tuer ce qui lui appartient — sa fille – plutôt que de s’en voir dépouillé, par Claudius, et par extension la gloire héroïque de tout le peuple romain, qui choisiraient, ensemble, la mort et la destruction de tout ce qu’il tenait chère, plutôt que de le rendre à quiconque (dans quelques circonstances que ce soit) ; conclusion, on conviendrait, assez discutable, perçue dans une perspective moderne.

Plus encore, au-delà des jugements moraux souvent contradictoires, il n’y avait pas, non plus, d’homogénéité légale, puisque la société Grecque se composa de plusieurs centaines de micro-états souveraines, présentant chacun ses excentricités propres.

     Dans ce contexte, il serait évident que les activités des philosophes/médecins ne furent pas uniformément réglementées, par la société environnante, tel que nous tentons de réglementer les activités des corps professionnels de nos jours. C’était à chaque discipline, à chaque école, et ultimement à chaque praticien, personnellement, qui incomba la responsabilité de définir les limites et les bornes éthiques de ses propres actions. Seulement, cet exercice d’autodéfinition évolutive s’opérait dans un climat de compétition ou chaque compétiteur tentait de se démarquer, à son avantage, dans la cour de l’opinion publique dont dépendait la part du marché de chacun. Ou, dans le vocabulaire de l’économie moderne : tous et chacun, parmi les médecins/philosophes de l’antiquité, cherchait, d’abord, une niche d’activité économique viable.

     (Cela ne veut pas dire, pour autant, que le Serment d’Hippocrate ne représentait pas une profession sincère au sujet de la conduite « vertueuse » du médecin, défendue dans le style inimitable des Grecs d’antan ; seulement, la thèse présente serait le reflet d’une pensée plus moderne qui créditerait la réussite presque magique de cette idée, non surtout à son attribut « vérité » (tel que ses auteurs l’auraient peut-être conçu) mais plutôt à sa concordance pragmatique — quasi-parfaite et amplement démontrée par la suite — avec les besoins de la relation économique entre médecin et patient. J’admets, bien volontiers, par contre, que cette coïncidence entre les préférences éventuellement exprimées dans le marché, avec la spéculation morale qui en fut à l’origine, nous fournit un excellent indice de la valeur exceptionnelle de cette dernière.)

     Bien sûr, les philosophes de cette période pouvaient, tel un Socrate, entrer en collision, par principe, avec la société environnante ; et se trouver, de ce fait, confrontés à des pénalités juridiques. Mais ce fut quand-même à chacun de poursuivre librement son chemin, aussi périlleux soit-il, à travers les lois et les préjugées de sa communauté particulière. D’ailleurs (pour fournir encore un peu de contexte vivante) d’aucuns prétendrait — et parmi les témoins contemporains, et parmi les analystes des siècles successeurs — qu’avec juste un tout petit peu de flexibilité, même Socrate en aurait pu avoir la vie sauve ; et le cas échéant, devant un rejet social définitif subi dans un lieu, de centaines d’autres villes pullulaient, chacune prêt à recevoir les exilés des autres, et ce sans but plus précis que de contrer, par principe, les actions de leurs voisins (ce qui nous satisferait de nouveau — pour ceux qui connaissent le récit platonique – du caractère pleinement volontaire de la mort de Socrate, circa 399 B.C).

     Alors, dans les faits, la situation sociale en Grèce, il y 2400 ans, était telle que n’importe qui pouvait se présenter n’importe où, comme médecin, comme philosophe, comme clairvoyant, (et même avec un peu moins de sécurité comme sorcier), en autant qu’il serait capable de supporter ses prétentions dans l’espace nébuleuse du scepticisme — ou de la crédulité — de ses clients éventuels. Ce fut un environnement extraordinaire d’indépendance et de compétition intellectuelle, qui produisit une floraison culturelle d’une telle singularité que nous discutons toujours, plus de deux milles ans après les faits, de l’étendu réel de son influence dans l’histoire commune de l’humanité ; et c’est dans ce contexte que nous nous devions de tenter de comprendre, ici, le sens qu’Hippocrate de Cos aurait voulu donner à ses propres gestes, et à ceux des adhérents de l’école qui lui succéda.

     Mais avant de procéder à la description, il faudrait vraiment s’attarder un moment sur l’étendue de la réussite de cette doctrine. Car de par un de ces petits miracles de la pensée humaine, l’idéal hippocratique, tel qu’exprimé dans le célèbre Serment du même nom — par chance ou par dessin — s’est révélé parfaitement adapté pour gagner la confiance des malades, avec tout l’avantage commercial qu’une telle confiance ait pu procurer, de sort que cette inspiration se serait révélée presque universellement bien reçue à travers tout le temps de l’histoire subséquente ; et c’est devant ces faits — largement incontestés — que je me proposerais d’affirmer, ici, le principe implicitement recommandé par l’expérience : que nous serions — dans la mesure du possible, et tout perspective historique respectée — fortement avantagés à préserver, encore, et maintenant, l’essentielle des préceptes éthiques d’Hippocrate.

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– La nature du problème, perçue du coté médical

(Tome Premier : L’euthanasie et le choix — Partie C: l’euthanasie et la médecine — Section I: Réalité Nouvelle — Chapitre : Et la médecine la dedans ? — La nature du problème, perçue du coté médical)

     Pour comprendre  les principales mises en garde habituellement formulées par ces professionnelles, ainsi que par les organismes qui les représentent, –avant que le ton institutionnel changea devant ce qui semble être une volonté populaire incontournable (qui soit aujourd’hui consacré en fait accompli juridico-politique) –rappelons d’abord, que la logique objective de l’exception médicale à l’interdit de tuer se repose sur la notion que le suicide serait un mal en soi, mais, que certaines réalités médicales puisse devenir tellement pénibles que l’on doit, par compassion, par devoir, par la délicatesse humaine : permettre, pratiquer, et même encourager la mise à mort des souffrants, le tout, redéfini en intervention médicale bénigne.

     Soit. Imaginons, avec réserve et pour faciliter le discours, qu’il n’y ait pas de problème théorique avec cette logique. Il apparaîtrait, alors, que quelqu’un doit juger de la légitimité du geste, dans chaque cas, en fonction des critères retenus. Encore, pour la facilité de discussion, passons sous silence, aussi, la distinction — très significative — entre la genèse légale des critères, et leur véritable statut de légitimité médicale — toujours est-il que ce modèle présuppose qu’un, ou des, médecins doivent juger, poursuivre la lecture

Section : La “Pente Glissante”

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(Tome Premier : L’euthanasie et le choix — Partie B : l’euthanasie et la clientèle — Section III : La « Pente Glissante »)

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Chapitre : La pente redoutée

— rappel de l’argument : son élaboration dans le contexte du passé, et sa nouvelle signifiance

Tel que décrit — au-delà de la décriminalisation du suicide simple — la logique de la liberté personnelle n’a pas su amener notre société jusqu’au point de cautionner le suicide assisté. Et arrivé à ce stade du récit, nous étions obligés de constater l’intrusion d’une imposition particulièrement malsaine, rendue inévitable, peut-être, par le contexte brouillé d’une société en transition, mais pas moins destructrice à l’égard de l’intégrité de notre system de lois : de prétendus faits objectifs —  largement factices dans l’occurrence — furent inventés pour soutenir la thèse que certains suicides soient « bien », non seulement dans le jugement subjectif du suicidaire, mais objectivement aussi, à la vue de tous.

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– 1914 – 1953 : Série pluri-générationnelle, d’évènements destructeurs, sufissante pour provoquer une crise de civilisation

Les Souffrances du Jeune Werther, Johann Wolfgang Von Goethe, 1774

    L’évolution des idées ne dépend pas uniquement du débat et de l’argument, ni des opportunités tactiques contextuelles ou de la fougue des acteurs. Tous ces facteurs ne suffiront pas, normalement, pour changer la direction dominante de la pensée humaine, et certainement pas à la cadence effrénée, qui fut si remarquable dans notre dernier siècle. Car il y a, aussi, une inertie naturelle qui tend à conserver la culture profonde dans les limites des formes qui eurent déjà montré leur valeur et leur utilité.

     À la manière du microcosme de l’atome, alors, les constituants sociaux peuvent se trouver, pendant longtemps, dans une configuration stable, et cela même si cet atome représente un élément radioactif, destiné — tout comme la culture humaine– à se transformer éventuellement. Tel fut, je crois, la situation philosophique en occident, jusqu’au déclenchement de la Première Guerre Mondiale (1914 – 1918), en dépit des attaques subies de la part des nombreux dissidents au cours des dernières deux ou trois cents ans.

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