Deprecated: Le crochet jetpack_pre_connection_prompt_helpers est obsolète depuis la version jetpack-13.2.0, sans aucune alternative disponible. in /hermes/bosnacweb01/bosnacweb01an/b2067/nf.euthanasiediscussion/public_html/euthanasiediscussion/wp-includes/functions.php on line 6078
Helen Keller et l'aveuglement rationalisant du subjectif - Euthanasie : De la discussion jaillit la lumière

Helen Keller et l’aveuglement rationalisant du subjectif

(Tome Deuxième: Sous l’ombre de l’euthanasie — Partie C: L’euthanasie et l’idéologie — Section IV: La proposition d’infanticide, avancée par Helen Keller, 1915 — Chapitre: Helen Keller et l’aveuglement rationalisant du subjectif)

— Juxtaposition de la condition du personnage et ses opinions promulguées: Un paradoxe apparemment impossible

D’abord je dois dire sans qualification: j’estime énormément cette femme. Son optimisme, son courage, sa capacité de se réjouir dans les aspects de la vie qui lui était ouverts (plutôt que de se morfondre des opportunités perdues) fournissent un exemple iconique dans le genre et serviront d’inspiration aux générations à venir.

Encore plus: j’estime la capacité inusitée de son génie à surmonter suffisamment son statut personnel d’handicapé pour rejoindre d’autres intelligences supérieures de son époque (et des subséquentes aussi); pour les faire prendre connaissance, à la fin, de leur propres limites et de concevoir, dans cette intuition partagée, une recognition de l’identité humaine au plus compréhensif.

Je prévois même, qu’avec le temps, ses agitations politiques seront de moins en moins remémorées (au fur et à mesure que les mots « eugéniste » et « bolchevik » deviendront de plus en plus difficile à comprendre pour les enfants de demain), mais que son autobiographie, ainsi que ses aphorismes et ses discussions plus larges de la condition humaine, feront toujours partie du patrimoine essentiel de la littérature de notre espèce. Car paradoxalement, et en dépit du fait qu’elle s’est permise à postuler l’existence d’une vie qui ne mérite pas de vivre, Helen Keller nous à aussi donné ce qu’il y a du mieux dans l’articulation d’une philosophie de la valeur inconditionnelle de l’expérience consciente de la vie humaine.

Il en surgit un paradoxe inexorable, cependant, dès que nous nous attardons à la nature, hautement personnelle, des risques auxquels Helen Keller se montrait prête à s’exposer, elle, et tous ses semblables.

Car dans son rôle consacré, comme le plus influent des militants handicapés –non seulement de sa génération, mais jusqu’alors connu (et peut-être mème de tous les temps)– il semble presque inconcevable qu’elle ait pu avancer si éloquemment les intérêts des sourds et des aveugles, et en même temps proposer un système d’infanticide utilitaire dont le but serait d’éliminer les personnes vivant en situation de dépendance de par leurs déficiences mentales où physiques.

Spécifiquement, il me semble impossible que Mlle Keller ait pu elle-même survivre, comme enfant, à sa propre rencontre fatidique avec le « jury de médecins ».

Comment comprendre, alors, tous ses écrits éminemment optimistes au sujet d’une vie gagnée au prix de batailles épiques, entreprises avec confiance devant des contraintes extrêmes? Comment concilier ces écrits avec sa promotion de l’eugénique et de l’infanticide? Comment imaginer qu’elle n’ait pu réaliser le potentiel, dans son idéologie, pour éliminer systématiquement ses semblables au futur (sinon elle-même dans le présent) avec tout les pertes qu’une telle élimination puisse impliquer pour l’humanité?

Comme cela se produit occasionnellement dans ces pages, je tenterais, ici, de hasarder quelques spéculations, nourries de mon expérience propre d’individu handicapé, pour résoudre cette énigme.

— Personnage héroïque et pieds d’argile: Helen Keller ne peut entièrement échapper aux préjugés ambiants

Tout d’abord, et quelque soient nos attentes idéalisées au sujet de la psychologie de cette personnage unique, force serait d’admettre (et possiblement à regret) que Helen Keller était également une simple personne, avec tous les défauts que cela puisse impliquer.

D’abord, elle était unique à son époque, comme intellectuelle présentant des déficiences aussi évidentes, et elle était nécessairement entourée de gens –aussi gentils et aussi affectueux qu’ils aient pu être– qui partageaient inconsciemment, et sans réfléchir, les préjugés les plus grossiers à l’égard des personnes handicapées. Ce qui plus est, ces gens familiers partageraient, aussi, les explications (c’est-à-dire les contre-préjugés), tout aussi grossiers qui leurs étaient requis pour réconcilier l’amour et le respect qu’ils ressentaient pour Helen, personnellement, avec l’horreur qu’ils aient pu toujours éprouver devant la déficience en soi; devant la difformité, la maladie, et ultimement: devant leur propre mortalité dans l’absolu.

Inévitablement, ces attitudes et ces explications furent intériorisés, par Helen aussi, ce qui créa (j’imagine) une dissonance importante (et inavouée) entre le regard intérieur, et l’objectivisation de soi.

Il y avait (il faut remarquer ce fait) une circonstance particulière qui atténuait considérablement cette dynamique, cependant, car la personne la plus impliquée dans les soins et dans l’éducation de Helen n’était pas un individu “normal”, mais bien un autre être affligé de handicaps visuels importants, Anne Sullivan (1866 -1936). En fait, c’est mon opinion que le phénomène Keller doit être proprement compris comme une collaboration entre deux individus (extraordinairement doués) et que les difficultés, physiques, sociales, et même institutionnelles, surmontées par Anne Sullivan avaient été, dans leur genre, aussi accablantes que celles subis par Helen Keller elle-même.

Il s’en est résulté de cette relation une capacité spéciale, chez Helen, de fréquenter et d’assister dans l’éducation d’autres personnes sourdes et aveugles; de transmettre sa détermination et son optimisme; et de réjouir sincèrement dans leurs succès comme Anne l’avait fait à son égard. Mais même ainsi, les préjugés normaux des personnes indemnes (ainsi que les préjugés proprement innés à l’endroit de l’infirmité), ne pouvaient être entièrement exclus de la conscience de la cellule Keller-Sullivan.

–Le convenance fictif (ou bien la délusion naïve) d’être “différent”

Première parmi ces délusions si commodes pour réconcilier l’irréconciliable, serait sûrement la notion facile qu’Helen était fondamentalement « différente » des autres handicapés. Soit. Je peux dire, de ma propre expérience, comment il peut être flatteur que de se faire répéter à quel point nous sommes supérieurs à nos semblables. Sauf que… Ce n’est pas vrai; et nous le savons.

Mais peu importe! Par facilité et par lâcheté, nous sommes quand-même amenés à permettre cette fiction, et de permettre également, autour de nous, un discours (ouvert ou tacite) au sujet des handicapés que nous avions (idéalement) un devoir de contester, mais dont la contestation efficace, dans le milieu social intime qui nous touche de plus près, peut nous sembler pratiquement au-delà de nos capacités.

C’est un peu à l’image d’une seule femme acceptée dans un milieu exclusivement masculin, ou encore, d’un seul homme évoluant dans un univers peuplé de femmes: d’un part nous bénéficions de la présomption que nous sommes « différents », et d’autre part nous ne pouvons que permettre, passivement, la validation de discours préjudiciables à notre genre (dont nous sommes personnellement censés être exemptés des intentions). Dans un mot: il y avait à l’époque, et il y à toujours aujourd’hui, une motivation extrêmement forte pour qu’un handicapé actif agisse en quelque sorte comme collaborateur (dans le sens péjoratif du terme) à l’endroit des gens normaux.

Imaginez, à cet égard, un handicapé assis à son bureau à l’entrée d’un édifice (ou encore assis à la table exécutive), dont la présence masque effectivement l’absence quasi complète de handicapés dans l’ensemble de l’organisation. Cette personne bénéficierait en toute probabilité d’un statut d’handicapé fétiche au sein du groupe concerné. Et même lui serait permise (très souvent) l’audace de cultiver une personnalité de bête noire, voire d’enfant terrible! Car l’accommodement jovial d’un tel personnage ne représente, somme tout, qu’un petit prix à payer pour valider tacitement l’amour propre de ses associés, et de permettre à ceux-ci de se croire libre de préjugés.

Je ne peux douter (encore de mon expérience propre) qu’Helen Keller ait entretenu des relations avec l’élite intellectuelle progressiste, de l’an 1915, qui étaient fortement imbues de cette dynamique. Car dans le contexte contemporain de la mode darwiniste, les préjugés eugéniques exprimés contre l’anormalité fonctionnelle étaient partagés avec une telle unanimité, par les meilleurs éléments du mouvement progressiste, que leur validation constituait, probablement, rien de moins que le prix d’entrée, obligatoire, pour Helen d’accéder à ce milieu. Et vue l’importance pour elle de rayonner sur la scène intellectuelle, il ne devrait pas nous surprendre que, consciemment ou non, elle eût été prête, aussi, a payer ce prix de collaboratrice: tirant une ligne (et une ligne potentiellement meurtrière) entre elle-même (handicapée viable) et les autres (pauvres déficients dont l’existence simple seraient, selon elle, une aberration blasphématoire devant le sacré de la vie humaine).

— La logique de collaboration bénigne

Il est également possible que Helen Keller s’expliquait son rôle de collaboratrice dans des termes positifs, à la manière de moult personnages historiques chargés avec la responsabilité exécutive d’accomplir la victimisation des leurs pour le compte de leurs conquérants, des personnages qui prétendirent pouvoir faire une différence utile en pratiquant eux-mêmes la persécution demandée (plus tôt que de laisser ce travail sensible à d’autres, encore moins éthiques et plus rapaces).

Le nom de Vidkun Quisling (1887 – 1945) vient à l’esprit (Ministre-président de la Norvège de 1942 à 1945 sous l’occupation allemande) ainsi que celui du Maréchal Philippe Pétain (1856 – 1951) (qui joua ce rôle indigne en France à la même époque).

Autrement dit, c’est possible que Mlle Keller croyait, au cas où ce serait elle qui fixerait les définitions des vies indignes, qu’elle en eût pu épargner le plus grand nombre.

— Des explications éclipsées par le phénomène

Ou encore plus simplement (et avec la naïveté caractéristique de gens dans de telles circonstances) il est même possible que Helen possédait une confiance tellement forte dans sa propre supériorité qu’elle ne s’imaginait même pas touchée par ses propres définitions, du fait que (littéralement): elle ne manquait pas de « pouvoir » (étant capable de bouger tous les membres de son corps); et qu’elle ne manquait évidement pas d’intelligence. Mais si tel était réellement le cas, je ne peut m’empêcher de remarquer l’absurdité de cette pensée! Car la notion voulant qu’un vrai « jury de Médecins », eugéniste et utilitaire, ait pu épargner une petite fille comme Helen Keller l’était à ses origines, relève, selon moi, de la plus haute fantaisie.

Mais permettez-moi d’abandonner maintenant ces spéculations, peut-été trop personnelles et (certainement trop libres), pour revenir au moment précis de notre discussion (1915), où toutes les potentialités de cette question (et beaucoup d’autres de première importance) se trouvaient ouvertes, inachevées, en flux dynamique devant un auditoire fortement divisé.

Or, dans ce contexte turbulent, la préoccupation principale de Helen Keller en combattante idéologique déclarée (personnellement impliquée dans sa réputation et dans son orgueil), était nul autre –pour dire les choses franchement– que de manier ses armes finement aiguisées de gladiatrice rhétoricienne, avec le plus grand effet possible, dans un but non-équivoque de prévaloir.

.

Poursuivre la lecture du texte en séquence linéaire… (Tome Deuxième : Sous l’ombre de l’euthanasie — Partie C : L’euthanasie et l’idéologie — Section IV: La proposition d’infanticide, avancée par Helen Keller, 1915 — Chapitre: L’art rhétorique de manipuler son auditoire)

Laisser un commentaire