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La proposition d'infanticide, avancée par Helen Keller, 1915 - Euthanasie : De la discussion jaillit la lumière

La proposition d’infanticide, avancée par Helen Keller, 1915

Chapitre : Rendre conditionnel ce qui se présente en absolu

(Tome Deuxième : Sous l’ombre de l’euthanasie — Partie C : L’euthanasie et l’idéologie — Section IV : La proposition d’infanticide, avancée par Helen Keller, 1915 — Chapitre : Rendre conditionnel ce qui se présente en absolu)

— Des attentes confortables, qui se révèlent illusoires

Pendant plusieurs siècles –en dépit des dissensions de la Reformation, en dépit des découvertes de Newton, en dépit des assauts révolutionnaires des “Philosophes” (Voltaire, Rousseau, etc.)– elle s’est développée une conviction confortable que rien de cela ne pouvait menacer les principes premiers à la base de notre évolution civilisationnelle. Et la raison en été tout simple: malgré les discussions animées des détails cosmiques, personne, ou à peu près (et certainement pas Newton, Voltaire, Rousseau, ni Darwin), ne doutait qu’il existe bel et bien un ordre universel d’intention bienveillante. Malheureusement, cependant, cette révolution dans la pensée ne resterait pas là. Et si je pouvait offrir une image pour symboliser la situation des intellectuels, au début du vingtième siècle, ce serait celle des citoyens Français, cinquante ans plus tard, au cours de la “Drôle de Guerre” qui dura de septembre 1939, à mai 1940.

Pour rappeler les faits: la Deuxième Guerre Mondiale était bel et bien déclarée pendant ces huit mois, mais l’ennemi, Allemand, était totalement occupé ailleurs, avec l’assujettissement de la Pologne. Les Français savaient, certes, qu’ils étaient “en guerre”; mais puisque les forces armées se cantonnaient dans une posture défensive, les hostilités restaient suspendus en attente d’une offensive adverse. Et pendant ce temps, les habitants civils continuaient à vivre dans une réalité trompeuse de normalité paisible. Or, les intellectuels, du début vingtième, partageaient une psychologie très similaire: car les hostilités étaient de longue date déclarées (autour de la légitimité de tout axiome social dérivé de source empiriquement invérifiable) mais les protagonistes, même, ne soupçonnaient pas encore la portée réelle du conflit; et les véritables bombes (métaphoriques) n’avaient pas, encore, commencé à tomber.

Helen Keller, aussi, fut de cette trempe, car elle était une personne intensément spirituelle (et même franchement mystique). Elle nous apprend, par exemple, que toute petite fille, elle était directement consciente de la présence de Dieu: dans son isolement de sourd-aveugle, sans suggestion d’autrui, et sans avoir des mots pour décrire l’expérience, puisque à ce moment, elle n’avait encore aucune connaissance des mots. En conséquence, elle considérait l’expérience immédiate, du Divin, comme une partie inné de son être, et inséparable, de son expérience de vivre.

Elle serait, donc, la dernière personne à vouloir contester l’autorité Divine, ou le notion du « sacré ». Cependant, Mlle Keller faisait aussi parti de ce nombre qui entreprenaient, sous le signe du renouveau moderne, l’exploration de sectes limitrophes à la théologie chrétien; des esprits indépendants qui se félicitaient, dans les courants contemporains de la pensée, de pouvoir se libérer des préjugés, et des erreurs sectaires du passé. Autrement dit, elle en était un de ceux-là, très nombreux à l’époque, qui croyait pouvoir manier l’arme du scepticisme scientifique, sélectivement, de sort qu’elle ait pu marier sa foi, essentielle, à n’importe quel enthousiasme passager; en réaffirmant (ou en reniant) des articles spécifiques de croyance, au besoin des contingences. Elle se rallia, en particulier, à la mode ambiante de spiritualité non-sectaire, empreinte de naturalisme et de neo-primitivisme nordiques, qui était tant caractéristique de son époque. Et de toute apparence, elle se croyait ainsi capable de combiner évolution et création, ou encore (puisqu’il faudrait aussi se rappeler le Socialisme de Mlle. Keller): l’âme conscient particulier et l’esprit du peuple collective.

— Droits humains “inaliénables”, versus intérêts collectifs: une incompatibilité irréductible

À la première vue, alors, nous aurions facilement cru pouvoir placer Helen Keller au même rang avec Voltaire et Renan, Jefferson ou Franklin; mais la réalité s’avère plus complexe à l’étude. Car si les Déistes étaient simplement des penseurs trop curieux, et trop instruits, pour créditer les histoires de la bible en vérités intégrales, ils partageaient toujours l’essentiel de la vision humaine qui s’y exposait. Mlle Keller, par contre, représentait une nouvelle cohorte d’intellectuels dont les conclusions divergeaient, les unes des autres, de façon beaucoup plus substantielle, surtout au sujet de l’être humain, face aux idéologies de souche collective.

Pour être précis (et même si ces faits ont souvent été évités comme conclusion franche): il serait plutôt évident que les droits personnels dits « inaliénables » (dont la Déclaration d’Indépendance se porte garant) ne peuvent aucunement s’accorder avec un modèle sociétal où l’intérêt collectif prime, systématiquement, sur celui de l’individu. Et puisque ces droits, constitutionnels, sont présentés uniquement en vérités “évidentes par elles-mêmes” (sous l’autorité d’un “Créateur” qui soit lui-même d’existence invérifiable), ils sont devenus de plus en plus vulnérables aux critiques des empiristes-matérialistes. Inévitablement, alors, ces droits, et les idées à leur base (ainsi que l’influence civilisationnelle, tant extraordinaire, communément portée à leur crédit), sont devenus la cible –et souvent fatalement– des violents révolutions que nous nous devions de cataloguer dans la suite.

Et c’est ainsi, que dans l’année mille-neuf-cent-quinze AD (ce qu’on appelait toujours, à ce moment, Anno Domini—l’année de Notre Seigneur), cent-trente-neuf ans après l’articulation du principe fondateur d’égalité, dans la Déclaration d’Indépendance, et cinquante-deux ans après sa réaffirmation, sur le champ de bataille à Gettysburg (au point tournant d’une guerre civile ayant coûté la vie à quelque huit-cent-milles combattants): Helen Keller, l’enfant prodige, sourd et aveugle –elle-même fière fille du Sud– aurait eu l’audace d’y porter atteinte, délibérément et savamment (mais aussi, je crois, en ignorant la portée réelle du coup), en ciblant directement son point le plus faible: soit la notion traditionnelle de valeur inhérente –ou sacrée– à la vie humaine).

“Ce sont les possibilités de bonheur, d’intelligence, et de pouvoir, qui donnent à la vie son caractère sacrée; et elles sont absentes, ces possibilités, dans le cas d’une pauvre créature malformée, paralysée et idiote.”

“… Une vie humaine est sacrée seulement quand elle peut se montrer d’une utilité quelconque, envers elle-même, et envers le monde.”

— Helen Keller, 1915

— Une doctrine d’exclusion dont le tort principal serait non spécifique, mais général

D’après Mlle Keller, mystique et socialiste (et alors la parfaite incarnation de l’ambiguïté de son temps): certaines personnes (c’est à dire: celles qui étaient relativement restreintes dans leurs “possibilités” de “bonheur, “d’intelligence” et de “pouvoir” — celles dont les vies n’étaient aucunement “utiles”) pouvaient être exclues de l’égalité présomptif; exclues de la dignité, exclues du respect, et exclues des protections à la vie qui en serait dérivées.

Voilà l’articulation franche, et non-ambiguë, d’une idée très influente au sujet de la valeur des vies (et des personnes) imparfaites; une idée largement répandue dans les préjugés populaires, autant autrefois que de nos jours. Et puisque l’un de nos thèmes principaux concerne le sort des personnes malades et handicapées (face au phénomène discriminatoire de l’euthanasie), nous y retourneront bien-tôt. Cependant, la première signification de cette déclaration ne se limite pas aux intérêts de ces gens, mais se montre d’une portée sociale beaucoup plus large: elle se trouve dans le simple fait de faire cette assertion (que quiconque puisse être exclu des droits de la personne), en générale, et sans se préoccuper des critères retenus.

— Sexes, races, classes: une discrimination potentielle dont aucune groupe spécifique ne serait à l’abri

Tel que remarqué, les déclarations d’égalité traditionnelles sont couchées dans des termes universels. Et avec cause: car c’est uniquement cet aspect inconditionnel qui offre la promesse de vrais droits, dans le cas particulier. Nous voyons, ainsi, une étroite connexion entre l’universalité des droits, et leur caractère déclaré « inaliénable ». Car décidément: créditer la redéfinition contextuelle, d’un droit proclamé « inaliénable », relève du pur non-sens! Et manifestement: l’universalité, incontestée, demeure le seul moyen d’échapper, définitivement, à cette difficulté.

Par contre, une fois admis le principe que certaines personnes puissent être exclues de la dignité humaine (suite à l’application de définitions particulières), et il deviendrait apparent, aussi, que des définitions subséquentes puissent en exclure d’autres, de sort que –à la fin– absolument personne ne bénéficierait de quelque garantie que ce soit.

Or, ce ne sont pas, non plus, des considérations uniquement théoriques.

Au contraire, toute notre histoire en aurait été très fortement (et parfois très péniblement) marquée par l’opération de ces contradictions. Car à travers le long chemin qui nous ait mené vers la recognition légale des droits, des personnes issues des classes inférieures et des races minoritaires (ainsi que des femmes, et encore plus récemment, des homosexuels): les adversaires de ces droits auraient toujours tenté d’établir des conditions particulières, pour exclure les groupes visés. Or, dans chaque cas, ce fut uniquement la revendication, directe, de l’application intégrale du principe universel, qui ait permis les victoires réalisées; un appel aux droits, inséparables de toute vie humaine en vertu de son origine: droits absolus, de source immuable.

Ce fut un principe universellement admis parmi les populations judéo-chrétiennes, en théorie, depuis plus de deux millénaires (même s’il fut aussi longtemps imparfaitement assimilé); et servait, pendant tout ce temps, comme axiome premier dans l’élaboration évolutive de la superstructure de notre société actuelle. Et pourtant! Avec son appel à l’infanticide sélectif, Mlle Keller, s’attaqua simultanément au caractères « universel » et « inaliénable » de l’égalité des personnes, et cela, avec des implications, pour le futur, qui promettaient de se révéler aussi significatives qu’imprévisibles.

Car si Helen Keller pouvait s’accorder ce droit, il s’ensuivrait logiquement que d’autres puissent en faire autant; de sorte que la nature du “sacré”, dans la vie humaine, risquait de devenir un simple sujet de discussions ponctuelles, de polémiques, de compromis politiques –voir de déclarations arbitraires– avec toutes les associations négatives que cela puissent évoquer à la lumière de notre expérience, plus récente, de tournants sombres de l’histoire. Et de ce fait, elle était parvenue, tel que nous l’ayons constaté plus haut, à remettre en cause tout l’édifice des droits de l’homme moderne. Rien de moins.

Poursuivre la lecture du texte en séquence linéaire… (Tome Deuxième : Sous l’ombre de l’euthanasie — Partie C : L’euthanasie et l’idéologie — Section IV :La proposition d’infanticide, avancée par Helen Keller, 1915 — Chapitre: Collectivisme utilitaire: les raisons économiques pour suggérer l’euthanasie des enfants handicapés)

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