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Chapitre : La Prohibition (II) : une histoire complexe revisitée dans sa dimension humaine - Euthanasie : De la discussion jaillit la lumière

Chapitre : La Prohibition (II) : une histoire complexe revisitée dans sa dimension humaine

— Le piège confortable de la rétrospection

     Il serait facile, bien-sûr, et intellectuellement rassurant pour nous — du haut de notre perspective artificielle, et avec la distance qui nous en sépare des faits — de prétendre pouvoir discerner des nécessités économiques, sociologiques ou même anthropologiques, qui nous indiqueraient une véritable inévitabilité dans les circonstances que nous cherchons à expliquer : dans la défaite de la Prohibition, et dans l’acceptation finale de la vente des vins et des spiritueux.

     Ce serait l’esprit usuel qui habitent les descriptions de cette période ; et ce fut à l’intérieure de ce cadre conventionnel que j’en aurait offert, d’abord, le récit sommaire. De plus, les gens qui connaissaient cette période, de première expérience, sont presque tous morts aujourd’hui ; et le regard de notre propre époque — si non officiellement hédoniste, au moins résolument permissive – s’incline souvent vers une attitude d’indulgence humoristique à l’égard des convictions morales de nos parents et de nos (arrière-) grands-parents.

     Pourtant, malgré l’image négative qui s’est développée, aujourd’hui, au sujet de nos aïeuls (identifiés tour à tour, comme étant, soit ridicules, soit criminels), et malgré les lacunes personnelles ou collectives qu’ils auraient pu réellement illustrer (ainsi que les épisodes regrettables qui en aient pu résulter), il serait toujours instructif de nous rappeler : que ce furent ces gens qui abolirent le fléau, jusqu’alors universel, de l’esclavage (non dans un révolte des opprimés, mais bien dans une guerre fratricide de la race privilégiée) ; qui affrontèrent, par principe, les monstres successives de l’autoritarisme : Autocratiques, Fascistes, et Communistes ; qui eurent produit la société qui fut, à la fois, la plus prospère, et la plus libre, jamais connu sur terre : une société qu’ils eurent inventé ; qu’ils eurent défendu, et qu’ils auraient transmis, enfin et malgré tout, intacte, à leur progéniture. Tels furent les personnes qui avaient l’ambition morale, et l’audace progressiste, de provoquer — de risquer — et de perdre, la bataille de la Prohibition.

    Or, de se complaire dans la superficialité de l’explication facile et standard, trahirait, je soumets, une mécompréhension profonde de la nature dynamique et indéterminée des évènements qui forment, réellement, la trame de notre histoire sociale ; il trahirait, aussi, un mépris irrespectueux à l’égard des passions de l’époque, et par extension, un manque de respect à l’égard des gens qui étaient, jadis, animés par ces passions. Surtout, nous en perdrions, j’en ai bien peur, le fruit convoité de toute enquête historique :  un sens de l’importance des échos de ces passions dans notre présent, et de leur signification pour nous. 

    Pour ces raisons, j’aimerais — avec l’indulgence du lecteur — essayer de donner, ici, un peu plus voix aux croyances des gens de l’époque — nos ancêtres immédiates — et de représenter, dans l’imperfection de mes souvenirs, les émotions et les principes qui les motivèrent, de part et d’autre, dans cette affrontement pivotale de l’évolution de notre civilisation. J’aimerais reconnaitre, au moins en passant, que les enjeux de ce conflit importèrent, pour eux, véritablement et viscéralement. J’aimerais, enfin, témoigner devant ces personnes le respect de chercher à comprendre non seulement ce qu’ils firent, mais aussi, ce qu’ils eurent pensé faire. Car agir autrement constituerait, je crois, un délit au compte de l’auteur, qui se complairait dans l’analyse abstrait au point d’oublier la véritable histoire.

— Le principe en jeux

     Pour rappeler brièvement les faits : Ce fut peut-être la lutte politique et législative la plus originale et la plus influente de la première moitié du vingtième siècle ; une bataille épique autour de la « légalité » (conçue ici comme étant essentiellement identique à la « moralité ») de la vente des boissons alcoolisés à travers l’ensemble des États-Unis (et avec quelques différences dans les détails circonstanciels, à travers le Canada aussi) ; elle aurait fini par dominer l’agenda politique pendant toutes les années vingt (et une bonne partie des années trente) — un épisode houleux,  sur fond d’effondrement économique, ponctué par la répression et la violence civile.

     Elle nous intéresse particulièrement, ici, parce qu’elle marque, aussi, le début des « guerres culturelles » du vingtième siècle, et qu’elle en illustre admirablement, la dynamique de celles-ci, « guerres » idéologiques, qui auraient éventuellement abouti à la discussion du droit à mourir qui nous préoccupe dans ces pages.

     Le principe en était simple : puisque l’abus de l’alcool produisait des torts jugés inacceptables pour la société, l’État aurait le devoir de rendre cet abus aussi difficile que possible ; et pour ce faire, il prohiba la fabrication, le transport, et le vente des boissons alcoolisées — avec certaines exceptions pour la production domestique de produits à faible teneur d’alcool – mais, contrairement à la « guerre aux drogues » (connue plus tard), il n’y en aurait jamais été question de criminaliser, ni la consommation, ni la possession simple.

— Les forces en présence

     D’un côté de ce différend, se rangeaient tous les visionnaires de l’intervention sociale : pour une fois, les Suffragettes-Féministes et les Socialistes-Progressistes furent alliées avec les champions traditionnels de la Moralité Puritaine issus des Églises Protestantes, et appuyées par toutes les forces de l’État, c’est-à-dire, par les croisés officiels de la moralité publique qui se battaient sous la bannière de la répression policière. ( voir le récit véridique — devenu légendaire — de l’agent Eliot Ness et de ses « Intouchables », employés du Bureau de la Prohibition).

     De plus, la cause prohibitionniste comptait la force militante, non négligeable, des cinq millions de membres actifs du Ku Klux Klan : qui se reconstitua au vingtième siècle en organisation ouverte et légale ; qui trouva son centre de gravité distribué également entre les états du nord, et ceux du sud ; qui établissait son état-major à Washington, DC. ; qui fut devenu, en fait, (souvenir tant déplaisant de nos jours) un véritable mouvement de masse d’intention patriotique, presqu’universellement patronné par la classe politique.

Poursuivre la lecture du texte en séquence linéaire… (Les Adversaires du projet Prohibitionniste)

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