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- Hippocrate : triomphal dans la transition finale à la modernité ; et répudié par la suite - Euthanasie : De la discussion jaillit la lumière

— Hippocrate : triomphal dans la transition finale à la modernité ; et répudié par la suite

(Tome Premier : l’euthanasie et le choix — Partie C : l’euthanasie et la médecine — Section II : Hippocrate : tradition et histoire de la profession médicale — Chapitre : La dominance historique de l’idéal hippocratique : à l’Antiquité ; au cours de la Période Chrétien ; et dans la Modernité jusqu’à la deuxième moitié du vingtième siècle — Hippocrate : triomphal dans la transition finale à la modernité ; et répudié par la suite)

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Le 4 mars, 1848, face à de pressions révolutionnaires importantes, Charles-Albert (Carlo Alberto Emanuele Vittorio Maria Clemente Saverio di Savoia,1798 – 1849) roi de Sardaigne, de Chypre et de Jérusalem, duc de Savoie (1831 – 1849) octroie une Constitution au Royaume de Sardaigne, état précurseur de l’Italie moderne

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     Dans cette période encore récente, d’émancipation des masses et d’émergence de nations, les lois se multiplièrent, se détaillèrent, et restreignirent progressivement, à la fois, la volonté personnelle des princes régnants, et l’indépendance des institutions de l’église. Car dotés originalement d’une impunité jalousement défendue à l’égard des instances temporelles, les hommes d’église perdirent, goutte à goutte leurs privilèges, jusqu’à ce que le paradigme de pêché, pénitence et absolution, réglé sous l’égide discrétionnaire des pères confesseurs, était largement remplacé par un nouvel ordre de crime, châtiment et réadaptation, pratiqué sous la tutelle de textes de loi publiques.

     Cependant, à travers cette transformation, de l’autorité spirituelle à l’autorité temporelle, et de l’autorité personnelle à l’autorité de l’état, les dictats moraux eux-mêmes, au moins au départ, ne furent pas radicalement changés. La transformation s’est opérée, d’abord, en changement de véhicule, et non pas en changement de contenu, des idées éthiques courantes. C’est vrai que différentes autorités politiques, issues de différentes tendances, se réservaient le pouvoir d’imposer un code unique sur l’ensemble des citoyens, quel que soient leurs adhérences personnelles. Mais pour l’essentiel, les différentes sectes de la post-reformation s’accordaient toujours dans leur vision du bien et du mal ; les lois ainsi dérivées servaient seulement de miroir pour refléter ce consensus moral dans la sphère de la justice répressive ; et de façon générale, pour parler de l’acceptabilité des comportements divers, les citoyens pouvaient encore confondre sans distinction les notions de « bien » et de « mal » avec celles de « légale » et d’« illégale ».

    Car en dehors des spéculations rarissimes de certains esprits insolites, et essentiellement jusqu’à l’arrivée de Rousseau et de Nietzche — à travers tout le temps dit « Modern » des grands voyages, des armes à feu, et des spéculations « sceptiques » — jusqu’à l’effondrement philosophique toujours inachevé du vingtième siècle — personne, ou à peu près, ne remettait en cause la réalité du bien objectif, C’est à dire : du bien absolu et universel. Et personne ne soupçonnait, non plus, que ce paradigme de bien, simple et catégorique, se ferait tranquillement saper en profondeur, malgré la continuité d’une façade apparemment immuable.

     Par exemple, en ce qui nous intéresse particulièrement ici, les interdictions chrétiennes de suicide, d’avortement et de meurtre (incluant l’euthanasie) n’étaient aucunement remises en cause. Au contraire, elles se trouvèrent enracinées d’avantage dans le tissu social par une articulation rigoureuse dans le régime de lois. Alors, la coïncidence exacte que nous avions noté, entre la morale chrétienne et les idéaux de la médecine hippocratique, s’est prolongée, elle aussi, dans la période moderne de lois, avec l’effet que, circa 1900, la pratique légale et éthique de la médecine fut définitivement conçue dans la perception publique, comme étant en tout point identique à l’adhérence scrupuleuse aux principes, et au serment, d’Hippocrate.

     Pourtant, nous apercevons, aussi, avec du recul, que cette belle concordance ne fut plus qu’une apparence. Les deux phénomènes, moral et légal, n’étaient plus véritablement joints ensemble, car ils auraient assumé d’existences séparées, avec des souches et des aboutissements distinctes, pour l’un et pour l’autre. Ils étaient devenus, enfin, semblables à deux corps célestes, qui se meuvent, peut-être, sur de trajets contextuellement parallèls, mais qui sont toujours sujet à se dissocier, sous la pression de forces ambiantes : petit à petit au début – peut-être une déviance à peine aperçue — mais avec de plus en plus d’importance avec le temps.

     Or, l’attaque fatale, quand elle fut arrivée, provint d’une source largement insoupçonnée à l’époque, C’est-à-dire : l’affirmation de la légitimé d’une nouvelle liberté personnelle, fondée dans l’arbitraire subjectif ; une liberté dont l’exercice pouvait possiblement se révéler autodestructeur (comme l’addiction toxicoman), et possiblement, même, se dresser à l’encontre des impératifs collectifs (comme le refus du service militaire ou le refus de l’enfantement), et qui fut alors, d’après l’interprétation traditionnelle :  franchement antisociale. Mais contre toute probabilité, aussi — et contre toute attente — ce souffle de nouveauté parvint, effectivement, à balayer tout devant lui, au cours du siècle suivant.

— La résilience particulière de l’ethos hippocratique ; le coup éventuel retardé, mais point esquivé ; le défi actuel

    Ce serait un constat souvent fait, que les vrais aboutissements des bouleversements du vingtième siècle restaient obscurs à l’époque, impossible à imaginer, même parmi les architectes théoriques et pratiques de celles-ci. Qui, pour être précis, parmi les champions de l’autonomie personnelle, aurait pu prévoir que la revendication de la liberté — de la consommation de l’alcool et des stupéfiantes, de la sexualité et de l’enfantement (pour ne mentionner que celles-ci) — puisse éventuellement provoquer une situation médicale où le patient-type, non-suicidaire, ne pourrait plus faire confiance, d’emblée, au dévouement inconditionnel du médecin — rencontré par hazard dans un moment de besoin – à supporter son instinct vital et à soutenir sa vie ? Qui aurait pu prévoir que cet idéal, du respect pour la vie humaine, cette confiance partagée dans la foi du serment juré, puisse être représenté, plus tard, en péjoratif, comme mécanisme d’oppression patriarchale ?

     Pendant longtemps, alors, il ne semblait pas que la nature traditionnelle de la médecine serait touchée. Même que les débordements du mandat médical sous l’emblème de l’eugénique, ici, en démocratie (telles les stérilisations forcées des « infirmes » et celles pratiquées, souvent à leur insu, sur les femmes plus pauvres ou de race « inferieure ») — ainsi que les outrages encore plus rebutants pratiqués par les états totalitaires — ne semblait pas affecter la perception de la médecine dite « normale », ni chez les patients, ni chez les pratiquants.

      Pourtant l’idéal hippocratique tient, aussi, d’une logique absolue, et exclusive, dans la pratique du médecin adhèrent. Alors, rétrospectivement, il devient évident que cet idéal, non plus, ne pouvait éviter les assauts à répétition qui lui furent éventuellement assenés (fortuitement, et inutilement, dirais-je) : d’abord en raison de l’avortement ; et plus récemment, en raison de l’euthanasie.

     À la fin, force serait d’admettre que toute référence sérieuse à l’égard d’Hippocrate et de sa philosophie — du serment et de sa tradition millénaire — fut presqu’entièrement chassée de la place publique. Et, aussi improbable que cela puisse paraitre, nous aurions passé (dans l’espace de cinquante ans à peine), d’une simple revendication libertaire de la part de certaines personnes désireuses d’accéder à de services abjurés par la médecine hippocratique, au point que la possibilité, même, de pratiquer à l’intérieure de cette tradition, soit effectivement mise en cause. Ou, pour souligner l’absurdité évidente : que la revendication du « choix » dans l’abstrait, ait pu aboutir à la suppression institutionnelle des vrais choix manifestés par la majorité des médecins, et surtout, par leurs patients.

     Devant l’énormité d’un tel constat, et devant les implications de changements tellement profondes dans notre réalité collective, j’aurais pensé qu’il serait, à la fois, intéressant et nécessaire, de fournir une description de ce qui s’est passé, au juste, pour ainsi chambarder nos acquis ancestraux — sociaux et psychologiques – description que j’entreprendrais, dans la section suivante, intitulée : « Société en rupture ».

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