Deprecated: Le crochet jetpack_pre_connection_prompt_helpers est obsolète depuis la version jetpack-13.2.0, sans aucune alternative disponible. in /hermes/bosnacweb01/bosnacweb01an/b2067/nf.euthanasiediscussion/public_html/euthanasiediscussion/wp-includes/functions.php on line 6078
- Bouleversement dans la compréhension morale des gestes humains - Euthanasie : De la discussion jaillit la lumière

– Bouleversement dans la compréhension morale des gestes humains

L’amour et la guerre : urgence existentielle et ambiguïté morale sur fond de violence globale (un aviateur américain avec sa compagne de fortune, Casablanca, 1943)

     Que les certitudes sociétales du passé furent globalement remises en cause devant cette crise de civilisation, il n’y avait rien de surprenant ; ni dans l’assiduité, l’originalité et la fécondité, des innovations et des spéculations –philosophiques et morales– qui occupaient un peu tout le monde au cours de ces deux générations, autant chez les hommes et les femmes ordinaires, que parmi les intellectuels : tous occupés, chacun à sa manière, dans le but de trouver une signification quelconque –ou à tout le moins une possibilité de dignité– dans l’expérience humaine. On pouvait, alors, certainement s’attendre à ce que de conclusions fondamentalement opposées aux idées reçues fussent avancées, provocant des ruptures permanentes dans le tissu social ; et en effet, c’est exactement une telle série de transformations qui s’est produite : de transformations qui sont, comme nous l’avons déjà intimé, toujours en flux, inachevées de nos jours.

     Bien sûr, nous sommes maintenant séparés de la période naïve de l’Avant-Guerres par une distance conceptuelle immensurable : Il fut un temps quand l’homme pensait que la terre ait été positionné en point fixe au centre de l’univers ; plus tard il admettait à regret que le soleil puisse occuper cette place ; mais aujourd’hui, nous savons que le soleil, lui-même, est en mouvement au sein de notre galaxie — et que cette dernière se déplace à son tour –, de sorte que véritable point fixe il n’y en a point.

     Trop simpliste, certes, il serait possiblement utile d’employer ces faits physiques dans un sens analogique pour représenter, aussi, l’état actuel de notre compréhension au sujet de ce que nous appelons la « morale », ou encore l’« éthique ».   À cet effet, et tel que nous aurions précédemment effleuré ce sujet : nous vivons, actuellement, dans une société moralement pluraliste ou les théoriciens ne sont ni capables de s’entendre sur la nature du bien (ni même d’affirmer la réalité significative d’un tel concept) ; ni de cerner les limites de son application légitime dans les affaires humaines ; ni encore d’indiquer un chemin pour élucider ces questions. 

     À l’extérieure, donc, des discours traditionalistes (voir religieux) – qui sont effectivement bannis des discussions publiques à l’heure actuelle – de « certitude » morale il n’en existe plus.

– vers une vision légale alternative

       Alors, pour revenir à la question simple d’une concordance entre ce qui est « bien » et ce qui est « légal » : force serait d’admettre qu’il n’en exista pas non plus, à l’issue de cette période de tribulations globales, aucun accord général au sujet des comportements moraux dans plusieurs secteurs, des plus sensibles, de l’expérience humaine – militaires ; économiques ; raciaux ; sexuels — qui furent tous âprement (et même fatalement) disputés dans la révolution dite « contre-culturelle » qui s’éclata immédiatement après, à l’arrivé fracassant des Années Soixante, avec l’accession à l’adolescence, et à l’âge majeur, de cette première génération issue de l’Après-Guerre : le « Babyboom ».

Et comment, (pour répéter cette évidence malencontreuse) articuler des lois qui régiraient la conduite personnelle dans une telle absence d’idéal commun ?

     Aussi, la situation fut encore bien plus compliquée que cela, car la victime cette fois, n’était pas seulement une conception particulière du bien, mais plutôt l’idée du bien en soi ; et même si nous faisions abstraction des cultes religieuses, et idéologiques, qui se multipliaient dans les contradictions de leurs préceptes invérifiables, il serait devenu évident en même temps, que la raison, elle aussi, loin de nous mener dans la direction d’une vérité morale unique, nous conduit également dans de chemins multiples et contradictoires, dont les aboutissements dépendent seulement des axiomes que nous aurions choisi comme point de départ ; et que la morale publique des lois se présentent de la même manière : en branches divergentes, qui représentent, dans les meilleurs cas — à travers toutes leurs variations — des idées aussi convaincantes les unes que les autres.

Comment, encore, harmoniser cette loi avec le « bien » quand, apparemment, celui-ci nous en fait défaut ?

     À la fin, ce sont de faits et de constats qui favorisaient une opinion alternative, de plus en plus influente dans la communauté juridique, voulant que la fonction des lois ne fût pas réellement de définir ou d’imposer un comportement moral au niveau personnel, mais plutôt d’encadrer, tout au plus, les agissements de personnes diverses  — guidées par des sentiments moraux divergents et mues par des pulsions souvent fortement opposées — de sorte que celles-ci puissent, tout de même, coexister avec un minimum de conséquences désagréables — dans le seul but de minimiser, dans leur ensemble, les torts subis.

     Tel fut, donc, le résultat palpable de ce changement séismique dans la théorie philosophique et sociale : que le législateur devint de plus en plus enclin à permettre des écarts entre le « bien » (communément compris), et les comportements permissibles devant la loi ; et telle fut le véritable contexte politico-légale dans lequel nos législateurs auraient cherché des compromis dans de dossiers aussi complexes — de teneur morale aussi subjective — que le suicide assisté.

     Mais – chose très importante – le penchant humain que nous avions identifié, en faveur d’une moralité certaine, et d’un code de conduite simple, ne disparut pas pour autant. Comme nous le verrons dans les chapitres à venir : le résultat paradoxal de l’interaction de ces deux principes irréconciliables, fut une conclusion radicale voulant que le « bien » se trouve, contre tout instinct, précisément dans l’absence de morale commune ; ou plutôt, que le bien se trouve dans la répudiation de toute vision majoritaire, et par conséquent, dans la défense inconditionnelle des comportements minoritaires, aussi dangereux soient-ils.

     Voilà, donc, la dynamique de ce monde en transition étonnante – celui qui s’enchaina directement devant le nôtre – dans laquelle nous nous devions de chercher, maintenant, à comprendre les changements sociaux et légaux qui auraient abouti dans la décriminalisation de l’euthanasie, et dans le renversement radical du mandat médical auquel nous nous assistons de nos jours.

     Or, vu l’importance de l’ambiguïté morale à la base de la décriminalisation de l’euthanasie — enfin pour expliquer la réussite apparemment inéluctable qui fut gagnée par les champions de cette décriminalisation, malgré les efforts de ceux qui tentait d’y faire obstruction avec de démonstrations de l’immoralité de celle-ci,  j’aimerais décrire un épisode de ce demi-siècle houleux, qui illustre profitablement, je crois, l’erreur de se fier à une telle logique — d’interdiction du mal — devant une loi qui ne prétend plus valider le bien (outre le bien relatif d’une morale utilitaire de complaisance).

     Ce récit nous enseignerait, en exemple cautionnaire, sur l’échec retentissant de ce qui fut, probablement (au moins des temps modernes), la tentative par excellence d’imposer de comportements moraux par voie législative ; et une tentative qui fut suivie à contre cœur, comme nous le verrons, par un recours des dirigeants — rudement déconfits dans l’occurrence — à cette deuxième stratégie légale moins ambitieuse : d’accommodement pragmatique dans la contradiction.

     Je veux parler, bien-sûr, de la Prohibition nord-américaine des boissons alcoolisées, ratifiée en amendement constitutionnel aux ÉU, Janvier, 1919 (au Canada en simple interdiction commerciale, 1918) : de son adoption dans l’euphorie générale, de sa carrière initiale tant prometteuse, de sa défense énergique, et de sa défaite finale et ignominieuse treize années plus tard, en 1933 (au Canada selon les provinces : de Québec dès 1919 jusqu’au PEI en 1948).

Quoique largement invisible pour la génération concernée, je prétendrais que cette répudiation massive, des droits d’intervention de la collectivité dans la codification des mœurs personnelles, nous présente une ligne claire de démarcation entre l’ascendance millénaire d’un paradigme traditionnel de morale objective (moteur, celui-ci, d’un programme social d’évolution positive dans les mœurs, secondé par une évolution parallèle de la loi), vers une nouvelle vision hybride, cynique, libertaire et post-moderne, dont certaines grandes lignes nous sont déjà devenues apparentes, mais dont les paramètres détaillés restent encore largement obscurs, sujet toujours aux forces dynamiques.

Casablanca 1942 : selon la représentation cinématographique

Poursuivre la lecture du texte en séquence linéaire…

Share this:

Laisser un commentaire