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La médecine de la mort - Euthanasie : De la discussion jaillit la lumière

La médecine de la mort

(Tome Deuxième : Sous l’ombre de l’euthanasie — Partie B : L’euthanasie et l’économie — Section III : La médecine de la mort)

Chapitre : Où la mort est activement privilégiée pour répondre aux intérêts budgétaires

— Des explications rendues nécessaires par la tournure du discours

C’est contre cet arrière-fond d’analyse économique, et contre ce portrait de la pratique médicale, traditionnelle et courante, que nous devions enfin placer la montée actuelle des pressions politiques en faveur d’un usage maximal de l’euthanasie, justifiée en fonction de critères médicaux objectifs, et redéfinie en intervention médicale bénigne.

Avant de commencer, cependant, je tiens sincèrement à préciser que je n’ai aucunement l’intention d’argumenter, indirectement, contre le statut légal de l’euthanasie, en agitant une vision d’épouvantail apocalyptique au sujet de son implémentation. Pas du tout. Le sérieux du sujetexige un traitement beaucoup plus pondéré. Pour vrai dire, d’ailleurs, je suispersonnellement résigné devant la nécessité, apparente, d’accommoder les désirs d’une minorité sciemment suicidaire, dont les motivations, quand-même bien qu’elles restent toujours cachées dans les voiles opaques de la mystère subjective, sont non moins puisées dans la spécificité profonde de la personnalité humaine. Aussi, suite à toutes les révolutions récentes dans les mœurs collectives, ainsi que cet éclatement manifeste qui semble avoir détruit toute unanimité autour de ce que l’on appelait jadis la « moralité publique » : il serait fortement à souhaiter que nous eussions appris, à la fois, la futilité et l’impertinence, de nous opposer des refus catégoriques. Beaucoup plus modestement, ce que je désire accomplir, ici, se résume simplement à exposer les dérapages réels, et prévisibles, qui doivent accompagner une telle innovation mal appliquée ; car mon but ne serait que d’en atténuer les pires excès.

Mais avec cet appel à l’indulgence du lecteur, qui s’est montré jusqu’à ici suffisamment généreux pour parcourir ces lignes, je me sens quand-même obligé à exposer ce que j’appréhende comme les pires aboutissements possibles de notre démarche actuelle, en imaginant que nous nous obstinerions, réellement, à associer la justification de ces suicides subjectifs à l’objectivité de la science médicale ; et de par la même incohérence conceptuelle, d’imposer la responsabilité et l’exécution de ce programme homicide sur les professionnels de notre régime publique de santé.

— Un emploi systématique de l’euthanasie pour fermer les dossiers à bon marché

Or, d’après l’opinion présente, il faudrait simplement comprendre, à ce sujet, que nos médecins, tachés comme ils le sont de faire la répartition des soins (ce qui signifie aussi la répartition des argents) disposent maintenant d’une nouvelle option thérapeutique –la mort– dont le coût comparatif est dérisoire. En tout simplicité, alors, il me semble impossible, dans ce contexte de livraison publique des services médicaux, caractérisé par un conflit irréductible entre les intérêts de l’état-fournisseur et ceux du citoyen-client (le tout aggravé, encore, sous le signe d’une crise budgétaire visiblement permanente) il me semblerait impossible … disais-je… d’échapper à la conviction profonde que la tentation d’utiliser cette option (ainsi que la tentation d’en élargir progressivement le champ d’utilisation) sont devenus irrésistibles.

Sans dramatiser, encore, force serait d’admettre qu’un dénouement final, produit par la mort provoquée du patient, s’avère beaucoup moins onéreux que l’investissement de ressources importantes, dans la quête d’une guérison illusoire, ou encore, simplement dans le maintien statique du patient sous surveillance médicale pour une période indéterminée. Ainsi, tous les intervenants dans l’industrie, et surtout les médecins traitants, sont conscients du fait qu’une minorité des patients, ceux qui présentent les défis les plus lourds et sans issue prévisible, font des demandes sur les fournisseurs des soins (et dans le temps professionnel, et dans les ressources technologiques), qui peuvent sembler tout à fait disproportionnelles aux résultats escomptés.

Dans les termes les plus crûs : l’efficacité et la rentabilité des unités typiques de soins médicaux seraient clairement avantagée par la disparition simple des cas lourds. Et du moment qu’une voie soit ouverte à l’euthanasie, les effets économiques, positifs, de ces fatalités ne peuvent être ignorés.

— Quelque chiffres approximatifs pour illustré la magnitude des épargnes potentielles

Selon le principe économique surnommé la loi de Pareto (Joseph Juran, 1904 – 2008), quatre-vingt pourcents des effets sont habituellement produits par seulement vingt pourcents des causes. Or, en étudiant l’ensemble des soins-santé, il semblerait, effectivement, que 20 pourcents des patients, seulement, consomment 80 pourcents des soins. En théorie, donc, l’euthanasie de ces patients pourrait généré des épargnes équivalentes, de 80 pourcents ! De plus, parmi la population restant, il est estimé que la moitié des coûts médicaux survient dans la dernière année, ou deux, de vie. La renonciation généralisée à cette dernière période difficile et coûteuse, donc, permettrait la libération de la moitie des ressources présentement consacrées à ce groupe. Et, si l’ on combine ces deux stratégies (de refuser les soins aux cas lourds, et de retirer les soins aux autres quand ils s’approchent de la dernière année), l’épargne serait, grosso modo, de quatre-vingt pourcents en partant, plus la moitie du restant (soit encore dix pourcents), pour une économie totale de quatre-vingt-dix pour cents par rapport aux dépenses curatives actuelles!

Encore faut-il s’en souvenir que ce ne sont que des calculs très approximatifs, mais ce sont, aussi, des sommes trop importantes pour ignorer; et pour cette seule raison, d’économie publique, nous pouvons être assurés que de telles réflexions ne disparaîtront pas sans conséquences. Même personnellement (et en dépit de mon rejet avoué de la médicalisation du suicide), je doit reconnaître un certain enthousiasme, qui s’est progressivement immiscé dans le ton de ce récit, et bien à mon insu. Car qui, au juste, pourrait rester entièrement indifférent à l’efficacité élégante d’une solution industrielle capable de produire des économies de 90 % ? Après tout, tel est l’intérêt administratif sans déguisement; et par extension, tel est l’intérêt (perçu) des jeunes contribuables encore confiants dans la conviction complaisante qu’ils seront toujours jeunes, et qu’ils décéderont sûrement (n’en déplaise aux statistiques contraires) d’une mort subite. Tel, enfin, est l’intérêt ponctuel de tous ceux qui se croient capables d’éviter le dépérissement inévitable du vieillissement, ainsi que les menaces chroniques que seule peut tenir en laisse un traitement curatif assidu et prolongé; de ceux qui croit, au pis aller, “en finir rendu là”, en invoquant une mort précoce, administrée dans la “dignité”.

— Une nécessité déplaisante de reconnaître la route entamée

Personne ne peut nier qu’un tel programme d’euthanasie systématique serait d’une férocité utilitaire apte à faire rougir même les eugénistes du vingtième siècle. Cependant (et tel que rappelé à quelque reprises à travers ce texte) : ce n’est pas nécessaire d’épouser franchement les bases idéologiques, d’une politique donnée, pour bénéficier passivement de son accomplissement; et la plus commode des stratégies politiques consiste, toujours, à faire passer l’intérêt, pour la vertu. Or, le système présentement inauguré, de suicides autorisés en fonction de critères médicaux (et surtout l’euthanasie présentée franchement en soin), fournissent précisément la justification théorique requise pour permettre aux médecins/administrateurs, utilitaristes, de faire la promotion systématique de l’option euthanasique, et d’en augmenter au maximum l’impact économique.

En proposant l’euthanasie comme un choix souverain, par exemple, et en ouvrant ce choix à des patients non-mourants (tel que cela se fait au Canada), il devient possible de solliciter la réalisation de ce choix chez grand nombre de patients. Sans doute ! Car les difficultés vécues par cette clientèle sont très réelles, et les ressources y accordées sont assez limitées. Considérons, alors, l’effet de cette nouvelle révérence, institutionnellement témoignée, de “respect” devant le désir suicidaire, substituée, celle-ci, pour des efforts sincères de prévention de suicide (et accompagnée, très possiblement, par une nouvelle indifférence cynique à l’égard des conditions de vie des personnes dépendantes). Considérons, aussi, le bénéfice pécuniaire quand une option de suicide médical est présentée à l’endroit de personnes qui se découvrent subitement en proie à des maladies inguérissables, et que l’euthanasie peut être administrée dès le diagnostic. Considérons, en plus, la prescription positive de l’euthanasie, présentée comme la meilleur des options thérapeutiques disponibles, et ce, non seulement auprès de personnes typiquement soumises aux recommandations de l’autorité médicale, mais bien aux personnes entièrement incapables de consentement. Considérons, enfin, ce principe appliqué aux enfants, là où l’emprise de l’autorité est au plus fort, et où la durée prévisible des soins (c’est à dire l’épargne éventuellement réalisée) serait la plus importante. Imaginons le tout, justifié sous le manteau de l’autonomie (pour les uns) et de la miséricorde (pour les autres). Nous constaterions, alors, qu’il y ait de grandes économies possibles, pour maints professionnels et administrateurs, sans encourir ouvertement l’opprobre de s’afficher en utilitariste. Pourquoi alors, ne pas accueillir avec gratitude de telles économies pour la bourse publique ?

— Une simple (mais puissante) note de caution : des motivations normalement inexpugnables de la caractère humaine

Bien sûr, je ne me ferais pas soudainement l’apôtre de la mort, rationalisée et rentabilisée, en exercice d’hygiène publique; seulement, je dois en bonne conscience reconnaître que l’idée est rationnelle. Elle n’est pas du tout ridicule; elle s’appuie sur une longue tradition légale, sociale, et philosophique, ayant des racines profondes dans la passé et toujours actives dans notre présent; elle serait, donc, impossible à écarter sans y accorder une attention sérieuse. Surtout, dans un tel contexte de polémique inachevée, l’argument moralement neutre de l’avantage économique prend une importance indéniable. Car sans changer ou améliorer les arguments en faveur de la mort médicalement assistée, dans leur dimension éthique et sociale, le contexte économique semblerait rendre l’acceptation de ces phénomènes pragmatiquement plus attrayante.

Et pourtant, rien n’est aussi simple, dans cette matière, qu’il nous ait pu paraître. Car il existe, toujours, dans le simple instinct de survie, une motivation personnelle tout aussi (et encore bien plus) forte, que l’adhésion aux apparents intérêts financiers de la collectivité ; une motivation, enfin, qui milite résolument à l’encontre de cette médecine de la mort utilitaire.

À suivre …

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