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Chapitre : Différencier la santé publique de la santé personnelle : une différence dans les priorités qui découlent des sources, différentes, de financement - Euthanasie : De la discussion jaillit la lumière

Chapitre : Différencier la santé publique de la santé personnelle : une différence dans les priorités qui découlent des sources, différentes, de financement

(Tome Deuxième : Sous l’ombre de l’euthanasie — Partie B : L’euthanasie et l’économie — Section II : Le régime de santé publique — Chapitre : Différencier la santé publique de la santé personnelle : une différence dans les priorités qui découlent des sources, différentes, de financement)

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Chef-d’œuvre de la santé publique pre-moderne : « Cloaca Maxima » (le Grand Égout), Rome

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— un premier regard sur la santé publique et sur la responsabilité collective

     Dans la section précédente, nous aurions dépeint une vaste industrie de la « santé personnelle », qui fut encadrée, surtout, par l’interaction du médecin avec le patient individuel. Tel fut le cas, très certainement, à travers tous les siècles précédant la nôtre ; et ainsi en serait-il encore, en grande partie, de nos jours. Par contre, il existe, aussi, un tout autre domaine de recherche et d’intervention médicale ou l’objet de l’exercice serait une amélioration de la santé, non des individus, mais des collectivités élargies, et mêmes, des populations entières. En complémentarité à la santé personnelle, alors, nous entreprendrons, maintenant la description de la « santé publique », dont la première caractéristique serait la prise en charge collective des frais encourus.

     Il semblerait en fait que la « santé publique » existe depuis toujours, tout autant que les efforts accordés à la guérison des individus. Originalement, par exemple, la collectivité agissait ensemble pour jouir des bienfaits, réels ou imaginaires, de rites et de cérémonies récurrents, destinés à garantir la fécondité, la santé et la prospérité générale des gens.  En plus, il y avait des épisodes de supplication et de sacrifice plus extrêmes aux moments de pestilence et de famine. Toutes ces formes se seraient raffinées avec le temps, sous les auspices des divers chefs, rois, prêtres et sages ; et l’observation spéculative que ces cérémonies aient pu être largement inutiles ne change en rien le fait qu’il y avait perception d’une responsabilité princière (et plus tard étatique) face à la santé collective.

     Dans un deuxième temps, aussi, la santé publique s’est poursuivie dans une logique d’infrastructure. Les technologies nécessaires à la gérance des ressources d’eau, par exemple, permettait non seulement l’irrigation des cultures et le drainage des marécages, mais aussi la conduite de l’eau potable vers des centres de population mal dotés dans cette ressource. L’effet d’éviter l’utilisation des eaux fétides, dans ces circonstances, fut extrêmement important pour la santé publique, et les mêmes remarques s’appliquent aux mesures prises pour l’évacuation des eaux usées et autres déchets. Dans le monde préindustriel, ces technologies furent particulièrement bien signalées dans les ouvrages romains d’aqueduc et d’égout, accompagnés, dans certains lieux, par la collecte des ordures domestiques.

     Plus tard, à l’aube de notre ère, et confronté avec l’évidence scientifique des causes épidémiques inséparables de la promiscuité confuse, qui existait toujours entre les égouts et les sources d’eau, le principe était facilement admis (à la lumière des précédents historiques établis), que le pouvoir public avait bel et bien une responsabilité d’intervenir pour corriger ce genre de problème. Le résultat en fut un d’expansion massive des infrastructures, et d’un renforcement équivalent de l’idée que l’état soit responsable pour la santé des citoyens.

     Aussi, et toujours suite aux doctrines révolutionnaires de la microbiologie, des questionnements analogues se sont produits, concernant une nouvelle compréhension des dangers dans la préparation de la nourriture, de sorte qu’une autre responsabilité publique, de réglementation, soit peu à peu apparue pour gouverner, notamment, les pratiques sanitaires dans l’abatage des animaux, et même la pasteurisation des produits laitiers. En même temps, les avantages évidents pour la collectivité, d’une amélioration générale de l’hygiène personnelle semblaient imposer la nécessité d’une initiative d’éducation large à ce sujet, et donc, un devoir public d’information.

     De la même façon, de nouveaux programmes apparaissaient pour prévenir la transmission des infections. Il y avait, bien sûr, une expansion sur l’ancienne pratique de la « quarantaine », qui incluaient l’isolement modern des lépreux, aux États Unis (jusqu’en 1969) et au Canada (jusqu’en 1965). Mais également, il y avait des programmes de dépistage systématique de maladies transmissibles, dont le plus célèbre, au Canada, visait le contrôle de la syphilis par l’imposition de tests sanguins à tous les couples qui cherchaient l’autorisation à se marier.

     Et finalement, les nouvelles notions épidémiologiques de l’interaction entre la santé individuelle et celle des populations, amenait, à terme, une forte pression pour implémenter des programmes de vaccination publique, car mêmes les personnes les plus « indépendantes » en seraient venues à comprendre le risque personnel qui soit implicite dans le risque collectif.

     Nous apercevions, donc, à travers cette période, une importante augmentation dans les dépenses collectives reliées à la santé publique, tout en remarquant que ces dépenses s’inscrivaient, toujours, dans une logique fondée sur la tradition ancestrale.

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L’aqueduc romain à Nîmes (France) ; Imperator Claudius ; 1ier Siècle

— la responsabilité privée pour la santé personnelle

     En opposition avec les initiatives publiques décrites ci-haut, au départ et jusqu’à très récemment, la santé individuelle restait presque exclusivement l’affaire des premiers concernés.

      De fait, à travers la période préscientifique, les dépenses de santé n’étaient pas encore perçues comme une nécessité, demeurant un luxe seulement. Pour illustrer ce point : même au début de la période révolutionnaire, à l’approche de l’année 1800 l’accès aux soins de santé ne figurait, proportionnellement, pour à peu près rien dans les agitations populaires qui visaient, en France notamment, la liberté, l’égalité devant la loi, et la répartition des terres –ou, aux moments des crises aiguës, de la nourriture seulement. Voilà qui est très vigoureusement en contradiction avec les priorités progressistes de notre époque ou l’accès aux soins de santé demeure, d’élection en élection, toujours parmi les enjeux les plus importants, et souvent le premier de tous.

     Alors nous pouvions, naturellement, vouloir nous demander pourquoi. Et je pense que la réponse en serait aussi simple qu’elle en soit gênante pour les praticiens médicaux de cette période : les remèdes disponibles ne fonctionnaient tout simplement pas.

— Une égalité parfaite des consommateurs, qui se fonda sur l’inefficacité des remèdes proposées

     Bien sûr, les services achetés par les grands personnages coûtaient infiniment plus cher que les services, équivalents, achetés par les personnes ordinaires. Et sans contredire, les riches et puissants dépensaient, dans leur quête personnelle de l’auto-préservation, des sommes énormes qui provenaient (vues de notre perspective moderne) des argents publics. Il y avait donc injustice évidente.

     Mais ironiquement, je crois que nous pouvions, aussi, nous réconforter avec la compréhension qu’à cette époque les pauvres furent normalement tout aussi bien servis que les riches et influents. Car il existait, couramment disponibles, des remèdes pour littéralement toutes les bourses ; et objectivement, il n’y avait à peu près rien à choisir entre les résultats obtenus. Avec quelques exceptions presque triviales dans l’ensemble des faits : que la malade ait pu être un grand noble qui buvait une potion fabriquée à partir de matériaux précieux, importés de l’Orient au prix inimaginable ; ou encore, un paysan, qui en prenait un autre, concoctée par son voisin, avec des crapauds et de la verdure trouvés dans son jardin : le résultat restait sensiblement le même.

     Il y avait, ainsi, une égalité sublime de par les âges révolus en ce qui concerne la santé personnelle : car dans les faits, tout le monde, du plus haut au plus bas, fut réellement égal devant la main capricieuse de la maladie et la mort ; une égalité toujours présente à l’intuition populaire, et à maintes reprises exprimée par les poètes et les philosophes, depuis les siècles et les millénaires.

     Nous nous retrouvions, donc, et jusqu’à très récemment, devant deux régimes de santé entièrement différents, dont l’un fut le fait de dépenses purement personnelles, tandis que l’autre reflétait les besoins collectifs, et dépendait des fonds communs.

— La confusion moderne des priorités et des budgets (de la santé privée et de la santé publique) : un facteur contribuant aux attitudes différentes, affichées par divers pays, face à l’euthanasie

    Quoique les programmes de santé publique impliquent, parfois, des interventions bénéfiques auprès d’individus particuliers ; et quoique les attentions et les habitudes d’un bon régime de santé personnelle puissent produire, parfois, des effets heureux pour la collectivité : ce sont, fondamentalement, deux phénomènes distincts, qui résultent de raisonnements et de priorités, également différents. En conséquence, l’indépendance budgétaire, de l’un vis à vis de l’autre, serait la première condition pour la satisfaction harmonieuse des deux.

     Toujours est-il, cependant, qu’avec le développement récent de l’état « Providence » (dans certains pays dont le Canada), il s’est trouvé une dynamique puissante pour nous orienter vers la primauté de la santé publique, jusqu’au point où la santé personnelle en serait devenue entièrement dépendante de la bourse publique.

     Dans d’autres pays, par contre (comme aux États Unis), une plus forte attache aux libertés du citoyen aurait joué contre cette tendance, de sorte que les dépenses de santé personnelles y aient demeuré largement l’affaire des individus, et reflètent plus fidèlement, alors, les désirs/demandes des patients/consommateurs.

     Pour simplifier au maximum cette comparaison : le suicide assisté fut légalisé aux E.U. en 1994 (l’état d’Oregon), c’est à dire vingt ans plus tôt qu’au Canada (2016). Cependant, quoique de nombreux états américains permettent, aujourd’hui, le suicide assisté, l’euthanasie demeure toujours illégale (avec certains exceptions et nuances), et en conséquence, le nombre de morts/an produites dans ce pays serait triviale en comparaison avec le nombre canadien équivalent.

     Dans le premier tome de cet ouvrage, j’aurais insisté longuement sur les effets nocifs (pour le patient-type non-suicidaire) du nouveau système canadien de recours maximal à l’euthanasie. Je tiens, d’ailleurs, la conviction intime que la différence de politique entre ces deux pays — à l’égard de l’euthanasie (et surtout à l’égard de la normalisation institutionnelle de l’euthanasie) — découle principalement des différences dans la gérance des budgets au sein des deux sociétés. Pour être parfaitement clair : Je crois que la promotion privilégiée de l’euthanasie, au Canada, ne fait que refléter la dominance des priorités budgétaires collectives, aux dépens des désirs et des intérêts du patient/contribuable.

     Or, dans ce qui suit, ici, je tenterais d’élucider : 1) pourquoi l’industrie de la santé personnelle aurait passé sous l’autorité publique (au Canada) ; 2) de quelle manière cette autorité nous pousse, organiquement, vers la médecine de la mort dénoncé dans ces pages ; et finalement, 3) comment les déboires répertoriés – les résultats regrettables des improvisations politico-économiques du passé — peuvent maintenant être corrigés, au bénéfice du patient/consommateur/contribuable.

     Je me dois de demander pardon, toujours, auprès des lecteurs américains, pour lesquels cette matière pourrait sembler excessivement spécifique au Canada. Cependant, je crois que cette discussion se révèlera, aussi, très utile face aux questions pressantes de « payeur unique » et de « Medicare pour tous » qui semble perdurer aux E.U. Car une étude lucide de l’expérience canadienne aiderait beaucoup, je soumets, pour éviter des pièges maintenant bien connues (aussi prévisibles que pénibles) dans la recherche d’un régime de santé qui soit, à la fois, économiquement libre et acceptablement inclusif.

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Une station d’isolement pour lépreux fut inaugurée (1844), sur l’île Sheldrake à Nouveau Brunswick (Canada), dans une ancienne station de quarantaine pour la cholera. Les malades furent presqu’abandonnés à leur sort pendant les premiers 10 ans ; hommes, femmes et enfants ; dans des conditions horribles. La station s’est faite rebâtir ca 1855 et un premier médecin résident y fut nommé en 1863. En 1868, sept sœurs de St Jean (Montréal) s’y sont installées. Les derniers résidents/prisonniers y furent consignés en 1937. Le site fut fermé en 1965. Photo ca 1916.

Décidément, les souffrances infligées sur les malades isolés dans ce lieu pendant 120 ans, furent plus que considérables. Mais le but de la santé publique n’est pas le confort, ni même la survie, de l’individu.

Il serait plus qu’utile de tenir cette évidence présente à l’esprit au cours de notre étude de l’euthanasie au Canada. Car seulement ainsi peut-on espérer comprendre la stratégie canadienne que nous pouvions nommer, en tout logique : « l’euthanasie maximale »
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Poursuivre la lecture du texte en séquence linéaire… (Tome Deuxième : Sous l’ombre de l’euthanasie — Partie B : L’euthanasie et l’économie — Section II : Le régime de santé publique — Chapitre : La santé personnelle se transforme progressivement en charge publique : comment et pourquoi)

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