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Isaac épargné par Jéhovah : La première ébauche d'une notion de vie sacrée, ou de valeur intrinsèque - Euthanasie : De la discussion jaillit la lumière

Isaac épargné par Jéhovah : La première ébauche d’une notion de vie sacrée, ou de valeur intrinsèque

(Tome Deuxième : Sous l’ombre de l’euthanasie — Partie C : L’euthanasie et l’idéologie — Section III : Le patrimoine philosophique ancestral : le caractère sacré de la vie ; la valeur intrinsèque de l’individu humain ; les origines divines de « l’égalité » politique — Chapitre : Isaac épargné par Jéhovah : La première ébauche d’une notion de vie sacrée, ou de valeur intrinsèque)

Le sacrifice d’Isaac, vitrail du seizième siècle, église de la Madeleine de Troyes

— Où un idéal d’amour se substitue pour celui de la terreur

L’un des histoires bibliques parmi les plus citées, et les plus enseignées (c’est à dire l’un des joyaux les plus célébrés de l’ensemble religieux Judéo-chrétien) est celle du sacrifice d’Isaac par son père Abraham (autour de 2000 ans av. J.-C.), un sacrifice ordonné d’abord, et empêché ensuite, par la volonté suprême de Jéhovah, Dieu des Juifs.

Brièvement raconté, Dieu ordonna à Abraham, père, de faire preuve de sa foi (et de son obéissance), en sacrifiant son fils Isaac. Abraham, en fidèle inconditionnel, et en dépit de sa détresse personnelle intense, se prépara à obéir. Or, au dernier instant, Dieu lui ordonne de retenir sa main.

Parmi les leçons attribuées à cette histoire se trouve une prise de conscience, extrêmement radicale pour l’époque, au sujet de la valeur intrinsèque de la vie humaine. Car nous voyons, ainsi, le maître de l’univers dépeint comme une personnalité qui ait pu accorder de l’importance aux sentiments d’Abraham, et par extension, à la vie d’Isaac. L’histoire d’Isaac, alors, sert de repaire littéraire pour fixer, dans l’imagination populaire, une vision de Dieu où l’amour, et non la terreur, fournit le véhicule principal par lequel s’exprime la puissance divine. Or, cette idée se présenta en nouveauté presque inouïe à l’époque décrite (ce qui explique la place unique de ce récit perçu en artefact de l’intellect humain).

— Le sacrifice, le sacrifice humain, et le sacrifice des enfants

Rappelons que l’une des buts principaux des pratiques religieuses de l’antiquité fut la propitiation des puissances surhumaines, et que les sacrifices de tout genre prenaient une place prééminente dans cet effort. Avec le temps, la nature des dons est devenue plus pratique, comme la consécration des argents aux bonnes œuvres. Mais à l’origine, cela n’a pas été ainsi. Au départ, sacrifier signifia vraiment renoncer à la jouissance des biens cédés, et ce, à l’avantage personnel, et exclusif, des dieux. À cette fin, des vins et des huiles furent versés à terre; la viande de bêtes victimes (ainsi que d’autres produits alimentaires et des objets de grande utilité) furent brûlés; des pierres et des métaux précieux furent jetés à l’eau, ou au fond de gouffres insondables.

Au premier niveaux, il s’agissait simplement de faire cadeaux, au surhumain, de ce que l’on possédait de plus précieux. Mais une analyse plus sophistiquée suggère que de vrais dieux ne pouvaient, que très difficilement, se croire enrichis par les pauvres dons de leurs serviteurs; et alors, un raisonnement plus subtil émergea, voulant que le plaisir du récipient (et donc l’avantage potentiel du suppliant) résidait plutôt dans la contemplation des souffrances infligées sur ce dernier par les pertes encourues. Cette logique aboutit, aussi, dans grand nombre de régions géographiques, à la pratique de sacrifices humains; et en dernier lieu, quand accueillis aux véritables extrémités, quand menacés d’extinction et cherchant impérativement les moyens les plus radicaux pour solliciter l’intervention divine, plusieurs avaient poussé cette logique jusqu’au sacrifice des enfants, par leur propres parents.

Voilà, enfin, ce qui explique la plausibilité universellement admise, jadis, de l’épreuve d’Abraham, imposée par Jéhovah.

— Le portrait atroce d’une divinité friande des souffrances humaines

Mais voila, aussi, une vision très négatif de la caractère des personnalités divines, et par extension, de l’univers sous leur contrôle. Car en admettant l’aspect sublime de la soumission du dévote, qui sacrifie son enfant dans l’affirmation d’un assujettissement inconditionnel, nous admettons, également, le portrait d’une divinité qui puisse prendre plaisir dans la flatterie de tels gestes atroces, imbus de pathos et de tragédie.

“Comme des mouches auprès de garçons cruels, ainsi sommes nous auprès des dieux. Ils nous tuent pour leur divertissement”.

Tel furent les paroles prononcées dans la bruyère déserte, par le Comte de Gloucester, aveuglé et abandonné par ses ennemis (Le Roi Lear, Acte IV, Scène 1, Wm. Shakespeare, 1606). Ce sont des paroles qui font délibérément écho aux sentiments exprimés tout au long des poèmes épiques d’Homère, l’Iliade et l’Odyssée (composés vers l’an 700 av. J.-C.), où l’on trouve, également, un récit semblable (repris subséquemment par Euripide, 480 – 406) au sujet du sacrifice ordonné par le roi Agamemnon, de sa fille Iphigénie (pour sollicité de la déesse Diane-Artémis un vent favorable, qui dirigerait la flotte grecque vers la côte de Troie).

— Quelle caractère afficherait l’être véritablement “divin” ?

Nous nous apercevons, ainsi, d’un désaccord profond au sujet des caractéristiques qui expriment la supériorité de l’être divin : Est-ce que celles-ci seraient simplement la puissance brute et l’expression amorale de cette puissance ? Ou consisteraient-elles, plutôt, dans l’expression d’une bonté dépassant celle de l’homme dans la même mesure ? Or, la spéculation persistante autour de cette controverse n’a pas été sans conséquences, car l’image courante de la caractère idéalisée du déité, et celle des chefs parmi les hommes, allant du plus grand roi impérial au simple père de famille, se confondait dans l’esprit des dépendants au point de ne faire qu’une seule. Alors force intransigeante, cruelle et capricieuse ? Ou générosité, respect et affection ? Lesquels indiqueraient le chef supérieur ? Lesquels procureraient plus efficacement la cohésion social nécessaire pour favoriser l’éclosion du bonheur général ? Et encore : est-ce que le bonheur du peuple eût dû, sous aucune considération, influencer les comportements des rois, et des dieux ?

À ce sujet, l’historien, et philosophe politique inimitable, Nicolo Machiavelli (1469 – 1527) arriva à la conclusion célèbre et implacable : “Il est plus sûr d’être craint que d’être aimé” (Le Prince, 1513). Nombreux, aussi, furent les seigneurs, avant et après ce temps, qui suivirent cette consigne éthique. Pourtant, dans la période chrétienne de la Renaissance (et par la suite), Machiavelli, quoique étudié par tous, se trouvait, en même temps, universellement désavoué (au point où son nom ait été converti en adjectif, dont l’emploi, à l’endroit de personnes et de politiques, signifie une absence totale de sens éthique. Dans la période des empires de l’antiquité, cependant, là où se situe l’histoire d’Issac, il en était tout autrement. Car cette civilisation se fondait sans apologie sur l’assujettissement et l’esclavage, non d’individus seulement, mais de peuples entiers, sous la direction de tyrans et de sous-tyrans dont la position, vis-a-vis du peuple, été ouvertement prédatrice. Et c’est ainsi que les contemporains disait, dans toute simplicité, que la terre “grondait”, en particulier, sous le joug Assyrienne.

Ce transfert écrasant de biens, et de personnes, avec la répudiation de toute prétention à la dignité humaine, se faisait sous l’application immédiate, personnelle, et arbitraire, d’une violence qui suffisait à elle-même. Aussi, la lutte des tribus fut conçue comme la lutte des dieux auxquels elles témoignaient obéissance. Donc, au sein des cultes de la Mésopotamie, et des empires subséquents, la dominance de chaque ville successive était consacrée, dans l’imagination populaire, par la dominance réinventée de leur déités locales. Sans contredire, alors : l’emphase dans toute description du divin se plaçait, à cette époque, sur l’attribut pouvoir; et ainsi en était-il, aussi, pour les chefs humains, dont plusieurs réclamèrent, eux-mêmes, le statut de dieu-vivant.

Naturellement, en ce faisant, ces chefs affichaient une forte tendance vers l’extraction intransigeante de sacrifices, aussi humiliants que blessants, auprès de leurs sujets.

— Des rois qui se prétendaient dieux

Une description saisissante de ces comportements tyranniques, modelés sciemment sur les attentes courantes au sujet des exigences divines, nous parvient de la période classique de la littérature grecque, sous forme d’un court extrait tiré des “Histoires” d’Hérodote (480 – 425 avant J.-C.), qui raconte la réaction de Xerxès I (“Grand Roi” Perse, né 519, roi 486 – 465), devant une requête personnelle émanant de l’une des personnes les plus dévouées de son entourage, Pythius, le lydien.

” … « Seigneur, je souhaiterais une grâce ; daignerez-vous me l’accorder? c’est peu pour vous, c’est beaucoup pour moi. »

Xerxès, s’attendant à des demandes bien différentes de celles qu’il lui fit, lui promit de lui tout accorder, et lui ordonna de dire ce qu’il souhaitait. Alors Pythius, plein de confiance; lui répondit :

« Grand Roi, j’ai cinq fils. Les conjonctures présentes les obligent à vous accompagner tous dans votre expédition contre la Grèce. Mais, seigneur, ayez pitié de mon grand âge. Exemptez seulement l’aîné de mes fils de servir dans cette guerre, afin qu’il ait soin de moi, et qu’il prenne l’administration de mon bien. Quant aux quatre autres, menez-les avec vous, et puissiez-vous revenir dans peu, après avoir réussi selon vos désirs. »

« Méchant que tu es », lui répondit Xerxès indigné, « je marche moi-même contre la Grèce, et je mène à cette expédition mes enfants, mes frères, mes proches, mes amis, et tu oses me parler de ton fils, toi qui es mon esclave, et qui aurais dû me suivre avec ta femme et toute ta maison ? … Ta générosité à mon égard te sauve la vie à toi et à quatre de tes fils; mais je te punirai par la perte de celui-là seul que tu aimes uniquement. »

Après avoir fait cette réponse, il commanda sur-le-champ à ceux qui étaient chargés de pareils ordres de chercher l’aîné des fils de Pythius, de le couper en deux par le milieu du corps, et d’en mettre une moitié à la droite du chemin par où devait passer l’armée, et l’autre moitié à la gauche.

Les ordres du roi exécutés, l’armée passa entre les deux parties de ce corps…”

— Des effets sociaux, profonds, dû au récit iconique du sacrifice d’Isaac

Il serait toujours périlleux de créditer, sans réserve, un récit qui nous parvient du lointain passé, et cela même sans témoin oculaire (Hérodote étant né, à peine, lors de l’invasion de la Grèce). Pourtant, que la véracité de son histoire soit exacte dans ce détail, romancée, où d’ordre seulement apocryphe, il nous transmet une perception largement partagée des comportements seigneuriaux, attendus à l’époque, dont le récit biblique, des actions de Jéhovah à l’égard de Abraham, se démarque si radicalement. Or, voilà, de nouveau, qui explique l’importance cruciale (et la survie multimillénaire) de ce dernier.

Pour les fidèles simples, l’histoire d’Abraham et d’Isaac, ne faisait qu’expliquer pourquoi leur peuple (très possiblement à la différence des tribus voisines) ne pratiquait pas de tels sacrifices humains. Dans un mot : leur Dieu l’avait ordonné ainsi. Mais au-delà de cette évidence, les fidèles, qui écoutaient rituellement la répétition de ce conte, de génération en génération, furent appelés, aussi, à contempler cette question, tant importante, de la caractère morale propre à tout être qui se prétendrait “divin”. Serait-ce un Dieu cruel, qui exigerait le sacrifice d’enfants, en cadeau flatteur ? Ou encore, un Dieu de compassion qui nous défendrait de tels excès de désespoir ? L’histoire d’Isaac nous enseigne (c’est à dire elle nous donne l’opportunité de croire) que ce soit cette dernière réponse la bonne. Et cette croyance produisit, infailliblement, à son tour, des effets de société parfaitement tangibles.

Revenons, à cet égard, aux rois, aux chefs de tribu, et même aux pères de famille, dont l’état, dans la routine de l’obéissance quotidienne, était naturellement apparenté au statut divin. Comment devaient-ils se comporter devant cette exemple ? Lesquels de parmi eux, face aux attentes ainsi insufflées au peuple, pouvaient espérer jouir d’une autorité légitime, et bénéficier des serviteurs les plus dévoués ?

Or, sans changer la nature humaine pour autant (et sans enrayer les outrages évidents du passé) : cette recognition embryonnaire d’une valeur intrinsèque à la vie humaine — introduite en forme de “bijou” religieux, il y quatre milles ans — n’a jamais cessé de produire des effets sociaux, des plus précieux.

Aussi (fait très révélateur) : les épisodes les plus lamentables de notre histoire récente — soit les excès abominables des régimes marxistes (passés et actuels), ainsi que le Reich nazi des années trente, et quarante — furent le fait de personnes qui rejetaient (voire: rejettent) explicitement cette idée, et qui travaillaient (travaillent) assidûment pour supprimer les artefacts, les habitudes — et ultimement les personnes — dont elle dépend pour se propager.

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Frustré dans sa première tentative de traverser l’Hellespont, Xerxès I ordonne le châtiment des eaux de mer, tenus par lui responsable. gravure 1909

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