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Un personnage politique tout à fait extraordinaire : Féministe, Marxiste, et Eugéniste - Euthanasie : De la discussion jaillit la lumière

Un personnage politique tout à fait extraordinaire : Féministe, Marxiste, et Eugéniste

(Tome Deuxième : Sous l’ombre de l’euthanasie — Partie C : L’euthanasie et l’idéologie — Section II : Une description des sources idéologiques de l’euthanasie en Occident — Chapitre : Un personnage politique tout à fait extraordinaire : Féministe, Marxiste, et Eugéniste)

— Une alliance savante de nature et d’art, où l’effet de l’un se voit avantageusement rehaussé par l’autre

La juxtaposition de courage dans la fragilité, qui fut présenté par Helen Keller comme caractère publique, rendait la tache de ses adversaires extrêmement difficile. Car toute attaque directe ne faisait qu’augmenter son pouvoir. Et Helen Keller en était pleinement consciente.

En plus de son intelligence native, et de son éducation avancée, elle exploitait sciemment et magistralement les cartes émotives de son handicap et de sa nature féminine. Mais qui pourrait lui rapprocher ces faits ? L’avantage ainsi gagné ne pourrait jamais fournir un contrepoids suffisant pour pallier aux désavantages énormes qui lui étaient imposés par le sort. Or, le miracle de Helen Keller réside dans l’effet monumental qu’elle ait réussi à produire, en utilisant chaque atome de potentiel dans sa personne et dans ces circonstances.

Habituellement, bien-sûr, de tels caractères ne sont que des personnes-fétiche largement inarticulées, sorties uniquement pour solliciter une réponse émotive; et leurs adversaires parviennent souvent à les neutraliser, dans cet esprit, en les accueillant chaudement avec une condescendance exagérément protectrice. Il en résulte une situation, alors, où les manipulateurs oppositionnels peuvent projeter, à leur égard, une présomption de superficialité dans la compréhension des idées en cause, tout en les témoignant un respect des plus effusif. Dans le cas d’Helen Keller, cependant, de telles stratégies risquaient de se retourner rudement contre leurs inventeurs, car au contraire de la règle générale, son érudition faisaient en tout point un complément digne à la sympathie humaine qu’elle inspirait.

En somme, Helen Keller se trouvait objectivement au-dessus des généralités. En plus de ses preuves de caractère exceptionnel, fournies par le seul fait de pouvoir fonctionner dans la vie active en dépit de son handicap extrême; en plus de sa feuille de route à l’avant-garde dans l’organisation de l’éducation des sourds et des aveugles; et en plus de son rôle d’agitatrice de la gauche révolutionnaire: Helen faisait également partie de la première vague de femmes qui demandait un statut d’égalité, non pas par voie de champions idéologiques interposés, mais personnellement, agissant dans son nom propre.

Pas –pour souligner la grandeur de l’exploit– dans un monde comme celui de la deuxième moitie du vingtième siècle, là où des lois déjà existants, d’égalité des personnes, ne demandaient mieux qu’à être résolument invoquées, mais bien: dans un monde ou les femmes, universellement, n’avait pas le droit de vote, et même pas –dans le système Britannique qui prévalait au Canada– le statut de « personne » devant la loi; et –chose particulièrement difficile à comprendre pleinement de nos jours (là où la pénicilline, la pilule, et l’avortement promettent des remèdes ponctuels aux importunités de la biologie): dans un monde ou les maladies « sociales » mutilaient et tuaient, tandis que les relations sexuelles étaient presque indissociables des responsabilités de la grossesse.

— Le caractère féminin, avant-garde, de Mlle. Keller

Traditionnellement, le portrait littéraire de la femme romantique se restreignait à cette pauvre héroïne qui ne faisait que se complaire, dans son émotivité et dans son impuissance de femme, en attendant l’arrivé du héros sauveur (selon Edmund Spenser, 1552 – 1599, La Reine des fées) ou encore (selon la tendance anti-conventionnelle), cette nouvelle héroïne, torturée, qui se perdrait dans le triste labyrinthe de l’adultère et de l’aliénation sociale, telle que décrite par Tolstoi (Anna Karina) ou par Flaubert (Mme Bovary); et au quel sujet, ironiquement: même la révolte sociale est articulée à travers l’intrigue sexuelle. Car, il semble que l’on imaginait, paradoxalement, que l’évolution personnelle des femmes ait du se produire à l’intérieur des rôles existants.

Les penseurs masculins cités, par exemple, spéculaient (au sujet des femmes) sur différentes formes de relations sexuelles avec les hommes, et alors sur différents contextes d’enfantement; mais ils ne remettaient pas en cause cette prémisse essentielle, voulant que la vie des femme serait définie, d’une façon ou d’une autre –et apparemment pour toujours– par ces relations, et par cet enfantement. La notion plus récente, d’un être humain polyvalent dont le caractère essentiel, et le rayonnement des agissements, ne seraient plus déterminés, uniquement, par la division biologique des rôles sexuelles, était pour l’instant presque inouïe, en dépit de quelques exemples frappants connus de tous (comme une Marie Curé dans la recherche scientifique, ou une George Eliott dans la littérature).

De plus, sous l’enseigne du militarisme montant, même cette ébauche d’exploration subjective était largement répudiée dans une demande impérative aux femmes modernes d’offrir leurs fils et leurs maris en chair de canon; et une demande également impérative (en plus de fabriquer les obus requis sur la champ de bataille) de se consacrer au devoir sacré d’offrir une progéniture maximale au service de la Patrie. L’image offerte à ce moment, alors, aux femmes comme modèle identitaire, était surtout celle de la femme féroce et fière des Spartes –tant étudiée sur les bancs d’école pendant cette période– des femmes qui se disaient les seules au monde à s’enfanter de vraies hommes; des femmes qui demandaient froidement, à leurs fils, aucune faiblesse: qu’ils rentrent à la maison victorieux, ou qu’ils ne rentrent pas du tout (“en portant leurs boucliers”, selon les Moralia de Plutarque, 49 – 125 A.D, “…ou couchés dessus”).

La femme, contemporaine des exploits d’Helen Keller, était ainsi retenue: par la nature, dans la spécificité de sa biologie; par la société, dans un ensemble légal qui l’empêchait de fonctionner de façon adulte et autonome; et finalement, par la conjoncture politique ponctuelle, qui demandait qu’elle exprime sa ferveur patriotique par un enfantement maximal, conçu en geste guerrier, et représenté comme l’équivalent féminin du sacrifice demandé des hommes, sur le champ le bataille.

Cependant (et nonobstant), Helen, elle-même, faisait partie de cette petite fraction, parmi la gent féminine d’antan, qui répudiait délibérément (ou par nécessité) les formes décrites ci-haut; qui s’obstinait à se représenter personnellement plutôt que d’accepter les modèles littéraires et politiques proposés par les hommes autour (quelque soit leur sympathie pour la condition féminine); et qui auraient ultimement obtenu gain de cause dans leurs revendications d’égalité: dans un degré absolument inconcevable pour les témoins de leur génération, et même pour tout dire, bien au-delà de leurs propres espérances.

Alors, il est peut-être difficile de voir, à notre distance temporelle et à première vue –à travers la délicatesse toujours soigneusement étudiée de son style d’écriture féminine du début du siècle dernier– mais une fois dépassé ce premier niveau de sensibilité conventionnelle, nous nous trouvons devant une dureté sans compromis: la frêle forme de la fille prodige, sourde-aveugle de classe dominante, est habitée, en fait, par quelque chose d’entièrement différente. Helen Keller, dans son caractère de femme, que ce soit délibérément, ou par l’effet de son destin particulier, dépassait de loin son époque immédiate. Visiblement, elle répondait d’une image romantique du lexique néo-primitive, encore bien plus radicale et bien plus pur: celle de la véritable femme d’action, à l’image d’une Jean d’Arc, la Pucelle Armée; et même, si je ne me trompe pas: celle de la Valkyrie, ce modèle iconique, sorti de la préhistoire nordique, d’une femme idéale, maîtresse des forets, des mers, et des champs de bataille, dont elle partagerait, avec les héros masculins, les mêmes gloires et les mêmes dangers.

— Une contradiction quelque peu décevante dans les conclusions annoncées

Mais n’est-il pas toujours vrai que cet esprit supérieur, tant révolutionnaire au niveau de ses habilités –et de son sexe– le serait tout autant face aux grands enjeux ponctuels ? Au sujet de la Guerre et de la Paix ? Au sujet de l’humanité, et de la protection des victimes ? Ne peut-on pas présumer qu’un tel caractère s’érigerait, avec toute la force de sa nature, en opposition aux excès tragiques de son époque ?

Et bien malheureusement, si notre but n’est pas uniquement de louanger notre héroïne présente, mais également, de porter sur son caractère un regard plus profonde (et plus honnête): la réponse, je crois, ne serait pas si évidente.

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La Reine des Fées (Faerie Queene), Edmund Spenser (1552 – 1599). Publié 1590, d’une superbe virtuosité poétique, une grande inspiration pour les romantiques du dix-neuvième: ce livre fut le premier conservé uniquement en forme imprimée, aucun manuscrit ayant survécu. Illustration (1897) de Walter Crane (1845 – 1915)

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