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- Le soldat - Euthanasie : De la discussion jaillit la lumière

– Le soldat

22e Bataillon (canadien-français) à St-Jean-sur-Richelieu, QC , hiver 1914
De la 5e Brigade d’infanterie, 2e Division, Forces expéditionnaires canadiennes
Formation : 21 Octobre 1914
Embarcation pour la Grande Bretagne : 20 May, 1915
Le 22e Bataillon avait des effectifs de 1 240 hommes, au départ, et se renouvela cinq fois durant la Première guerre mondiale.

     Le métier du soldat, lui, serait beaucoup plus prometteur. Il est bien plus présent parmi nous ; il est généralement considéré avec beaucoup plus de générosité ; et grâce aux liens élargis d’amitié et de parenté, ses séquelles psychologiques sont largement répertoriées, ressenties, et éventuellement partagées, à travers toute notre société. De nombreuses études sérieuses et sympathiques se seraient réalisées dans le but de comprendre la psychologie des soldats, et de les assister dans l’intégration de leurs expériences. Malheureusement, pour ce qui concerne notre sujet présent, ce matériel confirme formellement ce que nous comprenions tous intuitivement : il existe, bel et bien, des dangers indissociables de la contravention délibérée des tabous entourant l’homicide.

    De prime abord, pour rappeler nos conclusions au sujet du bourreau : il est indéniable que le soldat souffre, lui aussi, d’exclusion sociale, grâce à l’inconfort ressenti par grand nombre de civils, devant sa qualité — jamais tout à fait oubliée — d’homicide ; et même dans la présence de personnes plus généreuses d’esprit — incluant les relations intimes — le militaire type éprouve des difficultés de communication résultant de différences aigues, et tant significatives, entre son expérience et celle des « autres ». Alors, sans pousser notre enquête plus loin, force est d’admettre qu’un tel isolement psychologique soit un fort prix à payer pour avoir choisi ce métier.

     Évidemment, de nombreuses circonstances différencient le fait de tuer, chez le militaire, de celui chez l’exécutant des volontés suicidaires, et en premier lieu, on doit mentionner que la mort du suicide soit présumée volontaire. Soit. Cependant, quoique le militaire reconnaît que ses victimes n’aient pas voulu mourir toutes, il existe des considérations atténuantes dans son cas, aussi — des impératifs personnels et collectifs — dont un assistant au suicide ne pouvait pas bénéficier au cas qu’il puisse, un jour, se trouver accablé des mêmes sentiments coupables. Alors, si nous considérons loyalement l’évidence (que ce sont des sentiments insidieux dont toute la logique possible d’impératif dans l’action ne suffira jamais pour en atténuer les séquelles chez bon nombre de soldats), nous devons aussi comprendre que l’argument rationnel (que tous leurs patients — au moins en théorie — furent volontairement décédés) n’épargnera pas non plus, à bon nombre d’euthanasistes, les tourments ultérieurs d’une conscience inquiète.

    Il resterait, peut-être, l’objection voulant que l’euthanasiste ne « tue » pas son patient, mais plutôt « l’aide » à mourir ; que la pratique ne soit, enfin, rien de plus qu’une intervention médicale bénigne fournie dans une continuité de soins. Mais je ne pense pas que ces subtilités de sémantique soient assez efficaces pour changer les impressions reçues par les individus qui vivent ces expériences sur le terrain du réelle. Aussi, je laisse, au lecteur, le soin de répondre à la question suivante, en consultant ses propres sentiments : Est-ce que quelqu’un de normalement constitué, peut introduire délibérément une substance chimique dans les veines d’un autre être humain –une substance introduit dans le but précis d’arrêter le battement du cœur de ce dernier– sans avoir la conviction intime de tuer son client ? Serai-je vraiment seul à penser qu’une telle facilité de déculpabilisation soit impossible ?

     Ou pour prendre une analogie pertinente : le vétérinaire peut agir pour le bien, en expliquant à l’enfant que son chien serait « endormi » ; mais il est impossible à croire que ce vétérinaire puisse lui-même avoir le moindre doute autour du fait qu’il s’apprête, réellement, à tuer l’animal. Et de la même façon, dans le contexte actuel, il est très possible que les astuces de langage subtilement employées par nos législateurs, dans le but de libérer la pratique de l’euthanasie des contraints du Code Criminel, puisse suffire, aussi, pour encourager, chez une famille largement dépassée dans la complaisance de la désespoir, l’idée qu’il ne s’agit pas vraiment de « tuer » leur grand-maman ; mais il me semble tout à fait impossible que les mêmes astuces puissent changer, dans l’esprit des professionnels impliqués, la compréhension incontournable qu’ils s’apprêtent dans les faits, exactement comme le vétérinaire dépeint précédemment, à terminer la vie de la créature, animal ou grand-maman, qui se trouve sous leurs mains ; c’est-à-dire, sans détour, et d’après  la parole commune : de la tuer.

    Surtout, à la différence du vétérinaire, ces professionnels homicides ne peuvent pas s’échapper si facilement aux inconforts intérieurs soulevés par la réalisation de ces faits, car n’en déplaise à certaines visionnaires, la différence entre un chien et une vieille dame — ou toute autre personne humaine — se trouve, encore de notre époque, très largement considérée comme une distinction actuelle et importante. Pire encore : dans la mesure oû des personnes plus naïves, et imbues d’une confiance plus forte devant l’autorité des législateurs, puissent accomplir sans réfléchir ces gestes finals, sans affronter sincèrement le sens de leurs gestes dans le présent, il me semble raisonnable à prévoir que les séquelles psychologiques, éventuelles, puissent se révéler d’autant plus difficiles.

     Mais retournons maintenant plus directement à notre description de la psychologie connue du soldat. Pour simplifier au maximum, il existe deux problématiques, à la fois contraires et réciproques, qui sont toujours associées à cette démarche militaire qui consiste à prendre des hommes et des femmes, tout à fait ordinaire, pour en faire des tueurs :

     La première, comme nous l’avons déjà constaté, consistent des séquelles psychologiques résultantes de la simple horreur ressentie devant le fait cru de tuer, une horreur qui peut, comme nous sommes informés tous, causer des stresses extrêmes — qui peuvent sournoisement se cacher pendant des années, pour éclater subitement sans raison apparent – des séquelles ainsi repartis sur de longues périodes de temps et souvent pour le reste de la vie, qui se manifestent tant dans les souvenirs inconfortables à l’éveille, que dans les rêves tourmentés au repos.

     Et la seconde, comme on pourrait également s’en douter, consiste dans l’effet contraire, c’est à dire, la possibilité pour certains soldats de découvrir, dans le fait homicide, un plaisir, ou une fascination, dont l’appétit éveillé peut présenter des dangers constants, et pour le sujet, et pour son entourage.

     Dans un mot : quand on évoque la décision collective, de prendre des gens normaux et de les faire passer outre aux tabous contre l’homicide, on court inévitablement le risque de créer des personnes torturées par des sentiments de culpabilité, ou au contraire, de créer des personnes possédant de forts appétits homicides, et même, dans nombre de cas, des personnes qui présentent, qui subissent, et qui infligent, les inconvénients de ces deux profils à la fois ; car il est tout à fait possible de ressentir de la honte et de la révulsion à l’égard de gestes vers lesquelles on se trouve, tout de même, inéluctablement attiré.

     Encore une fois, ce sont, malheureusement, des effets émotifs, psychologiques, et sociaux bien connus du monde des militaires et des anciens combattants, parmi lesquels on dénote des niveaux de détresse, signalés entre autres par le divorce, l’itinérance, la délinquance, les gestes suicidaires, et autres manifestations diverses de l’intégration social difficile — ainsi que la maladie mentale — toujours plus importants que ceux répertoriés parmi la population générale.

     Alors, voici la conclusion évidente de l’application des leçons tirées de l’expérience militaire à notre compréhension du métier d’assistant au suicide, ou d’euthanasiste :

     Si notre résolve tient ferme, d’institutionnaliser publiquement les pratiques de suicide assisté et d’euthanasie, nous serons contraint, avec une certitude égale, à accepter les problématiques sous-jacentes en maux nécessaires, tout comme la communauté militaire doit les accepter : car, ni la défense nationale, ni le suicide assisté, ni l’euthanasie, ne peuvent exister sans des personnes ordinaires réédités en tueurs, tandis que le fait de tuer risquent toujours d’affliger les gens impliqués avec de séquelles psychologiques aussi néfastes que bien connues et catalogués.

    Il serait, d’ailleurs, irresponsable d’accepter les affirmations de certaines euthanasistes prolifiques à l’effet qu’ils ne souffrent pas des maux redoutés ; tout comme il serait irresponsable de nier le phénomène de détresse militaire simplement parce que nombre de soldats en sortent indemne : comme toujours, les anecdotes individuelles ne peuvent aucunement suffire pour représenter le cas général.

    Alors, ce que nous pouvons faire, dans les circonstances, se limite uniquement à nous efforcer à atténuer ces effets de notre mieux, à l’intérieur de nos capacités de prévention et de surveillance.

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