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- Penchant de l’état payeur (et de l’éthique collective de la santé publique) vers un recours, maximal, à l’euthanasie - Euthanasie : De la discussion jaillit la lumière

— Penchant de l’état payeur (et de l’éthique collective de la santé publique) vers un recours, maximal, à l’euthanasie

(Tome Premier : L’euthanasie et le choix — Partie C : l’euthanasie et la médecine — Section II: Hippocrate : tradition et histoire de la profession médicale — Chapitre : la division du marché médical au bénéfice de l’idéal hippocratique — Penchant de l’état payeur (et de l’éthique collective de la santé publique) vers un recours, maximal, à l’euthanasie)

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     Pour comprendre comment la politique canadienne aurait pu instaurer l’euthanasie — comme soin universellement accessible dans tous les établissements ; avec la primauté omniprésente de médecins collaboratrices qui en fut le résultat ; et surtout : sans considérer les besoins qu’avait la majorité non-suicidaire, de recevoir des soins aux mains de professionnels qui auraient abjuré, personnellement, le recours à l’euthanasie (et sans prévoir la survie d’une culture institutionnelle conçue à cette fin) —  il faudrait, d’abord, comprendre correctement la structure de l’économie médicale dans ce pays.

     Normalement (et quelle que soit l’industrie concernée), l’offre de services reflèterait fidèlement la demande consommatrice ; et nonobstant la décriminalisation de l’euthanasie, ce principe nous amènerait toujours à prévoir le maintien d’un octroi de services-santé qui soit résolument fidèle à la préservation de la vie, selon la tradition hippocratique, et telle que demandée par la grande majorité des patients. Pourtant, cette confiance, naïve, découlerait d’une erreur fondamentale dans l’analyse économique : car nous aurions faussement identifié les patients comme les consommateurs des services-santé, tandis qu’en réalité, c’est l’état qui joue ce rôle, payeur unique et seul véritable client du système.

     Or, même si nous soulignons le fait que la société canadienne soit démocratique (et que les priorités de l’état seront fixées — en principe — par la majorité des électeurs), il existe toujours une distinction importante entre l’électorat (composé surtout de gens bien-portants), et l’ensemble des patients aux prises avec des crises individuelles de santé. Sans détour : les intérêts des patients, et les intérêts de l’état (ou des électeurs de l’état), ne sont pas identiques, tandis que ce dernier exerce, unilatéralement, la fonction consommatrice.

     En conséquence, ce serait aux besoins de ce consommateur monopoliste que l’offre des services se moulera, tout naturellement, et cela, avec une précision qui dépasse, souvent, la description, les buts avoués — et même l’entendement —  des acteurs en présence. Car l’économique n’est pas seulement un château intellectuel façonné dans les nuages. Elle possède aussi une fondation empirique ; et il s’y trouvent — dans la description des rapports consommateur-producteurs — des observations qui puissent rivaliser, dans la précision de leurs capacités prédictives, avec les lois de Newton.

     Dans le deuxième tome de cet ouvrage, nous regarderons, en quelque détail, les différences qui existent entre la satisfaction des attentes personnelles des patients, et celles de l’état/client, c’est-à-dire, la différence entre les priorités de la santé publique et celles de la santé individuelle. Devançons les conclusions qui nous attendent dans ce lieu, seulement pour indiquer, ici, que les exigences budgétaires de la santé publique nous sembleraient résulter dans un penchant certain vers une utilisation généralisée de l’euthanasie ; et que ce penchant ne saurait être contrôlé autrement qu’en adoptant, intentionnellement, des contre-mesures adaptées à cette fin.

— Le rôle ambigu du médecin dans le système public

     Dans le système monopoliste canadien, de soins médicaux fournis directement (et uniquement) par l’état, le médecin se trouve à représenter, à la fois, les intérêts du patient, et celles de l’état, dans la dimension critique de l’allocation des ressources. La situation est complexe, certes : car en théorie, le médecin jouirait d’un droit illimité de prescription ; mais les possibilités véritables, de réaliser ces prescriptions, sont parfois très restreintes, ou franchement inexistantes. Dans la pratique, alors, le résultat serait devenu un calcul, dans le jugement du médecin, et devant chaque patient : de ce qui soit nécessaire ; de ce qui soit souhaitable ; et de ce qui soit possible.

     Or, le médecin type ne voudrait pas que ses patients puissent perdurer éternellement dans l’attente irréaliste de traitements fonctionnellement inatteignables ; alors, plutôt que de se lancer, continuellement, dans l’assaut Cervantesque des moulins de l’injustice, il serait beaucoup plus porté vers l’adoption de cette sagesse exposée par St-Exupéry, dans le caractère de son Roi des Étoiles, qui protège sa réputation d’omnipuissance avec la simple astuce de ne jamais promulguer de commande qui puisse rencontrer un refus !

     Mais toujours est-il, que cette attitude peut dissimuler, aussi, le germe d’une collaboration avec l’état qui soit moins bénigne à l’égard du patient.

— L’exception particulière de l’euthanasie

    L’option thérapeutique de l’euthanasie, en particulier, résulte dans un conflit d’intérêt, extrême, auquel nous ne pouvions pas, éthiquement, refuser notre attention. Car disposer de cette ultime option qui soit l’euthanasie — qui règle les cas des patients les plus difficiles, et qui ferme les dossiers les plus lourds – auraient tendance à globalement incliner la balance d’intérêts (tel qu’intimé ci-dessus) en faveur de l’état payeur, et contre toute une classe de patients bénéficiaires, qui sont, aussi (ironiquement), ceux qui auraient le plus grand besoin de soins.

     Serait-ce vraiment la fonction légitime du médecin, que d’épouser les priorités de la bourse collective au point de proposer la mort du patient comme remède à sa maladie ? Et encore : serait-il moralement acceptable, de la part de l’état, que de créer un contexte clinique (tel que l’on en construit un, au Canada, de nos jours) qui puisse encourager le médecin à agir dans ce sens ?

— Le remède hippocratique

     La thèse présentée dans ces pages serait le reflet d’une théorie, qui soit d’une grande antiquité, mais aussi d’une extrême simplicité : que, dans toute circonstance, le médecin doit sa première allégeance à son patient.

     J’en suis convaincu, d’ailleurs, que la quasi-totalité des médecins qui liraient ces lignes seront d’accord avec cette déclaration primaire, et que plusieurs, de surcroit, puissent être offensés, même, par la perception qu’il en ait pu être jugé nécessaire d’en faire la répétition ici.

     Pourtant (et n’en déplaise aux caractères moins méfiants), notre histoire abonde dans des exemples de l’élasticité presqu’illimitée de la conscience humaine — secondée par des pouvoirs réellement merveilleux dans la rationalisation des gestes posés – là ou l’individu agirait sous la pression politique ; et surtout, quand celle-ci se présente dans un aspect d’inévitabilité — voir de normalité — et quand le statut, professionnel et sociale, de la personne impliquée, en dépend.

     Or, la meilleure façon de se protéger, à la fois, de la tentation collective d’en abuser de l’influence publique — et de la tendance symétrique des individus, à collaborer dans les injustices ainsi produites — demeure dans le respect inconditionnel de règles fixes de conduit, simples et claires, qui rendent impossible l’ambigüité qui soit nécessaire à l’enlisement complaisant dans de telles contradictions.

     Traditionnellement, le Serment d’Hippocrate aurait assuré cette fonction protectrice auprès de la communauté médicale. Il fut, certes, le produit d’un environnement intellectuel unique à la Grèce Antique, où furent réunit — possiblement pour la première fois — le désir, et la capacité, de sonder rationnellement la nature idéelle de l’éthique médicale.

     Mais il y en a plus encore : car cet exercice s’est poursuivi dans un environnement économique des plus simples, où le seul lien marchand fut celui qui liait le médecin au patient, où, pour utiliser des termes plus crus : le médecin travaillait pour le patient ; et la conclusion qui s’en fut dégagée à cette époque, reste essentiellement incontestable de nos jours (après l’épreuve empirique de plus de deux millénaires), soit : que dans la pratique ordinaire de la médecine, il existerait, toujours, une part largement prépondérante du marché, dans laquelle le patient type, non-suicidaire, désire surtout l’assurance que son bien (voir sa survie et son confort), serait la seule préoccupation du médecin ; que la satisfaction loyale de cette demande exige un prépondérance de médecins voués inconditionnellement à l’abjuration des pratiques homicides ; et enfin (dans le contexte moderne), que tout projet de satisfaction des demandes minoritaires, de nature suicidaire, soit articulé de telle manière qu’il ne puisse pas entraver les institutions et les pratiques vie-centriques qui sont requises par la majorité.

     Vu dans cette perspective, le génie d’Hippocrate — et cela nonobstant la façon dont les hippocratiens, eux-mêmes, aient possiblement pu comprendre leur mission — réside dans cette distinction rationnelle économique de spécialisation, qui se révèlent tant significative, face à notre problématique actuelle d’encadrer la pratique de l’euthanasie, dans un esprit de respect, devant les choix de chacun.

     Nous retournerons plus tard à cette idée – tant centrale à l’aboutissement de cette réflexion — mais pour préparer adéquatement une telle conclusion, il nous resterait encore l’obligation de tracer le germe hippocratique, dans son évolution historique, à travers les méandres du passé, en interaction avec les modes successives de pensée qu’il aurait rencontré, qu’il aurait influencé (et qu’il aurait survécu, largement intacte) vers un examen de sa pertinence actuelle, au milieu de la grande crise de la pensée postmoderne, là où nous nous situons aujourd’hui.

poursuivre la lecture du texte en séquence linéaire … (Tome Premier : L’euthanasie et le choix — Partie C : l’euthanasie et la médecine — Section II: Hippocrate : tradition et histoire de la profession médicale — Chapitre : La dominance historique de l’idéal hippocratique : à l’Antiquité ; au cours de la Période Chrétien ; et dans la Modernité jusqu’à la deuxième moitié du vingtième siècle)

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