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Chapitre : La dominance historique de l’idéal hippocratique : à l’Antiquité ; au cours de la Période Chrétien ; et dans la Modernité jusqu’à la deuxième moitié du vingtième siècle - Euthanasie : De la discussion jaillit la lumière

Chapitre : La dominance historique de l’idéal hippocratique : à l’Antiquité ; au cours de la Période Chrétien ; et dans la Modernité jusqu’à la deuxième moitié du vingtième siècle

(Tome Premier : L’euthanasie et le choix — Partie C : l’euthanasie et la médecine — Section II: Hippocrate : tradition et histoire de la profession médicale — Chapitre : La dominance historique de l’idéal hippocratique : à l’Antiquité ; au cours de la Période Chrétien ; et dans la Modernité jusqu’à la deuxième moitié du vingtième siècle)

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Le lavement, un traitement fortement recommandé par Hippocrate (illustration médiévale)

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 — Indices remarquables de la place privilégiée des doctrines Hippocratiques au sein des civilisations Hellénique et Latine

    L’idéal hippocratique, avec le serment qui distingue ses disciples, se propageait très avantageusement sur le terrain de la concurrence médicale pendant toute la période Classique. Il passa des Grecs aux Romains, et grâce à l’entremise des successeurs illustres d’Alexandre de Macédoine, ainsi que les Césars des Sept Collines, il se trouva ultimement disséminée à travers tout le monde alors connu.

     Le témoignage le plus éloquent à cette réussite doctrinale se trouve, d’ailleurs, dans le simple fait que nous possédions encore les écrits hippocratiques aujourd’hui. C’est-à-dire, que parmi les quelques rares fragments qui nous restent en patrimoine, issus du monde pré-Gutenberg des Gréco-Romains, les ouvrages des disciples d’Hippocrate se firent copiés et conservés avec suffisamment de soin pour nous être éventuellement remis — largement intacts et de sources multiples — en plus de trouver Hippocrate, lui-même, respectueusement mentionné en bien, et cité en autorité, par de textes classiques provenant d’autres auteurs.

     Ne seraient distingués, de telle manière, qu’un infime nombre de personnes issues de ce passé lointain ; et cette distinction inusitée témoignerait du prestige incontestable d’Hippocrate, quels que soient les faits réels, relatifs au passage éphémère de cet homme dans ce monde. Ou pour être absolument certain : Hippocrate de Cos était — et demeure encore de manière profondément significative – le Père de la pratique et de la profession médicale, nonobstant les détails historiques concernant les origines ou la transmission de ses doctrines, et même à la rigueur : qu’il ait véritablement existé, ou non. Car, quel qu’il en soit des controverses qui entourent la légende : étudier la philosophie et l’éthique de la pratique médicale signifie, en premier lieu, étudier la doctrine hippocratique.

     Par conséquent, aussi, il ne devrait rien y avoir de surprenant, pour nous, ni dans les témoignages de l’enthousiasme avec lequel les maîtres de la Renaissance auraient repris ces idées ; ni dans la place importante occupée par celles-ci dans la formation des écoles embryonnaires de la médecine à l’intérieure des proto-universités européennes. Et de ce fait, l’adhérence à la tradition hippocratique serait devenue à peu près omniprésente parmi les médecins issus de ces écoles, ainsi que les disciples subséquemment formés par eux ; ce qui voulait dire, en somme : qu’à partir de cette époque la quasi-totalité de la médecine occidentale savante devint associée à l’idéal hippocratique, avec (au moins en théorie), tous les mêmes bénéfices dans la relation de confiance entre patient et médecin que nous ayons catalogués dans la période classique.

L’Université de Paris, 14ieme siècle

— Hippocrate au cours de l’Ère Chrétienne

     Pourtant, il y avait une différence très importante entre le monde païen des Gréco-Romains et la société européenne issue de l’Haute Moyen Age ; et cette différence résidait, avant tout, dans le monopole, au sein de cette dernière, des dictats moraux de l’Église Chrétienne.

     Comme principe dominant d’organisation sociale, cette morale absolue aux mains des potentats religieux ascendants — que ce soit d’influence supranationale comme les Papes de Rome, ou essentiellement locale, à l’image du régime Calviniste à Genève — ne se contentait pas de l’articulation d’idéaux de conduite vertueuse, ni de l’exhortation des gens vers l’adhérence raisonnée à ceux-ci (comme firent les écoles philosophiques de l’Age Hellénique), mais s’efforçait, plutôt, d’en imposer l’essentielle dans la forme d’une doctrine unique, supportée par une pratique religieuse uniforme et constante.

    Or, pour comprendre cette période il faut surtout comprendre la simplicité catégorique des jugements moraux épousés. Et c’est ainsi que nous sommes ramenés à la clarté des bornes intellectuelles reconnues par le poète Shakespeare et défendues par lui dans la personne de son Prince de Danemark (circa 1600) : car toutes les différences de nationalité, de géographie, et même de culte Post-Réformation nonobstantes, le Dieu des Chrétiens ne permettait pas le suicide (ni, on peut ajouter ici, l’abrégement des souffrances).

     On s’aperçoit, alors, de deux tendances déterminantes : premièrement, que l’idéal hippocratique se trouva en harmonie avec la morale Chrétienne ; et deuxièmement, comme suite de cette heureuse concordance, que le monopole de l’un garantissait le monopole de l’autre. Et c’est ainsi que la médecine d’Hippocrate devenait, progressivement et à travers tout le monde occidental, la seule médecine officielle — c’est-à-dire, la médecine tout court — telle que nous l’ayons connu jusqu’à très récemment, et en large partie, telle que nous la connaissions encore de nos jours.

     Pour être parfaitement claire : les pratiques des guérisseurs préhistoriques — de meurtre, d’assistance au suicide, d’euthanasie, ou d’avortement — continuaient (et même se perfectionnaient) dans la période chrétienne. Mais la tolérance flexible dans le jugement publique — ce résultat du côtoiement pêle-mêle des cultes divers et excentriques — cette cohue morale qui caractérisait le monde polythéiste de l’antiquité — fut maintenant remplacé par une vision monolithique du cosmos ; et les prétentions aux pouvoirs de la connaissance, naturelles ou surnaturelles, qui ne se réclamaient pas de l’orthodoxie des institutions chrétiennes, furent vigoureusement repoussées à la marge sociétale.

     Au bas de l’échelle sociale, les adeptes survivants des traditions populaires préchrétiennes se trouvaient redéfinis en sorciers et en sorcières ; tandis qu’en haut de cette gradation humaine — là où les prétentions érudites réclamaient les titres augustes de « Maitre » ou de « Docteur » (dont on peut retenir le type subséquent du « Dr. Faustus » écrit par Christopher Marlow, cira 1590) — de nouveaux philosophes/savants (et souvent eux-mêmes des hommes d’Église) furent nés dans la découverte d’une antiquité disparue, intimidante de par sa grandeur magnifique et tant captivante pour les curieux téméraires — ceux enfin qui cherchaient le pouvoir occulte à travers les traces, tièdes mais encore séduisantes, non seulement des Grecs et des Romains, mais des Mages Persiques aussi, des Astrologues Mésopotamiens, des Égyptiens, des Hébreux ; et à la fin, risquaient gros parmi leurs paires, dans la présomption (et même dans la prétention) de fréquentations diaboliques.

     Cependant, tel que nous l’aurions déjà remarqué au sujet des shamans considérés en général : plus ces hommes et ces femmes furent perçus en adversaires du Dieu chrétien, c’est à dire, plus qu’ils furent perçus en agents du mal — damnés et alliés aux forces sataniques  — plus ils furent craints et, paradoxalement, plus ils furent respectés aussi, par le monde croyant ; et par conséquent, plus les gens autour — des plus simples au plus raffinés, et incluant même les Princes de l’Église et les Têtes Couronnées des états souverains — furent parfois enclins, non seulement à créditer leur prétentions au pouvoir, mais bien à en retenir très chère leurs services (et cela même au prix présumé de risque mortel au salut de l’âme éternelle) – et tout ça dans la poursuit illicite de la richesse, de l’amour, du pouvoir conquérant, ou, en ce qui nous concerne ici : de la protection (ou la destruction) des vies humaines.

     Pourtant, tout cette activité, plutôt ouverte à l’antiquité, fut pratiquée dans la clandestinité absolue au temps des Chrétiens, tandis que la médecine qui s’harmonisait avec la nouvelle morale dominante, c’est à dire, une médecine maintenant fermement greffée sur la souche hippocratique, fut officiellement évacuée — et divorcée — des pratiques destructrices antérieures, de par une opposition manichéenne partout comprise : de Médecine Blanche, et de Médecine Noire.

Faust et Méphistophélès, circa 1620

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