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- Une nouvelle perte de la signification commerciale de la distinction hippocratique : une perte due à sa dominance totale au sein de l’unanimité morale du temps Chrétien - Euthanasie : De la discussion jaillit la lumière

— Une nouvelle perte de la signification commerciale de la distinction hippocratique : une perte due à sa dominance totale au sein de l’unanimité morale du temps Chrétien

(Tome Premier : l’euthanasie et le choix — Partie C : l’euthanasie et la médecine — Section II : Hippocrate : tradition et histoire de la profession médicale — Chapitre : La dominance historique de l’idéal hippocratique : à l’Antiquité ; au cours de la Période Chrétien ; et dans la Modernité jusqu’à la deuxième moitié du vingtième siècle — Une nouvelle perte de la signification commerciale de la distinction hippocratique : une perte due à sa dominance totale au sein de l’unanimité morale du temps Chrétien)

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Administrer des médicaments

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     Il est vrai que l’admonition hippocratique, de s’abstenir de faire du tort au patient, souffraient de nombreuses tares pendant le Moyen Age, ainsi que la transition à la Modernité. La saignée est souvent mentionnée pour illustrer ce point ; et il aurait toujours eu, également, des médecins d’esprit expérimental qui poussaient le désire de savoir au-delà des limites éthiques de la souffrance du patient. Pendant longtemps, d’ailleurs, l’Église décourageait les traitements physiques, et privilégiaient uniquement le recours à la prière, à la pénitence, et à la guérison miraculeuse. Il y avait, donc, une tension naturelle entre le développement de la médecine scientifique et les réflexes de la religion. Cependant, pour les chrétiens, la vie humaine demeure un don divin, sacré, auquel l’homme n’aurait pas le droit de porter atteinte, et alors, au sujets de l’homicide, de l’avortement et du suicide assisté, la religion et la pratique Hippocratique s’accordaient tout à fait.

     Or, paradoxalement, nous nous devons de signaler, ici, une déformation substantielle qui s’est produit dans la compréhension de la doctrine hippocratique au moment apparent de sa victoire complète : car dans l’unanimité du jugement moral chrétien, le principe même des bienfaits économiques qui se trouve à la base de la réussite hippocratique — de la spécialisation dans la compétition — fut devenu non-opérant, ou au moins sérieusement amoindri.

     Car, si les natures opposées, de la médecine blanche et la médecine noire, étaient distinctement — et même effroyablement — différenciées dans l’esprit des gens de cette époque, les adeptes des deux tendances, eux, redevinrent inextricablement entremêlés comme au plus lointain creux de la préhistoire : car désormais, il n’y avait plus que la Médecine Blanche qui ait pu ouvertement se manifester dans une masse visible, tandis que la Médicine Noire, elle, ait dû s’y confondre de son mieux, dans un camouflage caméléonesque et dissimulateur.

     Il en résultat, que le patient type n’ait plus pu avoir la même confiance informée, dans son choix de médecin, car tous et chacun se prétendaient « hippocratiques », mais rien n’en prouvait le fait ; et la clarté commerciale, qui prenait source dans cette distinction rationnelle, était de nouveau obscurcie.

     Or, ces faits auront grandement contribué à notre déconfiture présente, puisque la nouvelle dynamique de permission accordée à la pratique de l’euthanasie résulte d’une demande d’autonomie, et de divergence dans une morale de choix subjectif et post-moderne, tandis que la forme de loi, elle, toujours enracinée dans les traditions du passé, en soit une d’exception morale objective (de bien spécifique) : ce qui confirmerait la population (à tort dans cette circonstance) dans son interprétation instinctive des balises judicaires, selon le paradigme absolu. Mais malheureusement, une fois observée à travers la lorgnette de la morale catégorique, la permission de pratiquer l’euthanasie, semblerait, aussi, impliquer la répudiation simple, et globale, de la doctrine d’Hippocrate.

     Alors, il en résultat que ceux qui protestaient les contraintes de la loi précédente se trouvèrent transformés, de par la force des choses, en adversaires idéologiques d’Hippocrate — non seulement des compétiteurs commerciaux — mais bien des ennemis moraux irréconciliables. Car, d’après le schéma manichéen employé, si l’euthanasie se faisait définir en bien, les abjurations hippocratiques ne pourraient se définir qu’en mal. Et (raison peut-être moins étudiée), dans l’esprit des innovateurs ce fut ce même Hippocrate qui les aurait empêché — mille ans durant — de pratiquer à leur guise.

     Peu importe, que ce soit une conclusion hâtive et simpliste — et une conclusion, tristement, qui fut nourrie par une erreur identique chez les défenseurs de la tradition (qui condamnait trop souvent l’euthanasie avec de simples appels à l’autorité d’Hippocrate.) ; décidément, nous n’échapperons pas sans difficulté, aux méfaits nés de cette présomption nocive et facile : qu’à défaut de s’imposer universellement, la médecine hippocratique serait destinée à disparaitre, sans plus !

     Mais, enfin, comment cela se pouvait-il ?

     N’y a-t-il pas, dans le marché modern des services médicaux — autant qu’au temps de l’antiquité Grecque — une place pour le docteur qui ne se permet pas (puisqu’il s’agit toujours d’un choix) aucun geste, ou projet homicide ? Qui se content scrupuleusement, encore, des seules interventions qui visent la protection de la vie, et non son contraire ? N’existe-t-il pas, aussi, une clientèle toujours majoritairement non-suicidaire qui soutiendraient de tels médecins dans la compétition professionnelle ? En quoi, enfin, la présence de praticiens qui offrent l’euthanasie en solution alternative, exige-t-elle une répudiation globale de la pratique médicale, telle que nous la connaissions ?

    Tout au plus, ce qui soit logiquement en jeu se limiterait (dans un monde rationnel) au seul monopole de la pratique hippocratique, dont la perte présente ne diminue, aucunement, ni sa valeur propre, ni sa pertinence distincte.

     Seulement la longue accoutumance de notre civilisation avec les jugements manichéens de la moralité absolue, aurait produit une impression contraire : qu’il ne peut y avoir qu’un seul choix moral ; que non seulement l’autorité morale, mais aussi, sa légitimité, puissent disparaitre avec la perte, pragmatique, de la possibilité (ou simplement de la volonté) d’imposer ses dictats par la force coercitive ; qu’éventuellement (comble de l’ironie), en autant qu’une pratique jusqu’alors prohibée soit légalement permise, qu’elle se serait objectivement révélée, aussi, en « bien » supérieur ! Et alors, que la personne — et même la grande majorité de personnes, qui n’y participent pas (autant chez les patients que chez les médecins) — soient devenues les véritables déviants, les véritables suspects !

     Voilà, brièvement exposée, l’absurdité de notre temps : produite par l’incompréhension d’une transformation philosophique toujours incertaine et inachevée ; produite, dans cette circonstance, par une population qui se montre peu incline à s’attarder sur la complexité de la morale plurielle, mais qui demande, tout de même, des politiques fondées dans la neutralité du choix subjectif ; produite, enfin, dans l’adulation d’un vaste corpus de production culturelle — paradoxalement conformiste dans l’uniformité de son message — qui présumerait, d’emblée, qu’il y ait infériorité dans toute opinion ou comportement majoritaire.

     Voilà l’absurdité de condamner la pratique hippocratique, non pas grâce à des vices qui lui sont propre (et qui la gênerait à l’intérieur des limites de son activité propre), mais seulement parce que la loi n’exige plus le respect de ses principes en exclusivité ! Voilà, enfin, le sens percutant de la veille plaisanterie Bolchevik : « Tout ce qui n’est pas obligatoire est défendu ! »

     Heureusement, il est tout à fait possible qu’au futur cette absurdité puisse être corrigée avec la réhabilitation de la pratique hippocratique : perçue comme une option spécifique parmi d’autres (et même en option majoritaire par défaut) ; perçue, finalement, dans sa signification originale, de spécialisation commerciale, telle que présentée dans la période classique, et non plus dans son apparence monolithique de l’époque chrétienne. Car l’existence, aujourd’hui, d’une petite minorité insatisfaite de ce service (et légalement capable, tout de même, de chercher satisfaction ailleurs), ne signifie en rien que la majorité doive consentir à s’en priver de ses bienfaits.

     Dans la confusion actuelle, d’ailleurs, une opportunité nouvelle se présente pour réduire la méfiance témoignée par tant de patients à l’égard de la profession médicale : car le médecin type peut maintenant rassurer ses patients proactivement, au sujet de son adhérence personnelle à l’idéal hippocratique. Et puisque la légalité de l’euthanasie rend inutile la dissimulation affectée, jadis, par les auteurs de cette pratique : les mots sincères du médecin hippocratique trouveront, probablement, une réception des plus favorables.

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Miniature. Source : Le Grand Passionnaire Enluminé de Weissenau, Allemagne, circa 1170 – 1200 A.D. Sujet : La guérison par la foi

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