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Chapitre - L’Exception érigée en règle, ou : Ce qu’Alice trouva de l’autre côté du miroir - Euthanasie : De la discussion jaillit la lumière

Chapitre – L’Exception érigée en règle, ou : Ce qu’Alice trouva de l’autre côté du miroir

(Tome Premier – L’Euthanasie et le choix : Partie B – L’Euthanasie et la clientèle : Section II – La morale et la loi : Chapitre – L’Exception érigée en règle, ou : Ce qu’Alice trouva de l’autre côté du miroir)

« Through the Looking-Glass, and What Alice Found There » (1871) par Lewis Carroll (Charles Lutwidge Dodgson, 1832 – 1898), Illustration par Sir John Tenniel (1820 – 1914) : « La vitre commençait à fondre dans une brume argentée … »

— L’effet de l’exception

    J’aimerais souligner, à cette joncture, un corollaire du procédé de la morale traditionnelle, au sujet des exceptions aux règles, qui touche de près le discours présent, soit : que l’admission d’une exception, loin d’être un fait trivial, devient une opération morale de la première importance.

     En fait, cette admission devient fonctionnellement équivalente à l’identification d’un nouveau « bien » (et même d’un bien supérieur !) car l’exception serait admise uniquement pour permettre la réalisation du meilleur choix dans un cas particulier. Ou autrement dit : Si le choix ne s’imposait pas de par sa supériorité morale, on n’admettrait pas l’exception !

     En conséquence, d’autant que l’interdiction soit impérative, d’autant, aussi, doit être la force de justification requise pour la supprimer, c’est-à-dire, pour cautionner l’exception. Or, les interdits au sujet de l’homicide qui furent annulés pour permettre la pratique de l’euthanasie (interdits du Code Criminel du Canada), sont littéralement les plus forts connus, et, alors, ainsi serait-il, aussi, de la force de l’exception.

— L’Application de ce principe dans l’analyse des exceptions retenues pour décriminaliser l’euthanasie

     À l’origine, même la prohibition du suicide était absolue. Elle était assortie de sanctions sévères : la tentative de suicide, non réussie, pouvait (et peut encore) aboutir dans un emprisonnement protecteur de duré indéterminé ; tandis que la réussite fut punie, elle — au moins parmi les gens de l’Ère Chrétienne — non seulement avec la confiscation des biens du décédé (une forte protection contre les pressions rapaces exercés par des héritiers peu scrupuleux), mais aussi, en empêchant le corps du coupable d’être enterré suivant les rites jugés nécessaires pour la salvation de son âme.

     Mais, ce n’est pas encore là, la principale : car l’euthanasie ne se relève pas du seul suicide ; alors, même si le suicide pouvait se décriminaliser (Canada, 1972) sans affirmer la nature éthique du geste, il n’en fut pas ainsi avec le suicide assisté et l’euthanasie, eux, qui sont l’œuvre de tierces personnes. Ces gestes, jadis, furent punis, sans distinctions particulières, comme des meurtres simples, puisqu’ils furent prohibés en vertu de cette interdiction qui étaient — de tous temps — la première parmi toutes : l’interdiction contre l’homicide.

     Or, ce serait à cette interdiction ancestrale, ainsi qu’à tout le bagage philosophique qui l’entoure, à laquelle certaines visionnaires se seraient attaquées sous la bannière de la « Mort dans la Dignité ». Mais paradoxalement, aussi, et grâce à « l’autorité de l’exception », ce serait, également, toute la force de cet interdit qui se trouve présentement instrumentalisée dans la promotion de la mise-à-mort médicalisée.

     Car il ne peut y avoir d’ambiguïté sur ce point : le « bien » présumément représenté par la mise-à-mort exceptionnellement autorisée, doit être réputé supérieur aux bienfaits d’un maintien intégral de l’interdit de tuer ; et en corollaire : le fait de tuer un individu à l’intérieure des définitions de l’exception accordée, serait un geste réputé de vertu équivalente (ou encore plus grande) au fait d’empêcher la mise-à-mort de tout autre personne, dans toute autre circonstance.

     Tel serait, d’emblée, la signification et l’exigence de l’exception morale (si exception légitime il y en a). Seulement de cette façon peut-on comprendre la nouvelle doctrine distillée à partir du jugement de la Cour Supreme du Canada (2015) — tant étonnante et encore totalement opaque pour la compréhension intuitive de plusieurs — que le refus de tuer quelqu’un puisse constituer un atteint à son droit vital.

— La justification de l’exception

     Décidément, pour justifier de telles conclusions, ça nous prendrait des mobiles d’exception qui soient extrêmement sérieux. Et la seule volonté de mourir ne saurait suffire à cette exigence : le code criminel spécifie toujours, en toutes lettres et sans détours, qu’il soit un crime de tuer, même si la victime désire et demande la mort ; et encore plus certainement, aucune intensité de désir suicidaire ne pourrait jamais obliger la collectivité de prendre la vie à quelqu’un.

     Par contre, une exception impérative fut créée autour du simple fait de souffrir d’une condition médicale : d’être malade ou d’être handicapé. Dans ce cas, les professionnels de la santé auraient non seulement la permission, mais bien le mandat, de tuer.

     Alors quand on nous dit, comme ce serait souvent dit — avec force et avec émotion — que la justification principale de l’exception soit la volonté de la victime, nous nous devions de comprendre que ce ne soit pas juste — au moins, pas en ce qui concerne cette exception, spécifique, telle qu’elle soit définie de nos jours.

     Ce serait possible, bien sûr, d’articuler une exception qui soit réellement fondée dans la volonté de mourir, mais puisque la loi que l’on connait n’autorise personne à chercher l’assistance à mourir — autre que les malades et les handicapés — force est de conclure que la raison d’être, et la condition essentielle de l’exception dans sa forme actuelle, soit la maladie ou le handicap, et non la volonté.

— La dérive face aux attentes ; et face, peut-être, à l’intention

     Voilà des faits très crus, certainement très dérangeants, mais qui demeurent toujours des faits, dont nous ne pouvions pas nous en échapper, grâce à la nature des opérations morales employées (de prohibition catégorique et d’exception) – ainsi que les formes de loi qui en découlent

     Oui. Il se peut bien que le lecteur moins méfiant puisse vouloir céder à la tentation de tourner des coins ronds dans l’argumentation, d’affirmer, par exemple : que nous nous comprenions mieux que ça ; que nous ne nous trompions pas dans l’intention véritable ; que de toute façon, l’important soit de répondre à l’impératif dans l’action, et de secourir les souffrants dans le besoin – et non pas de s’embourber dans d’obscurs distinctions théoriques. Pourtant, les idées, les justifications — les raisons de nos gestes — produisent aussi des effets dans la réalité : qui sont distinctes de celles des gestes eux-mêmes ; et qui peuvent être encore plus importants qu’eux.

     Or, le principe moral, articulé dans la loi d’exception qui aurait donné naissance à l’aide médicale à mourir, semblerait clairement nous enjoindre cette maxime : qu’il soit repréhensible de tuer quelqu’un de bien-portant, même si cette personne nous en supplie ; mais qu’elle soit, tout au contraire, un geste vertueux — et même un devoir collectif — de tuer toute personne malade ou handicapé qui en ferait la demande identique.

     Plus encore : à la limite extrême du constat incrédule, nous serions appelés, aujourd’hui, à créditer cette proposition invraisemblablement sinistre : que la société canadienne (telle qu’exprimée dans ses lois et dans ses institutions) procéderait délibérément à la liquidation finale des individus malades ou handicapés — et ce jusqu’au tout dernier — à la seule condition que ces personnes en signifient leur consentement.

     (Et ce faisant, loin de ressentir les relents de l’hésitation ou du remords, nos mandataires homicides seraient encouragés à se féliciter dans la satisfaction d’un devoir noble de compassion, vertueux et loyalement accompli.)

     Impossible dans ce cas (soutiendrais-je avec énergie), d’échapper à la conclusion triste que la mort des personnes malades et handicapées soit socialement accueillie, de nos jours, comme un bienfait, en principe et en général. Car visiblement, la collectivité aurait fondé cette loi d’exception décriminalisant l’euthanasie — à la négation même de l’interdiction de l’homicide — sur une présomption de bien dans la mort de ces personnes.

     (Remarquez bien, à ce sujet, qu’il importe peu que cela soit arrivé délibérément ou par accident : les extravagances observées dans la mise en application de l’euthanasie, à travers l’industrie médicale canadienne, sont toutes aussi réelles, qu’elles soient les effets d’un dessein conscient, ou les simples sous-produits aléatoires de compromis politiques contextuels.)

     Voilà donc, le plus pernicieux des effets de l’application malencontreuse de cette logique d’exception catégorique, soit : le cautionnement officiel qui serait maintenant accordé aux préjugés populaires — préexistants et défavorables – au sujet d’une moindre valeur dans la vie des personnes qui souffrent de maladies chroniques ou d’handicaps irréversibles, qu’elles soient de nature psychologique ou physique.

« Un moment de plus et Alice avait traversé la vitre … »

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