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Chapitre : Le suicide assisté, et l’euthanasie, présentés dans une cadre de morale objective : des constats qui s’imposent - Euthanasie : De la discussion jaillit la lumière

Chapitre : Le suicide assisté, et l’euthanasie, présentés dans une cadre de morale objective : des constats qui s’imposent

(Tome Premier : L’euthanasie et le choix — Partie B : l’euthanasie et la clientèle — Section II : la morale et la loi — Sous-Section II a) : La morale dite « catégorique », « objective », « universelle », ou « absolue » — Chapitre : Le suicide assisté, et l’euthanasie, présentés dans une cadre de morale objective : des constats qui s’imposent)

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Emmanuel Kant 1724 – 1804, père de l’impératif catégorique : « Agis uniquement d’après la maxime qui fait que tu puisses vouloir en même temps qu’elle devienne une loi universelle. » D’après Kant : la moralité ne change pas avec la perspective ; devant une cause criminelle, une personne « morale », arriverait à la même opinion du bien, indépendamment du fait qu’elle soit assise à la place du juge, du témoin, ou du condamné (peintre inconnu circa 1790)

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— Une absence de consensus concernant le bien objectif du suicide assisté

     Dans la section présente du texte, intitulé « La morale et la loi », nous avions commencé avec une description de la morale objective, c’est-à-dire de notre system de pensée traditionnelle, voulant que le « bien » existe en fait, au-delà des préjugés et des désirs humains (un bien dont la découverte serait imputée à la révélation divine, ou encore, à l’opération collective de la pensée rationnelle).

     Selon ce principe, il s’ensuit que les êtres humains partagent deux devoirs à l’égard du bien : premièrement, qu’ils doivent admettre sa nature comme vérité objective, confirmée dans la perception de tous ; et deuxièmement, qu’ils doivent s’engager à suivre ses préceptes, mêmes aux dépens de leurs propres intérêts et désirs.

     Voilà le paradigme moral qui inspirait, jadis, les dispositifs du code criminel Canadien à l’égard des gestes homicides qui sont indissociables du suicide assisté. En vertu de ce paradigme et de ce code, il fut (au moins en théorie) admis par tous : que l’homicide, même pratiqué à la demande de la victime éventuelle, fut un « mal » ; et, que la personne, qui aurait pratiqué un tel homicide, fut un malfaiteur.

    Il s’ensuivrait que pour modifier ces conclusions, c’est-à-dire pour légaliser le suicide assisté (sans, pour autant, changer de paradigme moral) : il aurait fallu que le consensus moral ait changé de manière fondamentale, de sort que l’homicide d’une personne consentante ne soit plus perçu en « mal », mais, tout ou contraire, universellement admis en bien.

     Or, cela ne s’est pas produit ; cette condition n’a pas pu se satisfaire ; et il ne s’est jamais établi de consensus moral autour du statut universellement bien du suicide assisté.

— Une substitution de subjectivité : insatisfaisante à son tour

     Réellement manifestée, par contre, fut une volonté populaire d’affirmer un droit à l’individu de choisir son propre sort, selon ses seules lumières subjectives. Ce qui n’était plus, alors, un simple changement de conclusion morale à l’intérieure du système existant, mais plutôt, une répudiation du système en soi.

     Remarquez bien, cependant, que cette proposition énoncée, de transfert moral vers une justification de source subjective, n’ait pas plus gagné, elle-même, suffisamment d’unanimité pour prétendre relever d’un statut universel ou objectif. Tout au plus elle se serait montrée suffisamment fort pour franchir cette première barre d’acquiescence sociale, passablement plus bas, qui se situe dans un changement de loi par voie démocratique. Elle ne représenta pas, alors, un véritable consensus, mais elle s’est imposée tout de même en fait accompli. Et c’est ainsi que la collectivité s’est trouvée, effectivement, assise entre deux chaises.

— Une appropriation illégitime de l’autorité scientifique pour occulter le problème moral

     Évidemment, la tendance naturelle du bon peuple aux prises avec ces problèmes – non de manière théorique, mais pratique – fut de tenter la quadrature du cercle en travaillant les conclusions, du nouveau système, selon les formes et les méthodes de l’ancien. Mais un tel procédé ressemble, malheureusement, aux efforts naïfs de tailler la pierre avec des instruments adaptés au bois, ou encore, de travailler la finition du béton avec des outils conçus pour le petit jardinage. Cela peut se faire, un peu, mais le résultat ne saurait satisfaire.

     Surmonter ce problème, d’ailleurs, s’est avéré beaucoup plus compliqué que l’on aurait voulu croire : car les notions de « bien » et de « mal » (non figuratives, celles-ci, ni malléables, mais bien, réelles et catégoriques), sont apparemment trop profondément ancrées dans la psyché humaine pour facilement s’en défaire.

     Alors, contre toute évidence (et contre tout bon sens aussi), nos décideurs se sont prêtés à une dernière manœuvre pour invoquer la justification objective – cette fois, sous la bannière de la science pure.

     D’après cette vision, le suicide assisté serait traduit en « euthanasie volontaire » et cette dernière serait redéfinie, à son tour, en « soin médical », de sorte que les concepts de suicide, d’homicide, et tous les problèmes moraux qui y soient afférents, disparaitraient : évacués ensemble d’un seul coup ! Aux yeux de plusieurs, il semblait que cela permettrait de retenir une cadre catégorique, tout en esquivant, complètement, la question de moralité. On ne ferait que substituer l’autorité scientifique pour celle de la morale, pensa-t-on, et le tour serait joué !

     Mais que peut-on en dire du résultat ?

— Les effets malheureux d’avoir caché la moralité sous une patine de science

     D’Abord, c’est un exercice théoriquement impossible, vu que consensus objectif il ne peut jamais y en avoir quand le tout dépend, toujours, de la subjectivité du patient (autant face aux « euthanasies volontaires » que face aux « suicides assistés »). La prétendue « autorité » scientifique du médecin n’est plus qu’une illusion sordide. En réalité, son jugement se restreint à la simple vérification des critères d’admissibilité fournis par les pouvoirs politiques. Car la science sert, elle ne dirige pas. Au niveau sociétal, le problème moral reste entier.

     Mais ce n’est pas tout. Car il en résulte, aussi, des inconvénients nouveaux. En premier lieu, le bénéfice principal de l’ancienne prohibition du suicide assisté, fut la protection des personnes dites « vulnérables », c’est-à-dire : toutes celles qui seraient — dans l’absence de cet interdit — sujet aux pressions d’un entourage possiblement désireux d’orchestrer une acquiescence fatale. Mais voilà, qu’en essayant de limiter l’exercice nouveau d’une liberté potentiellement néfaste, que nous ayons produit des définitions de suicides « bien » qui ciblent directement, et explicitement, la clientèle jadis protégée !

     Ensuite, y aurait-il les torts prodigués à l’endroit de la profession médicale. La science pure n’a pas de morale. Avec lucidité, et avec la pleine conscience de ses actes, Albert Einstein admettait le potentiel destructeur des recherches, mais niait, pour autant, toute responsabilité éthique de la science, ou des chercheurs.

     La médecine clinique, par contre, est une science appliquée. La médecine, en conséquence, en a une morale : très spécifique celle-ci ; non universelle, mais propre seulement à l’exercice de cette profession ; une morale qui s’est évoluée organiquement à travers les millénaires, très délibérément, vers la perfection d’une relation de confiance entre médecin et patient.

     Or, l’introduction de tout mandat homicide dans la pratique médicale se fait aux dépens de cette éthique (et aux dépens de cette confiance). Et le mandat imposé dans ce cas se trouve, même, singulièrement adapté pour nuire, car elle serait, en plus : catégorique (puisque garanti à toute personne admissible selon les critères retenus) ; et universelle (puisque disponible dans tout établissement de la santé).  Alors, pour fournir une prétendue légitimité « objective » au droit de suicide assisté (qui demeure toujours aussi chimérique dans l’occurrence), nos décideurs se seraient permis de sacrifier la médecine, telle qu’on la connaissait, et les traditions si rigoureusement éprouvées par ses pratiquants.

     De manière évidement abusive, nous aurions instrumentalisé l’autorité scientifique pour préjuger la conclusion d’un nouveau « bien » (universelle, et objectif) dans la mort volontaire des malades. Nous avions même fondé cette conclusion sur la force d’une exception dite nécessaire ; et nous avions placé, de ce fait, le choix suicidaire au-dessus du choix de survie. Et alors, incidemment — fortuitement et en passant – nous aurions aussi réveillé, de nouveau, les terribles potentialités de l’euthanasie simple, si heureusement demeurées dormants pendant un bon trois-quarts de siècle.

— Le « soin » médical de tuer son patient : une déformation de langage aux aboutissements multiples

     L’ensemble de ces torts trouve ses racines, bien sûr, dans cette toute petite définition arbitraire d’homicide médical en « soin » (une définition sans légitimité dans la tradition médicale – d’origine politique simple, judicaire et législative). Car à partir de ce concept de convenance, toute la liste des catastrophes présentes s’ensuit de manière logique et inéluctable – en fait, proprement mécanique : 1) un changement de loi postulé sur l’autorité de la science médicale ; 2) une nouvelle présomption de « bien » implantée dans l’esprit populaire grâce à l’autorité morale d’une loi d’exception ; 3) une réorganisation globale de l’industrie médicale pour favoriser l’euthanasie systématique des malades et des handicapés 

     Tout cela, puisqu’il nous aurait manqué le courage, en partant, pour accorder franchement un droit subjectif à mourir (ou, au contraire, pour refuser catégoriquement celui-ci). Car devant ce choix sévère, nous juges et nos élus se sont perdus dans les dédales de la tergiversation, de l’absurdité et de la catastrophe : pour établir une fausse autorité objective ; pour abandonner la défense de la personne vulnérable ; pour vandaliser la médecine ; pour vandaliser la loi ; pour invalider la présomption de la valeur égale de chaque vie humaine ; et pour hypothéquer, ainsi, l’intégrité de notre société humanitaire.

     Dans un mot, la tentative de marier l’objectif au subjectif dans cette circonstance fut une débâcle simple.

— Une obligation impérative de reconsidérer, si non les buts visés, aux moins les méthodes employées

     Et c’est ainsi que dans un chapitre préalable il eut été question d’une coulée de nouveauté qui aurait fondamentalement cassé le moule existant, philosophique et légal. Manifestement, la morale objective ne serait aucunement le véhicule philosophique approprié pour pratiquer cette innovation dans la loi.

     Décidément, faudrait-il se demander, ici, comment les choses en auraient pu s’agencé autrement. Mais pour faire cela, il faudrait d’abord réexaminer toute la notion de « choix », ainsi que les implications, morales et légales, de permettre le choix, sans prétendre le justifier (du moins, pas objectivement). Et telle sera notre matière dans la prochaine section de ce texte.

Poursuivre la lecture du texte en séquence linéaire… (Tome Premier : L’euthanasie et le choix — Partie B : l’euthanasie et la clientèle — Section II : la morale et la loi — Sous-Section II b) : La morale dite « subjective »)

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