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La morale dite « subjective » - Euthanasie : De la discussion jaillit la lumière

La morale dite « subjective »

(Tome Premier : L’euthanasie et le choix — Partie B : l’euthanasie et la clientèle — Section II : la morale et la loi — Sous-Section II b) : La morale dite « subjective »)

Chapitre : Comment la morale subjective – relative, contextuelle et personnelle — se distingue de la morale universelle, catégorique, et objective

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Friedrich Nietzsche (1844 -1900) n’utilisait pas le vocabulaire présenté ici. Cependant, il qualifiait toutes les règles communes (objectives) de la morale Chrétienne (et des lois démocratiques) comme des dictats relevant d’une « moralité d’esclave ». Cette moralité se trouvait, pour Nietzche, en opposition avec la « moralité de maitre », fondée elle, uniquement dans les besoins et les désirs (la puissance) de l’individu (libre) et donc de justification subjective. En combinaison avec (notamment) la « conscience collective » (nationale) de Georg Hegel (1770 – 1831) et « la survie du plus fort » (évolutionnaire) de Charles Darwin (1809 – 1882), les doctrines de Nietzsche facilitaient la justification, par leurs auteurs, de plusieurs des pires tragédies du vingtième siècle.

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— L’objectivité morale : un système conçu pour bien vivre ensemble

     À travers tout le travail des législateurs et des moralistes d’antan, nous pouvions répertorier un souci de produire un code de comportement, simple et compréhensible, invariable autant que possible, partagé par tous, et dont les gens raisonnables s’accorderaient pour dire que le respect intégral de ses maximes produirait les meilleurs résultats dans l’ensemble.

     Ironiquement, cependant, il se pose immédiatement une question des plus difficiles, au sujet même de l’objectivité, à savoir : qu’entendions-nous par cette petite phrase « les meilleurs résultats » ? Que choisirions-nous comme « bien suprême » ? Est-ce le bien matériel de la communauté ? Est-ce l’auto-réalisation maximale de chaque individu ? Est-ce le salut de l’âme éternelle ? Ou est-ce la protection d’un nombre maximal d’espèces vivantes sur cette planète ? Clairement, il existe des conflits profonds entre ces choix. Et n’en déplaise aux idéologues qui prétendraient tout harmoniser dans leur visions propres : de conflits profonds il en restera, de toute évidence, toujours. Tout au plus pouvions-nous dire que le « bien suprême » objectif se doit de tenir compte du bien-être commun (d’une manière ou d’un autre) sans quoi il ne pourrait jamais gagner le consensus nécessaire.

    Mais passons toujours sous silence cette problématique, tant épineuse — et tant caractéristique de notre époque. Procédons, seulement, avec la présomption hypothétique qu’il soit possible, en principe, d’arriver un jour à ce bienheureux « consensus » universel de morale objective. (Et admettons, pourtant, de par la même occasion, que la confrontation des subjectivités se manifeste, dès le départ, comme une sorte de « péché original » philosophique, apparemment impossible à résoudre tout à fait.)

— Le fort prix exigé de quelques-uns, pour soutenir le consensus objectif de plusieurs

     La méthode universelle et catégorique exigerait que nous nous entendions pour trancher toute question avec finalité : soit pour justifier des comportements en « bien » soit pour les répudier en « mal ». Aussi, quand cette méthode serait appliquée dans un système coercitif : les crimes seraient définis ; les proscriptions seraient publiées ; et les coupables, pour être précis, se feraient châtier.

     Mais qu’espère-t-on réellement accomplir ainsi ? Espère-t-on enrayer le mal ? Espère-t-on empêcher les crimes ?

     À vrai dire, non. Pour la plupart (et paradoxalement) les moralistes acceptent la présence permanente du « mal » (de définition aussi difficile, d’ailleurs, que le « bien »).  Car d’après l’expérience décevante du passé : des crimes nous en aurions toujours eu ; et des crimes aussi, allons-nous toujours en avoir.

     Mais qu’importe! Le but principal de l’interdit ne concerne pas vraiment l’élimination des crimes comme tels. Le vrai effet désigné de ces prohibitions en est un de perception et d’autodéfinition morale de la société elle-même : que les gestes proscrits (tel le suicide) soient condamnés dans la conscience publique ; que l’individu soit imbu d’un désir de se distancer de l’opprobre de ces gestes ; que cette association, mentale et émotive, se produise dans un très jeune âge ; et que le citoyen adulte possède, ainsi, un réflexe instinctif de répudier toute tentation vers le délit. Le tout se présente, en fait, dans une sorte de vaccination collective : pour renforcir le tissu moral de la société ; et pour se prémunir ensemble, au niveau psychologique, contre le fléau du mal

     Or, selon ce modèle, le cas particulier – c’est-à-dire l’individu particulier —  ne pouvait jamais accéder au rang d’exception devant l’application uniforme des codes. La consigne est universelle. L’individu serait condamné sous la règle existante. Nous pouvions compatir ; nous pouvions sympathiser ; nous pouvions même prêcher la charité et le pardon – (peut-être à la limite la tolérance, aussi) ; mais dans aucun cas pourrions-nous positivement approuver l’intention ou le geste proscrit. Dans d’autre mots : au cas où celui-ci se présenterait en délinquant, tout le poids de l’ajustement moral, entre la société et l’individu, tombe à la charge de ce dernier.

     Soumis au châtiment, enfin, le criminel se verrait condamné à une célébration rituelle de punition et d’expiation (et possiblement de rédemption aussi). Mais le but visé n’aurait que très peu de rapport avec le délinquant en soi. Ce spectacle s’agissait, plutôt, d’un dialogue entamé parmi les membres « moraux » de la société. En premier lieu voulait-on positionner la communauté (et chacun de ces membres) en adversaire conscient du mal, de sorte que celui-ci en soit marginalisé ; et que la société soit ainsi moralisée ; ou, à tout le moins, que la société ait pu aspirer consciemment à la moralité (ce qui, pour l’homme, soit déjà un pas important).

     Pour leur part, les délinquants, eux, ne figuraient qu’en exemples cautionnaires dont la valeur principale résida dans l’exhibition de leur exclusion, ou, comme dirait-on aujourd’hui : de leur déshumanisation.

     Malheureusement, cependant, il serait très évident que l’imposition d’un tel code, unique et applicable à tous, aboutirait inévitablement dans des injustices spécifiques.

— une compassion qui s’exprime dans le relativisme contextuel ; les limites de cette méthode sous le sigle objectif

     Étant profondément conscients des imperfections de leur méthode, et étant sincèrement mues, aussi, par l’amour de leurs prochaines, les moralistes d’antan auraient tenté avec diligence, et bonne volonté, à définir des exceptions formelles (érigées en règles à leur tour) qui aient pu pallier à certaines de ces inconvénients.

     On aurait souvent dit, par exemple, que l’homicide ne soit pas toujours mal ; qu’en certaines circonstances il serait même un « bien » ; qu’il pouvait avoir des situations de défense légitime — de soi, ou de la nation ; que « tu ne tueras pas » ne serait pas, alors, un commandement sans nuance. Et c’est ainsi que chez les successeurs de Kant, la morale catégorique se seraient penché, de plus en plus, vers le relatif et le contextuel.

     Pourtant, il ne faudrait pas confondre la simple relativité contextuelle (dans les jugements collectivement admis), avec une véritable personnalisation du jugement,  c’est à dire : avec la subjectivité proprement dite. Car, quelles que soient les limites élastiques de la morale objective, il n’en demeure pas moins que ce paradigme demande un consensus partagé, tel que deux observateurs — devant les mêmes faits — puissent arriver aux mêmes jugements.

     Or, une telle condition exige le trait de lignes très nettes. Et ces lignes — entre ce qui soit permis et ce qui ne le soit pas — fonctionnent aussi en frontières sociales, pour séparer le monde « bien » des contrevenants délinquants, de ceux qui se trouvent, de ces faits, dépouillés : des droits moraux ; des droits civils ; et en bonne partie, du respect humain tout court.

     Décidemment, pour répéter notre constat antérieur, ce sont des questions très lourdes de conséquence pour toute personne dont les comportements se trouvent à l’extérieur des bornes de l’acceptable.

— Une réaction de révolte qui s’érige sur la subjectivité souveraine

      Mais qu’en est-il, plus précisément, de ces personnes qui se trouvent poussées vers la marge, voir à l’extérieur de l’appartenance du consensus, social ? Celles, pour lesquelles les noms personnels seraient subitement remplacés par des épithètes publiques, sciemment agressive et insultantes, telles « drogué » « voleur » ou « putain ».  Comment jugeraient-elles de la moralité ainsi construite à leur dépens ? Accepteraient-elles d’intérioriser l’opprobre imposé par la collectivité ? Consentiraient-elles à souffrir cette tare ? Le Diable insoumis de William Blake (1757 – 1827) épouserait-il les contraintes de l’autorité divine ?

     Convenons-nous-en que les chances en soient assez minimes (et certainement quand il en existerait un choix). Car même si les marginaux auraient normalement le reflexe de se conformer par nécessité, ils ne le font que très rarement de bonne mine ; et pour ceux qui possèdent le caractère et les ressources nécessaires, ils existent, aussi, des capacités appréciables de dissimulation et de révolte. Surtout, pour ce qu’il y a des considérations morales : la créativité humaine se prouve presque sans limites, là où il s’agit pour l’individu de se justifier envers lui-même.

    Or, c’est ici, enfin, que se trouve l’inspiration fondamentale de la morale « subjective » sans compromis : un paradigme moral (contrairement au modèle objectif décrit) pour lequel la pensée, la perspective et l’expérience personnelle peuvent tout justifier ; suffisants en soi ; sans référence à autrui.

     Et, bien qu’il soit toujours possible, qu’une morale de dérivation subjective puisse privilégier l’intérêt collectif : l’expérience nous révèle que ce ne soit pas nécessaire ; et que ce ne soit pas typique. Car au besoin, et selon les préceptes épousés, la perspective et les intérêts collectifs auraient tendance à disparaitre, tout simplement, sans importance aucune.

    Et voilà, sans détour, l’attraction de la subjectivité !

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« Par-delà le bien et le mal : Prélude d’une philosophie de l’avenir », auteur Friedrich Nietzsche, parution 1886

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