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- Le penchant, essentiellement égoïste, de la morale subjective - Euthanasie : De la discussion jaillit la lumière

— Le penchant, essentiellement égoïste, de la morale subjective

(Tome Premier : L’euthanasie et le choix — Partie B : l’euthanasie et la clientèle — Section II : la morale et la loi — Sous-Section II b) : La morale dite « subjective » — Chapitre : Comment la morale subjective – relative, contextuelle et personnelle — se distingue de la morale universelle, catégorique, et objective — Le penchant, essentiellement égoïste, de la morale subjective)

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     Un jour, au cours de ma jeunesse, je disputais du bien-fondé des comportements de quelques amis, avec une personne dont j’avais toujours estimé la perspicacité et la rigueur de la pensée. Mais cette fois, je trouvais ses raisonnements décousus de manière inhabituelle et surprenante. Je m’appliquais, donc, péniblement, paternellement — avec toute la patience exagérée et supérieure, de mes vingt ans — à faire la démonstration de ses absurdités.

     Mais rien n’y faisait. Ce fut un temps perdu. Mon amie, normalement si perspicace, restait obstinément obtuse. Alors, à la fin, je perdis patience en lui reprochant directement son incapacité d’appliquer les mêmes standards aux deux côtés du différend. Et voici la simplicité de sa réponse : « L. est mon amie. Je prends pour elle ! »

     Voilà donc, l’intrusion du subjectif dans l’analyse éthique. Au diable la justice impartiale ! Au diable les implications du cas général ! Dans la pratique courante, la morale subjective commence avec une conclusion, désirée et arbitraire, à laquelle les justifications seront attachées, après le fait, avec la plus grande liberté. Surtout, le fait que ces justifications puissent sembler absurdes aux tierces personnes, ne retient aucun intérêt, car il ne s’agit pas d’avoir raison auprès d’autrui, mais uniquement de propager sa vérité propre.

     Ce fut, je dois l’avouer, une révélation saisissante pour moi. Premièrement d’apercevoir, aussi clairement, la distinction entre les deux formes de jugement ; et deuxièmement, de comprendre la prévalence humaine de l’habitude de mélanger les deux, sans gêne, sans l’admettre, et sans même s’en rendre compte. Car autant que la morale objective soit instinctive dans notre sens de justice, autant la morale subjective se substitue et se travestit à sa place, dans la poursuite de notre intérêt. Et comme les écrits de Rousseau, Goethe ou Nietzche nous enseignerait, la poursuite d’une morale proprement subjective nous permettrait éventuellement – nous obligerait même, selon certains — à faire, et à justifier, à peu près n’importe quoi.

— Une première réplique des champions de la subjectivité

     C’est à remarquer que les théoristes de la morale subjective aurait bien l’habitude de souffrir de telles attaques moqueuses à l’égard de leur idéal. Et ils possèdent aussi des arguments très sérieuses dans leur défense.

     De prime abord, il n’y a absolument aucune justice dans la charge que ce soient des personnes « moins » morales que leurs vis à vis objectifs. Au contraire : ce serait souvent un sens de l’injustice des conventions objectivement admis autour d’eux qui pousserait certains esprits plus exigeants vers une exploration subjective. Et l’objet de cette exploration serait la découverte d’une morale, pas moindre, mais bien supérieure, à celle qui existe dans la place publique.

     (Pourtant, en autant que nous pouvions représenter cette démarche comme la recherche d’une morale supérieure — qui puissent être, éventuellement évidente pour d’autres — il semblerait que ses auteurs soient, en réalité, des non-conformistes minoritaires à l’intérieur du courant objectif, lui-même, et non à l’extérieur de celui-ci.)

     Aussi, si nous stipulons, au départ, qu’il s’agirait véritablement de systèmes aussi nombreux qu’il existe des personnes pour les construire, les théoriciens subjectifs, proposent toujours certains tests pour nous permettre de différencier entre l’application d’un véritable system moral et la simple mouvance capricieuse du libre arbitre. Car au départ, faudrait-il (d’après l’opinion instruite) qu’il s’agisse bel et bien d’un système : claire, défini, et conséquent dans ses relations interne.

     Et, pour être digne du nom faudrait-il, aussi, que ce soit un system auquel l’inventeur serait d’accord pour sacrifier ses instincts, ses désirs, et ses volontés impulsives dans les cas particuliers. Car en voila l’un des conceptions les plus anciennes de la vertu : que l’homme vertueux ferait le bien, par devoir, quels que soient ses intérêts ou ses désirs.

     Et c’est ainsi que nous sommes souvent invités à l’admiration de personnes, manifestement intègres, qui ne fuient aucun sacrifice dans leur détermination de faire ce qu’elles croient être le bien, même quand cette conception morale peut diverger dramatiquement de notre jugement propre. Telles sont, en effet, des thèmes très répandus dans la littérature moderne, qui aurait servi, en quelque sorte, comme une éprouvette pour l’essai conceptuel de ces nouveautés philosophiques.

     Cependant, il existe au moins deux problèmes incontournables pour ceux qui défendent cette distinction, entre la « vraie » moralité subjective et le simple accomplissement des volontés personnelles.

— Des difficultés coriaces qui subsistent

     Premièrement, si quelqu’un fait délibérément exploser un engin de destruction, capable d’éliminer une maison, une foule, un quartier, une ville (ou une planète entière), la distinction entre les ordres conceptuels de sa motivation morale ne nous intéresserait que peu. Pour la plupart, pour être précis (à moins de circonstances extraordinaires dont il serait difficile d’en imaginer les détails) nous serions tous portés à dénoncer ce geste en mal. Il nous serait, je soumets, entièrement indifférent qu’ce personne ait agi rigoureusement en fonctionne d’un système logiquement défini (et même à l’encontre de ses propres désirs et intérêts). Nous ne lui accorderions pas, si facilement, le titre de « vertueux ». À quoi bon, alors, faire une distinction de qualité dans le processus de décision morale, quand la qualité des résultats peut toujours demeurer aussi atroce ?

     Encore (et toujours en relation avec ce premier problème), il n’y a rien pour empêcher à quiconque de proclamer (en system personnel), que le bien consiste seulement à faire exactement ce qu’il veut faire — d’instant en instant — ni plus, ni moins. Et c’est ainsi que nous confrontions, encore, la possibilité désagréable, de créditer en « bien » des actions que nous considérions intuitivement comme « mal » (quel que soit la nature, voir l’énormité, des gestes) simplement parce que quelqu’un nous aurait affirmé qu’il soit ainsi (d’après une interprétation stricte de son propre système).

     En fait, nous rencontrons, ici, de nouveau je soumets, notre préjugé inné en faveur d’un moralité objective, ou le bien se définirait naturellement à l’avantage de la collectivité, et qui éviterait (normalement) des outrages qui nous répugnent intuitivement, instinctivement et même viscéralement. Il apparaitrait, donc, très clairement, que le sérieux théorique d’un system ne garantit aucunement l’acceptabilité (pour nous) des résultats de son application.

     Probablement, cependant, le plus sérieux des deux problèmes relatifs à cette distinction proposée (entre une « vraie » morale subjective, et la simple opération du libre arbitre), se trouve dans l’application pratique de ce principe. Car à qui reviendrait le jugement de ce qui constitue un véritable système moral digne de respect ? Serait-ce un jugement partagé ? C’est à dire : Est-ce que (pour souligner l’absurdité d’une telle prétention) ce serait un jugement objectif ?

     De manière pratique, alors, il semble que nous serions obligés d’admettre que la mise-en-œuvre populaire, du principe de la morale subjective, ne pourrait se faire (et ne se fait pas, actuellement) en fonction des idéaux scrupuleusement contingentés des théoristes, mais bien plutôt, suivant la maxime plus simple : « Serait bon ce qui bon me semble ». Et cette proposition donnerait lieu à toutes sortes de conséquences, résultant des actions de personnes diverses, agissant toutes avec des mobiles plus et moins rationnels, intuitifs ou instinctifs, selon le gout de chacun.

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Le Paradis perdu, John Milton (1608 – 1674), Illustration par John Martin (1789 – 1854), livre 4, ligne 453 : « Ève s’éprend de son image » (1827)

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Poursuivre la lecture du texte en séquence linéaire… (Tome Premier : L’euthanasie et le choix — Partie B : l’euthanasie et la clientèle — Section II: la morale et la loi — Sous-Section II b) : La morale dite « subjective » — Chapitre : Comment affranchir le subjectif du cadre traditionnel ; devions-nous choisir le tort limité du suicide ? ou celui, infiniment plus nocif, de l’euthanasie ?)

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