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- En Europe, des animosités irréconciliables ; en Amérique, une possibilité de concorde qui s’est actualisée par le choix - Euthanasie : De la discussion jaillit la lumière

— En Europe, des animosités irréconciliables ; en Amérique, une possibilité de concorde qui s’est actualisée par le choix

(Tome Premier : L’euthanasie et le choix — Partie C : l’euthanasie et la médecine — Section III : Une société en rupture — Chapitre : Prohibition III : Une démission fonctionnelle de l’autorité répressive — En Europe, des animosités irréconciliables ; en Amérique, une possibilité de concorde qui s’est actualisée par le choix)

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Aide alimentaire d’urgence, Toronto, Canada, circa 1933. De telles images d’hommes, attendant en queue pour recevoir une pitance de nourriture, auraient symbolisé, pendant presque cent ans, les terribles conditions de la Grande Dépression. Or, au contraire, ils immortalisent, plutôt, la réalité d’une crise meurtrière en grande partie avertie dans l’application humanitaire des surplus de la modernité.

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     Il existe une tendance post-moderne, malheureuse, de prétendre trouver une inévitabilité dans les grands courants historiques. D’après cette méthode, ayant identifié la force économique des États-Unis, l’expérience relativement atténuée de la Grande Dépression passerait comme une conclusion nécessaire, même évidente. Les conditions psychologiques, cependant, sont aussi importantes que les facteurs matériels.

     En Europe, pour faire cette comparaison, la même période entre-deux-guerres, s’est soldée par une suite de réactions autrement plus déplorables : la révolution Bolcheviste en Russie (accomplie en octobre 1917) s’est prolongée dans une guerre civile (1918 – 1922). Ensuite, la collectivisation de l’agriculture (avec la déportation et l’exécution des récalcitrants), jumelée avec la confiscation de quantités excessives de denrées (dans la face même de récoltes amoindries par sècheresse, 1932 – 1933) aurait abouti dans la morte de plusieurs millions de personnes. La famine, dans cette circonstance, artificiellement produit et délibérément entretenu, fut devenu un outil formidable de la politique répressive.

     Ailleurs, des luttes politiques similaires, accompagnées de violences partisanes constantes, opposaient les citoyens les uns aux autres dans tous les pays européens, et dans toutes les combinaisons possibles de socialistes, fascistes, démocrates, anarchistes, internationalistes et nationalistes : des luttes qui aboutissaient, à la fin, dans l’autoritarisme Fasciste en Italie (1925) en Allemagne (1934) et en Espagne (1939). Et pour finir, advint la plus grande calamité de toutes : une reprise générale des hostilités, dans la Deuxième Guerre Mondiale (1939).

     Devant ces évidences de haine enracinée dans de luttes inachevées et non concédées, il serait faux, à mon avis, d’attribuer les différences continentales à la seule supériorité économique de l’Amérique.

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Kharkov, Ukraine, 1933 : des citoyens démunis meurent publiquement de faim au cours d’une famine délibérément fabriquée, et utilisée en arme politique, par le régime Soviétique (Russe) qui souhaitait écraser, ainsi, l’opposition des paysans à la collectivisation agricole. De six à sept millions de personnes périrent.

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— Un départ frappant avec les habitudes du passé

     Par-dessus tout, au nouveau monde, y avait-il ce souffle frais de confiance moderne, qui arriva à son apogée immédiatement avant l’irruption de la Première Guerre ; une confiance tempérée dans l’expérience amère du conflit, peut-être, mais ressentie toujours au retour de la paix ; un mouvement général d’espoir fondé dans la promesse, matérielle, de nouvelles conditions associées au « progrès » technologique.

     Certes, il existait depuis belle lurette, une réflexion plus humaine au sujet de l’injustice du destin. Ce fut évident, pour tous, que même les personnes les plus vertueuses pouvaient être amenées subitement à la pire déchéance, par le hasard incontrôlable. Mais dans le monde préindustriel, les moyens n’existaient pas pour redresser ces torts (et certainement pas dans les situations extrêmes). Au contraire, il s’en est souvent cultivé, dans ces conditions, une dureté de comportement, une fermeture d’esprit et de cœur (mi-nécessaire, mi-volontaire), pratiquées par les gens nantis à l’égard des démunis – et ce, non seulement chez les riches, mais jusqu’au plus simple des paysans, en autant que celui-ci en ait pu avoir le ventre plein.

     Il serait faux, aussi, de prétendre que les vieux réflexes, de répression et d’exclusion, furent complètement absents au nouveau monde dans l’entre-deux-guerres. Au contraire, des luttes syndicales iconiques se sont produites précisément à ce moment, accompagnées d’exemples de force léthale utilisée par les autorités à l’endroit des grévistes (Winnipeg, Grève Générale, 1919 ; Chicago, Grève de la Little Steel, 1937). Pourtant, malgré la présence d’organisations socialistes et fascistes de tout genre, et n’en déplaise aux romanciers d’une révolution jamais consommée (Upton Sinclair, 1878 – 1968, « La Jungle » 1906) le niveau de violence idéologique en Amérique n’a jamais approché celui de l’Europe.

     Au contraire, à l’opposé des habitudes du vieux continent : la classe dirigeante fuyait l’identification aristocratique (par principe ou par affectation républicain) et la plus grande partie des classes inferieures épousait fièrement une éthique d’auto-suffisance. Les mesures de secours, au démunis de la crise, ne se présentaient pas, alors, en concessions arrachées aux seigneurs par leurs paysans, au bout du couteau. Ces mesures représentaient des assistances, plutôt, librement accordées, par la société envers elle-même. Et celle-ci se les accordèrent, exceptionnellement, dans le constat généralement admis que tout homme pouvait tomber à court dans sa fortune ; que les caprices du sort pouvaient destituer n’importe qui ; qu’il n’y avait, enfin, personne apte à « jeter la première pierre » (le Nouveau Testament, Jean 8 : 7).

     Il n’y avait plus, ainsi, la même présomption de vertu dans la sévérité témoignée à l’endroit de l’indigence. Toute cette logique durement réaliste, de l’abandon des dépendants et de l’écrasement des délinquants, fut remise en cause devant les nouveaux surplus qui aient pu promettre l’entretien de tous. Étant capable, maintenant, de supporter une partie de la population fondamentalement non-productive, la volonté s’est manifestée, aussi, pour ce faire. Dans un mot : il existait, à la fois les moyens, et la volonté d’agir dans le sens humanitaire.

— Le choix humain : devenu, enfin, déterminant du destin

     Mais encore, souffle-t-elle l’histoire à notre oreille : la réalité ne se présente pas automatiquement ainsi ! Devant toute épreuve humanitaire se trouve, à la fois, un besoin et un choix : sans le surplus et le savoir requis, certes, rien ne peut s’accomplir ; mais même devant l’opulence complète, le choix demeure.

     Et voilà, alors, le dilemme auquel s’est heurtée la civilisation occidentale avec la déclaration de paix en 1919. Voilà, un portrait des choix épousés sur différents continents, par différents peuples, dans les vingt années qui s’ensuivirent : Suffirait-il de survivre et de prospérer dans cet après-guerre tant espéré ? ou voulait-on à tout hasard vaincre et détruire ?

     Ce prospect, de bifurcation volontaire dans le destin humain, se trouve directement exprimé dans les vers de l’un des artistes/délinquants des plus célèbres du vingtième siècle, le Canadien Leonard Cohen :

When it all comes down to dust
I will love you if I must,
I will kill you if I can.
When it all comes down to dust
I will kill you if I must,
I will love you if I can.

« Story of Isaac », Songs from a Room (« L’histoire d’Isaac », Des chansons provenant d’une chambre) (1969)

(Quand tout en viendra à la poussière
je vous aimerai, si cela se doit,
je vous tuerai, si cela se peut.
Quand tout en viendra à la poussière,
je vous tuerai, si cela se doit,
je vous aimerai, si cela se peut.)

     Et c’est ainsi qu’au vingtième siècle, pour la première fois, le rôle du choix fut devenu (apparemment) plus important que celui du besoin, dans les affaires humaines.

     Tout à l’honneur des Américains (et des Canadiens), je soumets, furent les choix humanitaires qu’ils aient pu privilégier dans l’entre-deux-guerres, malgré les défis énormes qui furent imposés par la grande crise économique des années 1930.

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Leonard Cohen (1934 – 2016) : romancier, poète, chanteur-compositeur ; photographié à Montréal, circa 1960

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Poursuivre la lecture du texte en séquence linéaire… (Tome Premier : L’euthanasie et le choix — Partie C : l’euthanasie et la médecine — Section III : Une société en rupture — Chapitre : Prohibition IV : La perception populaire des évènements, et le nouveau paradigme de permissivité sociale)

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