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Prohibition IV : La perception populaire des évènements, et le nouveau paradigme de permissivité sociale - Euthanasie : De la discussion jaillit la lumière

Prohibition IV : La perception populaire des évènements, et le nouveau paradigme de permissivité sociale

(Tome Premier : L’euthanasie et le choix — Partie C : l’euthanasie et la médecine — Section III : Une société en rupture — Chapitre : Prohibition IV : La perception populaire des évènements, et le nouveau paradigme de permissivité sociale)

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« Que le meilleur homme gagne » : le jugement par combat.

Ici, une illustration tirée d’un manuscrit de référence des formes légales du Saint-Empire romain germanique : « Le Miroir Saxon » (Sachsenspiegel) ca 1300. Il s’y trouve précisé que dans un combat juste, les combattants doivent « partager le soleil ».

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— Où la force ne fait plus loi : une répudiation tacite du principe répressif

     Répétons ce constat essentiel pour en favoriser la clarté : la victoire des antiprohibitionnistes, en 1933, ne signifia pas qu’ils eussent eu raison sur le plan moral (ni face aux bienfaits projetés dans la théorie sociale), car la Prohibition avait amené des bénéfices substantiels qui continua, longtemps après sa défaite. De plus, elle ne s’est pas gagnée en fonction de l’importance des forces en présence. Car la puissance répressive de l’état aurait suffi amplement pour continuer cette politique indéfiniment.

     Par contre, sont arrivés : la Grande Guerre, les Années Folles, et la Grande Dépression ; une série d’évènements extraordinaires où des individus tout à fait normaux furent fortement ébranlés dans leurs certitudes ; et se sont révoltés, même, devant le devoir.

     Dans tout autre siècle, cette crise aurait abouti dans une défense inconditionnelle du noyau social survivant, d’une férocité sans limites autre que la nécessité. Mais alors, chose inusitée (et de la plus grande importance) : pour la première fois, l’industrie humaine, secondée par les nouvelles technologies et par les nouveaux savoirs, offrait la possibilité — au moins en Amérique du Nord — pour pallier aux désastres doubles de l’économie, et de la nature.

     Pour une fois, les gens possédaient un choix. Et, dans ces circonstances, l’arrivée de la crise économique, en ’29, produisit une impression inconfortable que l’attaque sur la boisson fut devenue, dans les faits, une attaque sur la misère.

     À la fin, alors, la Prohibition fut battue par les mêmes sentiments, de compassion envers l’être démuni, qui l’eurent fait naitre dans la première instance. Et dans ces circonstances particulières — à contrecœur et dégoûté — il manquait à cette grande coalition progressiste, et la confiance intime et l’appétit vertueux, pour poursuivre une telle orgie de purification.  Alors, elle retenait sa main, et en se retenant, elle abandonna, tout simplement.

— Une perception populaire très différente : de bataille, il en avait manifestement eu ; et un parti vainqueur, également

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La célébration de la ratification du XXIème amendement à la constitution des États Unis d’Amérique (amendement qui abrogea la Prohibition), le 5 décembre, 1933

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     D’une certaine manière, alors, la société n’eut pas été battue par la supériorité de son adversaire, mais par la profondeur, seulement, de son vice : à la fois formidable et pathétique.

     Pourtant, la perception aussi serait importante. Et dans maintes circonstances, la perception serait encore plus importante que la réalité ! Car de la même façon que nous créditons, intuitivement, la réalité d’un bien objectif, il existe depuis toujours une prédisposition dans l’esprit humain, à confondre le « droit » avec la force simple. Et en admettant un ordre moral dans l’univers, comment pourrait-il se présenter autrement aux témoins — le pouvoir victorieux — sinon en bien manifeste ?

     Ainsi, dans leurs origines, les termes utilisés pour décrire les disputes judiciaires, tels, « lutte », « conteste », ou « bataille », doivent être compris dans leur sens exact : que les causes furent épousées par des champions individuels ou par des nations entières, la vérité et la justice furent établies, de part et d’autre, selon la décision des armes — sujet seulement à la volonté divine.

     La meilleure opinion, dans ce monde simple, fut celle du « meilleur homme ». Et si le souhait cérémonial fut fidèlement exaucé — « que le meilleur homme gagne » — la cause juste eut été présumée gagnante, également.

     Dans un deuxième temps, bien-sûr, le tranchant des épées fut remplacé par celui des arguments muris dans les esprits subtils des avocats ; la force de l’intelligence remplaça (au moins en partie) la force des bras. Mais quelles que soient les armes employées — ne nous y trompons guère — le processus politique et judicaire demeure une épreuve de force.

     Or, le propre aux batailles, et surtout à la sorte de bagarre décrite ici, serait de couronner les vainqueurs et de censurer les vaincus. Qu’importe si les positions morales épousées n’admettent pas d’une arbitration rigoureuse ! Qu’importe, si le fond de l’histoire ne devient, à la fin, que l’objet d’un calcul politique, formellement neutre à l’égard des sentiments débattus : la perception publique demanderait qu’il y ait, bel et bien, un gagnant proclamé ; que le bien et le mal se soient départagés ; qu’il y ait des bons et des méchants.

     Évidemment, ce gagnant serait — presque invariablement — celui qui se trouve du côté du jugement politique rendu ; et la perception restante, du bien et du mal, serait tout aussi naturellement associée avec l’opinion exprimée par le parti victorieux. Et c’est ainsi qu’après les treize années abortives de la Prohibition (c’est-à-dire, après treize rondes de combat féroces entre deux pugilistes brutaux et coriaces) : l’un d’eux (la société dans son consensus moral et politique) fut visiblement couché à terre ; tandis que l’autre (ne comprenant que ces fameux dix pourcents irréductiblement délinquants) se tenait encore debout !

     Et par conséquent, non seulement les personnalités dominantes de cette époque, mais aussi les idées, furent réduites au silence ; et cela au prix d’une offuscation générale des réalités évidentes.

— La répudiation des principes se traduit par la répudiation de leurs auteurs : la déconfiture du « Moraliste »

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Les dames progressistes du Minnesota au tournant du siècle : chrétiennes ; prohibitionnistes ; suffragettes

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     Toujours est-il, ainsi couronnés en vainqueurs, les vilipendés, les répudiés, — les pourchassés du vice volontaire — pouvait désormais avancer triomphalement leur vision sociale, alternative, aux dépens de la version majoritaire et officielle. Car les « bons vivants », eux aussi, possèdent une liste d’avantages qu’ils associent à leur style de vie ; et le mépris témoigné par le puritain à l’égard du libertin, ne dépasse en rien l’émotion invétérée ressentie par ce dernier à l’égard du premier.

     Déjà, avec la durée prolongée de ce conflit épique, et avec la montée inexorable, des pertes de vie qui en résultèrent — des initiatives répressives de l’état et des violences intestines des syndicats distributeurs — la colère du public s’est quelque peu estompée à l’égard des ivrognes et des putains caricaturés plus haut, pour céder la place à un mépris, tout aussi profond, à l’égard d’une nouvelle classe de personnes — détestées et vilipendées à leur tour ; une classe qui incluait éventuellement toutes les forces derrière la Prohibition : les Forces de l’Ordre ; les Féministes ; le Klan ; les Croisé(e)s de l’Évangile ; les Syndicalistes Progressistes ; bref, les « Moralistes » de toute souche et de toute persuasion.

     Et de la même manière que soient produits les stéréotypes du vice, il s’est dessiné aussi une image générique pour représenter le « Moraliste » : une image de dérision qui servait, d’abord, de point focal pour véhiculer la haine des « vicieux » à l’égard de leurs tourmenteurs ; et qui fut devenue, par la suite, une image par laquelle ils se seraient éventuellement parvenus à transmettre leur dédaigne à la masse de leurs concitoyens.

     Tout d’un coup, le moraliste d’antan, universellement admiré – projecteur prophétique et courageux du destin humain  —  (tel le Quaker anti-esclavagiste John Woolman, 1720 – 1772, ou encore le transcendentaliste et abolitioniste Ralph Waldo Emerson, 1803 – 1882) serait devenu un petit être minable et malhonnête : celui qui prêche ; celui qui juge ; celui qui s’immisce dans les affaires d’autrui ; celui qui se pense plus fin et plus intelligent ; celui qui s’approprie le droit d’imposer ses ambitions morales sur ses voisins ; celui enfin, qui ne connait pas les joies de la vie ; celui dont la fausse prospérité, materielle, résulterait non d’une attention sincère aux devoirs intergénérationnels, mais d’un manque d’imagination, d’un manque de noblesse, d’un manque de générosité d’esprit — d’un piètre obsession avec l’argent.

     Car, d’après la propagande du libertin incorrigible — aussi improbable que cela puisse nous paraitre — le véritable méchant ne serait pas celui ou celle qui échangerait la nourriture de sa famille contre quelques moments de musique, de danse, de transport psycho-chimique ou de sensualité passagère ; non, le véritable vilain serait celui (ou celle) qui rêverait d’un monde meilleur — où l’ivresse, la violence, l’inceste, et la faim, pouvaient être diminués de façon significative, ou même abolis tout à fait.

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Un bordel à la Nouvelle-Orléans, 1936

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