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- Les consultations pratiquées auprès des médecins Canadiens (au sujet du suicide assisté et de l’euthanasie) - Euthanasie : De la discussion jaillit la lumière

— Les consultations pratiquées auprès des médecins Canadiens (au sujet du suicide assisté et de l’euthanasie)

(Tome Premier : L’euthanasie et le choix — Partie C : L’euthanasie et la médecine — Section VI : L’avis des médecins — Chapitre : L’euthanasie : Un vieux débat, confortable et stylisé ; subitement transformé en urgence pratique — Les consultations pratiquées auprès des médecins Canadiens (au sujet du suicide assisté et de l’euthanasie))

— L’intérêt public des résultats obtenus

     Il serait évident, je crois, que tout avis général, portant le gravitas d’une déclaration emmenant des corporations représentant les médecins canadien(ne)s –ou même l’apparence d’un tel avis — serait reçu par la population élargie avec la plus grande déférence. Car, à la manière du patient unique qui se réfère instinctivement à l’opinion de son médecin personnel, la société entière se réfère d’emblée à l’opinion professionnelle collective.

     Malheureusement cependant, nous étions obligés à rester, dans ce cas, largement sur notre faim. Car la médicalisation du suicide, ainsi que la pratique de l’euthanasie, soulèvent des questions fondamentales de société.  Et alors, la simple évocation des opinions « expertes » ne pourrait jamais suffire pour nous en libérer de nos devoirs démocratiques. De plus, les avis qui sortirent des médecins collectivement — de cet entrechoquement complexe de principes philosophiques, d’intérêts particuliers, et de politiques ponctuelles — ne représentaient (tel que nous le verrons sous peu) qu’un compromis particulariste à l’intérieur de la communauté médicale elle-même. Et c’est ainsi, que, malgré les attentes naturelles que nous portions tous à l’époque, les quelques indices prodigués de cette source ne pouvaient, dans aucun cas, nous fournir une réponse adéquate pour planifier la voie future.

     Pourtant, ayant proféré ces quelques mots de caution : les sondages d’opinion (et les autres consultations diverses, pratiquées à l’intérieur des corporations médicales, à ce moment), ainsi que les déclarations de position corporatistes qui en découlèrent, restent toujours d’un grand intérêt.

— La repartition quantitative de l’opinion médicale

     En premier lieu, les praticiens médicaux abordaient ostensiblement cette question en fonction des seuls droits et intérêts du patient ; car selon l’éthique médicale, et ce depuis les jours d’Hippocrate, le bien du patient constitue le premier but du médecin. Pourtant, se serait vite apparue, une difficulté qui soit typique de la médecine dans tant de circonstances (et incluant celle-ci) : qu’il n’existait aucun consensus au sujet du bien du patient ; ni face aux bienfaits d’une mort provoquée ; ni face au droit postulé de choisir la manière de mourir. Les avis, donc, furent très divisés.

     Selon l’Association Médicale Canadienne (AMC) en 2015 (dans la même année qui ait eu lieu la décision Carter, précurseur de la décriminalisation nationale de l’euthanasie en 2016) un peu plus de 40%  des médecins canadiens s’objectaient, absolument et en principe, à toute initiative dans ce sens ; leur position représentait une défense catégorique, et conséquente, de la mission traditionnellement comprise de la médicine, limpide pour tous, et sur laquelle nous n’aurions, donc, pas besoin de nous attarder davantage.

     Par contre, un peu moins du tiers (27%, 2014 ; 29%, 2015 ; 25%, 2016) se disaient favorable à l’euthanasie active, au point de se déclarer prêts à y participer.

     Parmi ce groupe, cependant, ils existaient, aussi, des différences importantes : car en dépit des énoncés de principe, il semblerait y avoir un décalage certain entre les intentions recensées, et les actions véritablement accomplies. Pour être plus précis : au moment d’écrire ces lignes, seulement une fraction infime des « favorables » s’est vraiment portée volontaire pour cette pratique. Alors, nous serions amplement permis, je crois, de soupçonner que la proximité réelle du geste puisse évoquer des réactions personnelles qui sont (selon l’expérience pertinente de nos militaires) autrement plus redoutables que les mêmes gestes considérés dans l’abstrait.

     Finalement, outre les deux minorités précitées, symétriques dans leurs positions, divergentes et catégoriques, de principe — favorables pour l’une et opposée pour l’autre — nous constaterions l’existence d’un troisième contingent important, dont les convictions sont, possiblement, plus intéressantes que celles des deux autres.

     Environ le tiers restant des médecins consultés se serait dit défavorable, en principe, à l’euthanasie active (et aurait annoncé d’emblée son intention de refuser à participer dans cette pratique), mais, ne présumait pas, pour autant, affirmer que cette opinion ait dû s’appliquer à tous. Avec ce que certains pourraient qualifier de maturité admirablement moderne dans le jugement moral, ce groupe charnière aurait choisi d’affirmer le droit, de chaque médecin, à décider individuellement de sa conduite devant ce nouveau pouvoir mortel, à la seule lumière de sa conscience professionnelle.

— L’effet de cette division

    Mais quel paradoxe ! Pratiquement, bien sûr, l’effet décisionnel serait décisif, puisque la balance de l’opinion médicale s’est penchée, dans une proportion de 60 %, vers l’octroi d’une permission générale de pratiquer l’euthanasie active. Mais du même coup, une majorité plus importante encore, annonça son refus d’y participer !

     Or, il serait peut-être difficile à la première vue, de se réconcilier avec — ou même de comprendre — un tel résultat ou les principes philosophiques, scientifiques, et moraux, d’une majorité des médecins – opposée, personnellement, à la pratique de l’euthanasie — pouvait se traduire, dans les faits, par le cautionnement de cette même pratique. Certainement, il y aurait lieu de nous poser des questions plus probantes au sujet des mobiles, réels, de tels avis exprimés.

     En conséquence, il serait opportun, je crois, de signaler deux considérations, ici, qui puissent nous expliquer cette conclusion de manière plus satisfaisante, soient : l’effet de courants sociaux plus larges ; et finalement, certaines caractéristiques inhérentes à la pratique de la médecine, elle-même.

— Un rappel des courants sociaux agissant à l’appui de l’ambiguïté morale ; et une vulnérabilité spécifique de la profession médicale.

     En ce qui concerne les grandes tendances sociales, il existe un rapport très significatif, dans cette matière, avec la répartition des élus Canadiens à l’égard de l’avortement. Car après l’invalidation de la loi-compromis de 1969 — à l’occasion de la cause « Cour Supreme vs Morgentaler » (1988) — et tel que raconté déjà dans la section « Hippocrate bis : l’avortement », les élus étaient divisés en tiers, à la même manière des médecins face à l’euthanasie : un tiers pour l’avortement (« libre sur demande ») ; un tiers catégoriquement opposé ; et un tiers centriste opposé – personnellement — à l’avortement mais prêt, pourtant, à respecter les choix des autres.

     Ce fut, d’ailleurs, exactement la même division d’appuis pragmatique, qui obtenait au cours de la lutte charnière de la Prohibition : un tier militant en faveur ; un tiers opposé ; et toujours, ce tier déterminant du centre, allié initialement à la Prohibition pour assurer son passage en 1920, mais associé plus tard à sa défaite en 1933 (non par principe, mais dans un esprit désabusé de « laissez faire » social).

     Voilà, je soumets, le vrai gabarit socio-légal, et pour l’avortement, et pour l’euthanasie (rencontrées, respectivement, cinquante et quatre-vingts ans après la prohibition) : un tiers de l’opinion — décisif celui-ci — qui penchait naturellement contre le phénomène en cause, mais qui ne présumait pas : ni à imposer son choix ; ni à réprimer le choix des autres. Et dans ces trois exemples – du commerce de la boisson, de l’avortement, et de l’euthanasie – l’effet pragmatique de la position centriste fut déterminant : d’habiliter le comportement visé.

     Mais outre ce vague de fond sociétale, clairement opérant depuis le deuxième quart du vingtième siècle, et en synchronisation fatidique avec celle-ci : la médecine elle-même comporte des caractéristiques intrinsèques (de souche beaucoup plus ancienne) qui se prédisposent vers une pluralité de pratiques, et une pluralité éthique.

     Pendant longtemps, certes, ces influences centrifuges furent contenues par le monopole éthique de la médecine Hippocratique ; mais une fois la digue conceptuelle Hippocratique ait été emportée, fortuitement, devant la marée pratique de l’avortement, ces tendances devenaient plus libres à s’exprimer, et notamment, face à l’euthanasie.

     Car, tel que j’aurais tenté de présenter la thèse rapidement dans ce livre : sans la prohibition anti-homicide (que cette profession s’est imposée d’elle-même pendant deux millénaires et demi), la médecine — et les habiletés médicales — peuvent s’apprêter à des fins (et des politiques) d’une ambiguïté morale qui embrasse tout le spectre des mobiles, clairs ou obscurs, de l’esprit humain.

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La Déclaration de Genève (originale) de l’Association médicale mondial, 1948 : « JE MAINTIENDRAI le plus grand respect pour la vie humaine à partir de la conception ; même sous la menace, je n’utiliserai pas mes connaissances médicales à l’encontre des lois de l’humanité. »

Cette déclaration s’est formulée sous l’effet des souvenirs immédiats d’une époque où les médecins furent instrumentalisés, par le pouvoir politique, dans de nombreuses fonctions terribles. La première phrase précise le tort commun à tous ces crimes, c’est à dire : un manque de respect pour la vie humaine. La prohibition des gestes homicides fut implicitement comprise dans cette phrase, et elle fut explicitement réaffirmée dans les déclarations subséquentes de l’AMM. Car sans cette abjuration de l’homicide, l’éthique médicale se trouve, effectivement, sans principe premier, et alors, infiniment malléable.

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Poursuivre la lecture du texte en séquence linéaire… (Tome Premier : L’euthanasie et le choix — Partie C : l’euthanasie et la médecine — Section VI : L’avis des médecins — Chapitre : À la défense des traditions du métier médical)

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