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Chapitre : Comment affranchir le subjectif du cadre traditionnel ; devions-nous choisir le tort limité du suicide ? ou celui, infiniment plus nocif, de l’euthanasie ? - Euthanasie : De la discussion jaillit la lumière

Chapitre : Comment affranchir le subjectif du cadre traditionnel ; devions-nous choisir le tort limité du suicide ? ou celui, infiniment plus nocif, de l’euthanasie ?

(Tome Premier : L’euthanasie et le choix — Partie B : l’euthanasie et la clientèle — Section II: la morale et la loi — Sous-Section II b) : La morale dite « subjective » — Chapitre : Comment affranchir le subjectif du cadre traditionnel ; devions-nous choisir le tort limité du suicide ? ou celui, infiniment plus nocif, de l’euthanasie ?)

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Une citation catégorique des temps révolus, qui capte bien (par analogie) la nature irréconciliable du différend qui oppose les principes moraux, objectifs et subjectifs

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— Les qualités positives, de part et d’autre

     La morale objective, pour sa part, exige une discipline et une cohérence, dans la pensée et dans l’action, qui contraigne l’individu à considérer les besoins et les préférences d’autrui ; de se gouverner, alors, souvent à l’encontre de ses désirs, et parfois, même, à l’encontre de ses intérêts vitaux. Assurément, si ce système philosophique n’est pas issu d’une Autorité Supérieure, il doit se classer parmi les plus belles inventions humaines. Ou, comme Winston Churchill qualifia les exploits de Sainte Jeanne d’Arc devant les Tourelles d’Orleans (le 7 mai, 1429) : « Si ce ne fut pas un miracle, cela aurait dû en être un ! ». À tout le moins, il serait intuitivement prévisible, que dans une société imbue de tels principes, il y aurait un plus grand potentiel à gérer le conflit, et à limiter les manifestations de violence capricieuse, si souvent à la base des malheurs humains.

     Cette affirmation, d’ailleurs, ne tient pas de la spéculation seule : car la longue évolution dans l’adoucissement des mœurs, que nous observions au cours de la transition Européenne — à partir des tribus barbares, à travers le féodalisme, et arrivée aux temps modernes — s’est pratiqué, précisément, sous l’influence de tels principes objectifs, d’un jugement universellement applicable et personnellement désintéressé.

     Pourtant, les romantiques déjà cités (à la fois désabusés et idéalistes), nous enseignent que l’assujettissement de l’individu, à la morale générale, n’est en réalité que l’abnégation honteuse de soi : une trahison envers la vie elle-même. Et malgré un fort penchant humain vers l’ordre et la continuité, il n’en demeure pas moins vrai que le chaos, caractéristique de la poursuite de l’intérêt particulier, ait joué un rôle essentiel dans tous les avancements de notre société, non seulement dans les domaines artistiques, mais scientifiques, aussi, et surtout, économiques : cette épreuve empirique par excellence. Car la prospérité matérielle, inouïe, dont nous en bénéficions aujourd’hui, serait précisément le résultat du système chaotique, et personnellement intéressé, de l’entreprise libre (qui se serait montrée, en tout point — et contre toute attente intuitive — incommensurablement supérieure aux diverses expériences de planification, coordonnée et rationnelle, qui se seraient collaborativement pratiquées dans la recherche intégrale du bien commun).

     Alors, les adhérents de la morale objective auraient beau répliquer, que la prospérité — les familles stables, et la fierté dans la parole tenue — représentent une profondeur dans l’attache, et une évolution dans la vie, auxquelles les emportements capricieux des romantiques — vivant habituellement isolés et désabusés — ne peuvent jamais prétendre ; mais toujours est-il que l’attrait de la révolte, et l’affirmation inconditionnelle de soi, exerce une fascination certaine pour toute personne qui s’imagine opprimée, et, sans exception, dans un système de comportements imposés par l’autorité, nous nous sentirions tous et chacun — tôt ou tard — opprimés. Et c’est ainsi, à travers toutes les générations, qu’une bonne partie de la fleur de la jeunesse, se serait joyeusement sacrifiée sur l’autel de la liberté révoltée ; à la perte personnelle pure, évidement, mais possiblement, aussi, au plus grand bénéfice, éventuel, de la majorité.

— Les lacunes lamentées des deux

     Il y aurait clairement des vices, de l’un comme de l’autre côté. Les Romantiques (pour utiliser ce vocabulaire littéraire) accusent les doctrines conventionnelles d’être mauvaises — d’emblée et par nécessité — grâce à leur fonction d’alliées au pouvoir. Le philosophe germanique Arthur Schopenhauer (1788 -1860), par exemple, identifia la création de l’univers comme le véritable « pêché originel » (ce qui lui placerait dans le « parti du diable » imaginé par William Blake, 1757 – 1827), et il condamna son rival « arrivé », Georg Hegel (1770 -1831), comme un simple propagandiste, agent payé, de l’état Prusse.

     Mais surtout, les Romantiques n’admettent pas cette ironie fondamentale : que la moralité conventionnelle, elle-même, tient son autorité des choix exprimés de par le passé ; que l’adhésion aux idéaux partagés soit, elle-même, un exercice de la liberté. Ils sont amenés, donc, à nier toute possibilité, ou potentiel, de bon dans la « civilisation » humaine (même extrapolée vers le futur) ; et se trouvent, alors, obligés d’épouser une position qui soit opposée, en permanence, à l’ordre dominant. Souvent, cela descend, aussi, dans une prédilection pour les « causes perdues ». Ou, selon le célèbre couplet de John Milton (1608 – 1674) « …régner est digne d’ambition, même en enfer ; mieux vaut régner en enfer que servir le ciel. » : Le Paradis perdu, traduction de François-René (Vicomte) de Chateaubriand (1768 – 1848).

     Les traditionalistes, par contre, refusent trop souvent d’admettre que leurs doctrines puissent, réellement, se trouver infectées par d’intérêts oppressifs ; plus encore, ils peuvent oublier, aussi, que ce qui est opposé catégoriquement au changement, se trouve également, par définition, opposé à l’évolution positive contextuelle.

— Deux principes apparemment irréconciliables

      Voilà, enfin, la division primaire entre le Romantique et le Conventionnel, entre le Pouvoir et le Rebelle, entre le « Hip » et le « Straight ». Et au-delà des personnalités iconiques qui en incarnent les valeurs, ce serait une dualité qui existe, à l’état inachevé, à l’intérieur de chacun de nous. Car, tel que Mark Twain l’aurait si bien remarqué dans sa dernière année de vie (Lettres de la Terre, 1909), il existe des problèmes réellement inextricables ; où chaque argument (apparemment concluant en soi), ne serait destiné qu’à fournir la prémisse pour un autre, encore plus puissant, emmenant du coté adverse.

     Nous nous trouvions, ainsi, devant un débat de la première importance, entre deux pôles de logique séparément invincibles, et dont le dialogue, entre eux, se serait accouché d’une bonne partie du patrimoine intellectuel de notre espèce.

     À la fin, alors, prêt ou pas prêt, capables ou pas capables (et possiblement à plusieurs reprises au cours d’une seule vie) : chacun doit choisir. Et il en serait résulté, parmi les élites intellectuelles depuis toute l’époque historique, qu’une division pratique se serait ouverte entre ceux qui espèrent toujours raffiner et améliorer un code commun, vis-à-vis de ceux qui auraient perdu tout intérêt dans cette voie ; et qui se conçoivent, effectivement, comme des hors-la-loi permanents

— Placer le suicide assisté clairement dans un contexte subjectif ; éviter l’objectivisme de l’euthanasie ; minimiser les torts secondaires 

     Comme nous le savons, ce fut dans cette dernière tendance, subjective, que le « droit à mourir » aurait pris son essor. Nous nous trouvions, alors, loin ici de la préoccupation du moraliste social (de définir les termes d’un comportement général, calculé pour encourager le bien de tous, dans une entente d’harmonie collective). Car les penseurs de cette persuasion rejettent toute obligation imposée par la collectivité. Ils se trouvent, en fait (et peut-être sans toujours s’en rendre compte) sous l’emprise de cette idée contraire — si alléchante et si radicale dans son articulation moderne — d’une « surhomme » (selon Nietzche) qui soit au-dessus des notions conventionnelles ; mais une idée, aussi, qui se traduit le plus souvent par une simple validation de la tendance naturelle de suivre, en toute circonstance, les suggestions crues de l’intérêt personnel.

     Tel par exemple, dans le monde féodal du douzième siècle, fut l’image qui nous reste du feu Roi d’Angleterre, Richard I, (dit « Cœur de Lion »), qui avait l’habitude de se lancer dans la mêlée avec une rare témérité et adresse — comme véritable athlète et champion de la violence héraldique — devançant ses compagnons personnels en hurlant la devise royale célèbre de ces faits : « Dieu et mon Droit ». Inutile, franchement, que de penser qu’un homme, en telle posture, et avec de tels propos sur les lèvres, ait pu s’en préoccuper, outre-mesure, des droits ou des sentiments d’autrui.

     Dans le même esprit, les demandeurs des causes « Rodriguez » (1993) « Carter » (2015) et « Truchon-Gladu » (2019) se seraient représentés en agents autonomes, capables, et « non-vulnérables » (dans leur quête de mourir légalement avec l’assistance des tiers). Et au cas où d’autres personnes puissent en subir les torts : que cela les regarde ! Qu’elles s’arrangent ! Que la société en trouve des « sauvegardes » ! Ou encore, dans la langue courante : Cé pas mon problème !

     Or, quelle que soit notre opinion sur le fond de cette matière, nous nous trouverions, quand-même, devant une position morale, à la fois limpide et conséquente. Tout devoir envers la collectivité en serait exclu. Aucune obligation ne serait reconnue auprès d’autrui (à moins d’y consentir librement). Et en premier lieu, serait rejetée toute obligation collective imposée par la simple condition vivante — c’est-à-dire : par l’obligation (habituellement présumée) de vénérer cette entrée dans le monde, fortuite et involontaire, qui soit la naissance biologique.

     Clairement, il n’y a aucune possibilité d’accommoder de telles libertés à l’intérieure d’un system de consensus objectif, qui demanderait des sacrifices personnels dans l’intérêt commun. En particulier, les dangers aux personnes vulnérables, inséparables de toute légalisation du suicide assisté, sont trop évidents pour permettre ces pratiques ; une vérité qui fut réaffirmée, encore tout récemment, et par la Cour Supreme (1993), et par le Parlement du Canada (2010).

     Pour accorder rationnellement une telle liberté, en fait, il eut été nécessaire d’abandonner, explicitement, notre paradigme moral traditionnel. Et voilà, enfin, le véritable drame : car cette évidence n’aurait pas été franchement admise dés le départ ; et alors les tentatives absurdes qui s’ensuivirent — de ménager le chèvre avec le chou — se serait résolument poursuivies sans égard aux pertes encourues. Or, à travers toutes ces contorsions inutiles, nous nous sommes seulement enlisés, toujours d’avantage, dans des absurdités et des pénalités supplémentaires.

     Car pour être parfaitement clair : les tentatives mal avisées, de baliser le désire suicidaire avec l’objectivité médicale, nous aurait fait passer, tout bonnement, du poêlon au feu ; c’est à dire, du phénomène marginal et communément regretté de suicide (assisté ou autre), vers un nouveau régime d’euthanasie maximale, accueillie (objectivement) en bien médical et poursuivie avec toute l’efficacité  –ainsi que tout l’empressement intéressé — d’une industrie de santé gérée en monopole d’état !

     Alors, si l’acceptation sociale du suicide assisté serait réellement devenue incontournable de nos jours, exigeons au moins que la subjectivité en soit ouvertement indiquée, visible dans sa forme crue ! Car seulement, ainsi, pouvaient les torts collectifs afférents (toujours absolument inévitables ceux-ci) être confinés dans leurs dimensions minimales.

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Richard I (dit « Cœur de Lion ») (1157 – 1199), roi d’Angleterre (1189 – 1199), duc de Normandie, duc d’Aquitaine, comte de Poitiers, comte du Maine, comte d’Anjou, et Seigneur de Chypre ; à droite, avec Philip II (dit « Auguste ») (1165 – 1223) roi de France (1180 – 1223) : haut, en discussion ; bas, sur le champ de bataille (troisième croisade)

Un témoin contemporain, le jongleur Ambroise, décrit Richard dans une lutte corps à corps, en infériorité numérique, devant la forteresse de Jaffa, le 4 aout, 1192 : « Il était un géant dans la bataille et se trouvait partout. […] Son épée brillait comme l’éclair et beaucoup de Turcs en sentirent le fil. Certains furent tranchés en deux, du casque jusqu’aux dents. […] Il moissonnait les hommes comme les paysans moissonnent avec leur faux. Quiconque recevait un de ses coups n’avait nul besoin d’un second. Il était Achille, Alexandre et Roland. »

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Poursuivre la lecture du texte en séquence linéaire… (Tome Premier : L’euthanasie et le choix — Partie B : L’euthanasie et la clientèle — Section II : La morale et la loi — Sous-Section II b) : La morale dite « subjective » — Chapitre : Le suicide assisté et l’euthanasie volontaire (aide médicale à mourir) regardés franchement, enfin, à travers la lorgnette du choix subjectif)

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