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- Les succès extraordinaires, mais quelque peu récalcitrants, du vingtième siècle - Euthanasie : De la discussion jaillit la lumière

— Les succès extraordinaires, mais quelque peu récalcitrants, du vingtième siècle

(Tome Deuxième : Sous l’ombre de l’euthanasie — Partie B : L’euthanasie et l’économie — Section II : Le régime de santé publique — Chapitre : La santé personnelle se transforme progressivement en charge publique : comment et pourquoi — Les succès extraordinaires, mais quelque peu récalcitrants, du vingtième siècle)

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RHINEHART F. FRIESEN (1914 – 2009), M.D., F.R.C.S. [C], portrait circa 1975

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     Suivaient alors les grandes guérisons : des découvertes au rythme accéléré dont l’humanité savourait de plus en plus largement le fruit (avec quelque retard inévitable). Alexander Fleming (1881 – 1955), par exemple, est crédité avec la découverte de la pénicilline, en 1928, mais la première production industrielle de ce remède miracle fut réussie, seulement, vers la fin de la Deuxième Guerre Mondiale (1944) ; et une préparation permettant l’administration par voie orale n’est arrivée qu’en 1952. Ce développement, pourtant, accompagné par la découverte parallèle des premiers agents antimicrobiens de synthèse (les sulfamides, 1935 et suivant), permettait, pour la première fois, un traitement efficace de plusieurs infections. Il en résultait, certes, l’épargne d’un nombre incalculable de vies, directement, dans le traitement des infections accidentellement rencontrées ; mais aussi, et peut-être encore plus significativement : toute la science chirurgicale devenait, d’un seul coup, infiniment plus sécuritaire, et donc, plus largement praticable.

     Du côté de l’immunisation, il devint enfin possible, dans les années cinquante, de prévenir les ravages de la polio avec un vaccin administré aux enfants par injection. Je me souviens, d’ailleurs, de ma première expérience de vaccination à cette époque, en compagnie de quatre ou cinq des enfants de nos voisins les plus braves, aux mains de mon père, Rhinehart F. Friesen (1914 – 2009). L’année était 1955. Je me souviens, avec précision, comment il stérilisa la seringue et ses aiguilles dans l’autocuiseur de ma mère, pour les ranger ensuite à l’aide de pincettes, entre deux linges à vaisselle propres, sur la table de notre cuisine.

     La dernière grande épidémie de polio fut arrivée à son apogée, trois ans plus tôt en 1952, avec 58,000 cas, 21,000 infants paralysés et 3000 morts (É.U.). Un programme public de vaccination fut enfin prodigué aux enfants, dans les écoles, en 1958.

     Tout aussi significatif, et même plus, fut l’éradication, au même moment, de la petite vérole, ce tueur massif par excellence, dont nous avions tous l’habitude de ne pas remarquer les cicatrices caractéristiques, imprimés profondément sur les visages des survivants. Du jour au lendemain, elle fut essentiellement éliminée de la terre.

     Face au diabète, Sir Frederick Banting (1891 – 1941) et Charles Best (1899 – 1978) avaient employé l’insuline de façon réussie en 1922, mais conforme à l’exploitation des autres innovations répertoriées ici, la production synthétique permettant un usage universel n’est apparue qu’en 1977. J’avais, pourtant, un camarade de jeunesse qui s’auto-administrait le produit naturel, plus rare et beaucoup plus dispendieuse, des 1968.

     Décidément, encore : force serait de constater qu’une révolution — dans l’hygiène, dans la stérilisation, et dans la compréhension des mécanismes des maladies — s’est bel et bien produite dans le dix-neuvième siècle et dans la première moitié du vingtième ; mais les vrais bénéfices, c’est à dire les vraies guérisons, se sont faits attendre, jusqu’aux années 1940 et suivantes. La psychologie des professionnels médicales, enfin, s’est radicalement transformée, (avec les attentes des patients, également), à partir de cette époque.

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— Prêter un visage humain, unique, à la période des changements décrits

     J’aurais commencé ce chapitre en prétendant que la révolution médicale se soit produite dans l’espace d’une seule génération. Maintenant, en voici le portrait humain :

     En 1932, à l’âge de dix-huit ans, un jeune homme de milieu rural, particulièrement curieux et sérieux, réussit à se qualifier (avec une avance de deux ans sur ses contemporains) comme enseignant d’école publique. Ce fut précisément le début de la pire période de la Dépression Mondiale ; mais malgré une compétition féroce pour tout genre de travail rémunéré, sa réputation d’étudiant exceptionnel lui mérita l’octroi de la première position disponible, soit la poste de professeur d’une classe de sixième année dans un petite ville à quelque distance de sa région natale.

     Le médecin de cette petite ville entretenait, aussi, une maison de chambres qui jouait un rôle de proto-hôpital, et dans laquelle il avait l’habitude d’héberger les fermières, à l’approche de leurs accouchements, dans l’espoir de s’épargner des déplacements difficiles, par nuitée d’hiver, dans les terres éloignées des environs. Le jeune enseignant, lui, en se cherchant un endroit où rester, avait l’heureuse idée de louer une chambre dans cette maison. Et grâce aux gouts partagés pour la culture et le savoir, il s’est rapidement lié d’amitié avec son propriétaire.

     Or, dans un rythme de vie qui n’offrait que très peu d’opportunité de divertissement, les deux hommes prenaient l’habitude, dans leurs heures de liberté, de s’offrir le plaisir, l’un pour enseigner, et l’autre pour apprendre, la théorie et la méthode des enquêtes diagnostiques, particulièrement en ce qui concernait l’observation microscopique, et les épreuves biochimiques, disponibles aux médecins de l’époque. Dans peu de temps, bref, le jeune homme se trouvait dans une position informelle d’assistant auprès de son hôte, et à la suite de ses journées de classe (et de sa préparation des cours à venir), il accomplissait toutes sortes de menues tâches auxiliaires à la pratique médicale, en contrepartie d’une gratuité de loyer et de frais-repas.

     Et c’est ainsi que sous cette tutelle privilégié et généreuse, mon père (car il s’agissait bien de celui-ci), concevait peu à peu la notion qu’il pouvait, lui aussi, aspirer au rang élevé de médecin. Et de fait, ayant comme seules ressources son intelligence et son ambition, il y fut réellement parvenu quelques années plus tard ; au prix de sacrifices, de discipline, et d’exploits méritoires que j’aurais possiblement l’occasion de raconter ailleurs, mais dont la place m’en fait ici défaut.

     Cependant, le bienfaiteur de circonstance tant significatif, celui qui avait propulsé, si adroitement, son jeune émulateur sur ce chemin exigeant, ne lui avait pas seulement communiqué le gout des honneurs, des privilèges et des avantages monétaires associés à sa profession ; il avait, également, pris soin de lui en transmettre les doutes intimes. Car depuis toujours, parmi les médecins de type contemplatif, il existait, jadis, une question incontournable, de signification personnelle et impérative, à savoir : pourquoi fait-on cela ? Ou plus particulièrement : si, oui, ou non, les agissements des médecins (pris dans l’ensemble) avaient prodigué plus de bien, ou bien plus de mal, aux patients sous leur autorité ? Ou encore de façon plus crue : s’agissait-il (la médecine) d’une grande entreprise humanitaire, ou encore, d’une énorme supercherie ?

     Pour comprendre le sens de ce questionnement, située dans le temps, nous pouvions utilement considérer les notes des médecins qui soignaient le roi Louis XIV lors de son agonie finale, et de sa mort de gangrène, en 1715 (Louis présentait de nombreux problèmes de santé et subissait toutes sortes de traitements sous les mains de ses médecins personnels) : « Pendant (sic) quelques jours, nous avons continué à saigner le patient et nous avons administré des purges puissantes… mais sans pouvoir arrêter le mal … ».

     Ce serait, donc, très loin d’être une question idiote, pas plus que la trépidation personnelle qui en résultait. Même que, d’une certaine perspective, nous pouvions affirmer que le mouvement hippocratique lui-même en soit né par réaction ; car cette préoccupation avec une évaluation lucide de la contribution médicale se trouve clairement reflétée dans le principe tant répété : « en premier lieu ne faites pas de tort », qui comprend, aussi, l’admission implicite des limites de la pratique médicale, et de l’humilité qui doit accompagner sa pratique éthique.

     Or, parmi tous les médecins que la vie m’a donné l’occasion de connaître, seulement celui-ci, ayant fait ses études dans les années trente, au tout début de la vraie révolution pratique de la médecine (pour différencier celle-ci de la révolution théorique précurseur) m’en aurait parlé de cette question, et m’ait pu ainsi ouvrir une fenêtre conceptuelle sur la réalité d’un passé encore récent, où toutes les générations des médecins, sans exception, en furent hantées. Et à ce sujet, il m’aurait raconté, aussi, à plus d’une reprise, l’anecdote suivante.

     Ayant arrivé enfin dans la grande ville ; ayant réussi par voie de frugalité et de travail sans compromis à traverser les études scientifiques préalables ; et étant parvenu, finalement, à se tailler l’une des places tant convoitées dans la Faculté de Médecine (dont l’entrée dépendait d’un examen hautement compétitif, et où les places gagnantes furent, en plus, ouvertement contingentées par appartenance ethnique et religieuse) mon père avait l’opportunité d’assister à sa première véritable conférence médicale. Or, fidèle à son habitude de ne jamais gaspiller les chances que le hasard puisse nous présenter, il s’en profita pour solliciter l’occasion formateur et initiatique de parler en tête-à-tête avec l’un des sommités les plus célébrés de cette époque, un homme dont la carrière active s’était faite dans les années frustrantes de la génération précédente, et qui descendait même dans la brume comparative du dix-neuvième siècle.

     Après un repas simple, en coulisse, et après quelques ouvertures exploratoires, cet homme a vite deviné la nature des préoccupations de son jeune interlocuteur ; et a fini par l’interrompre, subitement, avec des paroles que nous serions possiblement portés à prononcer indument sévères, mais qui véhiculait, néanmoins, toujours fidèlement, la perception subjective du premier concerné : « Je vois que ce que tu veux, vraiment, c’est de me poser la question essentielle, à savoir :  si oui, ou non, au cours de ma carrière médicale, je crois avoir fait plus de bien pour mes patients que je ne les ai fait du tort.  Eh bien, je l’avoue franchement : je sais avec certitude que je n’en ai pas fait ! Mais pour toi, peut-être, ce sera différent… Car il y a grand espoir, maintenant, que toi, et ta génération, vous seraient les premiers à réaliser cet exploit. ».

     Tel, donc, est l’histoire personnelle d’un homme qui avait commencé sa carrière, comme tous ses contemporains, avec des questions proprement classiques sur le sens de son activité professionnelle ; et qui a eu la chance, bénie, de survivre et de pratiquer dans un monde nouveau, ou l’ensemble des médecins — formés après la Deuxième Guerre — ne se questionnait plus (et n’avait plus à se questionner), sur la valeur nette de leur travail collectif.

     Tels sont les récits simples, recueillis de la bouche d’un témoin — qui fut aussi l’un des acteurs — dans cette révolution de la science médicale qui a si profondément altéré la vie humaine.

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Une petite contribution canadienne à la révolution médicale du vingtième siècle (1964) : la transfusion fœtale intra-utérine pour combattre l’erythroblastosis fetalis résultant d’une incompatibilité entre mère et fœtus dans le facteur sanguin Rh. Les transfusions furent données entre 22 et 32 semaines de gestation, en espérant délivrer les bébés à 34 semaines.

L’Équipe de transfusion fœtale intra-utérine, de la Laboratoire Rh de l’Université de Manitoba à Winnipeg, fut le deuxième group à pratiquer cette intervention, suite à la première mondiale (1963) du Dr. (Sir) Albert Liley (1929 – 1983) en Australie. De 1964 à 1971 l’équipe Manitobaine produisit : le premier bébé vivant, le premier enfant survivant, le plus grand nombre d’interventions, le meilleur taux de transfusions réussies, le meilleur taux de bébés vivants, et le plus grand nombre d’enfants survivants.

Les membres de l’Équipe furent : Rhinehart F. Friesen, M.D., F.R.C.S. [C], Dr. John M. Bowman, Pédiatre et Directeur Clinique de la Laboratoire Rh, Dr. A. Campbell Macinnis, Obstétricien, et Dr. Chandulal M. Shah, Fellow de la Laboratoire Rh, U. de M.

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