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De la manière dont les médecins canadiens furent servis par l’état - Euthanasie : De la discussion jaillit la lumière

De la manière dont les médecins canadiens furent servis par l’état

(Tome Premier : L’euthanasie et le choix — Partie C : l’euthanasie et la médecine — Section VI : L’avis des médecins — Chapitre : De la manière dont les médecins canadiens furent servis par l’état)

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Muhammad Ali, né Cassius Marcellus Clay Jr. (1942 – 2016), refusa le service militaire pour des raisons de conscience en 1967. La même année il fut condamné à une peine de 5 ans de prison, et une amende de 10,000.- $. En conséquence, il perdit sa licence de boxe professionnelle et son titre de Champion mondiale des poids lourds. Dans les mots du célèbre guerrier pacifique « C’était dit que j’avais deux alternatifs : aller en prison, ou rejoindre l’armée. Mais j’aimerais dire qu’il existe un autre alternatif, et cet alternatif, c’est la justice ». Ali avait alors 25 ans.

En 1971, cette condamnation fut nullifiée, par la Cour Supreme, en considération de la récente décision Welsh v. États Unis (1970) qui enleva, désormais, la nécessité traditionnelle de fournir une preuve de credo religieuse pour justifier les objections de conscience.

À l’âge de 29 ans, malgré cet interlude de quatre années fortement controversées, et devant une expectation publique fortement sceptique, Muhammad Ali reprit sa carrière de pugiliste.

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— Un changement radical dans l’éthique médicale, imposé d’autorité extérieure

     De prime abord, avec l’introduction de l’euthanasie en soin universellement garanti, il serait indéniable que le pouvoir politique avait modifié la pratique médicale, unilatéralement, par voie juridique et législative. Tout au plus il y avait une acquiescence passive de l’ensemble de la communauté médicale devant ce fait accompli.

     Alors, loin de confirmer l’idéal reçu, d’une profession autonome, formée organiquement dans la compétition théorique et clinique ; loin de l’idéal d’une confrérie pluraliste de praticiens libres, dont les connaissances les placeraient au-dessus de la critique vulgaire ; et loin encore du métier ancestral qui jouissait effectivement d’un statut quasi-complet d’indépendance scientifique et morale — les circonstances décrites sembleraient nous indiquer une direction plus sombre : ou la réalité politique de la médecine sociale invite (et même, dans l’absence d’une vigilance extrême, aurait tendance à imposer certainement) une définition nouvelle du médecin, en simple mécanicien-fonctionnaire de la technologie médicale, sous la direction de l’État.

     À tout le moins, tel serait le risque inhérent dans tout système ou l’État agit en mandataire unique. Et mu par un tel constat pessimiste, il serait facile de conclure que cette détermination, de la majorité des médecins canadiens, de supporter en parfait neutralité les choix de chacun — de s’accorder seulement pour admettre et pour accepter le désaccord – n’ait pu fournir, dans les faits, qu’ une mince feuille de vigne : pour permettre la conservation d’une prétention creuse à l’indépendance hautaine du médecin d’autrefois, au moment précis où la profession se faisait instrumentalisée, sans façon, par un pouvoir politique dont les priorités était manifestement ailleurs.

— Une trahison des termes originaux de la prise en charge étatique de la médecine canadienne

     Ce coup de main, de la part de l’État — cette usurpation des prérogatives de la profession médicale — se révèle, d’autant plus traitre, à l’examen des circonstances originales de la socialisation de la médecine au Canada (1968).  Car dans ses débuts, le système social était uniquement présenté comme un véhicule pour assurer l’accès universel aux soins médicaux par voie de financement publique. Le but n’était pas de transformer ceux-ci ; au contraire : des protestations effusives de pureté d’intention — précisément au sujet de la liberté professionnelle dans la recherche du bien du patient — furent énergiquement prodiguées par les politiciens d’antan, sans quoi les médecins, et probablement le public aussi, auraient résisté cette innovation avec beaucoup plus de vigueur.

     Mais, n’en déplaise aux idéalistes étatiques, les promesses faites par nos dirigeants, au moment de la socialisation, sont devenues rapidement caduque ; et de nos jours la médecine, au Canada, se trouve radicalement transformée, non seulement dans son aspect administratif, mais aussi grâce à la détermination politique de s’immiscer dans les compétences proprement médicales. Car l’expérience nous aurait tôt appris que la nature de la pratique ne pouvait pas demeurer isolé des intérêts financiers de l’État. Et sont partis pour toujours, alors, les douces illusions que l’État, sous l’égide démocratique de la vigilance du citoyen, se contenterait de respecter les bornes héritées du passé.

— Une définition abusivement restreinte de la notion de « conscience »

     De manière pratique, une fois la loi décriminalisant l’euthanasie fut adoptée  — c’est-à-dire, avant même que les signatures aient figurativement séché sur les documents –  et dès que la véritable stratégie de mise en pratique institutionnelle se serait révélée avec précision, certaines limitations inattendues se sont subitement apparues dans la portée des garanties offertes aux médecins ; et plus particulièrement : en ce qui concerne la garantie principale qu’aucun médecin ne serait contraint à pratiquer l’euthanasie contre la libre opération de sa « conscience ».

     Car il s’est immédiatement manifestée une manipulation significative de cette proposition (dans le vocabulaire et dans l’intention), qui, je prétendrais, en réduirait considérablement l’importance.

     Par voie d’explication, je dirais, d’abord, que la « liberté de conscience » — située dans le contexte modern et professionnel –ne signifie rien d’autre que le droit et le devoir, traditionnellement reconnus au médecin individuel, de poursuivre le bien de son patient : à sa manière ; selon ses connaissances ; selon son expérience ; selon ses opinions professionnelles — et aussi — selon toutes les éléments intangibles de caractère qui contribueraient à la formation d’une stratégie thérapeutique, dans chaque circonstance précise, qui serait informé, experte, spécifique — et très possiblement unique — au praticien particulier.

     Il serait à bien noter, s’il vous plait, que la « conscience », ainsi comprise, ne se positionne, aucunement, en opposition avec l’opération de l’observation objective qui soit propre à la science ; au contraire, elle se trouve parfaitement en complémentarité avec celle-ci. Et avec référence à l’euthanasie, cet usage naturel et traditionnel des mots (quoiqu’également moderne et pragmatique) nous confirmerait lucidement les faits réellement observés : que parmi les praticiens médicaux en présence, il existe, bel et bien, un différend de jugement professionnel, à savoir si, oui ou non, l’euthanasie puisse être bénéfique pour le patient.

     Mais en contradiction avec cette interprétation naturelle — de par je ne sais quelle prestidigitation verbale et discipline dans le message — les promoteurs de l’euthanasie, ainsi que le législateur éventuel, auraient largement réussi à favoriser un sens archaïque du mot « conscience », plus restrictif celui-ci, ou le droit de penser et d’agir en opposition aux dictats de l’État, serait dérivé plus immédiatement de la « liberté de culte », et dont l’exemple classique de son application antérieure était l’usage propre aux « objecteurs de conscience » pour qui le droit de refuser les services militaires universels fut accordé, jadis, par respect aux croyances religieuses.

     Superficiellement, j’avoue, le principe semblerait clair et suffisant : tout médecin dont les principes moraux sont incompatibles avec l’euthanasie ne serait pas contraint à pratiquer celle-ci. Cependant, il y a deux importants problèmes dans cet usage, que j’aimerais signaler.

— La négation du statut primaire de l’individu humain en agent moral

     Le premier de ces problèmes concerne les préjugés défavorables et les imprécisions qui s’attachent, aujourd’hui, à toute discussion de la « moralité », surtout quand cette moralité serait conjuguée à la religion. Car d’après la pensée moderne et laïque, les préceptes religieux — issus d’autorités lointains ; imbibés à l’enfance selon les accidentes de la naissance ; appliqués possiblement, pendant toute une vie sans véritable réflexion critique — ne seraient, dans les faits, que des expressions suspectes de caprice doctrinal, et de la superstition aléatoire. Il n’y aurait, pour y insister, aucune place dans cette analyse présentiste pour une recognition lucide du fait que toute la sagesse préalable de notre race se trouve, de nécessité, articulée dans des formes religieuses. Il en résulterait, ainsi, dans l’esprit de plusieurs, l’impression que de tels « refus de conscience » soient faites pour aucun raison valable, et cela, même si une volonté superficielle d’accommodement nous contraindrait à les recevoir avec délicatesse.

     Derrière cette position, bien sûr, se trouve la présomption que les normes morales ne sont que des constructions sociales ; et que l’individu serait légitimement gouverné, en tout point, par les standards de sa collectivité. Il se peut, tout au plus, qu’au sein de certains états pluralistes, des exemptions soient parfois reconnues par respect à l’appartenance première de l’individu envers d’un culte religieux ou philosophique. Cependant, cette magnanimité de l’État véhicule, en même temps, deux insultes de la plus perfide condescendance : que premièrement, aucune légitimité n’y serait véritablement accordée (étant donné que les normes de la collectivité élargie prennent toujours précédence par définition) ; et surtout, que ce raisonnement, exclusivement collectif, trivialise les facultés morales qui sont propres à l’individu humaine.

     Car le sens moral existe, à l’intérieur, comme à l’extérieure, de la religion. Et les personnes qui s’identifient comme non-religieuse ne sont pas, pour autant, des personnes dépourvues de « conscience » ! Au contraire, la tendance rigoureuse, de tout questionner (pour le religieux comme pour le laïc), ne fait que d’approfondir et de renforcir la faculté morale. Surtout : la sagesse millénaire nous apprend qu’un sens du bien et du mal — qu’il soit rudimentaire ou réfléchi, majoritaire ou éclectique — fait partie inséparable de ce qui définit notre humanité.

     Or, nous nous trouvions, ainsi, à des années lumières du contexte, historique et intellectuel, dans lequel certains individus, appartenant à des cultes religieux bien définis, furent exceptionnellement excusés des services militaires (tout en subissant des pénalités importantes). Car, aujourd’hui, le champ des actions jugées sujet à des « objections de consciences » s’est grandement élargi, et la base des justifications tout autant.

     Nous nous retrouvions, cependant, toujours face aux mêmes questions soulevées par ces précédents (et par les sacrifices personnels qui y furent consentis) ; à savoir : Quelle doit être l’attitude étatique devant notre conviction commune (presqu’universellement partagée de manière intuitive) de l’homme particulier en agent moral, distinct de ses pairs ?

     Aussi récemment que 1970 (Welsh v. États Unis) la Cour Supreme de ce pays aurait jugé que la croyance religieuse n’est aucunement essentielle pour l’affirmation légale des privilèges de conscience : qu’avec ou sans religion tous les hommes sont des êtres imbus de l’agence morale ; que les convictions du laïc, de l’agnostique, ou de l’athée, mérite le même respect que celles du croyant. Ce fut une victoire importante pour la dignité naturelle de l’homme.

     Déplorablement pourtant, devant la redéfinition étatique de l’euthanasie en soin médical bénin, cette égalité serait réduite (pour les consciences dissidentes), vers une simple égalité d’insignifiance impotente ! Car si les réserves morales, de tous et de chacun, recevraient la même considération affectée, leur légitimité admise resterait toujours nul, face au décret de l’État.

      Or, est-ce que nous nous devions réellement d’accepter, aujourd’hui, une nouvelle interprétation de l’homme, considéré comme essentiellement sans morale ? Pour qui les consignes du pouvoir suffiraient, en soi, pour lui ôter toute responsabilité devant ses propres gestes ?  Accepterions-nous, surtout, qu’une telle conception réductrice soit appliquée, spécifiquement, à l’éthique médicale ?

     Pour ma part, la réponse en serait on ne peut plus simple : je soutiendrais, avec énergie, que les expressions de conscience, manifestées aujourd’hui par des médecins individuels, devant les gestes homicides redéfinis en soins médicaux, n’ont rien de trivial, et ne peuvent aucunement être minimisées en fonction du dictat officiel. Au contraire : que ces convictions soient les faits de personnes d’appartenance religieuse ou non ; de toutes souches confondues et quelles que soient leurs origines — étudiées ou intuitives : elles méritent, d’emblée, toute notre attention, et tout notre respect.

— Aussi : la négation législative et règlementaire des éléments rationnels de la « conscience »

Tristement, la trivialisation de l’agence morale n’épuise pas les malheureux effets d’une telle conception du jugement professionnel. Car en autant que le pouvoir législatif ne mentionne explicitement que les objections de « conscience », comme mobile recevable pour justifier un refus de participation au programme d’euthanasie (et ce dans le sens restreint de « conscience morale »), il semblerait aussi (de par le fait même), nier implicitement le sérieux de tout autre genre d’objection ; ce qui comprendrait — pour être absolument clair — tous les éléments, scientifiques et autres, qui sont compris dans la notion plus large de « conscience professionnelle » proposée dans ces pages.

     Ou plus succinctement : nous sommes devant une application de loi qui prévoit des accommodements pour les objections éventuelles — jugées irrationnelles — de la religion, mais qui rejetterait, avec la finalité de la silence, toute contestation fondée dans la raison, ou dans la science. Et la justification en serait des plus catégorique : le législateur aurait déjà statué sur la légitimité de l’euthanasie comme pratique médicale ! Officiellement, cette pratique ne pose plus aucune question – ni théorique, ni clinique, ni scientifique, ni sociale ; son caractère de soin médical bénin étant simplement décidé — par définition de décret — grâce à l’autorité législative.

     Et pour illustrer cette dynamique de manière pratique, considérons seulement la consigne éthique actuellement fournie par les collèges professionnels qui règlementent la pratique médicale en Ontario et au Québec (provinces comprenant, ensemble, 65 % de la population canadienne). Il s’y trouve stipulé : que le médecin traitant doit donner suite à toute demande d’euthanasie, ou, alternativement, expliquer auprès du patient qu’il y soit retenu par des « profondes convictions morales ». Aucun autre mobile de refus serait envisagé.

— Dénaturement, de la liberté de conscience ; Suppression, de l’éthique majoritaire

      Alors, voilà le sort réservé à ceux qui croyaient pouvoir toujours pratiquer et développer la médecine hippocratique, avec sérieux et respect, en parallèle avec les nouveaux soins d’euthanasie : le refus personnel de participer serait reçu favorablement, d’emblée, mais sans aucune considération des raisons derrière ce refus, puisque celles-ci demeurent (au sens du législateur) sans importance. Et c’est ainsi que la meilleure compréhension de l’intérêt du patient — entretenue à l’époque par une majorité des praticiens médicaux – ne soit représentée, du jour au lendemain, dans la même lumière que cette superstition enfantine à l’effet que l’on doit marcher dans les carrés, et non sur les lignes, des pavés de trottoir !

     Voilà une image grotesque, certes, mais ce serait quand même ainsi, je soumets, que la prétention politique se présente : car en considération du fait que les médecins sont des agents rémunérés de l’État ; et considérant aussi, que l’employer définit les tâches de ses mandataires : nos dirigeantes affirmeraient que l’euthanasie doit être reconnue comme soin médicale — bénin et universellement disponible – simplement parce que l’État en aurait décidé ainsi… sans plus.

     Or, dans de telles circonstances, il semblerait que le « droit de conscience » ne soit devenu qu’une plaisanterie cruelle.

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Généralement reconnu comme le meilleur des boxeurs de tous les temps, Muhammad Ali (né Cassius Clay) fut trois fois Champion mondial des poids lourds : 1964 – 1967 ; 1974 – 1978 ; 1978 – 1979. Au cours de sa carrière professionnelle, Ali livra 61 combats, dont 56 victoires, et 37 victoires par K.O.

Sa première défaite, qui est advenue en 1971 (après une absence forcée de quatre ans), semblait signaler une fin de carrière définitive. Pourtant, contre toute attente, il réussit à reprendre le championnat en 1974, pleinement dix ans après le début de son premier règne, ce qui demeure une exploite unique dans les annales de ce sport.

Outre sa présence de sportif hors pair, Muhammad Ali marqua sa génération en icone de la désobéissance civile. À l’âge de dix-huit ans, suite à une altercation de teneur raciale dans sa ville natale de Louisville (Kentucky), dans un geste caractéristique qui exprimait son refus de l’injustice : Cassius Clay jeta sa médaille d’or (fraichement gagnée aux Jeux Olympiques de Rome), dans la Rivière Ohio.

Peu de temps après, il changea son appellation à « Cassius X » suivant l’exemple du célèbre Malcom Little, devenu Malcom X (et ensuite El-Hajj Malik El-Shabazz).

Trois ans plus tard, Muhammad Ali, s’est écopé d’une peine de 5 ans de prison comme objecteur de conscience.

Image : Sur le podium à Rome (1964) médaillé d’or, poids lourds légers.

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