Deprecated: Le crochet jetpack_pre_connection_prompt_helpers est obsolète depuis la version jetpack-13.2.0, sans aucune alternative disponible. in /hermes/bosnacweb01/bosnacweb01an/b2067/nf.euthanasiediscussion/public_html/euthanasiediscussion/wp-includes/functions.php on line 6078
- Victor Hugo : un puissant apôtre de la réforme sociale - Euthanasie : De la discussion jaillit la lumière

— Victor Hugo : un puissant apôtre de la réforme sociale

(Tome Premier : L’euthanasie et le choix — Partie C : l’euthanasie et la médecine — Section III : Une société en rupture — Chapitre : La démocratisation du vice au dix-neuvième siècle, un regard littéraire : Musset ; Flaubert ; Hugo — Victor Hugo : un puissant apôtre de la réforme sociale)

.

Victor-Marie Hugo (1802 – 1885). Fils du Générale bonapartiste Joseph Léopold Sigisbert Hugo (1773 – 1828) et du peintre Sophie Trébuchet (1773 – 1821), Victor Hugo fut poète, romancier, dramaturge, pamphlétaire, rédacteur, Président de la Société des gens de lettres (1840), Fauteuil 14 de l’Académie française (1841), Pair de France (1845 – 1848), Député (1848 – 1851), Sénateur (1876 – 1885), et (surtout, d’après ses propres dires) : Grand-père.

Lui furent accordées : des funérailles nationales et l’inhumation au Panthéon de Paris

.

     La philosophie sociale épousée par Victor Hugo (1802 – 1885) est bien connue, partout au monde, grâce à sa description célèbre — non inventée, celle-ci, mais tirée des registres juridiques — du forçat/victime Jean Val Jean (« Les Misérables », 1862), qui passa dix-neuf ans en captivité pour avoir volé un pain, dans l’intention de nourrir les enfants de sa sœur.

« …Cette sœur avait élevé Jean Valjean, et tant qu’elle eut son mari elle logea et nourrit son jeune frère. Le mari mourut. L’aîné des sept enfants avait huit ans, le dernier un an. Jean Valjean venait d’atteindre, lui, sa vingt-cinquième année…

Il faisait ce qu’il pouvait. Sa sœur travaillait de son côté, mais que faire avec sept petits enfants ? C’était un triste groupe que la misère enveloppa et étreignit peu à peu. Il arriva qu’un hiver fut rude. Jean n’eut pas d’ouvrage. La famille n’eut pas de pain. Pas de pain. A la lettre. Sept enfants.

Un dimanche soir, Maubert Isabeau, boulanger sur la place de l’église, à Faverolles, se disposait à se coucher, lorsqu’il entendit un coup violent dans la devanture grillée et vitrée de sa boutique. Il arriva à temps pour voir un bras passé à travers un trou fait d’un coup de poing dans la grille et dans la vitre. Le bras saisit

un pain et l’emporta. Isabeau sortit en hâte; le voleur s’enfuyait à toutes jambes ; Isabeau courut après lui et l’arrêta. Le voleur avait jeté le pain, mais il avait encore

le bras ensanglanté. C’était Jean Valjean.

…Ceci se passait en 1795. Jean Valjean fut traduit devant les tribunaux du temps «pour vol avec effraction la nuit dans une maison habitée»…

…Il partit pour Toulon. Il y arriva après un voyage de vingt-sept jours, sur une charrette, la chaîne au cou. A Toulon, il fut revêtu de la casaque rouge. Tout s’effaça de ce qui avait été sa vie, jusqu’à son nom; il ne fut même plus Jean Valjean; il fut le numéro 24601. Que devint la sœur? que devinrent les sept enfants? Qui est-ce qui s’occupe de cela? Que devient la poignée de feuilles du jeune arbre scié par le pied?… »

— Un homme public d’allégeance changeante, mais de principe constant

     Décidemment, bien que longtemps monarchiste, Victor Hugo épousa pleinement l’esprit radical de son époque ; et il nous présente, ici, les présomptions à la base des apologies courantes, offertes non seulement pour les comportements criminels des individus, mais également pour les fureurs et les excès révolutionnaires : que la sauvagerie du peuple résulte de l’étroitesse de leur condition ; que la responsabilité en soit celle de la société, et non de l’individu ; des riches, et non des pauvres. Ou, selon un texte écrit de là même main, trente ans plus tôt (« Claude Gueux », 1834) : la maladie sociale resterait identique, malgré les changements de régime.

«  …Voyez Claude Gueux. Cerveau bien fait, cœur bien fait, sans nul doute. Mais le sort le met dans une société si mal faite, qu’il finit par voler. La société le met dans une prison si mal faite, qu’il finit par tuer. Qui est réellement coupable ? Est-ce lui ? Est-ce nous ? »

« Jean Valjean était entré au bagne sanglotant et frémissant; il en sortit impassible. Il y était entré désespéré ; il en sortit sombre. Que s’était-il passé dans cette âme? »

— Une conclusion politique sans ambiguïté

« Claude Gueux avait volé un pain; Jean Valjean avait volé un pain. Une statistique anglaise constate qu’à Londres quatre vols sur cinq ont pour cause immédiate la faim. »

« Messieurs des centres, messieurs des extrémités, le gros peuple souffre ! Que vous l’appeliez république ou que vous l’appeliez monarchie, le peuple souffre. Ceci est un fait.

Le peuple a faim, le peuple a froid. La misère le pousse au crime ou au vice, selon le sexe. Ayez pitié du peuple, à qui le bagne prend ses fils, et le lupanar ses filles. Vous avez trop de forçats, vous avez trop de prostituées. Que prouvent ces deux ulcères ! Que le corps social a un vice dans le sang. Vous voilà réunis en

consultation au chevet du malade : occupez-vous de la maladie… »

— un rejet de la thèse de la singularité moderne

     Il semblerait, aussi, et tel que nous puissions constater dans le fragment ironique de discours politique présenté ci-bas, que Victor Hugo ne crédita pas la théorie présentée par Musset, voulant qu’il se produisait — dans ce moment précis — une crise nouvelle, de criminalité et de vice, dont les sources résidaient dans la spécificité du monde moderne, en transition, urbain et industriel :

« Il est important, députés ou ministres, de fatiguer et de tirailler toutes les choses et toutes les idées de ce pays … ; il est essentiel, par exemple, de mettre sur la sellette et d’interroger, et de questionner à grands cris, et sans savoir ce qu’on dit, l’art du dix-neuvième siècle, ce grand et sévère accusé qui ne daigne pas répondre et qui fait bien ; il est expédient de passer son temps, gouvernants et législateurs, en conférences classiques qui font hausser les épaules aux maîtres d’école de la banlieue ; il est utile de déclarer que c’est le drame moderne qui a inventé l’inceste, l’adultère, le parricide, l’infanticide et l’empoisonnement, et de prouver par là qu’on ne connaît ni Phèdre, ni Jocaste, ni Oedipe, ni Médée, ni Rodogune ; il est indispensable que les orateurs politiques de ce pays ferraillent, trois grands jours durant … pour Corneille et Racine, contre on ne sait qui… »

— Des reflets de Rousseau et un regret de l’éloignement de la Nature

     Notre auteur semble tirer, tout de même, une distinction significative, entre le crime sordide de la ville, et les délits plus francs qui se commettent au grand air des campagnes.  

« … Il avait un fusil dont il se servait mieux que tireur au monde, il était quelque

peu braconnier; ce qui lui nuisit. Il y a contre les braconniers un préjugé légitime. Le braconnier, de même que le contrebandier, côtoie de fort près le brigand.

Pourtant, disons-le en passant, il y a encore un abîme entre ces races d’hommes et le hideux assassin des villes. Le braconnier vit dans la forêt; le contrebandier vit dans la montagne ou sur la mer. Les villes font des hommes féroces, parce qu’elles font des hommes corrompus. La montagne, la mer, la forêt, font des hommes sauvages. Elles développent le côté farouche, mais souvent sans détruire le côté humain. »

     Très clairement, nous voyions dans ces phrases, un fort penchant vers la pensée de Rousseau, selon laquelle l’homme se corrompe dans la même mesure qu’il s’éloigne de sa « nature », et de sa vie « naturelle ». Mais quel qu’il en soit, le message essentiel qui ressort de toute lecture de Victor Hugo, demeure dans la conviction première que quelque chose ne tourne pas ronde dans une société où la masse populaire se trouvent tant maltraitée, à la manière de Claude Gueux et de Jean Val Jean. Mais il y a plus : Car Hugo nous lance, aussi, la déclaration d’une urgence d’agir.

— un homme d’esprit et de gestes, dont les paroles touchent toujours à l’action

     À la différence de Gustave Flaubert, Victor Hugo ne trouva pas acceptable la simple complaisance dans une affectation, ironique et suffisante, au sujet de la constance immuable de la bêtise humaine.

     À la différence de Alfred Musset, Victor Hugo ne se contenta pas, non plus, d’un désespoir paralysant, arrosé d’un vague espoir rédempteur voulant que les « générations futures » solutionnent, éventuellement, les crises inédites de son époque.

     Et même si l’âme de Victor Hugo, elle aussi, fut intimement torturée par les violences de la société qui l’entourait ; et même si des références récurrentes — parsemées à travers tout son ouvrage — nous expose une attirance certaine vers l’abandon et la mort suicidaire : Victor Hugo nous communique toujours sa conviction inébranlable que nous nous devions de résoudre ces torts, plus tôt que plus tard ; qu’ils exigent de nous tous, maintenant, les efforts nécessaires pour en fournir des remèdes efficaces. En somme, Victor Hugo nous enseigne sur la profondeur du problème, mais ne s’arrête pas là : il nous enjoigne d’y réagir, effectivement suivant son exemple personnel, public et privé.

     Contrairement aux critiques sociales précédentes, cependant, il se présente, ici, quelque chose de réellement nouveau ; quelque chose de proprement moderne et scientifique. Car chemin faisant, Victor Hugo nous fournit aussi (et même sans le savoir), une hypothèse concrète et susceptible de vérification empirique : qu’un monde libéré de la misère serait également un monde libéré du crime et du vice. Or, de par le miracle moderne, ce préjugé intuitif se trouverait bientôt exposé à l’essai pratique.

— Une déception vive des espoirs progressistes

     Or, très tristement dans l’occurrence, la superposition d’inhumanités monstrueuses (sur fond de prospérité générale) — cette caractéristique tant surprenante du vingtième siècle — semblerait invalider franchement l’hypothèse Hugolien. Car d’après cette expérience récente, il s’est révélé avec la plus grande clarté, que les êtres humains n’auront nullement besoin d’être pauvres (au moins pas dans le sens traditionnel illustré par Jean Valjean) pour ressentir un besoin impératif de s’entre-tuer en masse, de dépouiller furieusement leur héritage ancestral, d’abandonner leurs champs, d’incendier leurs villes, leurs fabriques, leurs habitations.

     En particulier, de manière moins dramatique, peut-être, mais d’autant plus envahissante dans la fibre sociétale : le rejet subséquent de la prohibition des boissons alcoolisées, et par extension la normalisation courante d’autres comportements clairement nocifs (dont l’usage abusif d’autres substances psychotropes, ainsi que le jeu et la prostitution) semble nous indiquer une tendance humaine, des plus tenaces, d’embrasser volontairement les dangers du vice, avec toute la criminalité, et avec toute la victimisation, qui s’y rattache ; et ce, très évidemment, même dans la possession de tous les moyens matériels requis pour s’en affranchir.

— Un testament non moins précieux

     Cela ne veut pas dire (je tiens à préciser) que Victor Hugo ait eu tort pour autant, d’exiger de nous des solutions à ces problèmes, tant coriaces, de la société humaine ; mais il semblerait aussi, cependant, que ces problèmes ne se soient révèles autrement plus récalcitrants que lui — et souvent, ses successeurs les plus sincères — en ait pu imaginer. Mais cela étant dit : Hugo personnellement (et de ces faits j’en suis absolument persuadé), ne se serait jamais détourné (à notre place) de la tâche qu’il s’est si ardemment imposée ; et très certainement pas en conséquence de la simple invalidation d’une première hypothèse de départ.

Poursuivre la lecture du texte en séquence linéaire… (Tome Premier : L’euthanasie et le choix — Partie C : l’euthanasie et la médecine — Section III : Une société en rupture : Chapitre : L’esprit confiant du progrès moderne : enfin trouvé, mais perdu de nouveau)

Laisser un commentaire