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L’euthanasie des « incapables » : devenue incontournable selon le paradigme de morale objective - Euthanasie : De la discussion jaillit la lumière

L’euthanasie des « incapables » : devenue incontournable selon le paradigme de morale objective

(Tome Premier : L’euthanasie et le choix — Partie B : l’euthanasie et la clientèle — Section III : La « Pente Glissante » — Chapitre : Au-delà du suicide et de la mort volontaire, au bas de la « Pente », se trouve l’euthanasie simple — L’euthanasie des « incapables » : devenue incontournable selon le paradigme de morale objective)

     Aussi longtemps que nous ayons insisté sur le suicide (et même sur le suicide assisté) comme un geste souverain, justifié uniquement en fonction d’un choix personnel (dont la nature ultime serait voilée dans le mystère subjectif) — et accompli, à la fin, par un geste positif et volontaire — il nous était permis d’espérer que le phénomène de la « mort assistée » ait pu se limiter aux seules personnes capables. (Car il serait impossible, utilisant cette logique, de justifier la moindre mise à mort non-volontaire.)

     À la rigueur, même la mort administrée par des tiers (incluant celle administrée par des médecins) pouvait s’accorder avec cette distinction ultime, en autant que le tout fût toujours perçu en suicide, selon une interprétation identifiant le médecin en agent purement instrumental, soumis à la volonté du suicidaire.

     Mais une fois que ces morts eussent été justifiées avec un système objectif quelconque ; quand, par exemple, le modèle traditionnel d’un interdit moral absolu ait été astucieusement contourné avec des exceptions accordées grâce à l’évocation de critères médicaux objectifs (cette substitution, transparente, pour la notion intuitive du « bien ») : la situation conceptuelle se transforma radicalement. Et tragiquement, tel se trouve notre cas actuel. Car à toute fin pratique, ce principe est maintenant publiquement admis : que la mort médicalement administrée se présente avantageusement en solution pour la « souffrance ».

     Il serait nécessaire de dire, aussi, que cette perception ait été bâtie sur une série lamentable d’erreurs juridico-légales et administratives.

— Malgré une longue litanie de fautes (de méthode et d’intention), l’euthanasie s’impose en « bien » positif comme « soin » médical

     Nous pourrions souligner, par exemple, que la loi fédérale (canadienne) ne fait que décriminaliser les gestes homicides ainsi posés et ne s’aventure aucunement pour en cautionner la légitimité, ni face à la morale commune, ni face à l’éthique médicale ;

     Nous pourrions également protester que la seule définition de l’euthanasie en « soin » médical (et ce dans le monde entier) se trouve dans la Loi 52 (Québec, 2014) qui est un document de dérivation non médicale, mais bien politique ; et qui se permet, ainsi, d’affirmer (en passant) ce principe tant radical (et inconnu à l’extérieur des régimes totalitaires) : que l’État (en régime monopoliste de soins-santé), possède également le privilège de définir la nature de la mission médicale ;

     Nous pourrions bruyamment lamenter l’implémentation pratique de cette doctrine à travers l’industrie médicale (une implémentation pratiquée de manière autoritaire par décret règlementaire et administratif) qui consiste à donner à l’euthanasie un statut d’universalité privilégiée dont seulement les interventions médicales les plus urgentes pouvait se vanter précédemment, telle la transfusion sanguine ;

     Nous pourrions répéter, en plus, que cette implémentation maximale ne reflète aucunement les choix proportionnellement exprimés ; et ne fournit pas, alors, une réponse rationnelle à la maigre demande organiquement exprimée.

     Nous pourrions dire tout ça, et bien d’avantage. Nous pourrions même nous obstiner à débattre de ces points dans l’espoir de pratiquer une érosion éventuelle dans les sentiments publics à l’appui de ce programme.

      Toujours est-il cependant, qu’à l’heure actuelle (et pour le futur prévisible) il s’est bel et bien produite une perception exécutive, à l’effet que l’euthanasie soit non seulement un phénomène légal, mais aussi, dans le sens médical : un bien positif. Et sous-entendu dans une telle prétention réside, également, cette notion corollaire : que le « bien » médical du « soin » ne soit dépendant ni du choix, ni même du consentement, du sujet désigné.

— La logique du choix, « incapable », présumé par analogie

     Bien sûr, la première exigence pour accéder à l’aide médicale à mourir consiste dans la demande volontaire. Et puisque la notion de volonté s’appuie sur celle de la capacité mentale, il y aurait tendance naturelle à présumer que les seuls individus « capables » ne puissent être les bénéficiaires de l’euthanasie.

     Mais en revanche, il revient à la collectivité de prendre en charge ceux qui ne sont pas capables, et d’en assumer la responsabilité. Comment, alors, face à ce devoir — dans notre régime de médecine sociale — pourrions-nous éthiquement refuser, à ces personnes incapables, les mêmes « soins » (c’est-à-dire les mêmes bienfaits) que nous prodiguerions aux autres ?

     Ce serait une impossibilité logique. Et c’est ici, je soumets, que la fameuse pente nous entraine, maintenant, beaucoup plus loin que certains interlocuteurs peu méfiants n’eussent voulu, jusqu’à tout récemment, imaginer. Car, s’il existe des critères, selon lesquels une personne raisonnable puisse raisonnablement demander la mort (comme traitement médical bénin), il suit de peu que la société, en se substituant pour le jugement de la personne incapable, agirait, elle aussi, de façon raisonnable, en comandant sa mise à mort.

     Et en conséquence, il semble inévitable que le seul fait, d’avoir officiellement reconnu certaines mises à mort comme des interventions médicales appropriées (d’avoir défini certains suicides en « bien »), ait forcément débuté un processus de normalisation, des interventions mortelles, pratiquées sur toute personne — qu’elle soit compétente, ou non — en autant qu’elle réponde aux critères exigés.

— Une même erreur de méthode conceptuelle, de multiples effets nocifs

     Pour vrai dire, ce que nous constations, ici, ce n’est rien d’autre que la puissance — de l’exception à l’interdit, élevée en bien primaire — qui ait fait tant de tort, déjà, aux malades chroniques et aux handicapés, grâce aux pressions psychologiques et sociales accrues, qui résultent de l’association fortuite de ces derniers avec les critères médicaux retenus pour accéder à l’euthanasie. Mais tandis que ces gens, capables, ne peuvent être tués sans façon (dans un régime d’euthanasie volontaire), le risque pour les incapables demeure entier.

     Et même que le risque, si je ne me trompe guère, deviendra rapidement une certitude. Car l’aboutissement, des causes juridiques prochaines, sera facilement prévisible (une fois commencées les représentations ardentes de la « cruauté », et de l « injustice », de refuser, aux seules personnes « incapables », ce bien désirable, ce soin médical tant convoité — cette « bonne mort » — qui soit l’euthanasie).

     Serait prudent, alors, de prévoir des maintenant l’incapacité identifiée elle-même en condition « grave et irrémédiable » (et cela plus tôt que plus tard) ; ce qui ouvrirait, toute grande, la voie vers l’évacuation sommaire de cette population.

— Un renforcement mutuel de l’euthanasie normalisée, des capables et des incapables

     Ce serait plutôt lucide, aussi, de prévoir l’opération d’un effet de résonance, entre l’euthanasie volontaire des « capables » et la liquidation simple de leurs contreparties « incapables » : une résonnance qui contribuera fortement à l’expansion des deux. Car plus les personnes capables choisiront l’euthanasie volontaire, plus aussi l’euthanasie simple, des incapables, semblerait indiquée ; et de la même manière (et comme juste retour du balancier) : plus l’euthanasie des incapables sera normalisée, plus encore le choix du suicide serait attendu — et agressivement sollicité — auprès des souffrants capables.

— Une nouvelle définition de « refus de soins » qui puisse bien en faire rougir les promoteurs

     Il ne serait aucunement trop fantaisiste non plus, je soumets, de présumer déjà, face au lexique officiel en devenir, qu’il en soit bientôt reconnu la nécessité, pour maints patients dont les soins seraient devenus trop onéreux, d’exercer leur « droit » de « refus de soins » pour se soustraire à l’euthanasie ! Ou plus simplement exprimé : un refus de mourir serait reçu, désormais, en refus de soins !

     En fait, nous possédons des exemples précurseurs qui peuvent nous renseigner, déjà, sur la direction de cette tendance. Des gens, par exemple, comme Roger Foley, qui fut transféré à l’hôpital (puisqu’impossible à soigner adéquatement au centre de soins de longue durée) ; mais qui ne fut bientôt plus le bienvenu à l’hôpital pour autant ; et qui devait choisir, ainsi, entre l’euthanasie (énergiquement refusée, mais fréquemment proposée de nouveau), le congédiement sans façon dans la nature (la conséquence logique d’un refus de soins), ou l’acquittement quotidien d’une facture punitive de mille dollars (mécanisme de paiement réservé à ceux, comme certains étrangers de passage, qui se trouvent à l’extérieur du système canadien).

— Le bilan d’une transformation, rapide et radicale, du choix vers l’obligation

     Voilà, pour conclure, le portrait fidèle d’une Aide médicale à mourir (terme explicitement reconnu dans le jugement Carter comme étant fonctionnellement identique à « l’euthanasie volontaire ») mais — suite à quelques années, seulement, de dérapage sur la pente redoutée — qui se discute aujourd’hui en fonction de l’euthanasie des « incapables » (directives anticipées, mineurs matures, conditions psychiatriques) ; et même : de l’abandon effectif des patients, aussi « capables » furent-ils, du moment qu’ils aient refusé ce « soin » tant privilégié par l’État.

     En somme, la tentative contre-nature, de transformer magiquement des choix purement subjectifs, en « biens » objectifs, grâce aux exceptions plaisamment définies en « sauvegardes », s’est avérée un échec des plus abject. Et comme la faute en fut politique, aussi en serait-il de la solution

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Roger Foley (1976 – )

« On m’offre la mort assistée mais pas l’assistance pour vivre ! »

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