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À la rassemblement des Alliés : un choc de cultures - Euthanasie : De la discussion jaillit la lumière

À la rassemblement des Alliés : un choc de cultures

(Tome Premier : L’euthanasie et le choix — Partie C : l’euthanasie et la médecine — Section III : Une société en rupture — Chapitre : La rencontre des cultures, américaine et continentale, occasionnée par la rassemblent des armées alliées sur le sol français, 1914 – 1918) — À la rassemblement des Alliés : un choc de cultures)

La Première Guerre Mondiale créa une étrange culture d’exception en France où la pauvreté d’une population en guerre rencontrait la prodigalité des soldats étrangers, et où la pénurie masculine se combla par la présence de plusieurs millions d’hommes, déracinés de la trame de leur vie ordinaire — en Angleterre, en Océanie, en Afrique, en Asie, au Canada et en Amérique — déployés pendant quatre longues années dans la boue et dans le sang ; dans la cicatrice infernale des tranchées d’une guerre féroce mais immobile, qui s’étendait de la Manche jusqu’aux Montagnes Suisses (sans parler des millions, encore, qui s’affrontèrent à l’Est : sur le Front Russe, dans la Péninsule balkanique, et au long des Alpes italo-autrichiennes).

Aussi, en arrivant sur le vieux continent, les soldats Alliés des contingents outre-mers se sentirent profondément dépaysés devant une société dont les usages étaient très différents des leurs.

— L’Europe en héritière de la civilisation classique, de conquête et d’oppression

Transportés des sociétés nouvelles de l’Amérique, ces hommes prenaient subitement connaissance de peuples directement ancrés dans un continuum historique qui les relia, de maniéré organique, avec la civilisation classique des empires du bassin Méditerrané. Ils faisaient, ainsi, la découverte d’une société beaucoup plus ancienne : plus “civilisée”, plus “sophistiquée”, plus “raffinée”, et je prétendrait aussi : fondamentalement plus cruelle.

Car l’Europe sortait encore avec grande difficulté, elle, d’un système fondé sur l’asservissement explicite des paysans, qui avaient jadis appartenu comme esclaves — en bétail de service — à une classe maître d’origine militaire. Dans d’autre mots, ces populations avaient vécu, jusqu’à très récemment, sous le joug des armées d’une caste guerrière d’occupation. Et même à la fin du dix-neuvième siècle, beaucoup d’entre elles (incluant notamment celles de la Russie, ainsi que la partie européenne de L’Empire Ottoman), y vivaient encore.

— En Amérique, un nouveaux départ, sur fond capitaliste et égalitaire

En Amérique, cependant, cette organisation tant ancienne — strictement stratifiée, d’esclave et de maître — n’a pas su prévaloir.

Au contraire : elle fut répudiée d’emblée par grand nombre de colons fuyant précisément cette oppression ; et par la suite, la tentative malheureuse d’installer une société similaire (bâtie cette fois sur l’importation d’esclaves africains), fut constamment opposée et éventuellement arrêtée, aux cours d’une longue bataille politique, convertie ultimement en guerre existentielle (1861 – 1865) ; un conflit qui opposait deux visions de l’homme, et deux modèles incompatibles de l’économie — de capital industriel, et d’esclavagisme classique — dont l’issue s’est déterminée au désavantage de ce dernier.

Pour tout dire, les colonisateurs hollandais et anglo-saxons, émissaires d’une société en forte transition technologique, n’avaient pas réussi à transporter, au Nouveau Monde, leur ancien modèle civilisationnel d’économie agraire et pré-industrielle. Avec justesse, donc, les Américains se prétendaient libre (et égalitaire) d’une manière toujours inconnue ailleurs. Car (hors des séquelles perdurant de l’esclavage raciale) les rôles traditionnels de l’assujettissement dépendant — des laquais, des paysans inféodés, et des domestiques — ne s’étaient jamais affichés, chez eux, avec la supériorité manifestée de l’autre coté de l’Atlantique.

— Une perception d’infériorité culturelle, mais de supériorité morale

Les soldats Alliés débarquèrent en France, alors, comme les rustres Croisés Normands étaient arrivés à Constantinople en 1097. Ils se sentaient éblouis, et intimidés à la fois : par la culture, par l’histoire, par la subtilité de l’interaction sociale ; mais aussi, il se sentaient insultés : par l’attitude condescendante de tous les habitants, incluant même les plus minables des domestiques.

Car tout en prenant connaissance de la plus grand finesse du modèle européen, les troupes alliées se sentaient confiants, aussi, de la supériorité morale (et économique) du leur.

— Une différence dans la perception morale de la force, et des femmes

En Amérique, surtout, il n’y n’avait rien eu de semblable à la marche et la contremarche incessante d’armées féodales et nationales qui avaient occupé l’Europe entière, de Charlemagne à Napoléon. En conséquence, il manquait, aussi, l’empreinte profonde de cette moralité légère, et prédatrice — de noble et de soldat, de cour et de caserne — qui fut si généralement apparente en Europe.

En particulier, les seules femmes jusqu’alors connues, par la plupart des soldats arrivés de l’Amérique, avaient été leurs mères, leurs épouses, leurs sœurs. Et s’ils avaient connu des prostituées, ce fut dans des circonstances extraordinaires — de foire, de voyage, ou des emplacements de l’industrie purement masculine (maritimes, forestiers, ou miniers) — des épisodes nettement isolés de la vie normale.

Le caractère social, immémorial (et omniprésent) de la courtisane, par contre — à partir des maîtresses célébrés de l’élite, jusqu’aux filles dans les rues de Paris qui portaient avec elles des plaques numérotées de permis municipales (à l’instar des fiacres et des taxis publics) — n’avait aucun équivalent dans l’expérience américaine, et hors du domaine littéraire, demeuraient presque inconnu.

— L’exception morale, convertie en règle

Or, ce qui étaient extraordinaire dans l’expérience de la Première Guerre, en France, sous l’occupation fraternelle des soldats Alliés, c’était la transformation de l’exception en norme : que le besoin extrême se manifestait partout ; que les hommes typiques se présentaient “normalement” en soldat ; que les femmes typiques se rendaient “normalement” accessibles : non pas quelques jours seulement, comme aux siècles passés, pendant le passage d’une armée en marche (ni même pour une période de quelques semaines dans des zones de concentration ponctuelles) mais pendant des années : à travers toutes les régions en support de cet énorme théâtre de conflit stationnaire ; et aussi selon la dispersion : encombrées d’un nombre prodigieux de réfugiés civils (fuyant la destruction et l’occupation allemande).

Dans de telles circonstances, les définitions normales — de prostitution et de fréquentation légitime — se confondirent dans un contexte où les jeunes hommes (et souvent des hommes à peine) découvraient l’urgence irrésistible de l’amour, sous la menace d’une extinction imminente ; où la satisfaction de cette urgence devait se voler — au caprice de l’opportunité, au dépens de la discipline, et au cours de brefs répits en arrière des lignes — en compagnie de femmes, inconnues, dont ils ne partageaient même pas la langue ; où l’on s’attendait à ce que les filles aient été toujours amoureuses ; mais où les filles s’attendaient, aussi, à ce que les garçons soient toujours munis de cadeaux nécessaires (de nourriture, de vêtements, de tabac, de boisson) ; où des pères et des mères de famille, même, recevaient gracieusement, à domicile, les prétendants passagers de femmes dont les frères (et même les maris), étaient eux-mêmes en service au front : qui recevaient leurs cadeaux ; qui leur préparaient à manger ; qui leur cédaient leurs lits.

Paris, en particulier, fut transformé dans un énorme rassemblement d’exception (de militaires, de blessés, d’habitants et de réfugiés) constitué (selon l’expression du temps) pour la “duration”, c’est à dire : aussi longtemps qu’ait pu continuer cette pause irréelle dans la vie des personnes et des peuples.

Les troupes Anglo-Saxons assez chanceux pour y accédaient rencontrèrent, là-dedans, les braises encore chaudes de la Belle Époque, et ramenèrent chez eux, non seulement les toiles et la littérature françaises, mais aussi, une idéalisation de la culture de ce pays, qui était postulée sur la normalisation des comportements les plus libres, et donc, les plus excessifs.

— Une idéalisation artificielle (mais universellement partagée) dont l’influence future se révélera on ne peut plus réelle

Car le caractère français rencontré par les soldats alliés n’était pas vraiment celui de la France, ni même celui de Paris. Cela se présenta, plutôt, dans la traduction et dans la compréhension des hôtes étrangers, comme une sorte de caricature extrême, où se mêlaient les notions préconçues (de romans, de carte-postales, de cuisine, et d’amour “français”), dans un amalgame titillant qui comprenait tout ce qui ait été proscrit chez eux ; mais qui leur semblait, aussi, parfaitement naturel à la source.

Alors tandis que les étrangers se félicitaient à la découverte de cette sensualité inconnue, les français (et les françaises) — pris, entre les impératifs matériels d’un présent catastrophique, et la réputation longtemps gagnée d’une culture de plaisir frivole — consentirent (pour les uns passivement, et pour les autres avec méthode) à se présenter en imitation parodique d’eux-mêmes.

Or, telle fut l’impression ramenée en Amérique par les soldats rapatriés, qui préservaient chacun — avec un enthousiasme mêlé d’humour quelque peu gêné (et parfois presque incrédule) — des souvenirs de la France, et des françaises “typiques”, aussi durables que ceux de leur calvaire militaire ; impression même, avec laquelle se colorie involontairement la description présente : cent ans plus tard, au souvenir non des faits, mais seulement des communications, inoubliables, reçues en partage.

Ce fut, d’ailleurs, une impression de grande importance civilisationnelle. Car dans ce sentiment double (de plaisir insouciant, et d’horreur solennelle) qui fut ressenti par les soldats du nouveau continent, à la rencontre de l’ancien), nous trouverons la racine fusionnée du mouvement subséquent vers un véritable “refus global” (de toute contrainte et de toute responsabilité sociale), qui ait caractérisé la contre-culture dominante depuis ce moment.

Poursuivre la lecture du texte en séquence linéaire… (Tome Premier : L’euthanasie et le choix — Partie C : L’euthanasie et la médecine — Section III : Une société en rupture — Chapitre : Le profil littéraire des années Vingt et Trente : une vie de paix, à peine plus certaine que la guerre précédente)

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