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Chapitre : La fragilisation accrue du statut social de la personne handicapée, malade et dépendante, suite à la légalisation de l’euthanasie (aide médicale à mourir) - Euthanasie : De la discussion jaillit la lumière

Chapitre : La fragilisation accrue du statut social de la personne handicapée, malade et dépendante, suite à la légalisation de l’euthanasie (aide médicale à mourir)

(Tome Premier : l’euthanasie et le choix — Partie B : l’euthanasie et la clientèle – Section I : Le vécu des personnes handicapées, malades et mourantes — Chapitre : La fragilisation accrue du statut social de la personne handicapée, malade et dépendante, suite à la légalisation de l’euthanasie (aide médicale à mourir)

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Tracy Latimer (1980 – 1993) avec son père, Robert, qui fut éventuellement condamné pour meurtre au deuxième degré ; trouvé coupable d’avoir asphyxié Tracy en dirigeant les gaz d’échappement de son automobile vers la cabine scellée où il l’avait attaché. 73% des Canadiens croyait (1999) que la peine de Robert Latimer eût dû être réduite, par compassion, due aux « circonstances ». Pourtant, les groupes de défense des droits de la personne handicapée soutenaient, unanimement, la thèse contraire : que le meurtre d’un enfant handicapé soit un phénomène identique au meurtre de toute autre enfant. Le statut de la personne handicapée reflet, depuis toujours, ce préjugé de la part de la majorité bien-portant, et la légalisation de l’euthanasie en fut l’aboutissement pratique.

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— De principes contemporains, très favorables à la vie des handicapés et autres personnes dépendantes

     De prime abord, il faudrait se rappeler que nous avons la chance inouïe de vivre dans une société imbue de principes théoriques admirables en ce qui concerne la valeur intrinsèque de la vie, et la protection de la personne. Ce sont, hors de la zone moderne du libéralisme démocratique, des principes entièrement inconnus dans l’histoire, ou dans la géographie, humaine.

     Dans nos chartes de droits communs se trouve spécifiquement mentionnés : et le droit à la vie, incluant le droit à la sécurité physique ; et le droit à la non-discrimination envers des gens présentant de déficits fonctionnels. Or, avec la combinaison de ces deux principes, le résultat ne peut être interprété autrement qu’en devoir ferme, de la collectivité, à protéger la vie de ses membres les plus vulnérables.

     Ce sont là, pour en souligner la signification humaine extraordinaire, des acquis gagnés dans deux millénaires d’évolution intense (de principes civilisationnels jamais vus avant, ni ailleurs) qui font partie d’un ensemble social lentement construit – arraché, pour vraie dire — de peine et de misère, dans le sang des peuples ; des acquis, donc, qui mériteraient d’être défendu avec la plus grande fermeté.

     Pourtant, c’est précisément dans cette matière, de protection collective, que la légalisation du suicide assisté, et de l’euthanasie, fait des torts qui peuvent être jugés incommensurables avec les bénéfices escomptés, puisqu’elle attaque  – directement et grièvement – la sécurité physique des personnes dont le besoin de protection s’est historiquement révélé le plus fort.

     Et encore plus fondamentalement : en précédent malheureux, cette légalisation se porte en faux contre le principe, même, de la protection de la personne ; car elle remet en question la prémisse originale de notre société : que toute vie humaine soit de valeur égale (dans sa dignité et devant la loi). Il s’ensuit, alors, que même les personnes qui pourraient rester impassibles, devant le sort des malades et des handicapés, devraient toujours lucidement s’inquiéter du fait que cette précédente puisse, éventuellement, s’affirmer au désavantage d’autres groupes également.

— nouvelle présomption de variation objective dans la valeur des vies : mériter ou ne pas mériter de vivre ; et dans l’estimation ou à l’avantage de de qui ?

     En essence, la logique objective, d’exceptions médicales à l’interdit du suicide assisté, présuppose qu’il existe des personnes tellement souffrantes, de par leurs maladies (ou de par leurs déficits physiques), qu’on doit — par reflex humanitaire — permettre, et même provoquer, leur mort. Ainsi, dans le vocabulaire précurseur de “mort dans la dignité”, se cachait à peine la présomption qu’il y aurait des personnes qui vivent, effectivement, dans un état de dégradation indigne telle que la mort serait préférable à leur survie. Et alors, nous vîmes émerger le suicide redéfini en bien, tant sociétal que personnel ; représentant la meilleure réponse aux critères exceptionnels invoqués.

     Mais dans l’urgence présumée d’agir, nous ne nous sommes pas suffisamment attardés, je soumets, à nous demander pour qui ces morts seraient préférables : qui les réclament et qui les désirent ? Car, tel que nous l’aurions signalé auparavant, ce ne sont décidément pas les bénéficiaires désignés de ce nouveau « droit » (sauf exception).

     En 1989, le Dr. Ram Ishay, Président de l’Association Médicale Mondiale, à l’époque (et adversaire constant de l’euthanasie), présenta les conflits inévitables d’intérêt dans les termes suivants : « La problème principale », disait-il « c’est de différencier ce qui soit vraiment fait pour le bénéfice du patient, et ce qui se fait pour le confort de la famille et de l’équipe soignante. De mises à mort peuvent se produire, non parce que le patient souffre, mais parce que celui qui soigne le patient ne se sent plus capable. » (Euthanasie : La pente glissante – WMJ Vol. 36, Numéro 3, mai-juin 1989, pg.  44-45).

     Pour les malades et les handicapés non-suicidaires, alors, il semblerait se dessiner une menace aussi sinistre que certaine.

— difficulté, pour la personne type, de revendiquer son droit de vivre, face à la normalisation des critères objectifs qui dévalorisent sa vie

     Or, qu’en est-il, au juste, de ces gens non-suicidaires (cette majorité écrasante de la clientèle) qui tombent, malgré eux, à l’intérieure des définitions retenues : de vie insupportable, dégradante, officiellement désignée comme pire que la mort ?

     Qu’est-ce que nous en faisons de leurs choix ?

     Et si, de nos jours, une personne — comme Gerald Godin, jadis — désirerait toujours continuer à vivre ? Comment pourrait-elle résister à ce poids, à cette agression psychologique ?

     Soyons franche : pour plusieurs, ce serait avec la plus grande difficulté, et peut-être pas du tout. Car de telles personnes, en plus de défis sévères imposés déjà par le sort, doivent aussi composer, maintenant, avec un regard social et institutionnel qui soient devenu — sous un couvert superficiel de compassion — fondamentalement négatif.

     Comme nous le verrons, tous les comportements humains, vus dans une perspective intuitive, sont évalués par référence avec des standards présumés de normalité. Alors, une fois que la société, forte des opinions d’experts — avec un caractère solennel égal à la finalité des gestes — ait décrété que telle ou telle catégorie d’individus vivent une réalité objectivement pire que la mort, la notion de la normalité serait inévitablement attachée à la décision suicidaire de ces derniers. Pire encore, tout individu semblable devrait normalement s’attendre, à ce que sa famille, ses amis (et très possiblement son médecin aussi) adoptent une attitude dans laquelle sa décision à lui — de terminer sa vie — serait attendue comme un aboutissement prévisible et normal.

       Encore une fois, Il faudrait souligner ici le caractère objectif du jugement. Cela dépasse de loin la notion de légitimité fondée sur un simple choix personnel (subjectif). Au-delà de la permission collective accordée à l’individu de se suicider, nos critères lui donneraient raison. Je répète : Non seulement permission de le faire en vertu d’un choix subjectif, mais raison, en vertu d’un critère objectif. Le mot « suicide » se trouve, d’ailleurs, officiellement banni aujourd’hui (et ce, après plusieurs décennies de discussions autour du « suicide assisté par médecin », dont les arguments furent subitement déclarés non à propos) car l’euthanasie (dit-on) ne tiens pas d’une logique suicidaire, mais d’une logique de soins médicalement indiqués, prescrit et effectué par le médecin, dans sa capacité de professionnel objectif !

     Nous sommes invités à pleinement apprécier, je soumets, dans cette supercherie linguistique effrontée, la véritable force, révélée, de l’objectivisation et de la normalisation.

     Dans cette optique, et sans aucun doute, nous assisterions bientôt (en fait nous y assistons déjà), à l’élaboration de modèles psychologiques de fin de vie dans lesquelles le suicide soit perçu comme l’expression saine et souhaitable de l’acceptation de la mort, tandis que l’entêtement à vivre, lui, serait perçu comme un symptôme de délusion et de dénie dans un contexte d’évolution personnelle inachevée. Et devant ces faits nous pouvions, je crois, facilement comprendre pourquoi tant de gens souffrant de maladies chroniques et d’handicapes lourdes furent (et sont toujours) si obstinément opposés à l’élargissement de la pratique du suicide assisté : et plus particulièrement, quand celle-ci serait couché dans des termes d’exceptions médicales à l’interdit.

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Poursuivre la lecture du texte en séquence linéaire… (Tome Premier : L’euthanasie et le choix — Partie B : L’euthanasie et la clientèle – Section I : Le vécu des personnes handicapées, malades et mourantes — Chapitre : Des explications, des anecdotes, et un plaidoyer de l’auteur, au sujet de la volonté vitale exprimée par la clientèle, et leur rejet de l’option euthanasique)

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