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La position épousée, passivement, par la profession médicale - Euthanasie : De la discussion jaillit la lumière

La position épousée, passivement, par la profession médicale

(Tome Premier : L’euthanasie et le choix — Partie C : l’euthanasie et la médecine — Section VI : L’avis des médecins — Chapitre : La position épousée, passivement, par la profession médicale)

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Imhotep (circa 2600 av. J.C.) ministre du pharaon (Djoser, Ancien empire), architecte, grand prêtre de Ra, premier médecin connu de l’histoire, et possiblement l’auteur du papyrus « Edwin Smith » (les premières observations chirurgicales). Quoique de basse naissance, il reçut la dignité divine à titre de dieu de la guérison.

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— L’avis majoritaire trahi par anticipation

     Pour retourner plus directement, maintenant, aux consultations pratiquées pour sonder l’opinion professionnelle auprès des médecins canadiens, antérieurement à la redéfinition de l’euthanasie en « soin » médical (Québec, 2014), et de son introduction en pratique universellement disponible (Canada 2016), il serait très important à signaler que de débat structuré, et de décision démocratiquement concluante : il n’y en a jamais eu.

     Pourtant, malgré ce fait, les diverses associations qui représentent ces professionnels auraient appuyé le nouvel agenda juridico-législative, dès le départ, et de manière de plus en plus évidente.

     Pour ne pas excessivement retenir la narration dans cette place (avec un examen particulariste des personnalités canadiennes), un regard plus approfondi sur les agissements des associations professionnelles principales sera offert uniquement en annexe à ce livre.  Cependant, le fait que des démarches rigoureuses, de consultation et de décision, ne se soient pas produites (et encore plus : que le traitement de cette question fut approché avec ce qui semblait être une volonté positive d’éviter des consultations claires) nous indique déjà, je soumets, qu’il y avait une attitude d’acquiescence passive devant la perception d’un aboutissement certain.  Ou autrement dit : je crois très possible, que la profession ait pu se prononcer clairement en faveur d’un maintien intégral de l’interdiction des interventions homicides, en autant, seulement, qu’elle en aurait eu le sentiment confiant que la société plus large ait pu accepter une telle décision.

     Cela n’est pas certain, je l’admets, et nous ne le saurons jamais ; mais il semblerait raisonnable d’imaginer que la continuité dans les valeurs traditionnelles, alliée avec les préférences personnelles de la majorité des médecins, ait pu très bien pencher la décision de ce côté, exactement comme cela s’est déjà produit, à répétition, devant des explorations d’opinion similaires, réalisées dans les décennies précédentes.

— L’intrusion irrésistible des vents de la subjectivité morale

     Mais la situation ne se présenta pas ainsi. Dans le contexte de ce débat profond de société, la communauté médicale ne possédait plus aucun mandat, aucune autorité, — aucune influence morale — qui ait pu être suffisante pour décider de la suite des choses. Au contraire, pour les observateurs plus réalistes, la légalisation de l’euthanasie, au Canada, était devenue une éventualité inévitable. L’application intégrale de la loi criminelle fut déjà fonctionnellement inopérante depuis longtemps (car aucun médecin ne s’était vu sérieusement incommodé, pour pratiquer l’assistance au suicide, depuis au moins 1972), et la volonté politique se manifestait, avec de plus en plus d’insistance, pour régulariser cette situation sur une base nouvelle. Dans un mot : l’environnement social — et avec celui-ci l’environnement légal — avait déjà basculé du côté de la l’euthanasie avec suffisamment de poids pour rendre caduques les avis contraires.

     Car dans le même esprit que tous les autres changements catalogués au long du vingtième siècle : l’euthanasie fut imposée par l’opinion populaire, non pas parce que l’on nous aurait démontré sa légitimité morale (objective), ni parce que l’on nous aurait fait la démonstration de sa légitimité médicale. Pas du tout. L’euthanasie fut légalisée pour permettre (et pour faciliter) le choix souverain à tout individu de faire ces propres choix devant la vie et la mort ; de faire, enfin, à sa tête, tout simplement. Et c’est ainsi que les arguments moraux et médicaux, ainsi que les subtilités de la loi, ne servirent, dans cette occurrence, très strictement à rien.

     Alors, non seulement les médecins se seraient montrés incapables de dicter les normes sociétales plus larges, mais encore, ils avaient perdu même le pouvoir de définir les limites éthiques de la pratique médicale proprement dit ; car ce pouvoir, aussi, les fut brusquement enlevé des mains.

— La réponse corporatiste

     En sympathie avec ces changements importants de ton social, les instances corporatives médicales furent aussi — détail nécessaire à préciser — fortement et progressivement noyautées, par des nouveaux candidats plus sympathiques à la pratique de l’euthanasie, ou au moins de caractère plus pragmatique. Sous la direction de ces individus (mais devant les attitudes toujours traditionnalistes de leurs confrères), ces corporations se serraient contentées de temporiser, en adoptant une position de laisser-faire à l’égard des agissements autonomes de leurs membres.

     Selon la plus généreuse des interprétations, il n’y aurait rien de péjoratif dans tel constat.  D’autant plus, qu’au Canada, les corporations professionnelles médicales sont accablées d’un mandat double et équivoque, un peu à la manière des anciens « syndicats » Soviétiques, qui eurent représenté, eux aussi à l’intérieur d’un monopole d’état, et les intérêts des professionnels et ceux du pouvoir. Or, devant ce fait gênant, il serait évident que ces corporations, créatures du pouvoir politique, ne pouvaient difficilement s’opposer franchement à ce dernier, même avec un appui plus certain de leurs membres.

     Et c’est ainsi que les positions finalement épousées par les corporations des médecins canadiens, tant fédérales que provinciales, ne prenaient pas la forme intuitivement attendue d’une prescription morale applicable à l’ensemble de la société ; ni même d’une manifestation sans ambiguïté de l’éthique médicale. Beaucoup plus modeste, à l’image du propriétaire qui ne peut rien contre les flammes qui ravagent sa maison — mais qui tente tout de même à sauver ses effets amovibles les plus chers — l’intention des médecins (ou peut-être le simple instinct primaire) se serait rétrécie dans ses limites effectives les plus restreintes, à la seule défense de ce qui seraient toujours au cœur de la signification et de la dignité de leur profession : la liberté de conscience et d’action — l’intégrité et l’honneur professionnel — de chaque médecin.

— Ce qui signifia cet aboutissement

     Ce fut un résultat subtil, certes, et émotivement inadéquat pour plusieurs : car, c’est dans la nature humaine de chercher, continuellement, le confort moral dans la certitude et dans l’approbation partagée ; mais selon le compromis retenu, personne ne jouissait d’une telle certitude.

     Pour un bon tiers des médecins, pour ceux qui épousèrent ouvertement la cause euthanasique, la permission d’agir représentait une victoire, certes ; mais ils désiraient bien plus : ils désiraient l’aveu général qu’ils avaient eu objectivement raison.

     Pour le tiers des traditionalistes inconditionnels, au contraire, pour ceux qui n’accepteraient jamais les interventions homicides à l’intérieur de leur profession, la frustration montait d’autant plus forte qu’ils se sentaient appuyés dans leurs convictions par une majorité au-delà des soixante pourcents (au moins jugée sur le seul principe sans considérations contextuelles).

     Et pour l’ensemble de la société, pour tous ceux et celles qui cherchaient toujours une déclaration morale catégorique — issue des médecins, et portant l’autorité de leur profession — force serait d’admettre que l’attente s’est révélée inutile, et probablement de façon définitive.

— Le pari des centristes et la suite des choses

     Cela ne signifiait pas, pour autant, que la majorité des médecins ait subitement répudié leurs principes personnels d’inspiration hippocratique. Au contraire, car tel que remarqué, les membres de la majorité eurent également annoncé leur intention de refuser à participer, personnellement, aux pratiques de l’homicide médical.  Pourtant, les médecins furent autant susceptibles aux soulèvements de la marée culturelle, des temps modernes, que le fut n’importe quelle autre classe de personnes. Le vent de la liberté du choix subjectif soufflait chez eux avec autant de force qu’ailleurs. Et beaucoup acceptèrent, ainsi, la notion d’un tel conque « droit de mourir ».

     (Il restait une pierre d’achoppement, cependant, très important celle-ci, dans l’association présumée de ce « droit » avec la profession médicale : il s’entendait souvent poser, par exemple, cette question tant significative : Pourquoi cela en serait-il l’affaire des médecins ? Et pourquoi en effet ! Pourtant, en autant qu’il existait des médecins dont la pratique de l’euthanasie eût été la conséquence d’un choix libre, la bonne conscience des confrères centristes s’est trouvée de nouveau satisfaite. Car selon les termes du nouveau paradigme de justification subjective, beaucoup serait demandé de chacun dans l’accommodation des choix d’autrui. Et encore : l’esprit généreux désire toujours s’avancer dans les compromis, sans même connaitre l’étendue des obligations encourues.)

     Pour ce tiers crucial des voix modérées, donc, le respect des droits de conscience de chaque médecin, fut accepté comme condition suffisante pour permettre à leurs confrères euthanasistes de pratiquer à leur guise ; d’autant plus, qu’ils s’imaginèrent toujours reconfirmés, eux aussi, dans le même droit.

     Vus d’un regard rétrospectif, cependant, je doute très fort que ces esprits tolérants aient pu soupçonner jusqu’à où les emporterait cette concession.

— Une leçon souvent apprise, aussi vite oubliée

    Dans les circonstances décrites, comme à chaque étape des « guerres culturelles » du vingtième siècle (et en dépit de l’expérience limpide de chaque bataille concédée) les esprits du compromis ne semblaient pas comprendre (ou, peut-être, ne voulait pas s’attarder à la compréhension) que l’octroi d’une exception se traduirait inévitablement par une bascule complète dans les normes, et dans ce cas précis, par une transformation totale de la pratique médicale. Ou, pour adopter un vocabulaire stratégique familier à tous : les médecins hippocratiques centristes avaient accepté, peut-être, le sacrifice d’un Tour ; mais jamais, je soumettrais, ne réalisèrent-ils que fut menacée, également, la véritable Reine du jeu, c’est-à-dire : la simple possibilité — pour la majorité des médecins — de pouvoir poursuivre une pratique intégralement hippocratique à l’intérieur du nouveau régime.

     Alors qu’en était-il, enfin, du résultat attendu ? Est-ce que les corporations médicales eussent réussi à tenir parole ? Est-ce que la liberté, de conscience et d’action professionnelle — traditionnellement le droit et la charge de chaque médecin — fut clairement réaffirmée ?

     Très malheureusement, j’en suis désolé de l’affirmer : il n’en était rien.

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Poursuivre la lecture du texte en séquence linéaire… (Tome Premier : L’euthanasie et le choix — Partie C : l’euthanasie et la médecine — Section VI : L’avis des médecins — Chapitre : De la manière dont les médecins canadiens furent servis par l’état)

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