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Chapitre : La crise effective des médecins : Voulez-vous entrez dans mon Salon, Madame (dit l’Araignée à la Mouche) ? - Euthanasie : De la discussion jaillit la lumière

Chapitre : La crise effective des médecins : Voulez-vous entrez dans mon Salon, Madame (dit l’Araignée à la Mouche) ?

(Tome Premier : L’euthanasie et le choix — Partie C : l’euthanasie et la médecine — Section VI : L’avis des médecins — Chapitre : La crise effective des médecins : Voulez-vous entrez dans mon Salon, Madame (dit l’Araignée à la Mouche) ?)

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Mary Howitt (1799 – 1888), auteur et traductrice prolifique, avec plus de 100 livres à son nom, aux sujets des plus variées, dont « L’araignée et la mouche »

Comme la petite mouche dans ce poème enfantin célèbre, les corporations professionnelles des médecins canadiens avaient plusieurs fois résisté à la pression populaire, en refusant de cautionner le suicide assisté. Fatalement, par contre, et tout comme l’héroïne tragique du conte, elles se rendirent, à la fin, sous l’influence de flatteries et de promesses vides de substance.

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     Ne peut point faire d’omelette (diraient certains) celui qui ait peur de casser des œufs ! Décidemment, toute révolution en ferait des bouleversés ; et ainsi fut-il de la profession médicale, au Canada, face à la légalisation (et à la normalisation subséquente) de l’euthanasie.

     Soit.

     Pour conclure cette analyse, de l’euthanasie en relation avec la pratique médicale, la suite consistera dans un portrait, qui se voudrait juste et sans exagération de la situation peu enviable où se trouvent nos professionnels médicaux, aujourd’hui, suite à l’imposition de ces innovations radicales.

— Le rôle et caractère essentiel du médecin

     En tout temps, le médecin est l’ultime responsable. Il incarne notre dernier espoir : pour sauver nos enfants ; pour sauver nos parents ; pour mater l’épidémie potentielle ou déclarée ; pour restaurer nos facultés ; pour préserver la femme accouchant ; pour accueillir le bébé naissant ; pour calmer nos douleurs ; pour réparer nos membres ; et pour nous soustraire personnellement — de façon routinière, ou in extremis — à la mortalité omniprésente.

     Que le miracle soit occulte ou scientifique ; que le médecin soit scientifique ou sorcier ; que le patient soit rustre ou sophistiqué : l’urgence dépasse l’entendement ; l’espoir dépasse le rationnel ; les attentes dépassent les capacités humaines ; le personnage ainsi créé reste essentiellement surnaturel. 

     Et ce personnage n’est pas uniquement cérémonial ou mythique. Dans les circonstances extrêmes (pourtant prévisibles et statistiquement inévitables), le médecin accepte, véritablement, de se mesurer contre les épreuves et contre les risques qui débordent du possible humain, quitte à en payer le prix dans sa propre personne. Dans la guerre, dans l’épidémie, dans la catastrophe d’agence naturelle ou humaine, quand la normalité bascule et les « innocentes » s’éloignent, les corps médicaux acceptent de s’approcher de l’épicentre du danger ; ils acceptent de travailler dans des lieux instables et insécures ; ils acceptent d’entreprendre des interventions complexes avec les moyens de fortune ; ils acceptent de s’exposer aux contagions inconnues et inconnaissables ; ils acceptent de servir sans repos ni répit pendant des durées indéterminées ; ils acceptent, au besoin, de sacrifier leurs vies dans l’accomplissement de ce devoir, aussi impossible qu’il puisse devenir. Que celui qui en doute consulte les chroniques de l’histoire !

     En temps normal, et absent tout souci personnel, le médecin doit côtoyer — capricieusement, et à tout moment–  les extrêmes de l’émotivité humaine : le deuil ; la joie ; l’incertitude qui ronge la moelle ; les crises qui ne se trouvent que rarement parsemées à travers la vie typique ; les épreuves perdurant auxquelles la majorité des gens auront le bonheur de s’échapper ; les atrocités particulières dont cette majorité serait statistiquement exclue. Il entretien, aussi, une relation étroite avec les fonctions biologiques humaines, avec les fluides, les excrétions, et les transformations de la chair, dont l’individu type – en fait l’espèce entière — évite agressivement la proximité grâce aux reflexes involontaires.

     Le médecin habite cet espace inusité, tant moral que matériel, comme un habitué parmi les néophytes. Il fournit une référence de normalité pour les personnes perdues ; de comportement raisonnable pour les gens dépassés. Quand il quitte son lieu de travail, ses proches — amis, famille, parents —  sont autant séparés de lui, par ce gouffre d’expérience, que le sont les familles de ses patients. Comme un soldat parmi les civils, le médecin type est préoccupé en permanence par des réalités dont la population générale en fait une vertu d’ignorer ; de refuser la discussion ; de censurer même celui qui ait l’indélicatesse d’en faire mention.  

     Par tradition, pour affronter ces réalités, les médecins auraient développé une éthique farouche, personnelle et professionnelle. Le parcours de qualification se base sur un marathon de scolarisation compétitive qui exclue la frivolité de la jeunesse typique ; qui combine les exigences intellectuelles propres aux maitres de la loi corporative, avec les demandes morales du premier répondant ; qui impose des éléments sciemment calculés pour tester la résistance du candidat, tant physique, que psychologique.

    Il en résulte une série d’habitudes bénéfiques pour la collectivité dans l’immédiat, mais plutôt néfastes pour l’individu à la longue ; des habitudes adoptées partiellement à son insu et partiellement gagnées à l’effort volontaire. Ce sont des habitudes professionnelles, implicites dans la formation et caractéristiques dans l’exercice : l’habitude de vivre la stresse ; l’habitude de l’isolement ; l’habitude de minimiser ; l’habitude de nier ; l’habitude de dissimuler ; l’habitude de la responsabilité solitaire. Voilà l’éthique sévère, propre aux médecins, encore de nos jours, exigée par l’expérience du passé et par les certitudes du futur.

     (Aussi, ce bref récit omet d’aborder, dans les contraints de l’espace, la question brulante des effets ressentis de la bureaucratisation de l’industrie médicale : la déclaration de la « santé » en droit humain ; l’impossibilité économique d’honorer intégralement un tel principe ; la réalité du rationnement des ressources publiques ; l’imposition aux médecins de cette tâche ingrate ; les séquelles morales d’un certitude intime d’avoir failli à l’intention de certains patients, grâces aux limites du système)

— Le prix personnel qui soit exigé dans l’accomplissement normal de cette mission, et l’impératif correspondant de prudence, qui eut dû accompagner toute nouvelle utilisation de cette ressource humaine essentielle

    Peut-on douter, alors, de la fragilité des corps médicaux ? Peut-on prétendre que les mises-en-garde au sujet de l’utilisation de la main-d’œuvre médicale soient alarmiste ou que les plaidoyers en faveur de la prudence et de la sensibilité soient exagérés ? Je crois qu’une seule donnée empirique suffira à chasser toute illusion semblable :

     Tristement (mais non de manière surprenante) il se trouve que les taux de suicide chez les médecins (aux États-Unis, et dans d’autres pays similaires au Canada) sont de 70% plus élevés que ceux de la population générale (parmi les hommes-médecins) ; et de 2.5 à 4 fois plus élevés chez les femmes.

     Nul doute alors, que de façon ordinaire et quotidienne, la morale médicale, individuelle et collective, se trouve réellement sur le bord de l’effondrement ; elle se trouve littéralement, en tout temps, prêt à recevoir la goutte proverbiale qui ferait déborder le vase. En réalité, donc (comme il se trouve tant souvent dans la description simple des affaires humaines) : le danger ne réside pas dans une possibilité quelconque d’exagération ; elle réside, plutôt dans l’incapacité pour l’écrivain à trouver des mots suffisamment forts pour communiquer adéquatement la réalité.

     Dans ces circonstances, la conclusion pratique s’impose, sans aucun doute : que la plus fine discrétion soit indispensable dans toute décision qui puisse impacter le déploiement de cette main-d’œuvre précieuse. Mais est-ce dans cet esprit que nos dirigeants eussent abordé le dossier du suicide assisté et de l’euthanasie ? Je demanderais au lecteur d’en juger.

The Spider and the fly

“Will you walk into my parlor?” said the spider to the fly;
“’Tis the prettiest little parlor that ever you did spy.
The way into my parlor is up a winding stair,
And I have many pretty things to show when you are there.”

“O no, no,” said the little fly, “to ask me is in vain,
For who goes up your winding stair can ne’er come down again.”

                   -Mary Howitt

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