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- L’idée embryonnaire d’un système collectif de soins-santé : de nouveau face à l’opposition entre santé « personnel », et santé « publique » - Euthanasie : De la discussion jaillit la lumière

— L’idée embryonnaire d’un système collectif de soins-santé : de nouveau face à l’opposition entre santé « personnel », et santé « publique »

(Tome Deuxième : Sous l’ombre de l’euthanasie – Partie B : L’euthanasie et l’économie — Section II : Le régime de santé publique — Chapitre : La santé personnelle se transforme progressivement en charge publique : comment et pourquoi — L’idée embryonnaire d’un système collectif de soins-santé : de nouveau face à l’opposition entre santé « personnel », et santé « publique »)

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L’hôpital Royal Victoria, à Montréal, hôpital universitaire de l’Université McGill : lors de sa construction en 1893 (bas) ; circa 1990 (haut)

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     Forcément, l’idée s’est tranquillement installée dans l’esprit de plusieurs, qu’éventuellement, l’État seulement, cet ultime bailleur de fonds collectif, pouvait bâtir et entretenir les installations requises ; et seulement l’État, ce recours ultime des plus démunis, pouvait en assurer l’accès.

     Cependant, une telle proposition se portait en faux contre la distinction déjà notée : entre la santé personnelle et la santé publique. Et cette distinction (toujours de la plus grande importance aujourd’hui) s’est immédiatement manifestée dans les discussions naissantes autour d’un nouveau devoir collectif de soutien à la santé personnelle. Car au sens médical, « le personnel » et « le public » s’élèvent en opposition, à partir de deux larges tendances philosophiques : l’une promouvant la valeur intrinsèque de chaque vie humaine ; et l’autre prônant l’utilisation maximale (utilitaire) des ressources communes.

     D’une part, il y avait (et il y aura toujours) la force première du visage nu de la souffrance personnelle, et particulièrement la souffrance des enfants. Car comment, se demanda-t-on (dans cette époque où les sentiments de sympathie humanitaire s’étaient élevés au niveau d’un véritable culte de l’innocence, évoqué en réaction aux horreurs de la transformation moderne — et, plus précisément, aux deux récentes Guerres Mondiales) comment, encore, pouvait-on — se disaient ces sentimentalistes intraitables — mettre un prix relatif sur la vie humain ? Comment pouvait-on prétendre refuser des soins, aussi chers fussent-ils, au nom d’un quelconque mobile « supérieur » ?

     Mais d’autre part, il y avait une pensée plus rationnelle, plus utilitaire, prônée par des gens fiers de l’inflexibilité de leur « réalisme » ; des gens qui voulaient tout bêtement appliquer les rudiments de l’arithmétique à l’analyse des innovations sociétales ; des gens, en fait, dont le but théorique fut de produire un maximum de bienfaits, avec des ressources financières qu’ils constataient lucidement comme étant limitées : non par la seule générosité variable, mais fondamentalement, par des limites économiques objectives. Dans un mot : il s’agissait de gens qui comprenaient la nécessité de faire des choix.

     Et à ce chef, il est habituellement très facile de faire la démonstration que les dépenses collectives en infrastructure d’eau potable (pour ne reprendre que cet exemple) seront toujours plus profitables, au niveau de la santé collective, que l’exercice médicale clinique, qui ne cherche qu’à sauver des vies, une par une, et au prix unitaire astronomique.

     D’une certaine façon, donc, le choix semblait en être un qui opposa la logique à l’illogisme. Et cette perspective, au niveau étatique, se bénéficiait d’une certaine unanimité politique, en dépit, ironiquement, de la perception populaire d’une division apparente entre la Droite et la Gauche. Car si cette dernière se présenta en défenseuse de la santé des pauvres (en autant qu’il s’agissait d’articuler une politique d’opposition), l’expérience nous révèle que cette même Gauche retrouve rapidement son centre de gravité idéologique une fois portée au pouvoir ; que les adhérents de cette tendance, fidèles à leurs racines collectivistes, sont fortement préjugés en faveur des initiatives de la santé publique ; et dans la même mesure : qu’ils s’abstiennent, aussi, de réclamer (et critique même parfois ouvertement) un financement trop généreux des soins curatifs.

     Aussi, selon la propagande d’usage, nous nous attendrions, peut-être, à ce que les bien nantis, mus par une pensée individualiste, conservatrice et élitiste, nés de la rencontre des privilèges d’un ancien régime aristocratique avec le nouveau virus, impitoyable, du darwinisme social, se soient objectés d’emblée, à toute aide spécifique aux pauvres. Mais là encore … grâce à la diffusion des nouvelles découvertes, ces personnes étaient devenues conscientes qu’elles faisaient elles-mêmes partie de la population générale, au même titre que les pauvres, et qu’elles étaient donc sujets, à part égale, aux ravages des contagions qui pouvaient se propager parmi ces derniers.  Et pour ces seules raisons d’intérêt objectif (dans l’absence peu probable d’un manque total de sentiments humanitaires), nous pouvions comprendre que celles-là, aussi, aient reconnu la nécessité d’initiatives scientifiques de prévention, d’éducation populaire, et d’infrastructure.

     Alors parmi les gens rationnels, des deux côtés de la division révolutionnaire moderne, nous pouvions remarquer une volonté commune d’adresser la question santé surtout dans son aspect collectif. Nous pouvions même nous avancer pour dire que certains intérêts sont des intérêts propres à l’État, quel que soit la dérivation de celui-ci, et que ces intérêts ne penchent ni à droite, ni à gauche.

     L’intérêt de l’individu humain, par contre, est tout autre, et sa défense se relève d’une source qui le soit, également.

— L’affirmation irrépressible de l’intérêt propre

     Décidemment, le talon d’Achille, des promoteurs de la planification rationnelle de l’usage collective des ressources, se trouve dans la nature humaine inexpugnable. Et cette nature s’exprime, d’ailleurs, de manière percutante et presqu’infailliblement, dans les réactions involontaires de ces augustes personnages « réalistes », au moment précis que l’impératif du sort les frappe personnellement.

     Tel fut, par exemple le cas du feu Premier Ministre du Québec, Jacques Parizeau (1930 – 2015), fier défenseur du régime de santé étatique, et qui opposait, vigoureusement, toute possibilité de légaliser l’expansion de la médicine privée dans sa Province. Il condamna, ainsi, sans réserve, et sans appelle, « l’injustice » de postuler la création d’un system « à deux vitesses » qui ait permis, aux biens nantis, la satisfaction prioritaire de leurs besoins (moyennant des paiements supplémentaires). Or, au moment que sa femme — à lui — (Alice Parizeau, née Alicja Poznańska, 1927 – 1990) montrait les symptômes du cancer, ce puriste idéologique ne ressentit plus qu’un simple reflex humain : de chercher, pour elle, les meilleurs soins possibles.

     Loin de lui, à ce moment, furent les notions de « justice » et « d’égalité » qui avait motivé toute sa carrière active. Et en dépit de la lumière ridicule et hypocrite à laquelle un tel comportement ait pu l’exposer, M. Parizeau n’hésita pas à envoyer Madame — son épouse — en consultation privée à l’étranger (États Unis), là où les possibilités cliniques furent réputées sensiblement plus grandes qu’au sein de notre système publique. Personne, d’ailleurs ne fut surprise. Et chose apparemment plus étrange : personne ne lui rapprocha son geste. Car de jugement universel, ce fut admis — parmi amis et adversaires — que (possédant les moyens nécessaires) n’importe qui en aurait fait autant. Et chose tant inusitée à l’égard des chroniques à teneur politique, cette anecdote potentiellement gênante se trouve presqu’entièrement occultée du souvenir collectif, encore une fois, grâce à la sympathie universelle, excitée parmi les personnes de toute allégeance, devant une telle impulsion attendrissante d’amour protectrice.

     Force est de constater, alors, que la soudaine exigence populaire de la guérison, et de la vie prolongée, n’avait pas ses racines dans la pensée rationnelle (dominée par les calculs comptables) ni dans la sagesse mystique (qui, au contraire, se congratulait sur un accommodement serein avec la mortalité humaine). Elle se fonda, plutôt, dans quelque chose de plus primaire ; dans quelque chose qui rappelait, à la fois, les emportements du délire Égyptien, et la détermination inébranlable des apothicaires/alchimistes du début de l’Age Scientifique — un espoir renouvelé chez certains savants qu’il eût été devenu empiriquement possible, enfin, de satisfaire cette quête, d’immortalité éternellement bafouée. Mais plus simplement encore : elle se fonda sur l’instinct impératif de chaque personne, à vivre … quelles que soient les conditions ; quel que soit le prix exigé.

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L’Hôpital Notre-Dame tel que construit en 1880 (bas gauche) et tel que rebâti à son emplacement final en 1924 (haut).

Malgré ses liens étroits avec l’église Catholique, L’Hôpital Notre-Dame fut, dès ses débuts, une institution séculaire gérée, par des médecins. Notre-Dame fut associé d’abord à l’Université de Laval à Montréal, et à l’Université de Montréal, 1920, suite à la création de celle-ci.

En bas à droite : Le fondateur de L’Hôpital Notre-Dame, le docteur Emmanuel-Persillier Lachapelle (1845 – 1918), secrétaire de l’Université Laval à Montréal, Président de la Société Jean-Baptiste (Montréal) et Chevalier de la Légion d’honneur (France)

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— Une pression qui chercha, d’abord, sa satisfaction dans des ajustements organiques, issues des mécanismes existants

     Peu à peu, cette arrivée massive de nouveaux clients avait largement rempli, et alors débordé, de la capacité des institutions actuelles. Mais beaucoup se faisait, toujours (d’après le paradigme philanthrope et charitable), pour pallier à cette déficience. Les congrégations religieuses diverses (notamment l’Église Catholique) et surtout les Universités, avec leurs réseaux étendus de donateurs, élargissaient les installations existantes et en construisirent allégrement de nouvelles, de sorte que tous les hôpitaux majeurs du pays, (et un très grand nombre de plus petit taille), tracent leurs origines effectives de cette période.

     Pourtant, en construire des hôpitaux ne faisait que solutionner le côté « immobilisation capitale » de cette équation. Les « couts d’opération » restaient toujours récalcitrants. En parallèle, alors, avec la construction charitable des hôpitaux, il s’est produit une révolution toute aussi profonde dans la façon que les soins médicaux furent financés, issue celle-ci, de l’économie privée. Car il serait devenu évident qu’une personne de moyens modestes ne pouvait jamais payer les soins dont il risquait, lui et sa famille, d’avoir subitement besoin ; que les possibilités financières d’une personne seule, ou d’un petit groupe d’individus agissant ensemble, étaient franchement dépassées ; que même des individus jusqu’alors confortables se trouvèrent fréquemment ruinés par les frais d’une crise ponctuelle, ou d’une maladie prolongée.

     Il s’ensuivit naturellement, alors, que les solutions couramment disponibles, déjà, pour gérer d’autres risques financiers catastrophiques (tel le décès du pourvoyeur des besoins d’une famille, ou encore la perte, par feu, du domicile de celle-ci) aient été appliquées à cette problématique ; et le résultat en était l’éclosion d’une nouvelle industrie d’assurances médicales privées, pour payer, surtout et au besoin : les honoraires des médecins, et les frais d’hospitalisation.

     Malheureusement, cependant, même parmi la classe aisée il existait grand nombre de personnes — soient insuffisamment disciplinées, soit insuffisamment prévoyantes — qui garantissaient un échec reçurent et dramatique dans le seul mécanisme des assurances privées. Mais, surtout, et au-delà de cette nouvelle dynamique chez le monde confortable, il resta toujours l’absence criante d’un filet de dernier secours qui ait pu combler les besoins des plus démunis.

     Or, la possibilité pour les instituts universitaires, pour les refuges religieux, et pour les cabinets de médecins privés, à absorber cette clientèle, à perte, de par le seul sentiment charitable du devoir humain, était, dans la deuxième moitié du vingtième siècle, définitivement dépassée. Il m’a même était affirmé, par des praticiens de l’époque, que la part charitable, typique, du chiffre d’affaires d’un médecin en pratique privée s’élevait à pas moins de trente pour cent du total (dans les années immédiatement précédant l’introduction du régime public) — et parfois plus encore ! Aussi, rappelons-nous que ces pourcentages ne représentent que les pertes résiduelles subies après la satisfaction des ententes (souvent ruineuses), imposées sur ceux qui aient pu être jugés « aptes » à payer leurs soins. Autant, donc, que ces chiffres fussent devenus insoutenables — et pour les clients et pour le professionnels — autant semblait-il que la nécessité, de rationaliser et de partager ces coûts, s’imposait.

     Et ce fut ainsi que le Canada (par voie d’ententes provinciales) soit entré progressivement dans un régime universel de partage des frais de soins-santé (frais d’hôpital 1958, honoraires de médecin, 1962) qui s’est stabilisé dans sa forme actuelle (sauf ajustement ponctuel) à la fin des années soixante.

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Jacques Parizeau, premier ministre du Québec (1994 – 1996).

Quoique fédéraliste d’abord (et membre du Parti Liberal), M. Parizeau se convertit au souverainisme (1967). Élu en 1976, il se retire de la députation du Parti Québécois (1984), le jugeant trop timide. Il y revient en chef (1988), se fait réélire de nouveau, et devient chef de l’opposition (1989). En tant que premier ministre, Jacques Parizeau perd (de justice) le deuxième referendum sur la souveraineté du Québec (octobre 1995) et se fait remplacé, en conséquence, comme chef du parti (et du gouvernement) en janvier, 1996.

Journaliste, écrivaine, et criminologue, Alice Parizeau, née Alicja Poznańska, reçut le Prix littéraire européen, L’ordre du Canada (grade: officier) et la Croix de guerre de Pologne pour son “courage face à l’ennemi”.

Jeune adolescente, Alicja Poznańska agissait comme agente de liaison auprès de L’Armia Krajowa (« Armée de l’intérieur » polonaise). Prisonnière de guerre à la suite de l’Insurrection de Varsovie (aout – octobre, 1944), elle survit son incarcération dans le camp de concentration allemand de Bergen-Belsen et retrouva la liberté (avril 1945) à l’âge de 17 ans.

Elle fut, aussi, la première femme du premier ministre Jacques Parizeau.

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Poursuivre la lecture du texte en séquence linéaire… (Tome Deuxième : Sous l’ombre de l’euthanasie — Partie B : L’euthanasie et l’économie — Section II : Le régime de santé public — Chapitre : Les difficultés budgétaires du régime public)

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