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L’euthanasie en soi - Euthanasie : De la discussion jaillit la lumière

L’euthanasie en soi

(Tome Deuxième : Sous l’ombre de l’euthanasie — Partie C : L’euthanasie et l’idéologie — Section II : Une description des sources idéologiques de l’euthanasie en Occident — Chapitre : L’euthanasie en soi)

— La stérilisation forcée ne suffise pas

Telles que nous les ayons décrit au cours du dernier chapitre, l’importance, et la nature du mouvement eugéniste, se révélaient avec la plus grande clarté dans le programme de stérilisation forcée : l’importance, dans l’étendue de cette pratique ; et la nature, dans les buts annoncés des propositions législatives adoptées.

Cependant, même devant cette réussite impressionnante, force est de constater que la priorité accordée à la stérilisation forcée constituait d’elle-même un aveu de faiblesse face au support dont jouissaient les conclusions plus rigoureuses de l’eugénisme. Car même si tous les êtres catalogués à cette époque (dans le projet très ambitieux de « loi modèle » proposée à l’intention des États intéressés) eussent pu être stérilisés, tous sans exception (incluant pêle-mêle : les gens socialement inadéquats, vivants en institution ou maintenus en tout ou en partie grâce à la bourse publique : les faibles d’esprit, les fous, les criminels, les épileptiques, les saoulons, les aveugles, les sourds, les difformes ; et les « dépendants » incluant orphelins, itinérants, sans-sous et sans-abris..) ces personnes vivraient quand-même ; et vivraient quand-même aux crochets de l’État. La société souffrait, donc, toujours de leur présence.

Décidemment, d’après une lecture stricte des intérêts collectifs, la meilleure solution serait l’évacuation, pure et simple, de tous ces éléments. Pourtant, il demeurait toujours impossible de produire une loi favorable à cette pratique (voire : projets d’essai rejetés en Ohio : euthanasie des adultes volontaires, 1905 ; euthanasie des enfants anormales, 1906) et cela, en dépit de l’enthousiasme eugénique confirmé par l’engouement, coïncidant, pour la stérilisation. Manifestement, cette incapacité nous indique que le support nécessaire pour implémenter un véritable programme euthanasique — une véritable médecine de la mort telle que nous l’imaginons chez nous et maintenant — n’était tout simplement pas au rendez-vous.

Voilà qui nous présente aussi je soumets, un puissant effet de preuve pour remettre en cause nos présomptions confortables quant à la supériorité vertueuse de notre société actuelle, face à celle de nos arrières grands-parents.

— À la défense de l’euthanasie : des idéaux se voulant « supérieurs », mais qui dissimulent des buts moins palatables

Pour comprendre, à leur juste valeur, les arguments originalement avancés pour justifier l’euthanasie, il faut d’abord constater que ces derniers ont toujours présenté un visage double. D’une coté, il est impossible de discuter longtemps de ce sujet sans entendre, clairement, la suggestion que terminer les vies imparfaites soit un bienfait en soi. Pourtant, cette idée a toujours soulevé des objections morales importantes ; ce qui eût motivé ses partisans à favoriser, en premier, la discussion de l’euthanasie volontaire ; de privilégier, c’est à dire, un discours de choix « noble », « rationnel » « autonome » et d’évoquer éventuellement la notion d’un « droit » dans cette matière.

De manière un peu surprenante, également, les adversaires de l’euthanasie ont généralement coopéré avec cette stratégie, en se retenant d’identifier clairement les implications plus larges (mais parfaitement évidentes) de soutenir la rationalité de choisir la mort dans telle ou telle circonstance. Car aussi longtemps que la discussion eut resté sur ce terrain, il pouvait sembler difficile, même à l’égard de la simple politesse, d’impugner la bonne volonté de ses adversaires au point de les accuser de bien vouloir inaugurer un programme général de liquidation des personnes dépendantes. Or, pour en arriver à l’essentiel dans ces conditions, il a toujours semblé nécessaire de contrer, en premier, les arguments du « choix ».

Alors sans nous embourber définitivement dans cette fausse obligation, nous commencerons quand-même, ici, dans le respect de cette convention pudique, tout en annonçant notre intention de l’outrepasser par la suite.

— La continuité centenaire des divers arguments avancés

Étonnamment aussi, ou plutôt comme il se doit (en considérant la nature immémoriale des principes moraux en jeux), la présentation de l’euthanasie — les arguments pour et contre, et les stratégies employées pour en favoriser l’acceptation — n’ont aucunement changs dans le dernier siècle (et même dans le dernier siècle et demi). Je dirais plus. Je dirais que les arguments présentés au tiers final du dix-neuvième siècle se révèlent non-seulement tout aussi complets, mais infiniment plus honnêtes, aussi, comparés aux reflets pâles dont nous nous en servons aujourd’hui.

Considérons, à ce chef, la description suivante, produite en 1873 (Popular Science Monthly, Volume 3, May 1873) pour contrer l’influence du célèbre pamphlet euthanasiste publié dans la même année (article original paru 1870) par le britannique, Samuel Williams. Comparez le ton, et la certitude d’expérience crue qui se recommandent à nous, ici-dedans, avec les références aseptisées auxquelles nous sommes habitués, de nos jours, à l’égard des « possibilités » d’influence extérieure (à l’endroit du choix des « plus vulnérables ») :

« Une petite histoire … illustre très joliment un sentiment qui ne se trouve pas aussi rare que l’on pourrait le souhaiter. Un Écossais, plutôt pragmatique, qui veillait au lit de sa femme mourante, s’impatienta devant les efforts pénibles de la pauvre dame pour exprimer ses dernières volontés, et demanda, en tout civilité, qu’elle « en aboutisse à mourir ». Or, parmi les classes pauvres, là où l’inconvénient imposé par les personnes qui « prennent un temps déraissonable pour mourir » se ressente nécessairement plus âprement que chez les personnes d’un rang autre, il serait à craindre que de telles suggestions délicates ne soient fréquemment accompagnées de remontrances plus pratiques. « Ils lui ont pincé le nez sous les couvertes » disait Barham (sur l’autorité d’une occurrence véritable), « et la pauvre âme chérie est parti comme un agneau ».

Comment au juste, rester impassible devant de tels récits naïfs livrés avec une candeur semblable ? Et qu’en dire des spéculations suivantes qui y prennent leur source ?

— La mort (inévitable) transformée en meurtre (immédiat)

« Supposons, par exemple, le cas d’un petit logement où l’invalide fut devenu une lourde charge sur sa famille, plutôt qu’un support ; où le prix de fournir les médicaments et les attentions requises était ressenti au plus sérieusement ; et où la chambre des soins au malade était, aussi, l’unique pièce habitable : n’y aurait-il pas, très souvent, une forte tentation de lui donner une petite poussée discrète sur la pente descendante ? Et s’il était compris, que la loi permettrait d’achever les invalides du moment que leur cas soit sans espoir, ces tentations, ne seraient-ils pas fréquemment irrépressibles ?

Oui, réplique-t-on, mais il faudrait que le curé et le médecin soient présents. Et tout cela c’est très bien, mais une fois la pratique devenue courante, le peuple apprendrait très rapidement à prendre, lui-même, la loi en main. Car il faut constater qu’il s’agit, ici, de situations où personne ne demeure pour conter des histoires. Un homme à l’article de la mort ne nécessite pas une gorge tranchée ou une dose d’arsenic. Une secousse judicieuse ; l’omission de le couvrir convenablement ; l’administration d’une dose excessive de laudanum : tous feraient l’affaire de manière efficace ; et aucune preuve possible ne resterait.

Une fois admis, que de telles choses puissent se faire en prenant les précautions prescrites, et ces précautions seraient bientôt négligées comme des formalités inutiles. Pourquoi consulter le curé ou le médecin ? Pourquoi demander le consentement du malade ? Quand le cas se présente avec tant de limpidité ? Bien sûr, il ne serait aucunement nécessaire d’en parler ouvertement. La commodité d’un tel système serait rapidement comprise par tous.

Pour leur part, les promoteurs de cette innovation admettent que les précautions, dont nous avons parlé, soient absolument nécessaires pour en empêcher l’abus ; et nous pouvons ajouter à cela : que ce serait simplement impossible d’en exiger le respect de ces dernières ; qu’une fois autorisée, cette pratique comme telle, et rien ne pourrait empêcher les gens de l’employer, au choix, selon leurs propres méthodes. Aucune pratique, encore, ne pourrait être plus directement destructrice d’une persuasion sérieuse de la valeur intrinsèque (dite jadis sacrée) de la vie humaine.

Nous n’avons qu’à lire les rapports policiers pour comprendre l’ampleur des tendances existantes vers la violence dans toutes ses formes. L’infanticide, comme nous le savons, prévaut dans une terrible mesure. L’assassinat des femmes par leurs maris n’est à peine moins populaire. Admettre que l’abattage des invalides puisse se présenter en bienfait, moyennant seulement le respect de certaines limites, et il serait facile d’en deviner les conséquences.

Le dévouement témoigné par les pauvres auprès des malades se révèle souvent comme l’un des attributs les plus touchants de leur caractère, et des plus aimables. Malgré les tentations signalées, ces personnes font souvent d’énormes sacrifices pour assurer le confort de leur parenté mourante. Disons-leur franchement qu’ils se montrent niais, plutôt, en se donnant ces peines ; qu’il serait mieux pour eux de proposer le suicide du souffrant à la première occasion ; et ce serait la meilleure façon d’encourager, non seulement le suicide, mais le meurtre froid d’un pauvre homme sans défense !

Plutôt qu’une scène propice à solliciter, de nous, l’expression des plus tendres sentiments, et les sacrifices de soi les plus désintéressés, la chambre du malade serait hantée par une suspicion horrible : où le malade craindrait que son départ soit ardemment espéré ; et où ses amis pencheraient vers l’opinion que tuer ne soit pas un meurtre, mais une gentillesse. L’agitation de cette question — de quel moment serait convenable pour étouffer son beau-père plutôt que de lui porter secours – ne serait aucunement convenable au développement des sentiments, ni à l’apprentissage des leçons, que nous associons, généralement, avec le chevet du malade.

Dans les faits, ce plan d’ « euthanasie », avancé avec enthousiasme tant étrange par certains philanthropes excentriques, aurait tendance, comme consequence directe, d’en faire des hommes des brutes encore pires qu’ils ne le sont ; et ils sont, certes, suffisamment brutaux déjà. »

Et voilà, je soumets, l’expression fidèle du gros bon sens qui primait, jadis, sur la subtilité artificielle des arguments sans attache au réel.

À Suivre …

Poursuivre la lecture du texte en séquence linéaire… (Tome Deuxième : Sous l’ombre de l’euthanasie — Section II : Une description des sources idéologiques de l’euthanasie en Occident — Chapitre : L’euthanasie en soi — Le choix de mourir converti en obligation présumée)

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