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Le choix de mourir converti en obligation présumée - Euthanasie : De la discussion jaillit la lumière

Le choix de mourir converti en obligation présumée

(Tome Deuxième : Sous l’ombre de l’euthanasie — Section II (T2-C-II) : Une description des sources idéologiques de l’euthanasie en Occident — Chapitre : L’euthanasie en soi — Le choix de mourir converti en obligation présumée)

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Annie Besant (1847 – 1933) nous offre un bon portrait du climat intellectuel et idéologique de son époque. Socialiste, Malthusienne, Athéiste et anti-chrétien elle avait pourtant un fort penchant spirituel et participa avec énergie dans le culte Théosophe.

Sa position sur la mort volontaire présentait cette subtilité qu’elle s’opposa à l’euthanasie (ne croyant pas bien de céder devant la souffrance, qualifiée par elle comme source potentielle d’expérience et de sagesse), mais elle épousa toujours la notion de “suicide rationnel” (un mort de sacrifice utilitaire choisie en opposition à la décrépitude). Les deux concepts se confondant facilement dans l’hypothèse de circonstances particulières, il semblerait que cette distinction, comme d’autres tirées par Mme. Besant, d’ailleurs, se trouve difficile d’explication précise. Photo circa 1885

À la fin du dix-neuvième siècle, outre la répugnance morale, directe, ressentie devant le fait homicide, les objections soulevées par l’euthanasie concernaient, tout comme aujourd’hui, les abus appréhendés à l’endroit des personnes dites « vulnérables ». En contre-partie, il se présentait une notion idéalisée du « suicide rationnel » qui serait le droit et le devoir des âmes de nature supérieure.

Voici cette idée exprimée par l’auteur Théosophe influente, Annie Besant (1847 – 1933) socialiste, proto-féministe et spiritualiste typique de l’époque.

“…quand il nous restera plus rien à donner ; quand la force se dissipe et la vie échoue ; quand la douleur tourmentera notre corps, et que nos esprits affaiblis seront torturés avec la perception de nos êtres chères, souffrant dans notre agonie ; quand le seul service que nous pouvions rendre à l’Homme, serait de lui libérer d’un fardeau inutile et désagréable … nous demandons que nous puissions mourir volontairement, sans douleur, et couronner, ainsi, une noble vie, avec le laurier d’une mort sacrificielle.”

Et voici, en revanche, comment l’article précédemment cité (du Popular Science Monthly, mai,1873) répond à ces sentiments :

« …(ces idées) nous amènerait vers une disposition de regarder en « égoïstes » les personnes qui continuent en poids à la charge des autres sans aucune possibilité rapprochée de trouver la restauration complète de leurs capacités propres.

Supposons qu’il soit permis, avec l’opinion de deux ou trois médecins que le cas soit sans espoir, qu’un homme puisse choisir, si cela lui convient, de mourir ; et que le sentiment populaire en soit venu à sanctionner ce choix comme le bon. N’est-ce pas parfaitement claire que dans l’absence de parenté à laquelle de tels patients seraient encore chers (et qui prendrait encore plaisir dans la prolongation de leurs vies), qu’il en jaillirait un sentiment habituel de contrariété et d’irritation à l’égard de tous ceux qui choisiraient de continuer à imposer des peines inutiles aux autres ; et aussi, que très bientôt : le standard pour déterminer ce qui constituent la « peine inutile » descendrait inévitablement de plus en plus bas, de sorte que toute la charité organisée qui s’exprime à travers notre système d’hôpitaux subirait un changement graduel mais complet, pour devenir une sorte de pression morale sur les pauvres invalides — ceux qui exhiberaient le moindre potentiel de vivre une dépendance de longue durée — pour demander le droit de libérer le monde de leur présence ?

Nous affirmons que ce soit dans cet effet de réflexe, dans ce nouveau code des sentiments face à la maladie, dans cette transformation certaine de la pitié pure vers quelque chose de semblable à l’irritation et à la reproche : que nous voyions au plus claire, le danger d’analyser ce genre de question uniquement en fonction de considérations superficielles, au sujet de la balance de souffrance et de plaisir dans des cas individuels. »

Et puis, ce texte expose l’idée sociétale plus large : que les instincts moraux de l’homme sont le fruit durement gagné de millénaires d’expérience, et,

« qu’une rupture subite de ces acquis – aussi spéculativement excellente que ce soit – ne pourra se pratiquer sans produire des effets maladives. Car trop de sentiments humains seraient perdus. »

— Les acquis ancestraux ; l’adoucissement volontaire des comportements

Il serait impossible, je soumets, de trouver un texte plus significatif de nos jours, car l’essentiel s’y trouve exposé avec une clarté accessible à tous. Par comparaison, les discours actuels, au sujet de la discrimination soufferte par les personnes malades et handicapées (le« capacitisme » comme on dit, ou « ableism » en anglais) nous apportent des idées intéressantes, certes, au niveau théorique ; mais ils donnent prétexte, aussi, pour voiler (dans un intellectualisme neutre), deux phénomènes parfaitement évidents, et intuitivement compréhensibles pour tout le monde, soit : les mécanismes évolutifs involontaires qui nous font reculer devant la maladie, et la difformité, avec la mémé urgence inconsciente que nous fuyons les odeurs de la mort ou de l’excrément ; et deuxièmement : le mépris et la violence proférés depuis toujours par les plus forts, à l’endroit des plus faibles.

Dans l’un cas, comme dans l’autre, le seul remède pour ces défauts dans le caractère humain réside dans une maîtrise philosophique de soi, gagnée dans une vision de bien supérieur. Car au fond, la seule véritable mesure de l’évolution morale d’une société se trouve dans le degré auquel ses membres les plus forts se montrent désireux de se restreindre, volontairement, dans la jouissance (et dans l’abus) de leur position dominante.

— Une puissante icône culturale : Le culte du « Gentilhomme »

Grâce au contexte féroce de notre évolution biologique, et grâce aux formes sociales d’aristocratie guerrière partout résultant, la représentation universelle du pouvoir s’est encapsulée, depuis toujours, dans une image héroïque de force brute et d’adresse physique, tandis que la dimension morale de cette mythologie collective s’est articulée autour des actions, et des réflexions, des personnes éminemment imbues de telles avantages ; articulée, surtout, autour du portrait élogieux de celui qui ne craigne la violence de personne (et dont les comportements n’admettent, de ce fait, aucun contraint involontaire), mais qui tempère néanmoins les pulsions de ses désirs — et même de ses intérêts — à l’avantage des autres ; qui choisit à la fin (de par son pleine gré philosophique où pieux) de se comporter dignement, généreusement, et respectueusement à l’égard d’autrui ; qui choisit de se présenter, alors, non en tourmenteur — mais en protecteur — à l’égard de ceux qui se trouvent incapables de se protéger seuls.

Voilà dans peu de mots, une évocation du culte immémorial du « gentilhomme » qui a trouva son apogée récent dans la culture romanesque bâtie autour des contes chevaleresques de la nostalgie moyenâgeuse (d’Artur, de Roland, de Tristan et descendant dans l’esprit jusqu’aux héros Grecs ; reflétés, également, dans les traditions orientales). Décidément, autant que cette vision fut vénérée par les romantiques (et par la jeunesse guerrière de tout temps) ; autant elle s’est fait dépréciée, aussi, et même ridiculisée (à la maniéré délicieuse, par exemple, d’un Miguel de Cervantès Saavedra, mort 1616, dans son portrait parodique de Don Quichotte). Car il ne manquait pas de personnes désabusées et sardoniques, pour nous rappeler les vrais comportements, des vrais chevaliers — des vrais “nobles” — qui furent souvent tout ce qu’il a pu en avoir du plus capricieux et du plus brutal.

Pourtant, cette opinion méprisante se trouve exprimée (le plus souvent), par des personnes qui n’avaient jamais, elles-mêmes, confronté consciemment cette question de moralité personnelle, indissociable du maniement arbitraire du pouvoir.

Les plaintes et les démonstrations vertueuses des « faibles », d’ailleurs, (ou ceux qui se représentent ainsi) ne portent, très tristement, que peu de poids. Car d’une part, les faibles ne peuvent aucunement contraindre les comportements des forts ; et de l’autre : la supériorité morale de ceux qui se trouvent contextuellement faibles demeure toujours suspecte dans ce fait qu’une fois arrivées dans une position dominante, ces mêmes personnes (très souvent) se révèlent autant, où encore plus abusives que leurs paires. Ou, pour répéter cet évidence autrement : ce serait impossible pour quelqu’un de se prétendre « bon » en autant qu’il n’eusse jamais possédé le pouvoir nécessaire pour se montrer méchant !

Le culte du « gentilhomme », par contre, fut (et est encore) le résultat des luttes internes, et des meilleures intuitions (voire des regrets aigus) de ceux, véritablement nantis de tels pouvoirs, qui aspiraient pourtant, non à l’assouvissement illimité de leurs appétits immédiats, mais plutôt, à la satisfaction plus substantielle qui consiste à vivre dignement. Ce ne fut jamais une affirmation de réalité, ni parmi l’aristocratie lointaine, ni parmi leurs émulateurs littéraires modernes. Ce fut, au contraire, l’affirmation d’un idéal : toujours à poursuivre ; toujours imparfait.

Sa recherche, cependant, sincère et active, par tant de personnes puissantes, pendant tant de siècles, a réellement fourni l’énergie essentielle qui eût continuellement nourri la longue progression humaine vers une vie plus morale et plus « douce ». Et peut-être plus important encore, fut l’effet cumulatif de cet idéal, adopté à distance par tant de personnes qui désiraient en émuler les modèles.

Car le problème moral de l’homme n’en est pas un, seulement, d’un petit cercle de « méchants » puissants. En réalité, la dominance se distribue uniformément dans la vie courante, à travers un continuum où toute personne (à peu près) trouvera des occasions propices pour s’avantager (relativement) au dépens d’autres. La véritable force et la véritable promesse du culte du gentilhomme demeurent, alors dans l’archétype appliqué au sort commun : dans sa démocratisation, et dans sa généralisation progressive.

— Un plaidoyer, plus que centenaire, pour “l’adoucissement de la force”

Voilà donc, pour la dynamique globale. Mais cette hiérarchie de torts s’opère de maniéré encore plus significative face à notre matière première de l’euthanasie, puisque la notion du « plus fort » comprend (dans ce cas précis) presque tout le monde à l’exception des seules victimes désignées ; et le « capacitisme » se démarque, ainsi, de tout autre gage de la discrimination (tels le sexisme ou le racisme) par ce fait que les personnes malades et handicapés se trouvent — au niveau premier de la sécurité physique et des besoins essentiels — littéralement à la merci de tous.

Les personnes qui sont en plein possession de facultés supérieures, autant physiques que mentales, sont favorablement placées, non seulement pour définir les conditions de leurs existences personnelles, mais encore, pour en décider du sort des autres. Celles qui possèdent des facultés ordinaires sont bien accueillies, également, sur le crédit d’une contribution habituellement positive à l’ensemble. Mais ceux qui exhibent des déficits fonctionnels demandent, au contraire, des attentions et des ressources équivalentes, prodiguées habituellement aux frais des tiers.

Très évidemment, alors, la collectivité désirent payer le moins possible pour soutenir ces besoins, et il s’ensuit que les soins nécessaires seront fournis, soit par des proches en devoir bénévole, soit par des employés aux salaires minimes. Mais dans les deux cas, les chances seront bonnes que les personnes aidantes se trouvent, elles-mêmes, assez bas sur l’échelle sociale et puissent nourrir des rancunes certaines en conséquence. Pourtant, la sécurité des malades et des handicapées dépend, entièrement, de la protection (voire, de la bonté) de ces dernières.

Or, dans ces circonstances, un sens rubuste de devoir moral, ressenti par les gens (relativement) forts à l’endroit des gens (relativement) plus faibles, accompagné par une importante volonté des uns de se porter à l’aide des autres, serait à la fois la condition nécessaire et le résultat béni de toute évolution humanitaire ; il n’y a rien, je soumets, de plus essentiel pour l’humain, que l’adoption volontaire de ce paradigme moral.

Et c’est ainsi que notre texte instructif finit avec un avertissement sévère concernant l’importance (et la fragilité) de ces acquis.

Manifestement (selon les auteurs) les avantages escomptés, de rationalité et d’utilité devant la mort, ne pourrait jamais justifier la perte civilisationnelle qui résulterait d’une nouvelle permission accordée aux plus forts de tuer les plus faibles ; et ce, pour quelque raison que ce soit.

« Ce n’est pas du tout claire que même le vrai philosophe puisse épouser un tel idéal de devoir (d’une mort volontaire offerte en sacrifice devant les intérêts collectifs). Pour la plupart des hommes, les instincts moraux supprimés ne seront remplacés que par l’égoïsme et par la cruauté à l’égard de la faiblesse. L’adoucissement de la force serait sacrifié, sans réaliser le moindre bénéfice comparable sous le signe de cette nouvelle proposition idéelle »

Poursuivre la lecture du texte en séquence linéaire… (Tome Deuxième : Sous l’ombre de l’euthanasie — Partie C : L’euthanasie et l’idéologie — Section II : Une description des sources idéologiques de l’euthanasie en Occident — Chapitre : L’euthanasie en soi — Au delà du volontaire subjectif : aucune concorde générale)

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