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L'exemple de l'avortement : exiger un régime commercial cohérent, mème dans l'absence d'une concorde d'origine morale - Euthanasie : De la discussion jaillit la lumière

L’exemple de l’avortement : exiger un régime commercial cohérent, mème dans l’absence d’une concorde d’origine morale

(Tome Premier : L’euthanasie et le choix — Partie C : l’euthanasie et la médecine — Section IV : Hippocrate bis : l’avortement — Chapitre : À défaut d’un consensus moral, la cohabitation pragmatique : comment la médecine hippocratique accommoda l’avortement discrétionnaire ; les leçons pour l’euthanasie — L’exemple de l’avortement : exiger un régime commercial cohérent, mème dans l’absence d’une concorde d’origine morale)

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Les leçons essentielles de la décriminalisation de l’avortement — pour nous qui doivent naviguer un parcours similaire à l’égard de l’euthanasie — concernent, surtout, une évaluation adéquate de l’importance relative des justifications (voire: des motivations) d’ordre moral, et commercial, qui furent avancées à l’appui de cette décriminalisation. Car si beaucoup plus d’ardeur fut consacrée à la défense des positions morales, ce furent plutôt les forces commerciales (économiques) qui eurent réellement remporté la victoire pratique.

Et puisque d’entente morale il n’y aura jamais à ce sujet, mieux vaut insister sur les conditions commerciales de la mise en œuvre de l’euthanasie : que celles-ci soient, au moins, conformes aux exigences objectives de la science économique ; qu’il existe, ainsi, une rapport rationnelle entre la nature (et la volume) des services demandés, et celles du service réellement fourni.

— Un modèle amoral de satisfaction, des attentes consommatrices

À l’encontre du paradigme de moralité fixe, la spécialisation commerciale admet la satisfaction de choix consommateurs, divers et contradictoires.

Même le fait que telle ou telle pratique soit considérée immorale — ou même franchement illégale — ne réduit en rien son importance à cet égard. Telle fut, par exemple, la force des « mouillés », qui désiraient boire coûte que coûte, dans les années de la Prohibition (1919 – 1933) ; et telle fut, aussi, la force des femmes qui achetèrent des services d’avortement illégaux dans les années cinquante et soixante.

Bref, accommoder socialement — tant bien que mal — un marché commercial devenu trop important pour permettre sa suppression intégrale (sans recours à une répression jugée démocratiquement inacceptable), telle fut l’intention finale de la décriminalisation : et de la boisson ; et de l’avortement.

J’en conviens que sur le coup cette logique fut restée largement opaque. La dynamique de guerre culturelle, il y a cinquante ans, encore, se caractérisait par une « majorité morale » soucieuse d’imposer sa vision traditionnelle sur l’ensemble de la société. Soit. Cette hégémonie, cette autorité, cependant, ne fut pas remplacée par une nouvelle conception partagée. Au contraire : la liberté de l’avortement fut la victoire du choix ; mais non celle d’un choix particulier.

Or, la tendance de croire autrement, de voire ces changements principalement à partir d’une perspective de morale universelle, est une tendance très naturelle chez l’être humain. Et cette erreur n’a cessé de produire des effets néfastes, surtout maintenant, et surtout face à l’euthanasie : en masquant la réalité des forces économiques — beaucoup plus influentes, à l’heure actuelle, et beaucoup plus accessibles — dont la compréhension rigoureuse doit informer nos politiques futures.

— Satisfaire aux attentes minoritaires ne signifie pas une déchéance de la majorité

Très simplement : ce n’est pas uniquement la minorité insoumise qui bénéficie d’une force commerciale suffisante pour contraindre l’accommodation, pragmatique et amorale, de ses désirs. Car à condition d’accepter lucidement le nouveau paradigme de choix, il faudrait aussi accorder, d’emblée, des ressources proportionnelles à la satisfaction des choix majoritaires.

Dans cette nouvelle environnement moral, d’ailleurs, il ne peut exister, non plus, une seule version de l’éthique médicale (puisque l’unanimité médicale, face à l’euthanasie ou face à l’avortement, présupposerait toujours une unanimité morale, plus générale, qui nous fait manifestement défaut). L’éthique convenable, au contraire, s’affirme simplement en fonction des désirs du patient. Mais puisqu’il serait déraisonnable d’exiger que chaque médecin puisse changer son ethos personnel avec une telle facilité : ce choix devient logiquement l’affaire, et du médecin, et du patient ; de sorte que le médecin puisse pratiquer selon ses préférences éthiques ; et qu’en considération de la communication de ces préférences, le patient puisse trouver un médecin qui lui soit compatible. Dans un mot : la nature de la pratique médicale devient, non monolithique, mais multiple.

La médecine hippocratique perd ainsi son autorité universelle, certes, mais contrairement à une perception populairement répandue : elle ne perd pas avec ça son importance comme école dominante dans la compétition commerciale qui doit décider, ultimement, de la répartition des ressources affectées à l’épanouissement clinique des diverses visions en présence.

— L’avortement, et le retour du principe commercial : une spécialisation des services proposés aux femmes enceintes

Souvenons-nous, d’abord, qu’à l’intérieur d’un marché libre, les clients et les fournisseurs se retrouvent, avec une précision véritablement miraculeuse ; et ce, à la satisfaction maximale de tous.

Mais même là ou la force commerciale est ignorée (comme la force de l’eau peut être ignorée par des constructeurs imprévoyants), cette force ne cesse d’agir : aveuglement ; implacablement. Il s’ensuit que même à l’intérieur du système monolithe de la santé canadien, et même sous l’influence d’une illusion qu’il puisse y exister une éthique médicale universelle : il s’est quand-mème pratiqué un cloisonnement de fait, à l’intérieur des services obstétriques, de sort que les choix des médecins — et des patients — aient pu s’exprimer devant la pratique de l’avortement, et cela, sans que la poursuite de ces choix soient embarrassée par la présence de patients (ou de médecins) mal assortis aux climats éthiques, spécialisés, qui sont sous-entendus.

Il serait très naturel, par exemple, de présumer qu’une femme puisse se sentir plus en confiance (au cas où elle serait désireuse de porter son enfant à terme), en confiant son bébé à naître aux soins d’un médecin qui se soit ouvertement proclamé incapable de pratiquer l’avortement discrétionnaire. Très certainement, aussi, aucune mère potentielle, émerveillée devant le prospect de porter la vie, ne voudrait se voir importuner par un docteur qui soit révélé enthousiaste de l’avortement (et possiblement franchement malthusien) — un docteur qui comprendrait son devoir, ainsi, dans l’exposition exhaustive des risques et des inconvénients de la maternité, tant personnels que collectifs ! Et il en irait tout autant, je soumets, des femmes qui désirent éviter les fruits de leur grossesse.

Quelle agression psychique, en fait, que de se trouver assise dans une salle d’attente entourée de futures mamans heureuses et rayonnantes ; face aux images murales enfantines peintes à la célébration de la maternité ! Quelle agression (insistons-y encore) que de se voir accueillir par une équipe soignante dont les efforts bien intentionnés, mais tant maladroites, ne suffiraient jamais pour cacher son penchant favorable à la grossesse intégrale !

Très évidement il y aurait motif naturel pour ces deux visions de s’éviter. Et il en serait réellement résulté que les deux marchés se soient écartés dans les faits ; se chevauchant uniquement, aujourd’hui, au besoin des urgences (ou des caprices des agencements bureaucratiques).

— La résilience manifestée par la médecine hippocratique

Or, c’est en décrivant ces réalités que nous constatons, du même coup, à quel point la pratique médicale traditionnelle, de souche hippocratique, se fut montrée flexible, résiliente et enfin : toujours dominante.

Car même si la majorité des médecins avaient éventuellement reconnu la nécessité d’accommoder l’avortement dit « thérapeutique » (par une simple opération de modernisation des principes traditionnels) ; et s’ils avaient également admis la nécessité d’encadrer la pratique des avortements discrétionnaires (par souci de sécurité) ; il n’en demeure pas moins que la véritable pratique de ces avortements ait toujours resté le fait d’une petite minorité parmi les obstétriciens (pas plus de vingt pourcents, auteurs des avortements complexes), ainsi que d’un groupe encore plus restreint de généralistes, devenus ceux-ci, les vrais « spécialistes » de l’avortement typique et discrétionnaire.

— Une dynamique similaire, à l’intérieur de la chirurgie esthétique

Notons également, en passant, que ce ne soit pas seulement l’avortement qui présente ce visage dans la pratique médicale : car il y aurait également la chirurgie esthétique. Là, aussi, nous constatons un certain nombre d’interventions indiscutablement thérapeutiques (qui concernent la réparation et la reconstruction de membres et de visages, abîmés par accident, ou par malformation génétique) ; mais comme au sein de la pratique avorteuse, nous trouvons, aussi, un nombre beaucoup plus élevé de cas purement discrétionnaires. Et ces cas discrétionnaires sont justifiés surtout, à l’instar des avortements, non par la santé, mais par le “bien-être” du patient, défini dans ses dimensions les plus larges, psychologiques et mêmes sociales.

Pourtant, dans beaucoup de cas : ces interventions n’amènent aucunement la satisfaction recherchée, et ne font, en fait, qu’alimenter une obsession malsaine chez le patient — souvent une véritable addiction — qui n’amènent, à la fin, que des déceptions à répétition. Or, dans de telles circonstances, je crois, nous pourrions qualifier l’attitude, du chirurgien en cause, non seulement comme non-hippocratique, mais de franchement prédatrice ! Et dans ce cas, l’écart entre une certaine pratique de la chirurgie esthétique et le principe premier de la médecine hippocratique (« en premier lieu ne fais pas de tort »), paraîtrait encore plus important (au moins dans l’intention) que celui qui sépare ce dernier de la pratique de l’avortement.

En conséquence, les interventions esthétiques se pratiquent surtout (et tout comme les avortements typiques) en clinique spécialisée ; tandis que la société plus large ait clairement exprimé ses priorités, en limitant l’allocation de fonds publics à ces fins.

— Un regard, proactif, vers l’application de ces principes au marché de l’euthanasie

Au mieux, grâce à la logique de marchés spécialisés, ces évidences peuvent nous engendrer une certaine confiance que les nouvelles pratiques de l’euthanasie seront éventuellement, à leur tour : soit effectivement expulsées du corps médical ; soit étroitement cloisonnées à l’intérieur de celui-ci, selon le paradigme de multiplicité médicale, déjà acquis à l’endroit de l’avortement et de la chirurgie esthétique.

Mais pourquoi attendre passivement une telle évolution inconsciente, suivant des pressions économiques qui s’ignorent ? Ne faudrait-il pas, plutôt, reconnaître explicitement la nature distincte des écoles médicales en présence ; et leur permettre, ainsi, la possibilité de s’optimaliser — activement — dans le but de satisfaire leurs tranches respectives du marché-santé ?

Or, en ce moment, la réponse à cette question reste plutôt décevante pour la clientèle majoritaire : car cette multiplicité éthique n’est pas franchement admise par le pouvoir administratif ; car la population (tout en demandant l’exaucement de désires contradictoires), ne semble pas vouloir renoncer à la fiction d’une morale partagée.

Face à l’euthanasie, pour être exacte, beaucoup de personnes se bernent à croire que le statut “bien” de cette pratique ait maintenant été reconnu en fait objectif (suite aux énoncés législatifs et juridiques). Et en harmonie avec cette fiction, nos administrateurs se sont lancés, visiblement, sur une piste politique de normalisation et de maximisation, qui implique l’imposition artificielle de cette pratique à l’intention de tout le monde, et dans tous les recoins de l’édifice médical d’état !

Pourtant, en termes économiques : cela représente l’imposition d’un environnement clinic unique ; à l’intention d’une clientèle aux goûts divergents ; et qui ne répondrait aucunement aux choix majoritaires.

Décidément (et même regardée d’une perspective qui se veuille des plus charitables) : cette politique enfreint les principes élémentaires qui doivent informer l’allocation des ressources au sein de notre système public ; elle procède en sens inverse aux faits observés ; et elle agit en opposition aux leçons qui nous furent acquises, suite à cinquante ans d’expérience pratique avec les services d’avortement.

Poursuivre la lecture du texte en séquence linéaire… (Tome Premier : L’euthanasie et le choix — Section IV : Hippocrate bis — Sous-section IV b) La médecine perçue de la coté obscur)

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