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La normalisation du triage extraordinaire - Euthanasie : De la discussion jaillit la lumière

La normalisation du triage extraordinaire

(Tome Deuxième : Sous l’ombre de l’euthanasie — Partie B : L’euthanasie et l’économie — Section II : Le régime de santé publique — Chapitre : Le triage médical : un outil d’exception employé dorénavant de façon ordinaire — La normalisation du triage extraordinaire)

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Célébration de la Messe Orthodoxe, parmi les soldats/patients d’un hôpital en Ukraine, 1914, pendant la première année de la Grande Guerre.

Au cours de son magnum opus, La guerre et la paix (1863 – 1869), Léon (Lev Nikolaïevitch) Tolstoï (1828 – 1910), dépeigne une scène presque identique mais située cent ans plus tôt (1813) au cours de l’invasion de la Russie par L’Empereur Napoléon I :


“L’odeur y était encore plus acre et plus violente, car c’était là le foyer même de l’infection…


“(il) jeta un coup d’œil … et vit des malades et des blessés couchés par terre sur de la paille, ou sur leurs manteaux.


“Dans une longue salle, exposée à un soleil ardent, étaient alignés, la tête contre le mur et laissant un passage au milieu, les blessés et les malades, dont la plupart avaient le délire et ne s’inquiétaient guère des survenants. Les autres, relevant la tête en les voyant entrer, tournèrent vers eux leurs figures de cire, sur lesquelles on lisait l’espérance d’un secours providentiel, et une jalousie involontaire…”


Comment expliquer — face à ce courage patient — qu’au vingt-et-uniéme siècle l’euthanasie (c’est à dire la mort) ait été proposée en remède pour la “souffrance” ?

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J’oserais suggérer, à la lumière des réalités économiques déjà cataloguées, que le contexte actuel ressemble de plus en plus à une situation d’urgence permanente, dans laquelle le triage d’urgence, lui aussi, s’insinue toujours plus ouvertement dans la pratique dite “normale” ; qu’il serait indûment rassurant, aujourd’hui, de créditer des vérités reçues voulant que nous en serons entièrement épargnés des visions apocalyptiques, du triage, sauf en présence des crises extrêmes : car objectivement, certains éléments de crise sembleraient bel et bien être installés — sinon de façon normale — au moins de façon chronique.

Bien sûr, nous ne voyons pas de patient abandonné, à l’extérieur des institutions, couché à même le sol à l’instar des hôpitaux militaires improvisés, jadis, sur les champs de bataille ; mais en revanche, nous en voyons à tous les jours, qui sont envoyés des centres d’hébergement à l’urgence (suite à des crises qui seraient tout à fait évitable en présence de soins appropriés), et, une fois arrivés, qui sont entassés dans les couloirs ; minimalement soignés ; et exposés aux risques imminents de maux contextuels comme les plaies de lit et les infections ambiantes. Or, dans le cas heureux qu’ils survivent à la crise immédiate, ces patients seront retournés, aussi vite que possible, là ou la capacité d’en faire le suivi cohérent n’existe tout simplement pas.

Nous en voyons, également, qui sont incapables de fonctionner des mois durant, en attente d’opérations dites électives, mais essentielles, pourtant, à la maintien d’une vie optimale ; et nous en voyons, finalement, qui meurent –en oncologie, en cardiologie, et ailleurs — en attente de traitement, sinon en attente, même, d’un diagnostic.

Est-ce trop alarmiste que de voir dans ce dernier groupe (de malades critiques abandonnés passivement à la mort) les victimes d’un tri non-avoué qui se cache dans le travail, apparemment impersonnel, d’un ensemble médical fonctionnant sous le stresse extrême de ressources limités ?

Aucunement.

De pénurie en pénurie, de bouchon en bouchon, de crise en crise, le triage s’impose de partout : de façon formelle à l’entrée de chaque établissement ; et informellement, à tout virage de couloir. Il devient, ainsi, un élément toujours plus important dans la pratique médicale, non d’exception, mais de routine.

Et encore, n’est-ce pas un tri d’urgence catastrophique (qui abandonne les cas difficiles au bénéfice des plus légers) plutôt qu’un tri bénin, qui s’occupe, tout au contraire, des cas extrêmes en premier lieu ?

Assurément.

Car nous observons, aujourd’hui, le recours toujours plus présent aux méthodes qui servent, non à soigner, mais à éviter l’octroi des soins, c’est à dire : le triage préemptif ; le retrait précoce des soins ; et omniprésentes entre les deux : les listes d’attente interminables. Tel est le triste sort des médecins d’aujourd’hui, contraints, de plus en plus souvent — et normalement bien malgré eux — à conseiller ou à justifier le refus de soins, plutôt que de répondre activement aux besoins et aux désirs de leurs patients.

— Les limites respectées, jadis, par le tri hippocratique

Sans doute, Il en ressort, de ces faits, une comparaison quelque peu déroutante, entre le triage de souche traditionnelle, et le nouveau régime de rationnement des soins ; une comparaison qui se révèle très peu flatteuse à l’endroit de ce dernier.

Car malgré notre portrait sombre de la responsabilité imposée sur la communauté médicale, il restait jadis (et encore … jusqu’à tout dernièrement) un point non-négligeable de lumière dans cette détresse, soit : que nous pouvions toujours prendre confort dans la position morale — aussi simple que solide — sur laquelle cette pratique était fondée ; une éthique strictement régie sous l’égide des principes hippocratiques.

Pour être parfaitement claire : dans son ancien rôle de fournisseur de soins auprès du client/patient — et même devant la nécessité terrible de triage — la tâche du médecin consistait uniquement dans la tentative de soigner celui-ci, au mieux, avec les habilités et les ressources dont il disposait.

Oui. Ce médecin pouvait bel et bien se voir contraint à refuser des soins (parce qu’il lui manqua les argents/ressources nécessaires pour les fournir ; ou encore, parce qu’il croyait que ces argents/ressources aient pu protéger plus de vies quand employées ailleurs). Mais aucun médecin, fidèle aux principes traditionnels de sa profession, ne substituerait d’autres priorités au bien de ses patients ; il n’en serait absolument pas question, par exemple, que l’exercice du tri puisse servir de mécanisme pour rejeter des cas lourds dans le seul but d’augmenter la profitabilité des soins fournis — ce qui serait (libre de toute autre considération) l’intérêt administratif évident de toute entreprise, publique ou privée.

(Pas — je me précipite à préciser — que les professionnels médicaux soient des saints, collectivement au-dessus de tout reproche ! Il en existeraient très certainement — comme parmi tout classe de commerçants — qui s’avantagent délibérément au dépends de leur clientèle ; ou encore — comme parmi toute classe de fonctionnaires — qui s’en défilent sordidement des responsabilités de leur fonctions : mais, il n’en reste pas moins, qu’ensemble, et individuellement, une volonté sérieuse et consciente aient existé parmi les médecins (et existe encore aujourd’hui), d’agir uniquement en fonction des principes cités, même si, comme devant tout idéal moral, l’individu risque toujours de s’en écarter dans des circonstances précises.)

Par malheur cependant, dans sa nouvelle capacité de gérant des avoirs publiques, le médecin-type subit, aujourd’hui, des pressions considérables pour obtenir précisément ce résultat, c’est à dire : pour refuser sélectivement des soins dans le seul but d’épargner de l’argent, par principe. Car tout intendant de la richesse collective demeure conscient de l’exiguïté globale des ressources ; toute épargne représente une bénéfice pour l’ensemble ; et dans ce rôle : les médecins sont sommés à fournir une épargne maximale en tout temps.

Pourtant, même là, nous n’avions pas tout dit. Car ce n’est pas le simple refus de soins qui fait éthiquement le plus mal — ni même le retrait précoce de ceux-ci ; ce qui démarque l’ancien pratique du nouvelle, avec la plus grande clarté — ce qui constitue le plus important bienfait de l’héritage Hippocratique — se confirme dans le sort réservé, justement, à ceux qui furent rejetés par le tri.

— Une tournure ultime, du couteau dans la plaie : la mise à mort des patients sacrifiés

Naguère, ces malheureusement auraient pu être soignés (de manière palliative, dans la mesure des ressources disponibles) ; ou encore, ils pouvaient être totalement abandonnés. Mais dans aucun cas, ils n’étaient mis à mort, ceux-la, par leurs médecins. Personne, il faut y insister, ne se faisaient voler les derniers moments de sa vie dans le contexte du tri hippocratique : ni pour satisfaire aux préjugés impertinents des tiers (concernant la valeur moindre de sa vie) ; ni pour évacuer les manifestations d’une souffrance devenue gênante (parmi les élus survivants). Tels étaient, rappelons-nous, la promesse faite, et le serment solennellement juré, sur lequel reposait, jadis, la confiance de tout mourant devant la profession médicale.

L’introduction de l’euthanasie en soin bénin, cependant, change radicalement le paysage médical. Car sa promotion offre un mécanisme positif pour faciliter l’implémentation institutionnelle d’un véritable triage catastrophique de routine ; tout en dissimulant son opération : puisqu’il ne reste aucun souffrant dont la présence peut en témoigner des faits.

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Aristocrate. Soldat. Auteur. Philosophe. En nomination à plusieurs reprises pour les Prix Nobels : de Littérature, et de la Paix. Léon Tolstoï (1828 – 1910)

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