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1915, année propice pour le sentiment eugéniste: Une dévalorisation générale de la vie; Des chefs à caractère intransigeante - Euthanasie : De la discussion jaillit la lumière

1915, année propice pour le sentiment eugéniste: Une dévalorisation générale de la vie; Des chefs à caractère intransigeante

(Tome Deuxième : Sous l’ombre de l’euthanasie — Partie C : L’euthanasie et l’idéologie — Section II : Une description des sources idéologiques de l’euthanasie en Occident — Chapitre: 1915, année propice pour le sentiment eugéniste: Une dévalorisation générale de la vie; Des chefs à caractère intransigeante)

— L’état exceptionnel du monde

Les États Unis d’Helen Keller, quoique toujours en paix de façon nominale, partageait déjà la psychologie de guerre totale, devenue subitement universelle. Au niveau mondial (tel que répertorié dans le premier tome de cette ouvrage) ce fut une période où des idéologies violemment opposées –tantôt nationalistes et militairistes, tantôt internationalistes et révolutionnaires– s’étaient largement perfectionnés pendant au moins un demi-siècle de débat, et d’organisation, sur le terrain. Autant dans les agitations locales, alors, que sur le plan international : des lignes de conflit étaient vivement tirées sur des axes multiples.

La nouvelle maîtrise, technique et administrative, fournissait, certes, les moyens industriels pour soutenir cette folie destructrice sur une échelle inouïe, mais plus importantes encore, furent les innovations philosophiques connexes, du matérialisme scientifique Newtonien, et des inférences sociales, impitoyables, de Charles Darwin. Car les intellectuels modernes furent privés des certitudes théologiques d’un Père bienveillant, et s’efforçaient, depuis Rousseau, à chercher une nouvelle signification à la vie humaine, sous le signe de la Nature Primaire. Or, c’est à cet enseigne qu’ils eurent finalement improvisé –avec tout le courage de la nécessité, et du désespoir– un nouveau départ littéraire, cultural, et mythique, peuplé de valeurs héroïques puisées à la source de l’homme primitif, dans toute la gloire de sa violence naturelle. Tragiquement, à la fin, la rencontre de tous ces facteurs –idéologiques, technologiques, et psychologiques– s’est produite au moment décrit, avec l’éclat d’une foudre historique de premier ordre.

Le temps de préparation de la catastrophe européenne était maintenant passé. Le wagon des montagnes-russes, que j’aurais dépeint plus tôt dans sa montée inéluctable et mécanique vers son point d’équilibre fatidique, avaient définitivement basculé en avant pour échapper en chute libre, sur une tracée sans bornes, vers une destination inconnaissable. Dans cette occasion exceptionnelle, donc, l’écrivain peut se laisser emporter sans gêne, avec tous les adjectifs et avec toutes les images hyperboliques, car dans cette instance précise il n’y aurait aucune possibilité d’exagération: Les Quatre Chevaliers de l’Apocalypse (Guerre, Famine, Pestilence et Mort), courraient déjà librement en Europe (et dans les zones limitrophes) tandis que les tranchées et les tombeaux attendait, aussi sous peu, bon nombre des 2.8 millions de soldats Américains qui y apparaîtrait à leur tout (à partir d’avril, 1917). Pour tout dire: 1915, c’était une année où six des plus grandes puissances du monde –la Grande Bretagne avec ses colonies (dont le Canada), la France, l’Allemagne, la Russie, la Turquie et l’Empire Austro-hongrois– se trouvaient aux prises dans une guerre sans merci, et apparemment sans issue autre que l’épuisement total, des réserves humaines, d’un camp ou de l’autre. C’était un moment ou chaque nation, chaque classe –presque chaque personne active– caressaient l’un des idéaux décrits ci-haut (de nationalisme, de révolution — ou des deux à la fois), tant reluisants et d’inspiration si grandiose; mais dont le chemin engagé passerait dans chaque cas par les plus grands sacrifices: par de véritables chemins de cadavres.

Je n’ose seulement insister, ici, sur ces circonstances déplaisantes, du fait que ce fut dans ce monde précis que la question de l’euthanasie enfantine s’est avancée soudainement sur la place publique grâce aux agissements du Dr Harry J. Haiselden, Chirurgien en Chef du German-American Hospital, Chicago, Illinois. Quel contexte social, en effet, aurait pu se montrer plus accueillant à cette proposition, de sacrifier systématiquement les enfants déficients aux idéaux de la purification sociale ? Car dans le contexte réel de 1915, des millions de précieux hommes, et garçons, étaient déjà tombés, volontairement, en sacrifice idéaliste, dans la poursuit de ce même but. Et si les meilleurs éléments de la société –ses plus grands trésors humains– s’étaient montrés prêts à mourir, sans hésitation, dans leurs milliers et dans leurs millions, pour le renouveau collectif, ne pourrait-on pas demander ce même sacrifice aux pires éléments ? c’est-à-dire à ces éléments « anormaux » dont la simple « tolérance » représenterait (comme nous le verrons plus tard) une atteinte quasi-blasphématoire à la perception du « sacré » dans la vie normale ?

C’était un moment, pour tout dire, ou la perte de vie était devenue d’une banalité absolument triviale, et en conséquence, où les discours publics pouvaient s’engager sur des terrains jusqu’alors pratiquement interdits. Je dirais même que ce soit dans ce simple phénomène de banalisation, et de désensibilisation, à la souffrance et à la mort, que nous puissions identifier la véritable « Pente Glissante » humaine dans toutes les périodes de notre histoire. Car autant que la mort — et la mise à mort — deviennent suffisamment communes dans la vie quotidienne, pour obliger nos penseurs d’en chercher des explications, articulées en termes rationaux de nécessité désirable, autant la porte conceptuelle s’ouvre vers la normalisation du tragique, de l’absurde et de l’atroce. Et telle, je crois, serait l’explication ponctuelle des paroles d’Helen Keller rapportées ici; paroles qui débordent nettement du discours classique sur la miséricorde offerte, peut-être, par voie de négligence bénigne; pour aborder (à ma connaissance pour la première fois) l’idée d’un programme systématique, et obligatoire, d’infanticide préventif, institutionnellement implémenté au sens moderne des mots.

Très certainement, ce ne sont pas toutes les caractères d’homme (ou de femme), qui peuvent monter à l’avant scène des affaires publiques, dans de tels tournants rudes de l’histoire. Et avant de continuer avec la description de sa proposition il serait peut-être intéressant, préalablement, d’examiner comment Helen Keller se trouva si évidemment à sa place, dans cette conjoncture exceptionnelle.

— La caractère dur des hommes qui héritèrent du pouvoir exécutif dans cette extrémité historique

La société est vaste, profonde et pluraliste. Elle contient à l’intérieur d’elle-même une gamme infinie de types individuels, et elle peut, ainsi, produire au besoin des chefs, et des gens actifs, capables de répondre aux exigences les plus diverses. En ce qui traite de la période qui nous concerne: très peu de personnes seraient capables de vivre (voire: de supporter) de telles émotions, et encore moins, de fonctionner avec efficacité dans les circonstances dépeintes. Au contraire, ceux qui peuvent le faire forment un petit groupe à part. Il sont des gens souvent mal adaptés à la vie paisible; des gens dont la caractère particulière peut empêcher la réussite en temps normal, malgré des talents évidents. Mais ce sont aussi, des gens qui peuvent sortir opportunément de l’obscurité dans les moments de crise extrêmes (à l’image d’un Ulysses S. Grant, plusieurs fois raté dans la vie civile, mais vainqueur de la Guerre Civile Américaine, et dix-huitième Président des États Unis). Car aux moment où les cœurs plus tendres fléchissent, où les paroles inspirantes ne suffisent plus, quand les théoriciens normalement en autorité perdent le sang-froid: une certaine sorte d’être particulièrement résilient (ou tout simplement insensible à la souffrance immédiate), se révèle indispensable à la survie de tous.

Or, tel est le portrait des hommes et des femmes, d’action, qui montaient au premier plan de la société dans ce deuxième décennie difficile du vingtième siècle; un portrait dont la marque principale se résumaient (outre la capacité de fonctionner de façon efficace dans les moments les plus exigeantes), dans une sorte de détermination inconditionnelle, accompagnée dans la circonstance par une sévérité intransigeante et impitoyable.

C’était un caractère qui permettait, par exemple, à l’Haut commandement allemand d’affirmer que ses 140,000 soldats morts, dans la seule bataille de Verdun (février à décembre, 1916) — aussi longue et farouche qu’insatisfaisant — avaient gagné une victoire objective dans le fait qu’ils avaient tué 167,000 Français; tandis que ces derniers réclamait la même victoire, du fait qu’après cette carnage, incroyable, ils possédaient toujours le gros de leurs positions dans ce secteur, et que la perte de presque 400,000 soldats Français (incluant aussi les blessés et les perdus) était un « prix » rationnel à payer; puisque la France et ses Alliés pouvaient plus facilement remplacer ceux-ci que leurs ennemis, Allemands, ne pouvaient remplacer les 350,000 perdus, des leurs. C’était une caractère enfin, en 1918, après plus de trois ans et demi de guerre — après la mort combiné de presque 10,000,000 d’hommes combattants (et autant de civiles en plus) — qui permettrait au Generalfeldmarschalle Paul Von Hindenberg (1847-1934) et à son chef major Erich Ludendorff (1865 – 1937), de promettre qu’ils pouvaient toujours briser la ligne française, à la seule condition qu’ils soient autorisés à « dépenser » un demi-million de plus ! Et finalement, tragiquement, c’était une caractère (ou peut-être seulement l’affectation d’une caractère) qui permit au Kaiser Wilhelm II d’accepter cette promesse en plan réaliste, et d’autorisé la dernière grande offensive allemande du printemps 1918 (nommé Bataille du Kaiser, ou Kaiserschlacht), aussi meurtrière qu’inutile, lancée par une Allemagne objectivement épuisée et défaite. Manifestement alors, cette caractère –et ces événements– s’étaient combinés pour produire, en ce moment, un climat général de calculs, froids et « réalistes », qui tendait à réduire la valeur comptable des vies individuelles, à presque rien.

Or, pour placer un contrepoids vivant, en opposition à ce type humain, possiblement nécessaire, mais toujours quelque peu sinistre: comment pourrait-on trouver mieux, que la figure d’une jeune femme, belle, brillante (et handicapée de surcroît), qui épousait les causes exactement opposées, de progrès social, d’union internationale et de paix ?

Et pourtant! Comme les apparences peuvent s’avérer trompeuses! Car il semblerait, au contraire, que Helen Keller ait été tout à fait adapté à son instant de l’histoire; et que derrière les manipulations rhétoriques employées pour prêter une mine de supériorité morale à ses intentions idéologiques: la caractère d’Helen Keller présenta beaucoup plus de similarités, que de différences, avec celles des dirigeants, “durs”, qui accédaient organiquement au pouvoir, au même moment.

Paul von Beneckendorff und von Hindenburg (1847-1934) (à gauche) et Erich Friedrich Wilhelm Ludendorff (1865 – 1937) (à droite). À partir de 1916, ce duo exerça une véritable dictature militaire en Allemagne.

Renversant la stratégie défensive de leur prédécesseurs, ils réussirent, 1917, à vaincre la Russie, et à concentrer les soldats ainsi libérées, sur le Front de l’Ouest. Sans l’intervention, en masse, des forces Américaines, il est très probable que l’issue de la guerre eut été différente.

Sans être des partisans d’Adolf Hitler, Hindenburg et Ludendorff partageaient, avec celui-ci, les sentiments militaristes. Ludendorff, par exemple, était associé avec Hitler dans le “Putsch de la Brasserie” (1923), tandis que ce fut Hindenburg, comme Président du Reich, qui nomma Hitler en Chancelier (1933).

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