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"Bonheur", "Intelligence", et "Pouvoir" versus "Espoir", "Foi", et "Amour": une fausse représentation de la satisfaction véritable, autant dans la vie "normale" que dans celle des personnes handicapées - Euthanasie : De la discussion jaillit la lumière

“Bonheur”, “Intelligence”, et “Pouvoir” versus “Espoir”, “Foi”, et “Amour”: une fausse représentation de la satisfaction véritable, autant dans la vie “normale” que dans celle des personnes handicapées

(Tome Deuxième : Sous l’ombre de l’euthanasie — Partie C : L’euthanasie et l’idéologie — Section IV : La proposition d’infanticide, avancée par Helen Keller, 1915 — Chapitre: “Bonheur”, “Intelligence”, et “Pouvoir” versus “Espoir”, “Foi”, et “Amour”: une fausse représentation de la satisfaction véritable, autant dans la vie “normale” que dans celle des personnes handicapées)

–Au-delà de l’économie utilitaire: des préjugés coriaces

Tel que relaté dans notre dernier chapitre, les objectifs de notre héroïne (en proposant un régime d’infanticide sélectif) relevaient, avant tout, des exigences utilitaires de l’économie collective.

Dans son environnement contemporain, cependant –toujours dominé par la morale chrétienne– l’argument économique direct était conventionnellement irrecevable. Et c’est ainsi que Helen ait voulu utilisé le lexique eugénique: pour contourner les scrupules moraux de son auditoire traditionnel, en s’adressant simultanément à ses aspirations les plus élevées, et à ses préjugés les plus sombres.

En particulier, face à la notion de valeur “sacrée” (de la vie): la réception favorable des conclusions de Mlle Keller dépendrait du fait préalable que son auditoire eût été bien persuadé que ces êtres dépendants ne sont pas de véritables “personnes”. Or, pour tirer cette distinction, Mlle Keller présenta sa liste, personnelle, des qualités nécessaires à la vie « sacrée », et dont certains handicapés en sont (selon elle) dépourvus.

–Des charges morales: qui demandent une réponse sur leurs mérites propres; mais qui servent, surtout, de digression pour masquer l’économique cru

Clairement, cette liste de qualités positives est très révélatrice au sujet des préjugés partout partagés (d’antan et d’aujourd’hui) concernant les vies qui méritent (et qui ne méritent pas) de vivre. Décidément, aussi, il nous serait tout autant profitable de nous attarder sur le fondement de ces idées reçues.

Malheureusement, je sais très pertinemment, aussi, qu’en ce faisant nous nous prêtons volontiers au jeu préparé par Mlle Keller, qui consiste tout simplement à “noyer le poisson”: en multipliant à l’infini les digressions dans le discours; et en détournant notre regarde du seul élément réellement essentiel (l’argument économique): qui agit sans cesse en sourdine, avec un effet d’autant plus formidable qu’il ne soit si peu soumis à l’attention directe.

Souffrant moi-même, pourtant, de handicaps importants, je me sens viscéralement incapable de laisser passer ces calomnies; de permettre que cette discussion de la valeur humaine soit articulée, seulement, au niveau du regard extérieur. Je souhaiterais, donc, que le lecteur bénéficie d’une analyse qui ne soit pas bâtie, uniquement, à partir de peurs irrationnelles émanant des personnes indemnes; de peurs fondées, essentiellement, dans l’ignorance.

Ou encore: considérant que ce débat nous présente un choix fondamental entre des systèmes éthiques de souches opposées (centrées pour l’une dans la subjectivité personnelle, et pour l’autre dans l’objectivité collective), je ne peux m’empêcher –au moins un instant– de parler dans le langage de la subjectivité.

Alors (une fois de plus): quels sont (selon Helen Keller) les attributs nécessaires à la vie « sacrée » ?

–Le bonheur

Premièrement on y trouve « le bonheur », avec la suggestion sous-jacente qu’une vie malheureuse ne vaudrait pas la peine d’être vécue.

Mais quel énoncé extraordinaire !

J’ignorerais, pour l’instant, l’énormité de la présomption que l’on puisse porter un jugement extérieur sur ce fait des plus subjectifs qui soit l’expérience du bonheur. Je me contenterais simplement à signaler que le bonheur est une émotion contextuelle. Comme nous le savons tous, la même personne serait plus facilement heureuse (ou le contraire) dépendant des circonstances qui l’entourent, sans que soient altérées les caractéristiques qui la définissent pour elle-même; ou autrement dit: sans qu’elle ne soit plus ou moins intelligente, ou plus ou moins puissante (pour reprendre les caractéristiques spécialement retenues par notre auteure).

En fait, les apôtres des droits des personnes handicapées prétendent, et non sans raison: que l’état malheureux, si généralement associé (dans l’imagination populaire) avec la vie handicapée, soit d’abord, et avant tout, le résultat des piètres conditions dans lesquelles la collectivité aurait choisi –par mégarde, par impuissance, ou par dessin– que ces mêmes handicapés ont dû, si souvent, poursuive leurs vies.

Mais surtout, l’idée sous-entendue (qu’une vie malheureuse ne vaudrait pas la peine d’être vécue) est une proposition aberrante, très évidement rejetée dans la pratique –partout et toujours– par tous ceux et celles qui s’obstinent à vivre, malgré leurs chagrins particuliers.

— L’intelligence

Considérons maintenant l’intelligence: choisie par Mlle Keller, certes, du fait qu’elle possédait cette faculté dans un degré supérieur; et qu’elle serait, donc, portée naturellement à créditer cette intelligence comme le moyen par lequel elle était parvenue, elle-même, à réaliser une certaine mesure de bonheur.

Mais imaginons, un instant, qu’Helen n’eût pas été entourée de personnes motivées par l’amour (et qui plus est: des personnes pourvues de moyens substantiels qu’elles s’efforcèrent à déployer pour son bien). Imaginons, au contraire, qu’elle eût été assujettie –comme tant d’autres « déficients »– à la négligence (sinon à l’abus grossier) de la part d’un entourage indifférent, ou franchement hostile ?

Eût-elle été aussi « heureuse » ?

Imaginons ,enfin, une autre jeune fille similairement sourde et aveugle, peut-être moins douée de l’intelligence celle-là, mais qui eût eu, aussi, la chance d’être entourée d’amour et de tendresse, respectueux et protecteurs. N’est-ce pas possible que cette fillette ait été encore plus heureuse qu’une Helen Keller négligée ou activement abusée –aussi intelligente soit-elle– et même pour tout dire (dans les limites de son destin moins extraordinaire) toute aussi heureuse qu’Helen Keller, telle que nous l’ayons réellement connu ?

–Le pouvoir

Finalement, considérons le « pouvoir », troisième attribut choisi par Mlle. Keller pour définir la vie dans son caractère « sacré ».

Dépassons rapidement les associations évidentes de ce mot avec la poétique rustre du néo-primitivisme romantique, tant influente dans sa génération (et citée ailleurs dans ce pages); le culte Teuton de la jouissance dans la force primaire de la jeunesse, par exemple (raconté par Tacitus et repris par Mendel). Admettons, surtout, que cette phase de vie magique ne dure qu’un moment, éphémère, dans l’expérience de l’individu type; et dont la plein valeur serait appréciée, d’habitude, seulement après son passage.

Que signifie, alors, le “pouvoir” (ou la “puissance”) dans la vie normale?

Est-ce le pouvoir de vivre de façon entièrement indépendant de l’aide d’autrui ? (Mais combien de personnes peuvent ou voudraient réellement vivre ainsi ?) Ou est-ce, au contraire, le pouvoir d’engager et de commander le travail d’autres personnes, de sorte que nos impuissances soient masquées et même éliminées (c’est-à-dire le pouvoir tel qu’Helen –et tous les autres membres des castes supérieures, passées et présentes– l’ait réellement connu, avec la dévotion de ses servants, et de ses amis) ? Ou est-ce les deux à la fois, un pouvoir (toujours déficient) de l’individu humain: partiellement amélioré (dans notre modernité) par un entrepreneuriat engagé dans le développement constant de machines et d’applications toujours plus performantes (dans la sphère de l’autonomie personnelle); mais ultimement soutenu par un engagement social pour pallier aux déficiences résiduelles (manifesté parmi l’entourage intime d’abord, mais public au besoin), un engagement informé non par le mépris, mais par le respect de la personne assistée ?

Il y aurait, donc (et tel que déjà remarqué), un argument très fort à présenter du perspective des droits de la personne handicapée, à l’effet que le « pouvoir » (de toute personne) n’est pas déterminé par son état physique, ou mental, autant que par la place qu’il lui soit permis d’occuper dans la société environnante.

–Un monde où la normalité et l’état handicapé se confondent dans les faits

Pour constater plus généralement les niveaux, typiques, de “pouvoir”, “d’intelligence”, et de “bonheur”, convenons-nous seulement des faits suivants:

Nous vivons actuellement dans un monde habité de personnes dites « normales » dont la moitié (par définition) présente des quotients intellectuels de moins de 100, et pour le quart, inférieur a 90; nous vivons, aussi, dans un monde peuplé de personnes “normales” qui sont objectivement incapables d’imposer leur volonté (ni d’échapper à l’imposition des volontés extérieures), et cela, quelque soit la qualité de leurs capacités physiques; et finalement, nous vivons dans un monde ou grand nombre de personnes –parfaitement “normales”– se qualifient de malheureux.

Nous vivons, donc, dans un monde qui comporte une fraction importante de personnes n’ayant ni “l’intelligence” ni le “pouvoir” valorisés par Mlle Keller, et dont le bonheur –dans la mesure où elles le possèdent– ne dépendent pas de ces caractéristiques. Il dépend plutôt, de certaines forces positives de la psychologie humaine, traditionnellement nommées “l’espoir” (une attente positive toujours renouvelée); la “foi” (une confiance transcendante); et “l’amour” (qui en est l’expérience et l’expression: un lien de bienveillance –à l’égard du tout– qui dépasse l’intérêt personnel); des forces, enfin, qui rendent l’esprit heureux: dans l’absence, même, du “bonheur”.

–En dernier lieu: l’amour

Ce sont des mots (avec tous leurs synonymes) qui sont partout présentes dans les écrits de Mlle Keller (cette dame qui les vivait –et qui les personnifiait même– dans un degré tant exceptionnel). Son récit des bienfaits de l’euthanasie, cependant, s’en trouve entièrement dépourvu; et plus particulièrement: en est

absent “l’amour”, ce mot dont le sentiment sert de moteur ultime pour tous les actions, positives, de nature sociale.

Car Helen (malheureusement) s’est apparemment décidée –lucidement et froidement– de refuser cet amour (tant évident partout ailleurs dans son discours) à ce qu’elle appelle des « pauvres créatures, malformées, paralysées, et idiotes », sauf (bien sur) dans la mesure où le geste de tuer peut, lui-même, s’interpréter en geste d’amour.

–Un commentaire personnel en guise de conclusion

Cher(e)s lecteurs et lectrices: j’avoue que ce sont mes propres expériences de la vie “déficiente” qui me fait ainsi insurger contre les préjugés arrogants véhiculés par Mlle Keller. Et pour m’y objecter –en fait pour me protéger personnellement, des conséquences fatales ici suggérées– il me semble nécessaire d’offrir une fenêtre plus directe sur la subjectivité des personnes concernées, et sur nos désirs, presque universels, de survivre.

Pour écarter toute ambiguïté : je veux vivre.

Aussi, sachant que ma survie dépendent ultimement de la volonté des tiers: j’aimerais faire tout mon possible pour stimuler, chez le lecteur, une sympathie protectrice qui soit fondée dans l’expérience de notre humanité commune.

Mais toujours est-il –dans la logique de l’euthanasie utilitaire– de telles considérations subjectives sont entièrement sans rapport.

Car selon l’ethos social de Mlle Keller –c’est-à-dire pour tout collectiviste lucide et conséquent (voire tout marxiste, ou fasciste, “réaliste”)– seulement la valeur objective de l’individu (à l’égard de la collectivité) peut justifier son existence.

Or, perçus ainsi: les handicapés –intellectuels ou physiques– exigent l’octroi de ressources importantes, sans pouvoir contribuer dans une mesure équivalente.

Tel serait, sans détour, la justification profonde de tout régime d’euthanasie utilitaire. Le reste ne consiste, malheureusement, que d’astuces rhétoriques et de digressions dans l’argument.

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Poursuivre la lecture du texte en séquence linéaire: (Tome Deuxième: Sous l’ombre de l’euthanasie — Partie C: L’euthanasie et l’idéologie — Section IV: La proposition d’infanticide, avancée par Helen Keller, 1915 — Chapitre: Helen Keller et l’aveuglement rationalisant du subjectif)

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