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H.K. : La conclusion d'une introduction - Euthanasie : De la discussion jaillit la lumière

H.K. : La conclusion d’une introduction

(Tome Deuxième : Sous l’ombre de l’euthanasie — Partie C : L’euthanasie et l’idéologie — Section II : Une description des sources idéologiques de l’euthanasie en Occident — Chapitre: H.K. : La conclusion d’une introduction)

-Un devoir de dépasser les impressions superficielles

Malheureusement pour Helen Keller –et aussi pour notre compréhension présente de sa contribution à la pensée de notre espèce– les préjugés du départ qui entourent ce personnage, étaient (et seront toujours) extrêmement difficile à surmonter.

En examinant les témoignages vidéos existants (archives 1, archives 2) par exemple, nous constatons immédiatement l’effet de ce qu’elle qualifiait, elle-même, de son plus grand regret personnel –non sa surdité, ni son aveuglement– mais bien la pauvre qualité de ses paroles livrées à haut voix. Car en raison de ce défaut, Helen se trouvait dans l’obligation d’utiliser, toujours, une assistante pour répéter plus convenablement ce qu’elle disait; et cette circonstance lui imposait, de par le fait même, un filtre et une distance dans son rapport avec son auditoire (en plus de produire une image visuelle suggérant, d’avantage, le caractère d’une personne à part, sous la protection –et sous la tutelle– des tiers).

Mais essayons quand-même à dépasser ces préjugées indissociables (autant à l’époque que de nos jours) de la personne handicapée (et surtout de la personne dont le handicap résulte dans une faculté de parole largement incompréhensible). Essayons de considérer les faits, plutôt, tels qu’ils devaient apparaître au premier concerné. Soyons assez perspicaces à l’étude des vidéos survivantes, pour retenir cette image, plutôt, d’une femme souriante: possédant un posture vertical de danseuse; enjouée; utilisant chaque atome d’avantage –d’intelligence et de grâce– dont elle pouvait se prévaloir. Créditons cette image comme indice fidèle de la vraie Helen Keller, et non s’attarder à la voix, décevante, qui nous rejoint à travers la barrière de la surdité.

Admettons, au contraire, et même dans cette instance, la grandeur de l’exploit: d’avoir cultivé la parole jusqu’à ce point avancé sans pouvoir s’ajuster, ni selon les sons émis, et ni même par l’étude visuelle de ses interlocuteurs.

— Une époque où l’on risqua tout, et Helen encore plus qu’un autre

Pour Helen Keller, et tel que décrit, les luttes du vingtième siècle étaient franchement engagées, et non comme simple témoin impuissant de passage, mais bien comme idéologue influente. Et au-delà des sacrifices spéculatifs ultérieurs (acceptés d’emblée par tout combattant lucide), Helen s’était engagée aussi, dans l’immédiat, avec des risques de pertes financières appréciables, qui serait spécifiques à elle.

Car tout le personnage public de cette demoiselle avait été bâti sur la légende (et sur la réalité) de son miracle personnel. Ce fut un caractère qui lui gagnait une sympathie universelle; qui lui ouvrait toutes les portes; et qui, en particulier, lui garantissait, et les fonds requis pour vivre, et ceux employés pour poursuivre ses œuvres dans le domaine de l’éducation des sourdes et des aveugles. Or, des déclarations publiques et partisanes, comme celles rapportées ci-avant, ne pouvaient qu’aliéner des intérêts et des donateurs importants.

Souvenons nous, à cet escient, que Helen avait publiquement proclamé sa lutte “à finir” comme étant une contre “le système économique sous lequel nous vivons” et rien de moins. Très certainement, les pertes financières auxquelles elle s’exposait en utilisant une telle rhétorique (quoique impossible à estimer avec précision) risquaient d’être très appréciables –et peut-être même déterminantes– pour sa carrière de récolteuse de fonds charitables.

Souvenons-nous également des implications financières de l’handicap: Car pour Helen Keller, dans sa précarité première, les risques de pauvreté seraient toujours infiniment plus grands que celles de ses concitoyennes « normales » tandis que les besoins minimaux de sa survie, dans la dignité, seraient d’autant plus grands, de sorte que toute perte subie serait plus importante pour elle que pour un autre.

Il serait toujours facile de se berner dans l’imagination que Mlle Keller était tout simplement inconsciente des conséquences de ces gestes, de la portée de ses dires. Mais aux contraire: elle en était lucidement consciente; et consciente, aussi, du fardeau de la lucidité; une conscience, d’ailleurs, qu’elle partage avec nous dans les mots suivants:

“Les gens (sic) n’aiment pas penser. Si nous pensons, nous devons arriver a des conclusions. Les conclusions ne sont pas toujours plaisantes.”

À la fin, en essayant de me représenter la réalité de cette femme, à Carnegie Hall en 1916, qui se présentait devant des milliers de personnes: incapables de les voir; incapable même d’entendre les réactions à son discours (mais finement sensible à toute vibration ambiante, et submergée, donc dans les tonnerres de la foule); guidée par sa compagne fidèle; seule devant le microphone où elle prononça son discours dans le silence absolu; incapable surtout d’entendre sa propre voix –et de livrer par l’occasion un message d’une telle combativité!

Le tout me semble presque impossible de description.

— Un dernier regard sur la stature du personnage

Décidément, nous sommes ici (et je le répète sans peur de contradiction) devant un esprit proprement héroïque: qui habita une période historique particulièrement bien adaptée à son caractère; où elle figurera, à tout jamais, parmi les personnages les mieux remémorés.

Exagération ? Eh bien, considérons les faits:

Albert Einstein, celui qui passera toujours pour la première intelligence de sa génération, disait lui-même que cette place appartenait plutôt à Mlle. Keller.

Aussi, le premier homme d’action contemporain, celui qui scella les destins de millions d’hommes sous les armes, en Europe comme en Russie; celui qui aurait certainement réalisé une victoire Allemande sans l’intervention Américaine (et qui fut élu, plus tard, à la Présidence de la République Allemande) était Paul von Beneckendorff und von Hindenburg. Mais lequel, des deux, est le mieux connu de nos jours : le nom d’Helen Keller ? Ou celui de Von Hindenberg ?

La réponse, apparemment, se détermine seulement par la compagnie dans laquelle serait posée cette question. Car ma fille cadette connaît très bien (à quinze ans) le personnage d’Helen Keller –tandis qu’elle ignore, encore, tout du Général.

Mais peu importe. Ces deux personnages partageaient, de toute évidence, des caractères spécialement accordés à cette époque d’exception (qui fut celle de la Grand Guerre). Et aussi surprenant que cela puisse nous paraître, il paraîtrait qu’ils partageaient, également, une capacité importante d’embrasser la mort, industriellement administrée, en sous-produit inéluctable de ce qu’ils croyaient, tous les deux, être des réponses rationnelles aux défis de leur époque. Car c’était cette époque elle-même qui les sélectionna.

En ce qui concerne notre sujet premier, c’est à dire l’euthanasie (et plus particulièrement l’euthanasie utilitaire), je crois que seulement le climat de violence et de mort, extraordinaire, de 1915 –préparé depuis cinquante ans dans l’extrême militarisation nationaliste; articulé avec les moyens techniques de l’industrialisation moderne; et normalisé, finalement, au quotidien d’une Guerre Totale de durée indéfinie– ait pu expliquer, adéquatement, l’irruption soudaine (dans un pays pourtant dédié à la proposition de l’égalité des personnes) d’un débat sérieux au sujet de l’euthanasie utilitaire des enfants handicapés.

Or, qu’Helen Keller ait été choisie pour être celle qui définirait, pour toujours, les paramètres de ce débat –par le sort, par l’histoire, par ses capacités particulières, ou par son ambition propre– est un simple constat du fait. Et de ce fait, elle aurait gagné le droit, indéniable, que l’on transcende les croyances et les préjugés superficiels entourant son personnage mythique, pour s’attarder froidement sur le sens exacte de ses paroles.

Enfin, c’est n’est rien d’autre que cela, qu’elle nous demande directement dans ses dires; et nous avons le devoir, je le répète (dans le respect que nous la tiendrons toujours): à la prendre au mot.

Mais avant de pouvoir procéder dans ce sens, et pour mieux comprendre le tout, j’inviterais le lecteur à s’attarder brièvement, dans la suite, sur les traditions philosophiques (encore largement dominantes à son époque) contre lesquelles Mlle Keller devait se mesurer, pour avancer sa thèse révolutionnaire.

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Poursuivre la lecture du texte en séquence linéaire… (Tome Deuxième : Sous l’ombre de l’euthanasie — Partie C : L’euthanasie et l’idéologie – Section III – Le patrimoine philosophique ancestral : le caractère sacré de la vie ; la valeur intrinsèque de l’individu humain ; les origines divines de « l’égalité » politique — Chapitre : Une heureuse occasion pour décrire, enfin, une tradition plus positive)

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